Sunday, September 15, 2019

Luxembourg: Vers la Révision de la Constitution

Le voile se lèverait-il sur la nouvelle Constitution ?









































Certains font semblant de vouloir s’occuper enfin de la Révision de la Constitution, un très vieux projet qui n’arrange pas beaucoup de monde, non pas parce qu’il ne serait pas nécessaire. Les Nations Unies considèrent notre loi fondamentale comme vétuste ou rétrograde et nous classe parmi les mauvais élèves en démocratie. Il y a bien pire que nous, donc on ne va probablement rien faire par peur de se bruler les doigts. Et le machin qu’on a se plie facilement en tous les sens.

 

J’ai retrouvé l’article ci-après que j’avais confectionné en 2009. Il y a dix ans. Rien n’a changé quant au fond. Et si je devais le refaire, je le ferais plus court du genre « qui ne veut pas de cette nouvelle Constitution et pourquoi ? »

Entretemps la population a ajouté 150.000 nouveaux résidents pour dépasser les 600.000 en route vers le million. L’euthanasie dont il est question dans l’article a été administrée a 71 patients La loi dit désormais que c’est une mort naturelle au grand dam des assureurs qui n’assurent pas le suicide.

Voici, il y a dix ans :



"Wir wollen sein ein einig Volk von Brüdern" -

Friedrich Schiller, "Wilhelm Tell, 1804"


Cette citation de Schiller se traduit à peu près par: "Nous voulons être un peuple uni et fraternel."


Dans la pièce de Schiller, Wilhelm Tell, c'est le premier verset du fameux serment du Rütli qui aurait scellé la naissance de la Confédération Helvétique le 1er août 1291. Il s'agit en fait de la première "Constituante" en Europe où le peuple Suisse s'émancipe et se défait de la tutelle féodale.


Quand le Théâtre de Luxembourg a mis en scène "Wilhelm Tell", à l'approche de la guerre, ce passage a été accueilli par 45 minutes d'applaudissements, une expression des aspirations profondes du peuple luxembourgeois. Guillaume Tell aurait été fier. Il a été banni par les Nazis.

Deux constitutions phares qui émanent de peuples souverains

Il m'a semblé opportun de faire ce détour par le serment du Rütli en 1291, où des hommes libres décidaient les règles de leur future vie commune comme peuple libre et fraternel. Cela peut s'appeler une Constitution. Il faudra attendre cinq siècles, 1787, pour voir une réédition du Rütli, cette fois-ci à Philadelphie aux Etats-Unis. Des hommes libres ont cherché à instaurer la forme de gouvernement la plus parfaite possible, sachant que la perfection dans les entreprises humaines n'existe pas. Le débat sur la constitution dans la jeune république américaine a duré de 1776 à 1787, soit 11 ans. Durant cette époque, "The Federalist" publié par Alexander Hamilton, James Madison et John Jay est devenu la tribune du débat public. Les 85 dissertations qui composent le "Federalist" sont un monument de l'histoire américaine et de la philosophie politique.

Les constitutions nées du Rütli et de Philadelphie exaltent les espoirs de ces gens et de leur temps et inspirent par leur idéalisme et leur confiance en l'avenir. Elles sont en cela à l'opposé de beaucoup de constitutions dites modernes de notre vieille Europe dans lesquelles on décèle encore aujourd'hui les traces de luttes, de concessions sans doute faites avec rancœur, de compromis entre ceux qui devaient céder et ceux qui exigeaient.

Dans le cas des constitutions arrachées aux maisons royales européennes au 19e siècle on trouve aussi la trace de ceux qui exigeaient : les bourgeois de l’époque. Il manque certainement cet élan d’idéalisme et de jubilation de tout un peuple d’hommes égaux, unis et fraternels qui ont fait le Rütli ou Philadelphie.

La plus moderne, la constitution européenne, par pudeur rebaptisée traité de Lisbonne, garde encore quelques appendices des temps révolus. Non seulement a-t-elle vingt fois plus de pages que la constitution américaine, elle fait penser à un contrat de mariage compliqué entre un milliardaire et une starlette hollywoodienne. Il est vrai qu'il vaut mieux obtenir un doctorat en droit d’abord, avant de se lancer dans sa lecture. Il est vrai aussi que son principal incubateur était un normalien, qui ne savait sans doute pas parler aux gens normaux. Pourtant ce sont les gens normaux qui ont dû s’exprimer par référendum sur ce texte fondamental. C’était tellement laborieux qu’il a fallu voter et revoter jusqu’à ce que l’Irlande dise finalement oui, un embarras pour toute la classe politique européenne, incapable de lire leurs propres opinions publiques.

C’est que les gens normaux ont cette science innée de ce qui importe dans l’organisation de leurs vies, surtout s’il faut l’exprimer par un vote solennel installant une constitution. Cette constitution devrait être cette fondation en béton armé qui garantit nos droits naturels. Ceux-là se conçoivent clairement, donc ils peuvent être exprimés clairement et simplement.

