Wednesday, January 18, 2012

Luxembourg: Une remarquable tribune sur la transparence, par Madame Colette Flesch, ancien Ministre


Madame Colette Flesch, ancien Ministre, Députée et Bourgmestre de la Ville de Luxembourg a publié ses réflexions sur RTL Informations, sur la transparence en Politique et dans la Fonction Publique.

Qu'on le veuille ou non, les cachotteries et les pratiques inavouables tomberont sur le double effet de l'émancipation des citoyens dans le monde et le coup de boutoir de l'internet. La contribution de Madame Flesch est le fruit d'une longue expérience dans des environnements varies avec la crédibilité accrue de quelqu'un qui n'est plus tenu à être "politically correct", donc essentiellement libre de dire la vérité. Welcome to the Club!

Voici l'article intégral en langue luxembourgeoise:

Transparenz, Colette Flesch

Auteur: Colette Flesch, fréiere Minister, Eieren-Deputéierten, Éierebuergermeeschter vun der Stad Lëtzebuerg1


Ugangs des Joers ass eng gutt Geleeënheet fir iwwert den Anstand an der Politik an an der Fonction publique ze schwätzen. Eng Partie Affären an onsen Nopeschlänner – Affär Wulff an Däitschland, Affären Karachi oder Guerini an Frankräich – an anerer, an och bei ons – Affär vum Sandweiler Buergermeeschter virun de Gemengewahlen, Affär Football Stadium Léiweng – hunn de Projecteur vun der Aktualitéit op d’Fro vun der Deontologie an der Politik geriicht. E Beräich, an deem mir hei zu Lëtzebuerg net genuch gemaach hunn.

Ëffentlech Amtsträger an der Politik, mee och an der Fonction publique hunn an deem Zesummenhank méi Responsabilitéiten wéi aner Bierger. Si musse selbstverständlech d’Vermëschung vun ëffentlechen Interessen mat hiren eegenen ënnerloossen. Si mussen nach, wéi de Präsident vun Transparency International Lëtzebuerg et kierzlech gesot huet, och den Uschäin dervun vermeiden. Si mussen Interessekonflikter an Konfusiounen vermeiden an ënnerleien domadder enger ganz besonnescher Transparenzpflicht. An aneren Wierder, de Bierger verlaangt vum Politiker a vum Beamten Integritéit an Transparenz.

Dat heescht net, dass e Minister oder Buergermeeschter keen Haus däerf kafen oder bauen. Dat heescht awer, dass en duerch seng Funktioun keng extra Avantagen kréien oder, nach manner, verlaangen däerf an dass en muss kënnen d’ Fakten kloer op den Dësch leeën.

Dat heescht och net, dass en Deputéierten net däerf enger privatrechtlechen Beschäftegung nogoen oder an engem Verwaltungsrot sëtzen. Dat heescht awer, dass wann an der Chamber, an enger Kommissioun oder am Plenum, iwwert e Gesetz ofgestëmmt gëtt, deen deen Secteur betrëfft an deem hien täteg ass, dann muss en op mannst en Interessi ëffentlech deklaréieren oder esouguer, an verschiddene Fäll, net mat ofstëmmen. Entgéint deem wat de Chamberspresident schéngt ze mengen, sinn esou Attituden an de leschten Joerzéngten, an der Chamber äusserst selte virkomm.

2

Säit der leschter Legislaturperiod, mussen d’Deputéierten eng Interessideclaratioun beim Chambersekretariat ofginn an, säit dem Februar 2011, sinn déi Declaratiounen um Internetsite vun der Chamber accessibel. Dat ass gutt, mee net genuch.

D’Regierung schafft och säit e puer Joer un engem Code de Deontologie fir d’Beamten.
Si huet 2011, mat deem Pak Dokumenter di nom Accord salarial deposéiert goufen, en « Avant-projet de règlement grand-ducal fixant les règles déontologiques dans la Fonction publique » virgeluecht, dee mer zwar verbesserungsfäeg schéngt.

