Sunday, December 25, 2011
La Tripartite en 2010, en 2011, en 2012, en 2013 et en 2014
Wednesday, November 30, 2011
Et pourquoi pas une petite partie de tripartite?
Bon vieux temps, 1960. Brochure publiée par le "Luxembourg Board of Industrial Development". Lorsque le Luxembourg était encore capable d'attirer des industries manufacturières ...
La tripartite luxembourgeoise fonctionnait à merveille comme remède à la crise historique de l'acier de 1975. Elle fournissait un contexte pour un effort de solidarité nationale et des solutions créatives comme la DAC, Division Anticrise, qui occupait des milliers de personnes à des travaux d'utilité publique. Sans ces mesures, le chômage qui n'existait virtuellement pas en 1975, serait passé de 0 à des milliers de chômeurs, chose inadmissible psychologiquement à l'époque.
Cette tripartite était un joli triangle équilatéral qui avait pour sommet le gouvernement et à sa base le patronat et les syndicats. 35 ans plus tard, il faut se rendre à l'évidence que la tripartite de bon papa n'existe plus sous forme de triangle équilatéral, qui donnait le même poids aux trois participants. Il faudra bel et bien trouver des mécanismes d'adaptation, pour sortir du déséquilibre des forces et du blocage résultant. Car il faut réaliser qu'au bout de 35 ans, le centre de gravité s'est déplacé en faveur du patronat, avec l'approbation du gouvernement, Ministre de l'Economie inclus.
L'indexation automatique des salaires, clé de voûte de la tripartite, était destinée à préserver le pouvoir d'achat des salariés. C'était un dispositif de pilotage automatique, qui assurait donc aussi une vie paisible aux représentants des partenaires sociaux, bref la paix sociale. L'indexation automatique a été pervertie cependant par la suite. Au fil des années elle a procuré au salariat une participation somme toute limitée à la manne des années de vaches grasses par son effet de freinage, limitant la vitesse de croissance des salaires à des petits pas de 2,5% aux échéances des tranches indiciaires. Elle est par contre dégradée en un arrangement vieillot qu'on a pris l'habitude de suspendre en temps de crise, avec l'effet net de diminuer le pouvoir d'achat des salariés, du moins par rapport au panier de base des accords.
La parole du jour est la compétitivité ou plutôt sa perte, avec comme conséquence, logique dit-on, le nécessaire plafonnage des salaires, ou mieux leur diminution en termes réels. L'indexation a donc cessé de servir les intérêts des preneurs d'emploi: c'est devenu un sens unique. La suspension de la prochaine tranche indiciaire est déjà programmée. En ce cas, il faudra bel et bien adapter la tripartite à la nouvelle donne.
Pour le patronat, la Terre est plate
L' Union Européenne d'abord, la globalisation ensuite ont facilité l'accès aux marchés. L'industrie luxembourgeoise, notamment l'acier, en a profité jusqu'au retour de manivelle: les producteurs émergeants de l'acier ont inondé la même terre plate avec des produits moins chers. Les services financiers, surtout basés sur la niche souveraine de l'imposition, se voient la cible des assauts des gouvernements étrangers et des régulateurs européens, jusqu'à ce que l'avantage fiscal s'érode.
Si l'environnement fiscal se dégradait, les services financiers iraient ailleurs. L'industrie par contre disait la sagesse universellement admise, est clouée au sol par le poids de ses investissements immobilisés. Ce n'est plus vrai à l'heure d'un Mittal, Good Year , Villeroy Boch et Dupont: une ligne de production est aisément transférée à l'intérieur du groupe sous des cieux plus cléments. Il en va de même des services locaux et l'artisanat. Pas de délocalisation, certes, mais une concurrence accrue des régions limitrophes dans la grande région.
Combinée au chiffre sous-estimé de 15,000 chômeurs, cette menace permanente de délocalisation est une situation d'otage de fait et le gouvernement souffre du syndrome de Stockholm, cette réaction psychologique qui fait sympathiser l'otage avec le preneur d'otage. Encore qu'en ce cas-ci, le preneur d'otage est lui-même otage et ne fait qu'obéir aux lois de la Terre plate, qui déterminent la viabilité d'une entreprise.