Lisons notre Constitution en lui attribuant son QRS


J’ai été exposé aux mœurs démocratiques des enfants du Rütli et je vis depuis vingt ans au régime du « We the People» aux Etats-Unis. J’ai donc voulu évaluer l‘étendue du chantier que représente la révision de la Constitution luxembourgeoise, en entreprenant la lecture de notre constitution avec des nouvelles lunettes helvético-américaines.

Avouez, vous ne l’avez pas regardée depuis longtemps, cette constitution. Ce n’est pas mon livre de chevet non plus. Vous pensiez aussi que c’est la spécialité d’une poignée de doyens du droit. Mais cet aspect là est déjà traité plus haut : la constitution est notre affaire à tous, et en tant que citoyens, c'est nous qui savons le mieux ce qu’elle devrait nous dire. Donc nous voilà en charge de la révision d’un texte ultra rébarbatif pensez vous ? En effet oui, nous sommes tous en charge, mais à ma surprise, ce n’est pas ennuyant du tout. C’est preuve que nous sommes une génération traumatisée par des profs d’éducation civique barbants. La lecture de la Constitution est amusante. On y trouve des choses surprenantes, édifiantes, des fois enrageantes mais surtout amusantes. Dire que ces doyens du droit constitutionnel gardaient tout le plaisir pour eux ! Cachottiers, va !

Faisons le tour du propriétaire de cette constitution, notre propriété redécouverte. Imaginons que nous sommes Guillaume Tell sur son alpage ou Benjamin Franklin au fin fond de la Pennsylvanie, et prenons leur perspective. Qu'est-ce qui nous surprend?

Notre loi fondamentale comporte environ 121 articles et sa version originale date de 1868, octroyée pour sûr, mais rappelons nous, elle nous appartient et nous sommes les meilleurs experts pour la réviser et nous avons un sens inné de ce qu’elle doit contenir.

  1. Le nombre de révisions : 37
En 141 ans, la Constitution a été modifiée 37 fois. Pendant la première période de 115 ans elle n’a été changée que dix fois. Par contre, les dernières 21 années ont connu 27 modifications dont un record de 18 modifications ces 10 dernières années. A ce rythme accéléré des changements, peut-on encore parler de loi fondamentale ? Elle devrait être coulée en béton armé, mais la nôtre donne l’impression plutôt d’être une girouette assise sur des sables mouvants.

  1. Le nombre de qualificatifs restrictifs, Q = 46 articles
Sur les 121 articles, au moins 46 commencent par énoncer un principe fondamental, mais qui se trouve immédiatement tronqué par un qualificatif (marquons les d’un Q) dont voici un échantillon :
  • La loi déterminera…
  • Sauf les restrictions à établir par la loi…
  • Les règles établies par la loi…
  • Sauf la répression des délits commis à l’occasion de l’exercice de ces libertés..
Surprenant comme notre loi fondamentale, qui devrait être coulée en béton armé, peut ainsi être atténuée par une simple loi, donc par un simple vote majoritaire. De telles règles changeantes ne tiendraient pas le coup dans n’importe quelle cour de récréation où l’on joue à « attrape-moi ». Cet équilibre instable est probablement un appendice féodal qui se trouve perpétué dans le langage de la constitution au fil des révisions. C’est une vieille constitution de compromis, qui à dessein se retrouve flexible et malléable pour qu’elle reste propriété de ceux qui l’ont écrite avec l’intention de l’user et de l’abuser. Ils gardent ainsi toutes les portes ouvertes pour aller repêcher les concessions qui leur auront été arrachées, pour jongler avec les articles et pour garantir la pérennité de leur pouvoir. C’était sans doute l’intention du Roi-Grand-Duc au départ, et aussi des politiciens de nos jours, ceux-là même que nous avons voté en place pour nous servir.

Notre constitution actuelle est une girouette, une parodie du Rütli et du « We the people ». Elle est ravalée à l’équivalent d’un code de la route qui introduirait des panneaux de signalisation à roulettes, que l’on pousse par où ils gênent le moins.

  1. Le nombre de bizarreries et de corps étrangers, R + S = 27 articles
N’oublions pas que nous sommes tous experts, et en tant qu’expert, je réviserais pas moins de 27 articles (marquons les d’un R), en fait le plus souvent je les supprimerais (marquons ceux-là d’un S). Donc, selon mon tour du propriétaire, il faudrait revoir Q+R+S = 46 articles + 27 articles = 73 articles en tout sur 121 soit environ 60%. Ou si vous voulez coter cette constitution sur 60 comme à l'école, cela ferait un 24/60. Une "Datz". Vous arriverez sans doute à des chiffres semblables. Vaut-il mieux reconstruire ou réparer?