D’lescht Joer huet d’Chamber unanime eng Motioun vun deenen gréngen an DP Fraktiounen ugeholl, déi virgesäit dass e Code de déontologie soll agefouert ginn, deen Regelen festleet fir ëffentlech Beamten a lokal an national Politiker inklusiv Regierungsmemberen, nodeem zukünfteg Interessekonflikter sollen vermidden ginn.

Et wär ze wënschen, dass deen Code dëst Joer kéint zu stoen kommen.

Thursday, January 5, 2012

Aide-mémoire pour les vœux de Nouvel An officiels.




Bonne Année. Même si toutes les lignes à suivre sont claires, il y a des ombres au tableau. Photo E.T.



Ce qui est bien quand on formule des vœux pour les priorités luxembourgeoises depuis un autre continent, c'est qu'il faut se limiter obligatoirement à l'essentiel. Avec la distance, les détails deviennent de toute façon insignifiants, sauf ceux qui me concernent personnellement bien entendu. Voici mes 7 vœux pour le Luxembourg en 2012, (et pour moi-même, là où les deux se superposent):

1. Que notre gouvernement reste chez nous et s'occupe de nos affaires

Élémentaire mon cher Watson? Pas chez nous. Notre Premier se veut la tète de l'Eurogroupe et sauver la Grèce, son Second se veut les jambes dans un Tour du Monde du Conseil de Sécurité de l'ONU et sauver le monde. Mon tout est peut-être la tête et les jambes, mais elles sont ailleurs, pas chez nous. Ce manège est couronné d'apparitions plus ou moins réussies sur des chaînes de télévision, surtout allemandes. Tragiquement, les membres juniors de leur équipe tentent de les émuler de plus en plus souvent en s'y aventurant eux aussi. Chez nous, il y a pourtant pas mal à faire, traduit en chiffres:

15.164, le nombre de chômeurs

10.221,94, en Euros, dette du gouvernement central par tête d'habitant

1500, le nombre d'affaires pénales classées pour prescription depuis 1990

13 ans, le temps qu'il faut à la justice pour régler le sort de la vache volée au fermier de Mertzig

8 ans, mon compteur judiciaire personnel provisoire

1.086 le nombre de réclamations traitées par l'Ombudsman, d' octobre 2010 à septembre 2011

La raison que ces chiffres sont si mauvais est que ceux chargés de faire le ménage chez nous, préfèrent s'occuper et s'illustrer ailleurs.

2. On ne commande pas un "Tout" et partie d'un "Tout"

Qui trop embrasse, mal étreint. Cette sagesse populaire a été élevée au statut de règle par les penseurs de l'art militaire: On ne commande pas un Tout et partie d'un Tout. Ainsi le général Eisenhower, commandant le débarquement du 6 juin 1944 en Normandie, ne commandait pas en même temps la 90e Division d'Infanterie du VII Corps de la 1re Armée américaine à Utah Beach. Les écoles MBA ont toutes reconnu la valeur de cette règle militaire et l'ont transposée dans la vie des sociétés civiles. Lakshmi Mittal l'applique, car il n'insiste pas à être aussi magasinier en chef à Schifflange.

Cette règle est tellement intuitive aussi, que tout le monde (enfin presque) comprend qu'on ne peut mener de front deux fonctions aussi absorbantes que celles de Premier Ministre du Luxembourg et Président de l'Eurogroupe. Mais notre Premier a déjà compris cela et a dit qu'il resterait chez lui en 2012. Il a aussi dit le contraire. Le Président français devra donc décider pour lui une fois de plus.

D'ailleurs il faut remettre en question ces ambitions européennes, internationales et onusiennes de nos ministres: à force de vouloir jouer ces rôles, les confrontations avec nos voisins se multiplient au point de devenir personnelles. Messieurs Blair, Sarkozy, Steinbrück, Cameron et Madame Merkel ne diront pas le contraire. Ce qui ne peut servir l'intérêt du Luxembourg et de sa place financière. On ne lance pas des pierres dans une maison de verre.