Le Gouvernement du syndrome de Stockholm
On comprendra que la première réaction du gouvernement dans ces circonstances soit la sympathie pour la cause des employeurs. La photo instantanée de l'économie luxembourgeoise n'est pas bonne en ces temps de crise. Les conséquences pour le gouvernement sont des revenus en déclin, un chômage qui augmente, une productivité qui diminue et une pression continue de l'étranger pour éradiquer les niches souveraines de prospérité. Il est clair que la réaction superficielle est d'en conclure de geler l'index.
Il en est de même avec la négligence bénigne avec laquelle on affronte l'armée des chômeurs, comme une fatalité. Or c'est un drain sur la capacité du pays de bien survivre la tempête parfaite qui est en train de se former autour de la danse infernale de l'Euro. Force est de constater que les numéros un et deux de notre gouvernement pensent qu'ils sont élus, l'un pour sauver la Grèce et un Euro moribond, l'autre pour sauver le monde avec l'ambition de faire siéger le Luxembourg au Conseil de Sécurité de l'ONU. Ils ne sont pas disponibles pendant que notre toit est en feu. Bon nombre d'électeurs ne comprennent pas cet acharnement de poursuivre des ambitions personnelles, qu'il est difficile de concilier avec l'intérêt national. Au contraire, beaucoup voient le danger que tous deux, et à travers eux le Luxembourg, se retrouvent en position de bouc émissaire, si les choses vont mal.
Pendant ce temps-là, la question de l'index suppure depuis plus d'un an. Il y a 15.000 chômeurs et la pauvreté enlaidit le Pays de Cocagne. Le devoir à domicile ne s'arrête pas là. La dépendance de l'économie nationale sur le centre financier est effrayante. Le développement industriel stagne. Aucune industrie n'est venue s'installer au Luxembourg depuis de nombreuses années. La bureaucratie est un frein, les obstacles administratifs sont décourageants, sans oublier que le système judiciaire, aux moyens anémiques pour un centre financier mondial, n'est pas en mesure de délivrer justice dans des délais raisonnables, élément non négligeable pour former un cadre économique performant. Dans ce contexte, se borner à designer l'index comme source du mal, montre bien qu'on a fait l'impasse sur le devoir à domicile.
Syndicalistes somnolents: la lutte syndicale est un long fleuve tranquille
Cette contradiction entre lutte et tranquillité me fait penser au syndicalisme d'antan, où un bon coup de gueule était OK. Nous avons une nouvelle génération de syndicalistes fonctionnarisés qui sont aussi conseillers communaux, députés, bref cumulards. Le même syndrome de Stockholm se produit chez eux. D'où la prédilection pour des solutions calmes et feutrées qui conviennent pour des héros de la paix sociale: nous parlons de tripartite et surtout de l'indexation des salaires. Finalement cette indexation a fini par devenir un marché de dupes: c'est le plafonnement quand tout va bien, le désembrayage quand cela va mal. Cette automatisation n'est pas la lutte, c'est la promenade pépère et nonchalante au bord du long fleuve tranquille. L' indexation a fini d'être une solution.
Maintenant que le réveil sonne et que l'urgence est là, les syndicats sont pratiquement devant un fait accompli annoncé par certains ministres: la tranche d'index sera retardée. C'est sans doute le moment pour les syndicats de vendre cher la flexibilité à répétition qui leur est demandée, et de s'adapter au nouveau paradigme. Car enfin, à quoi sert une indexation automatique qui aux moments de crise met les syndicats sous pression et les fait reculer. C'est la lutte syndicale à l'envers.