Voici deux exemples savoureux de ce dont je parle, pour vous donner le goût de la lecture:

Art.21.
Le mariage civil devra toujours précéder la bénédiction nuptiale.
Hilarant. Je suis sûr que le corollaire devrait être un ajouté pour ne laisser planer aucun doute: La bénédiction nuptiale devra toujours suivre le mariage civil. Cela éclairerait l'esprit de cet article.

Et pour ajuster la constitution à la situation de fait de l’an 2009, et aux exigences des forces à l’origine de l’article 21, il serait utile de clarifier cette clef de voûte de notre société en précisant : La consommation du mariage peut précéder le mariage civil mais en aucun cas ne peut précéder la bénédiction nuptiale.

Je ne sais pas comment agencer tout cela! Mon verdict : c’est un Q et surtout un S. Comment peut-on faire des dizaines d’ajustements à la constitution, et laisser l’article 21 traîner tel quel par là?

Art. 28.
Le secret des lettres est inviolable. – La loi détermine quels sont les agents responsables de la violation du secret des lettres confiées à la poste.
La loi règlera la garantie a donner au secret des télégrammes.

"Télégrammes ? Poste ? La loi détermine? Inviolable, oui ou non!?" C'est un Q! Les seuls télégrammes que vous enverrez sont des télégrammes de félicitations, bien publics, enveloppe ouverte, pour les gens de l’article 21 ci-dessus. Ces télégrammes doivent arriver avant la consommation du mariage, mais après le bénédiction nuptiale. Mais peut-être enverrez-vous un courriel ou un SMS ou un cadeau par FedEx ou DHL. Assez, déjà! Il faut revoir, mais innover. Sinon, la solution luxembourgeoise, je parie serait que "la loi règlera les modalités du secret des télégrammes qui seront applicables aux nouvelles technologies".


L’article 28 ne s’applique pas aux services étrangers spécialisés dans l’interception des communications électroniques, services dont la mission est la collecte du renseignement, de sa duplication, de son archivage et de son exploitation. Sachez que ces agences de renseignement auront lu mon article que voici, transmis par courriel, bien avant vous. Le télégramme de félicitations est franchement plus confidentiel. Mon verdict : l'article 28 est un Q et surtout un R.

En commençant ce nouveau chantier de la révision de notre constitution avec l’enthousiasme du Rütli et de Philadelphie, c’est l’occasion d’atteindre finalement le gouvernement du peuple, pour le peuple, par le peuple. Et que les fondations soient en béton et simples. Un peu comme celui qui a fait graver ses 10 commandements dans la pierre. Verriez-vous Moïse gravir la montagne des centaines de fois en cinq mille ans pour changer ses tablettes ? Il y a belle lurette qu'il aurait abandonné et qu’on adorerait le veau d’or. En fait, cela, on le fait déjà ….

Le système luxembourgeois

Il a ses racines en cette année 1868. Imaginons la scène suivante pour insérer un peu d’altitude dans nos perspectives: nous sommes en 1868 et le Roi-Grand Duc est en route de La Haye à Luxembourg sur un vol KLM. Il partage la première classe avec le Kaiser, la Queen, le Roi des Belges. Le Français, Empereur nouveau-riche d'extraction républicaine, n'est pas content. Il n'a pas eu un « upgrade » et chantonne des chants révolutionnaires dans la première rangée économie. Tout ce monde de cousins, isolé en première, tourmente le Roi Grand-Duc et ironise sur la mollesse de "sa" nouvelle constitution, qu'il s'apprête à céder, à octroyer se défend-il, aux bourgeois qui attendent là bas. C'est a dire, environ 20% des hommes qui avaient le droit de vote au cens. Les femmes ne votaient pas du tout. Elles devront attendre le suffrage universel jusqu'en 1919!

En bas il y a l’énorme forteresse de Luxembourg, des chèvres broutent sur le plateau du Kirchberg. 80,000 Luxembourgeois, dont la plupart n’avait pas le droit de vote, ont quand même voté, mais avec leurs pieds et sont partis pour l’Amérique ou le Brésil. C’est de ces temps là que tient notre constitution.
Vous avez raison, l'avion KLM n'existait pas en 1868. Il n’y avait pas non plus le téléphone, l’automobile, la radio, la télévision, l'homme sur la lune sans parler de l’internet. Il y aura par la suite la guerre de 1870, le démantèlement de la forteresse, et puis deux guerres mondiales. Depuis, il y a eu l’essor et le déclin d’une sidérurgie puissante, le passage d’une agriculture quasiment de subsistance vers une agriculture rationalisée par nécessité. L’économie a graduellement basculé vers une économie de services et le pays a adhéré à des organisations internationales telles que UEO, ONU, OTAN, OECD et surtout l’Union Européenne.

Pourtant, nous cuisinons toujours dans les mêmes vieilles casseroles constitutionnelles. Certes on en a remplacé quelques unes. D'autres vieilles casseroles, on les laisse pendouiller là et tout le monde a convenu qu'on ne les utilise plus. Si on y touche , cela fait trop de glin-glin. C'est donc un sujet tabou.