La règle devrait avoir force de loi quand il s'agit de cumuls rémunérés, ardemment convoités par des fonctionnaires. L'exécutif qui est ainsi rémunéré par des intérêts privés fait une moquerie de nos institutions démocratiques et de l'indépendance de l'Administration. Et ailleurs, dans le reste de la vie publique la règle devient une question de pure décence. Cela comprend les syndicats.

Heureusement , et je suis sûr et certain de cela, tout ce monde suivra l'exemple civique du nouveau Ministre de l'Economie, Etienne Schneider, qui non seulement n'acceptera pas de reprendre le siège d'administrateur d' Arcelor-Mittal de son prédécesseur, mais qui a aussi promis de démissionner des trois autres postes d'administrateur qu'il occupait en tant que fonctionnaire (eh oui!), pour "éviter les conflits d'intérêt". Ses collègues fonctionnaires ne manqueront pas de suivre ce bel exemple de civisme et de responsabilité personnelle, et n'attendront même pas que le nouveau code de déontologie promis post-scandale de Livange les y oblige dès le début de l'année pour le faire. Il faut saluer le courage et l'honnêteté de Monsieur Schneider, qui se profile ainsi en Homme d'Etat.

3. Revoyons la Constitution

J'ai eu l'occasion (1) de commenter sur les mystérieux travaux qui semblent avoir lieu en vue d'une révision de la Constitution. Elle est bien archaïque, faible, tout au plus un peu gênante de temps en temps. Alors on la change au quart de tour, 37 fois en tout depuis son octroi et la fréquence s'accélère. Je compte 46 articles sur les 121 qui énoncent un principe tout en incluant des restrictions qui permettent d'invalider l'article par des simples lois , voire règlements. Je compte 27 qui me semblent bizarres en cette année 2012. Bref, notre loi fondamentale ne l'est pas. Elle ne garantit pas solidement la séparation des pouvoirs, les libertés et droits de l'homme. Elle a été pensée et concédée pour être facilement contournée. Je souhaite donc que l'équipe qui se penche sur la malade dans une chambre noire, montre sa face et ses travaux au grand jour pour laisser une place au débat public, et qu'un référendum permette au peuple de déterminer Sa loi fondamentale.

4. L'avenir sera transparent, c'est clair

C'est une bonne nouvelle: la loi concernant la liberté d'accès à l'information devrait être votée sous peu. C'est ce qui est connu internationalement comme FOI, "Freedom of Information". On y a travaillé depuis 11 ans et demi et elle devrait être au point maintenant. Le gouvernement avait des réticences face à la perspective de devoir se livrer à des strip-tease, chaque fois que la presse ou le public exige un accès à des documents. Cela nous permettra de demander où on en est avec cette révision de la constitution, ou avec le stade de Livange. Et mes amis à "Transparence Internationale", qui chaque année publient un index de corruption, amélioreront le score du Luxembourg.

5. Repensons la globalisation

Je pense que tous les luxembourgeois conviennent qu'on a souvent besoin de plus grand que soi. L'adhésion aux projets européens et la globalisation est une nécessité, mais a du bon et du mauvais. Donc mesurons notre enthousiasme. Ainsi l'ouverture des marchés a aidé nos industries, l'acier en premier. Le Luxembourg a habilement exploité des niches de souveraineté qui ont fait éclore des activités bien lucratives: le centre financier, les services radiotélévision, la logistique. Mais il y a eu retour de manivelle: la concurrence globale a ruiné notre sidérurgie nationale, l'UE s'attaque aux niches de souveraineté et ailleurs l'OECD s'occupe du secret bancaire.

La globalisation a aussi permis l'acquisition de quelques fleurons de l'économie luxembourgeoise par des groupes internationaux. Ceux-là ont comme motif soit d'augmenter leur bilan, soit d'acquérir des marchés ou du savoir-faire qu'ils n'ont pas, soit de purement et simplement éliminer tout ou partie du concurrent luxembourgeois qu'ils viennent de s'accaparer. Sans pitié bien sûr pour la perte d'emplois qui accompagnent l'opération. Souvent l'ogre étranger, ayant séduit les actionnaires de la belle luxembourgeoise, commet tous les outrages sur elle, et c'est au gouvernement luxembourgeois, parrain du mariage, de récupérer l'épave déchirée de la belle en cas d'échec: BGL, BIL, Arcelor et y en aurait-il d'autres? Mon vœu: cessons d'être naïfs.