La nouvelle ligne syndicale pourrait très bien abandonner l'automatisme des tranches indiciaires qui ne fonctionne plus correctement, pour retourner forcément à des négociations salariales annuelles ou bisannuelles, où l'index sert de fil conducteur sans négliger d'autres aspects comme la sécurité sociale, l'éducation qui entreront dans un paquet d'accords. C'est un modèle certes moins commode, mais plus participatif, plus engagé et plus transparent, car la performance des entreprises, visible, entrera dans l'équation. En cas de difficulté, chaque partenaire serait un artisan de son bonheur ou malheur.
Un changement de paradigme crée une chance de sortie du blocage actuel, rend le triangle de nouveau équilatéral et permettra une vraie négociation entre partenaires tripartites, avec des propositions et des contre-propositions. Bref: une voie qui n'est pas un sens unique. Les luxembourgeois finiront par être ce qu'ils ont toujours été: des gens raisonnables.
Mais attention: pour cet avenir là, les syndicats devront disposer d'une cagnotte pour leur permettre de dire non, action syndicale à l'appui. Mais cela n'est pas très luxembourgeois.
Wednesday, November 10, 2010
Luxembourg: la tripartite est morte, vive la monopartite!
Je t'aime! Moi non plus!
La tripartite a d'abord implosé au printemps, puis on est parti en vacances d'été, pour revenir en automne et la faire exploser. C'est détonant!
Etait-ce par calcul ou par accident? Une solution à la luxembourgeoise, un peu surréaliste, qui nous sortirait de l'impasse de la tripartite? Toujours est-il que l'explosion a produit deux bipartites, et le Gouvernement était l'artificier.
Dans la bipartite № 1, le Gouvernement règle la question de l'index automatique d'une main de fer. Les syndicats ont consenti à un calendrier "astreignant" des échéances des tranches indiciaires futures. Ce calendrier n'est autre que, à des poussières près, l'échéancier anticipé des tranches payables de toute façon selon le vieux système! C'est donc le statu quo, qui est un mot latin pour dire qu'on n'a rien foutu.
Là-dessus, l'horreur du patronat, feinte ou négociée d'avance, nous vaut la bipartite № 2. Les employeurs, subissant des charges nouvelles, seront compensés par le Gouvernement pour ces charges nouvelles. La main de fer a imposé des coûts nouveaux aux employeurs, que la même main de fer s'empresse à leur rembourser. C'est aussi du statu quo en quelque sorte. C'est le mot latin qui a inspiré le gorille "Mécht-Näischt" dans une satire pleine de prémonition que j'avais publiée le 13 février 2010: "Eis Tripartite déi huet dräi Ecken". (1)
En fins mathématiciens que nous sommes, nous aurons remarqué qu'il y a une absente: la bipartite № 3. En effet tout le monde sait que si l'on fait exploser une tripartite, on obtient des éclats. En ce cas-ci, des bipartites qui mathématiquement sont une combinaison sans répétition des 3 éléments de l'ancienne tripartite pris deux à deux. Pour ceux qui ne me croient pas, un petit calcul factoriel nous donne le nombre de combinaisons possibles "C", pour l'ensemble des 3 éléments de la tripartite "T", pris 2 à 2:
C_2^3=(T_2^(3 ))/2!=3!/((3-2)!∙2!)=3
ce qui est la preuve scientifique irréfutable, mon kabuki personnel exagéré et non nécessaire, pour démontrer qu'il manque une combinaison, donc une 3e bipartite, dans le kabuki économique et social luxembourgeois. Et notre analyse astucieuse nous fait conclure qu'il s'agit de la bipartite employeurs - employés, ou si vous voulez syndicats - patronat. Cette plateforme de dialogue, fondamentale au dialogue et au contrat social, n'est plus nécessaire au Luxembourg semble-t-il, (ni en Chine et à Cuba bien-entendu). Le Gouvernement est en charge.
Le Gouvernement est devenu le "Clearing House", la Chambre de Compensation, le guichet unique, qui dorénavant reçoit et évacue les demandes et protestations des deux autres vétérans de la tripartite, patronat et syndicats. Tout cela en feignant une assurance tranquille, agitant une main de fer bidon et exhibant une confiance naïve que demain on aura la chance de toucher le jackpot, malgré les faiblesses de notre économie unijambiste, c.à.d. que demain, le centre financier continuera à prodiguer ses largesses.