Le fait le plus marquant est que le rapport des forces a graduellement glissé du Grand-Duc vers le Gouvernement, donc le Premier Ministre. Quelle ironie de l'histoire, que les ministres, terme d'origine latine qui se traduit par "serviteur" et qui jurent fidélité au Grand-Duc sont de nos jours les ténors sur le vol KLM. Malgré 37 révisions, les textes sur les prérogatives du Grand-Duc n’ont pas vraiment été adaptées aux réalités de sorte que les braves fonctionnaires du PNUD aux Nations Unions arrivent à la conclusion que la démocratie luxembourgeoise laisse à désirer, car le chef de l’Etat disposerait de pouvoirs exorbitants. Nous savons qu’il n’en est rien, que l’interprétation luxembourgeoise des articles ad hoc de la constitution n’a rien à voir ni avec la lettre de ces articles, ni avec l’interprétation textuelle et erronée des Nations Unies. Ils ne savent pas qu’au Luxembourg, l'interprétation de l'esprit et de la lettre des articles de la constitution est un sport extrême: le grand écart.

Et puis qui sont-ils ces nationsunisards mauvaises langues? Est-ce que nous disons qu'ils ne sont qu'une association mondiale de thérapie de groupe, où surtout les chefs excentriques du monde viennent s’exhiber chaque année et captivent l’attention du monde pour 15 minutes, certains pour 90 minutes?

Le massacre de la Sainte Justine (12 mars 2009)

Par contre sur le terrain, là où en 1868 les chèvres broutaient et Gottlieb Hurra se soumettait sur les parvis du glacis à des drills infernaux d'artilleur, nous avons vu que le rapport des forces a glissé au fil des temps, imperceptiblement, du Grand-Duc au Premier Ministre. Imperceptiblement jusqu’au jour du massacre de la Sainte Justine, le 12 mars 2009, quand le glissement s'est accéléré en coup d'Etat à la luxembourgeoise, ouvert et perceptible par tous, quand la révision de l’article 34 de la constitution (encore une) enlevait au Grand-Duc le pouvoir de sanctionner les lois. Tout le monde avait l'air très, très content. On vous expliquera que la démocratie a été renforcée.

Comment décrire le massacre de la sainte Justine? Le Grand-Duc parait-il avait fait savoir au Premier Ministre qu'il ne signerait pas une loi sur l'euthanasie. Or cette signature, selon l'article 34 avait un double but vous disait-on: sanctionner, c'est a dire approuver, et promulguer, c'est a dire décréter la loi. L'affaire a mijoté à feu doux pendant des mois, jusqu'au vote, et personne d'autre n'était au courant des réserves du Chef de l'Etat. On connait la suite. Désormais le Grand-Duc promulgue mais ne sanctionne plus.

Je suis trop loin du lieu du massacre pour comprendre en quoi la nouvelle formule de l'article 34, que l'on présente comme quoi le Grand-Duc ne "sanctionne" plus, mais simplement "promulgue" donnerait tous les apaisements au Grand-Duc? Comment un jeu de mots, qui doit être expliqué, professeur belge à l'appui, atténuerait-il la caution morale que le Grand-Duc donne aux documents qu'il signe? Puis-je proposer d'autres jeux de mots qui vont avec "sanctionne, signe, promulgue": approuve, publie, décrète, acquiesce, publie, avise, agrée, ratifie, consent?

En quoi serait-ce un coup d'Etat? La victime, il se trouve, est la constitution, parce que c'est encore elle qui a été affaiblie, du fait qu'un contrôle vital a été supprimé: le possible véto par l'exécutif d'un acte législatif a été remplacé par rien. La démocratie ne s'en trouve pas renforcée, mais affaiblie. Il n'y a plus d'instance qui pourrait opposer l'ultime véto à la promulgation d'une nouvelle loi quand certaines circonstances, extrêmement rares certes, comme le bien public ou une violation de la constitution l'exigeraient. Ce n'était certainement pas le cas pour la loi sur l'euthanasie, comme il s'agissait d'une objection de conscience personnelle du Grand-Duc. Donc la constitution manquait tout simplement d'un mécanisme pour passer outre une objection personnelle du Grand-Duc qui avait des connotations politiques, mais qui lui laissait son droit personnel de penser librement. Comme par exemple par un vote super majoritaire ou par tout autre mécanisme délayant ou bicaméral.

Dans le massacre de la Sainte Justine, l'Exécutif a donc été inutilement amputé d'une fonction critique, celle de pouvoir opposer un véto au pouvoir législatif. En quoi cela renforcerait la démocratie, si une fonction de contrôle disparait? Serait-il un renforcement de la démocratie que de supprimer le droit de la Chambre des Députés de sanctionner le Gouvernement? On pourrait prétendre que c'est une bonne chose que de renforcer le Gouvernement.