6. Justice différée est justice déniée

Au Luxembourg la justice est toujours différée, ou pire, classée, faute de moyens et de volonté politique. A la "rentrée judiciaire" en automne, le Procureur Général Robert Biever a confirmé ce que tous les criminels et leurs victimes savent: le Luxembourg est un paradis judiciaire, car la Justice n'a pas les moyens de sa mission. En particulier quand il s'agit de crimes financiers et de blanchiment d'argent. 1.500 affaires prescrites ont dû être classées faute de moyens depuis 1990! Nous connaissons tous l'histoire (presque) amusante de la vache volée du fermier de Mertzig, qui s'est terminée après 13 ans par la condamnation du Luxembourg devant la Cour Européenne des Droits de l'Homme à Strasbourg.

En 2004, j'ai été moi-même victime d'un crime financier et j'ai porté plainte civile et pénale. L'affaire est donc dans sa huitième année. Pour en décrire les circonstances et les vicissitudes, j'ai brossé un tableau d'un microcosme extrêmement représentatif du "système luxembourgeois" et qui couvre 2 chapitres dans mes mémoires. Un personnage témoin est décédé entretemps, mais tous les jugements intermédiaires m'ont été favorables. La justice est délivrée en mon cas, mais avec extrême lenteur. Donc mon vœu pour le gouvernement est: restez chez vous et réparez cette justice comme le Procureur Général le réclame et comme les juges de Strasbourg vous ont enjoint de faire à plusieurs reprises. Sans oublier la menace américaine sur les paradis judiciaires.

7. L'Ombudsman, en vrai anti-Kafkaïen, doit être une femme

On a besoin d'un homme à tout faire quand on est trop paresseux, incapable, ou qu'on n'a pas le temps de maintenir ses choses en ordre. Pour notre gouvernement cette personne est donc nécessaire et s'appelle Ombudsman. Il est intervenu 1086 fois en un an, dont une fois pour moi.

C'est au sujet de mon affaire citée plus haut que j'ai sollicité son aide. Attendez, attendez, ce n'était pas à propos des 8 années de procédures judiciaires. Non, c'est que l'Administration des Contributions s'en est mêlée! Elle a découvert que selon elle je devais des arriérés d'impôt sur des revenus disparus dans l'arnaque. Comme si le fermier de Mertzig devait payer un impôt sur la valeur de sa vache volée! On m'a avisé qu'une procédure de "demande gracieuse" devrait facilement corriger ce zèle fiscal. Cinq kilos de documents à l'appui n'ont cependant pas touché la fibre gracieuse du sieur Heintz, directeur des contributions. L'homme détient le pouvoir finalement exorbitant, arbitraire et inéquitable de dire qui est un cas de rigueur, qui paye un impôt sur des pertes, et d'accorder des crédits d'impôt à millions sur profits au suivant.

J'ai crié "Kafka" auprès de l'Ombudsman Marc Fischbach. Résultat: l'impôt reste dû, mais son payement est différé jusqu'à la fin de la procédure pénale, qui elle est déjà différée. Mais l'administration des contributions est gargamelesque. Comme si elle regrettait sa mansuétude après sa concession, elle est revenue avec vengeance pour amender sa concession: il faut payer 100 € par mois (?), et le solde est frappé d' un intérêt punitif. Pour apaiser le dragon, chaque fois que j'avais l'occasion, je faisais des virements de mon solde entier sur mon CCP, des sommes allant de 88 centimes mensuels jusqu'à € 6.49. Avec cela j'aide à financer donc les crédits d'impôt de Monsieur Mittal, Becca et beaucoup d'autres! Je souhaite que la nouvelle Ombudsfra fasse le ménage!

Bonne Année. Vous allez voir, on est sur la bonne route.

(1) Luxembourg: Vers la révision de la Constitution, le 03 novembre 2009: http://feierwon.blogspot.com/2009/11/luxembourg-vers-la-revision-de-la.html