Nous voilà dans un nouvel univers, celui du faire semblant surréaliste, dans lequel le Gouvernement obtient des concessions des partenaires sociaux, parce qu'il compense ces concessions immédiatement. On tourne en rond, car il n'y a pas de pilote dans l'avion. Par contre l'hôtesse de l'air distribue des cacahouètes généreusement. Il est clair qu'il faudra autre chose que des cacahouètes pour poser cet avion en douceur.
Je vous propose ici une autre lecture presciente: "Le Luxembourg et sa tripartite" (2) d'avril 2010. On n'est en effet pas seuls sur cette terre plate selon Thomas Friedman (3). Pour enfin tenir compte de cette réalité, je proposerais bien volontiers un nouveau machin, 3 monopartites, obtenues par une explosion plus fine encore de la tripartite, une atomisation en ses 3 parties. Chacun pour soi fera une introspection, approfondie cette fois-ci, pour se demander combien de temps ce subterfuge de guichet unique pourra tenir, et aussi pour évaluer les dangers que courent les 2 clients du guichet en abandonnant leurs intérêts à la sagesse des guichetiers. Car enfin, ceux-là n'ont jamais manié une pelle ou géré une épicerie, ils sont des élus eternels. Pourront-ils poser cet avion sans être pilotes?
Pour le moment le guichet unique peut régler les problèmes avec des sous, empruntés il est vrai. Mais que fera-t-il si par malheur le tourniquet à sous venait à se bloquer? Emprunter encore, trouver de nouveaux impôts, augmenter les ingérences des guichetiers, rationner, fixer les prix, faire de la monnaie de singe qui paie pour les cacahouètes? Il y a bien plus d'un scénario à imaginer lors de notre introspection. Hélas, un léger mieux est en train de tuer l'imagination.
Un scénario est absolument incontournable: il faut que l'avion se pose en douceur. La part de l'économie luxembourgeoise basée sur les transactions internationales voit ses coûts s'envoler au point de ne plus être compétitive. On voit les résultats depuis belle lurette: Villeroy Boch, RBC/Dexia et DB/Clearstream n'éprouvent aucune gène à se délocaliser, sans vraie urgence et en dépit d'un paquet de cacahouètes obtenu antérieurement des guichetiers.
J'ai le privilège de relater ici une expérience toute récente que j'ai eue en représentant une firme américaine, candidate à une implantation à Luxembourg. Sur 5 ans elle pourrait créer jusqu'à 70 emplois hautement qualifiés, donc payés bien au-delà de la compensation moyenne. Il s'avère que les coûts luxembourgeois dans ce segment de l'emploi dépassent ceux des pays limitrophes d'au moins 35%., ceux des Etats-Unis, l'Euro cher aidant, d'au moins 40%. C'est alarmant! Il n'y a que deux solutions pour cette société: recevoir des subsides du guichet unique, si toutefois tel est le bon plaisir du guichetier, ou bien laisser là les cacahouètes et se faire parachuter ailleurs. Même Arlon peut faire l'affaire!
Le comble de tout cela est qu'à l'autre bout de l'échelle des revenus, il semble qu'environ 15% de la population luxembourgeoise crèchent dans la pauvreté. Ce sont les laissés pour compte qui n'ont que faire du scénario de l'avion. Qu'il s'écrase ou non ne change pas leur destin. Peut-être devraient-ils se délocaliser aussi? Au Cap Vert par exemple, où ils pourraient enfin profiter des largesses des guichetiers luxembourgeois et avoir accès à de l'eau courante.
Les trois monopartites, qui d'ailleurs sont en cours actuellement sur le motif "je t'aime, moi non plus", finiront par devoir trouver des ilots de sagesse et des "pistes" pour l'action. Dans l'éventail des revenus, où commence la misère, où commence l'obscène, que faire pour freiner l'exode des emplois et que faire des 15.000 chômeurs que cela produit? Quels programmes gouvernementaux sont des gâchis et où se trouvent les économies à faire et les nouveaux revenus à miner? (2) Tout en sachant que l'argent de l'Etat, ce sont nos impôts.