Mais, il est vrai que le Gouvernement n'a pas besoin d'être renforcé. En fait, le pouvoir du Premier Ministre a été indirectement accru, encore une fois, par l'épisode de l'article 34. Si l'on conclue qu'il faudrait rétablir le pouvoir de sanctionner les lois, ce pouvoir, parce que politique, irait peut-être encore au Premier Ministre qu'on appelle aussi des fois « Président du Gouvernement ». Nous sommes en effet désormais dans une « Monarchie Présidentielle » ce qui en soi est une contradiction et une incompatibilité des termes, mais une réalité bien luxembourgeoise.

En effet le Premier Ministre (ou Président du Gouvernement):
  • · préside le Gouvernement,
  • · le Gouvernement a drainé les pouvoirs du Chef de l’Etat,
  • · le Gouvernement domine aussi le Parlement,
  • · le Gouvernement nomme les Conseillers d’Etat
Montesquieu quelqu'un ? N’est-ce pas ce vieux paresseux qui a écrit sur la séparation des pouvoirs? C’est difficilement applicable paraît-il chez nous comme chez lui du reste. Quoique nos amis américains le font. Ils appellent cela « Checks and Balances ». Non, cela ne veut pas dire « chèques et extraits de compte ».

Checks and Balances désigne quelque chose que notre "Monarchie Présidentielle" ne garantit plus bien : les vérifications, contrôles et équilibrages réciproques entre pouvoirs, nécessaires au bon fonctionnement d’une démocratie parlementaire et de l'administration. Les dysfonctionnements politiques "percolent" ainsi dans les Administrations.
La démocratie luxembourgeoise est caractérisée par la prépondérance d’un parti, le CSV, qui domine la scène politique depuis des dizaines d’années. Porté par les réflexes d'une population conservatrice et par des succès économiques dont il est pratiquement le seul a récolter les mérites, à tort ou à raison, ce parti attire des partisans de tous bords. Ensuite, comme ce parti ne peut pas gouverner seul, le nécessaire jeu de coalitions a créé une situation de vassalisation des autres partis, anxieux d'être de la partie coalisée. De sorte que l'on observe des tendances d'aplanissement du spectre des sensibilités politiques de la gauche vers la droite. Ce nivellement du débat politique est bien sûr aussi le fruit d'un bien-être sans précédent dans le pays. En conséquence, la classe politique luxembourgeoise exhibe souvent un alignement qu'on trouverait parmi les membres d'un parti unique, avec des ailes gauches et droites moins que plus prononcées et dissonantes. Une démonstration en était donnée lors du vote sur l'article 34 de la constitution. 

Pratiquement tout le monde a participé au massacre, à l'unisson. Par contre lors du vote sur l'euthanasie, le CSV s'est aperçu qu'a force de recruter dans un spectre large du réservoir national, il s'est constitué une aile gauche prononcée qui a soutenu un vote contre la ligne officielle du parti.
Après tout cela, je demanderai bien au professeur belge: "Dis fieu, et si une fois le Grand-Duc refuse de "promulguer"?" Je ne sais pas si vous êtes comme moi: signer un document me semble-t-il, engage ma responsabilité. A mon humble avis, l'article 34 devrait prévoir un mécanisme pour outrepasser un tel refus de signer, sans crier à la crise institutionnelle. Laisser mijoter, c'est la programmer, à moins qu'un autre massacre soit la fin qui justifie la mijoterie..

Conclusions

La révision de la constitution est en effet un vaste chantier. Actuellement, les travaux sont cantonnés dans les laboratoires obscures d'une Commission sans doute. Il convient que nous soyons tous vigilants et que le débat soit public et aussi large que possible. C'est notre affaire à tous. Il est nécessaire que les idées soient largement publiées, ce qui est aussi une responsabilité historique du quatrième pouvoir. Quant à mes lunettes helvético-américaines, voici ce qu'elles aimeraient voir:

Restaurer un pouvoir de véto soit au chef de l'Etat, soit au Gouvernement. Quelqu'un dans l'Exécutif doit jouer le rôle de gardien de la Constitution et de garde-fou. Ce pouvoir de véto doit pouvoir être outrepassé par un vote d'une super majorité ou par un autre mécanisme.

Introduire l'élection au suffrage universel des membres du Conseil d'Etat pour le rendre plus indépendant du Gouvernement et de la Chambre, avec une composition politique potentiellement différente de la Chambre, et le doter de ses propres moyens d'investigation, de recherche et d'expertise.
Consolider la Cour Constitutionnelle en véritable Cour Suprême de Justice, gardienne et interprète de la Constitution.

Introduire dans la Constitution une section spéciale sur les principes et les limites de notre intégration dans de organisations internationales et le transfert de souveraineté.

Mener les débats sur la révision de la constitution publiquement et impliquer le public souverain. Nous savons le mieux quand on nous marche sur les pieds. Une petite étude du QRS fait sauter aux yeux le texte des articles à adapter aux réalités vécues. Il faudrait surtout éliminer ce recours abusif aux formulations qui introduisent un principe pour le dégonfler immédiatement avec une clé permettant des manipulations ultérieures beaucoup trop facilement par simple adoption d'une loi.