Peut-être une dose de bonne vieille solidarité pourrait aider, du genre "Un pour tous et tous pour un" plutôt que le chacun pour soi des 3 monopartistes. Ils sont bien trois, mais sont-ce des mousquetaires? Et y a-t-il un pilote?
(1) http://peckvillchen.blogspot.com/2010/02/eis-tripartite-dei-huet-drai-ecken.html
(2) http://feierwon.blogspot.com/2010/04/le-luxembourg-et-sa-tripartite.html
(3) Thomas Friedman: The World Is Flat, Farrar, Straus $ Giroux Publishers, 2005.
Thursday, April 8, 2010
Le Luxembourg et sa Tripartite.
Autour de la table oblongue, ils sont trois à s'observer à qui fera la première erreur dans une partie de poker, dans laquelle ils savent qu’il n'y aura aucun gagnant. En fait ils sont assis sur une plateforme en équilibre instable, comme ces plaques de rocher que l’érosion a laissées là et que l'on voit avec effroi se balancer sur une aiguille rocheuse dans les dessins animés de Hannah Barbera. Le premier qui change sa position fait glisser le centre de gravité vers les deux autres, et c'est l'accident. Il n’y a pas de télécommande magique pour nous débarrasser de cette image cauchemardesque.
Gros plan sur les joueurs: ils sont en fait plus de 3, ils sont cinq, dont deux que l'on ne reconnait que par leur ombre. Dans l'ordre d'importance ce sont:
1. La plate Terre, celle de Thomas Friedman, qui met gouvernements, corporations et travailleurs de par le monde en compétition en ce qui concerne imposition, réglementation, marges de bénéfice, coûts salariaux, et avantages intangibles et inhérents à leur situation particulière.
2. L'Union Européenne, cet édifice en croissance désordonnée, la seule montagne dans le plat pays bruxellois qui de temps en temps accouche d'une souris. Comme les souris ont été procréées par les grands commis des gouvernements européens et leurs représentants non-élus démocratiquement, ces grands commis s'empressent à reconnaitre chez eux la suprême validité de ce qu'ils ont manigancé à Bruxelles, dont bien sûr la vertueuse limite de 3% du PIB admissible pour les déficits budgétaires.
3. Les employeurs, qui en vertu de la nouvelle réalité de la Terre plate, ont des choix multiples. Si l'équation luxembourgeoise ne leur sied plus, ce sera la délocalisation. Elle sera d'autant plus facile, que la plupart des sociétés luxembourgeoises sont des services faciles à déménager, et que quasiment tous les centres de décision sont à l'étranger. Même la sidérurgie luxembourgeoise n'est pas à l'abri: les décisions de fait seront étrangères, et même si un haut fourneau ne peut être déménagé aisément, il sera facile de calibrer vers la bas une production luxembourgeoise pour la voir réapparaitre en Inde.
4. Vient ensuite le Gouvernement luxembourgeois. En quatrième position, il ne fera pas la loi dans ce jeu de poker. Comme il ne peut pas tout simplement quitter le jeu, il lui faudra limiter les dégâts avec une donne de mauvaises cartes qu'il s'est lui-même attribuées, entre autres par des largesses qui ne peuvent être soutenues que pendant les années de vaches grasses. Il n'a pas beaucoup de choix: il y a l'emprunt et on fera payer nos petits enfants, ou il y a le nouvel impôt et la restriction budgétaire, et le gouvernement payera aux élections.
5. Les salariés, représentés par leurs syndicats, ont le plus à perdre, par manque de choix. Comme le gouvernement, les syndicats savent qu'il n'y a rien à gagner dans ce jeu de poker. Le tas de jetons sur la table s’est considérablement rétréci. Les syndicats devront bluffer beaucoup pour tirer leur épingle du jeu. Ce qui ne sera pas du bluff sera leur frustration de voir l'Etat-providence s'affairer plus autour des sociétés privées qui arrivent en troisième position ci-dessus (les banques ont avalé quelques-unes de nos ressources et réserves stratégiques) et de détourner des ressources du monde du travail arrivant en cinquième et dernière position: c'est la redistribution de la richesse à l'envers.