Et plutôt que de s'inspirer du professeur belge comme source de droit, nous pouvons penser que "We the people" avons tout ce qu'il faut pour établir "ein einig Volk von Brüdern". J'ajouterais "und Schwestern."

Et comme une constitution, une vraie selon moi, se construit par le peuple souverain, elle ne peut venir d'en haut. Voilà pourquoi, comme si souvent, vous les jeunes vous êtes sollicités pour contribuer à définir votre avenir. Ou bien nous les vieux, on le définira pour vous! Le Statec vous le dira: on est de plus en plus nombreux. Vous-mêmes élisez toujours les mêmes. Pas étonnant que vos chefs, pardon serviteurs, finissent par être des vieux aussi.

Impliquez-vous, faites votre QRS, rejoignez le vaste chantier de la nouvelle Constitution. Si vous ne faites rien, ne comptez pas sur une euthanasie obligatoire pour ces vieux pour corriger votre inaction plus tard. Vous aurez à demander à Moïse qu'il change le "Tu ne tueras point" dans ses tablettes. Mais lui, il est un des nôtres. Pas sûr si le droit canon (non pas le canon de Gottlieb Hurra) a prévu une procédure d'amendement des tablettes. Et de toute façon, la réponse serait non. C'est maintenant qu'il faut agir.

Friday, April 5, 2019

La Présidence Trump: Mode d’Emploi


On dirait ..........



















La Présidence Trump: Mode d’Emploi

Si les luxembourgeois avaient pu voter aux élections américaines de novembre 2016, Hillary Clinton aurait gagné contre Donald Trump avec 93% des voix. C’est ce qu’indiquait un sondage qui a eu lieu la semaine avant les élections. Vivant aux Etats-Unis depuis près de trente ans, vétéran de ce qu’on appelle ici « Public Affairs », j’étais arrivé à un pronostic contraire basé sur les sondages américains, les mouvements des foules, et les ajustements statistiques nécessaires dans ce cas très particulier de bipolarisation de l’opinion publique. Je prévoyais une marge étroite possible en faveur de Donald Trump.

L’opinion publique luxembourgeoise me paraissait comme une hallucination, déclenchée par une information locale défaillante, inspirée par les media américains. Hillary Clinton était une mauvaise candidate car elle était opposée par une trop grande partie de l’électorat, près de la moitié. On ne gagne pas avec des chiffres pareils. Cette opposition est due surtout aux scories amassées par les Clinton au fil de plus de 30 années passées en politique. Bernie Sanders, qui quoique indépendant est affilié aux Démocrates, défiait l’interdit implicite au sein du parti qu’on n’oppose pas la princesse héritière Hillary. Il a été sauvagement saboté pendant les primaires par ses propres amis du « Democratic National Congress » pour que « Hillary » gagne la nomination. Pourtant faute d’autres candidats aux primaires, il était la seule vraie chance du Parti Démocrate de prévaloir contre Donald Trump. Celui-ci avait déjà donné la démonstration qu’il serait difficile à battre, après avoir éliminé à la tronçonneuse 16 autres candidats républicains dans les primaires. Pendant ce temps-là Hillary Clinton, tout en étant la princesse héritière présumée, devait se réduire à comploter avec l’aide de son parti et des media pour devancer un surprenant Bernie Sanders.

Il a plu sur la Procession Impériale !

Le jour de l’élection les militants de Hillary Clinton étaient en liesse. Les algorithmes des grands organes de presse, presque tous acquis pour elle, lui donnaient une quasi-certitude de gagner. Mais la procession solennelle vers la victoire se terminait très vite en naufrage dans la soirée. Le couronnement fut annulé. Trump avait gagné. Il fallait un coupable de suite pour justifier cette débâcle, qui après une première défaite contre Barack Obama, fournissait pourtant la preuve que Hillary Clinton était incapable de gagner. Non, la coupable ne pouvait être Hillary pour avoir gaspillé sa chance servie sur un plateau. Pour le camp de Hillary, la victoire ne pouvait être le mérite de Trump non plus : il était inimaginable qu’il ait pu battre Hillary avec ses propres atouts ! Cette victoire de Trump ne pouvait s’expliquer que par une fraude ! Pourquoi pas par une collusion avec les Russes ? Et une excuse fantastique faisait la une le soir des élections : les élections étaient « hacked » par les Russes ! Vous votiez Clinton ? Eh bien le résultat mystérieusement se transformait en un vote pour Trump. Cette fantaisie ignare était impossible, pour sa simple irréalité technologique. Pourtant les media, s’en emparaient pour quelques heures.  Cette excuse tellement simpliste a dû être ajustée par les « spin doctors » pendant les jours suivants pour expliquer le résultat non pas par du « hacking », mais par une ingérence russe et surtout une collusion Trump-Poutine. Cette accusation est devenue la raison pour nommer un « General Counsel », Robert Mueller, qui devait enquêter sur cette collusion. Il le fera pendant 675 jours pour un coût de 40 millions de dollars.

Hillary a écrit un livre accusant tout le monde pour son échec, excepté elle-même. Pour le plus grand mal du parti, elle travaille probablement à sa nième résurrection et un probable naufrage subséquent.  Elle avait surtout commandité le célèbre « Dossier » pour éclabousser Trump avec toutes sortes d’histoires sulfureuses. C’est de bonne guerre en politique américaine d’aller fouiner dans le passé de l’opposant, et c’est réciproque. Dans ce cas-ci il semble que les résultats de cette fouine aient servi de document officiel pour saisir la Foreign intelligence Surveillance Court (FISA), une cour de justice secrète (!) instituée en 1978 pour autoriser les enquêtes de contre-espionnage. Le juge a donné le feu vert a plusieurs reprises pour enquêter sur des membres de la campagne Trump. Certains ont été inculpés, pour avoir menti ou pour fraude fiscale, mais aucun pour collusion avec la Russie. Une histoire bien americaine.

Pendant ce temps-là, sur CNN

Depuis le début de la campagne électorale en 2015, émergeaient les deux éléments qui allaient déterminer les élections. Un code du « politiquement correct » à outrance faisait office de muselière au discours publique, alors que la Constitution élève en amendement sacro-saint la Liberté d’Expression. Cette muselière était embrassée surtout par l’aile gauche du parti démocrate, amplifiée par la presse favorable à Hillary Clinton, CNN en tête, au point de mériter le sobriquet Clinton News Network. La portée de CNN est mondiale, son influence sur les organes de presse internationaux est claire, comme le montre l’opinion prévalant en Europe et donc au Luxembourg. Le second élément est la plus récente contre-réaction, le ras-le- bol avec ce politiquement correct et la caste politique qui ne parle plus la langue de ses électeurs. Le résultat est une inversion du comportement électoral de certaines catégories d’électeurs surtout dans les réservoirs traditionnels de la gauche qui ont voté à droite.  

Dans cet imbroglio politico-sociétal la classe moyenne ne se retrouve pas dans les aspirations élitaires des Démocrates. Ces élites ont perdu leur parti. Les élites Républicaines ne se retrouvent pas dans les aspirations de ses nouveaux électeurs, dont des syndicats ! Ce parti a perdu ses élites. La Presse a perdu la confiance du public, et les magiciens des sondages publics ont perdu leur crédibilité.

L’idiot regarde le doigt qui montre la lune (Proverbe chinois)

C’est donc le candidat le plus politiquement incorrect qui a remporté les élections de 2016. Par le monde des millions de gens sont depuis obsédés par le personnage Trump, au point d’être habités par lui dans une sorte de désordre obsessif compulsif. Trump est là quand ils se lèvent, sur Twitter, à la radio, sur CNN où les têtes parlantes lèvent les yeux au ciel à chaque mention de son nom pendant des débats interminables. Une hystérie globale s’est développée, bien alimentée par des spéculations autour de l’enquête officielle sur une collusion avec la Russie. Après deux ans, l’enquête semble se terminer par un flop. Pendant deux ans les idiots auraient regardé le doigt qui montrait la lune ?

Les Etats-Unis et le monde auront perdu deux ans de travail plus constructif. Il est temps de revoir quelques préjugés sur le personnage qui change l’Amérique pour comprendre son mode d’emploi. Donald Trump, nous avons déjà vu, a gagné les primaires du parti Républicain à la tronçonneuse. Il a ensuite coiffé Hillary Clinton au poteau. Il sort aussi de ce piège monstre, l’accusation de collusion, où tant de monde s’est acharné à sa perte. Les Allemands auraient dit : « Viele Hunde sind des Hasen Tod » : un grand nombre de chiens, c’est la mort du lièvre. Il n’en est rien.

La dissection de l’équation Trump

Il faut chercher cette résistance du Président Trump et sa démarche dans son histoire personnelle : Trump est newyorkais, la ville rapide qui ne dort jamais et qui aime la démesure et les superlatifs. Il y est un pilier de l’immobilier, un monde qui joue selon les règles d’un capitalisme sans nuances et sans égards pour les timorés. Il est aussi milliardaire en dollars, ce qui aide. Il est vrai qu’à ce stade il n’a pas besoin de thérapie pour soigner son « self esteem », comme d’ailleurs la plupart des politiciens. Politiquement il a été Démocrate comme beaucoup de personnages newyorkais ultra-riches, il a aussi été Indépendant et puis Républicain, ce qui laisse supposer qu’il a une approche pragmatique quant à sa place dans le spectre politique. Enfin il était star d’une émission de télévision, reflétant un livre qu’il a écrit, « The Art of the Deal », dans lequel le coup fumant est la victoire dans une négociation. Il connait donc les media, le monde des communications et comprend parfaitement le cycle journalier des nouvelles. Ce qui fait de lui un combattant politique à part.