Entretemps, la tripartite marche dans la choucroute. Les débats sont visqueux. Rappelez-vous que les trois partis sur cette plateforme en équilibre instable, doivent trouver un consensus et mouvoir simultanément vers le centre de gravité, pour ne pas se retrouver ensemble dans le fond du Canyon. Comme tout le monde perdra, il faut donc un consensus qui déclare tout le monde perdant au même moment. Le gouvernement perd parce qu'il a dilapidé ses réserves, doit serrer les ceintures et doit lever de nouveaux impôts. Les syndicats perdent en se voyant acculés à accepter des concessions auxquelles ils n'ont pas dû faire face depuis longtemps. Restent les employeurs, dont beaucoup ont élu d'être au Luxembourg, paradis fiscal relatif, pour échapper à un enfer fiscal ailleurs. Ils perdent parce que leurs affaires ne vont pas bien. C’est la cause de la tripartite.
Que faire ? « La récolte était mauvaise». Outre lancer un emprunt de € 2 milliards, donc détruire des richesses, pour financer notre mode de vie? Je propose de retourner à mon laboratoire préféré (1), les Iles Caïmans, qui sont une maquette à l'échelle 1:22 du Luxembourg.
Les Iles Caïmans, aux abois, ont fait confectionner une étude pour trouver des solutions face au déficit budgétaire, le "Miller Report" (2), qui tire les conclusions que tout le monde connaissait depuis belle lurette. Augmenter les impôts fera fuir les services financiers, essentiellement bien mobiles. Introduire une imposition directe, qui n'existe pas actuellement, n'est pas possible. (!?). Bien évidemment. Reste l'option de réduire les rémunérations des fonctionnaires et employés publics, en surnombre et surpayés. Les 5 échelons supérieurs de la grille des traitements sont mieux payés que le Premier Ministre du Royaume Uni.
D'accord mon laboratoire ne fournit pas de solution miracle, mais bien la bonne idée de faire confectionner un rapport Miller pour avoir un vilain à blâmer, quand il faudra vendre les mesures que tout le monde connait déjà: nouveaux impôts, restrictions budgétaires, restrictions salariales et endettement.
Il est curieux que l'imagination reste là, confinée aux lignes des budgets. Une crise comme celle-ci est trop belle pour ne pas l'exploiter, aller de l'avant et si nécessaire, non seulement changer nos vieilles façons, mais aussi celles de l'Europe.
Quand finalement le jour viendra où nos joueurs de poker compteront 1,2,3 pour ensemble dévoiler leurs concessions au public et se rapprocher du centre de gravité de leur plateforme chancelante, il serait bon de dévoiler quelques autres actions, projets et innovations, des distractions en quelque sorte, qui seraient immédiatement poursuivies:
1. Supprimer les abus budgétaires et donc supprimer le 31 décembre. Le 31 décembre serait-il un abus? Tout à fait, c'est la dernière journée de l'année budgétaire. Tout fonctionnaire en charge d'un budget sait que s'il a le malheur de finir l'année avec des économies, il sera puni car son budget de l'année suivante sera amputé du montant de ces économies. Donc le 31 décembre il doit vider les tiroirs. Il faudrait au contraire le récompenser avec une prime pour ne pas dilapider le denier public. L'exemple ferait école, et magiquement d'autres dépenses pas explicitement mandatées n'auront plus lieu.
2. Arrêter les abus de la retraite anticipée. La plupart des cas sont soit des expédients politiques pour embellir les chiffres du chômage ou ce sont souvent des faux malades. Tout le monde connait ces cas de retraite anticipée après 25-30 ans de carrière: la communauté a payé pour l’éducation de ces individus pendant 20-25 ans, et payera 30-40 ans de retraite. Cela représente cinquante ans de coûts pour 25 ans de productivité, ce qui est absolument déséquilibré, et c’est devenu un « système » frauduleux. La situation des caisses de pension, notre situation démographique, le drainage de fonds de pension vers les pays voisins exigent que l’on se tienne au moins aux règles établies pour l’âge de la retraite. Chacun sait que la limite de 65 ans sera remise en question. Un bon début serait de permettre aux retraités de recommencer une seconde carrière après avoir atteint l'âge de la retraite, s'ils le désirent, sans atteinte à leurs droits acquis. Ils sont des réservoirs de savoir-faire et de connaissances qu'il est faux de ne pas miner surtout dans une économie reposant sur tant de main d'œuvre importée, et qui malgré un chiffre élevé de chômeurs, manque de gens qualifiés et entreprenants.
3. Agir sévèrement contre les fraudeurs du fisc, de la Sécurité Sociale, de la Caisse de Maladie et du travail en noir. Nous en connaissons tous, des fois dans des endroits insoupconnés. Des fois la fraude est le certificat médical, la prérertaite, le « bon débarras » d'un travailleur qui gêne. Puis le « bezuelt mech einfach esou. » Et qui ne connait pas une histoire de millions en argent noir luxembourgeois planqué dans des endroits comme la Suisse. Généralement ce ne sont pas des salariés ou des chômeurs qui prennent le chemin de Zurich. Eux ils sont confinés aux petits boulots en noir, et se font pincer plus souvent que les autres fraudeurs.
4. Mettre en sourdine les projets et ambitions politiques absurdes. Souvent ces projets existent grâce au goût et à l'intérêt personnel de ceux qui les poursuivent dans nos institutions: devenir membre du Conseil de Sécurité de l’ONU, présider l'Eurogroupe, être le champion des accords de Kyoto ou de l'aide aux pays en développement. Par les temps qui courent ces activités drainent de l'énergie et des moyens financiers du petit Luxembourg et ne correspondent nullement à un intérêt stratégique du pays. Au contraire, le risque de se voir porter un blâme et de sortir de l'aventure avec un œil au beurre noir n'est pas négligeable. Quelles seront les conséquences pour le pays si les choses vont mal dans ces organisations? Un Euro qui bat de l'aile, un vote pour ou contre un Etat terroriste? Ces aventures se terminent en querelles personnelles, nullement en un choc salutaire des idées.
Il ne s’agit pas non plus de se recroqueviller dans l’isolationisme. Mais au lieu de promouvoir des individus, il s’agit de promouvoir plutôt des idées. Pourquoi ne pas œuvrer plutôt vers une vraie intégration européenne, source d’économies? Voilà un rôle que nos anciens jouaient bien dans les années cinquante. Quel succès et quelles économies ce seraient si plus d'unification supprimait certaines charges substantielles dans les budgets nationaux, comme la défense et les relations internationales. Car enfin l’Europe aligne les plus gros effectifs en diplomates et en personnel militaire. Mais ce n’est ni un joueur de poids en politique internationale, ni une grande puissance militaire. Quel gâchis que les centaines et les centaines d'Ambassades des 27 pays européens à travers le monde. Une vraie intégration produirait une seule Ambassade de l'Union Européenne. Quelle formidable économie d'échelle serait réalisée par une vraie Défense Européenne commune ! Il est vrai que cela comporterait la remise des clefs des bombinettes françaises et britanniques au Président Herman van Rompuy. C'est peut-être le moment d'y penser, alors que les coûts pour tous ces joujoux s'envolent et qu'il n'y a plus le sou.
En oeuvrant de la sorte, quelle jolie riposte pour le Luxembourg que de répondre par des nouveaux sermons aux vieux sermons de nos amis. Et de consolider pour les futures tripartites.
(1) http://feierwon.blogspot.com/2009_10_01_archive.html
(2) http://www.cayman27.com.ky/app/webroot/files/Miller%20Report.pdf