Attendez-vous dès lors à voir de la négociation partout selon un schéma qui a sa propre logique : on entre dans la danse en énonçant un problème bien connu de tous, mais ignoré depuis longtemps par négligence bénigne, opportunisme, le politiquement correct et la non-ingérence. Pour y remédier et casser le cycle du désintérêt et des tabous, il faut d’abord énoncer le vieux problème et puis dénoncer les tenants de la négligence et de la résistance. Le débat s’ouvre alors comme des enchères selon le principe de la « Dutch auction », les enchères à l’envers : elles commencent avec un prix très élevé de sorte qu’il faudra bien le diminuer par la suite avant de trouver un preneur. Bien au-delà du minimum ciblé. Et souvent la vraie cible est le preneur, qui n’avait qu’un seul choix, celui de participer aux enchères pour éviter bien pire.

Les exemples sont nombreux et se ressemblent forcément : les membres de l’OTAN ne payent pas leurs 2% du PNB auxquels ils avaient pourtant souscrit, l’accord NAFTA est en déséquilibre en défaveur des Etats-Unis, le déséquilibre commercial avec la Chine et l’Union Européenne est tel qu’on lèvera une taxe à l’importation de 25%, l’accord sur le nucléaire Iranien est un leurre qu’il faut renégocier, et la Corée du Nord défiant le monde en poursuivant son programme d’armement nucléaire va voir ce qu’on va voir. Et on va quitter l’Iraq, l’Afghanistan et la Syrie. Ce sont les énoncés.    
   
Sur ce le monde fait le grand écart, offusqué. Mais attention, ce n’est pas personnel, seulement du business, comme on expliquerait à New York. L’Europe fait des entrechats et des pointes, mais tourne le manège jusqu’à la scène finale : on acceptera le « deal » avec la certitude d’avoir fait une bonne affaire.
        
Pendant ce temps-là, en Europe désemparée …

En Europe il a bien fallu faire le deuil de Hillary cette nuit de novembre 2016. Puis se tourner vers le vif du sujet : non mais, vous avez vu ses cheveux ? Et le kitsch dans Trump Tower !? Saurait-il énumérer les différents morceaux de l’ancienne Yougoslavie ? Dans ce tintamarre le Président Macron avait seul pris l’initiative d’un rapprochement avec cet inconnu en invitant le Président américain aux fêtes du 14 juillet 2017. Cette relation bien commencée a ensuite été négligée. Dommage, car c’était le seul vrai forum jusqu’à présent pour une franche camaraderie avec l’Europe. C’est CNN qui comble le vide diplomatique en s’assurant que sa version anti-Trump primaire domine le discours et s’exporte partout. L’Amérique actuellement s’éloigne un peu plus de l’Europe pour se replier sur elle-même.

Un Luxembourg désorienté

Le Luxembourg n’a pas fait d’effort non plus pour promouvoir l’entente cordiale, malgré son interdépendance disproportionnée avec les Etats-Unis. Le Luxembourg a beaucoup d’intérêts à sauvegarder, qui dépendent en partie du bon vouloir et du politique américain. D’accord, on a augmenté nos dépenses militaires pour nous rapprocher des 2% du PNB, en créant « Govsat » sorte de « Ramplassang » pour un effort militaire qu’on fera plus aisément avec de l’argent qu’avec des unités de combat. Mais on a donné une mauvaise note à l’ambassadeur des Etats-Unis qui a chuchoté dans nos oreilles de dire quelque chose sur la Crimée aux Russes. Notre Ministre des Affaires Etrangères ne semble pas non plus vouloir capter l’air du temps venant de Washington. Il a plutôt un penchant pour Hamas que pour Israël, et son recueillement sur la tombe de l’Ayatollah Khomeini est légende au Luxembourg Desk du Secrétariat d’Etat à Washington. Où on se rappelle très bien aussi la chaleureuse proximité de Jean Asselborn avec Madame Clinton et Monsieur Kerry.

Viviane Reding s’est distinguée en montant sur les barricades contre les menaces de nouveaux tarifs douaniers sur l’acier. C’était très louable, mais l’intérêt luxembourgeois n’était pas en jeu : Arcelor-Mittal a treize implantations aux Etats Unis et aurait plutôt profité d’une telle barrière sur leur marché américain. En fin de compte Jean-Claude Juncker a pris le taureau par les cornes et s’en est allé trouver Donald Trump. Monsieur Juncker a fait foi de son credo sur le libre-échange à la Maison Blanche, grand sanctuaire du libre-échange, au point de convertir Monsieur Trump, l’homme de « The Art of the Deal » d’accepter ce deal sur le libre-échange qui lui était offert : au lieu d’escalader les tarifs douaniers, les deux hommes ont décidé d’appliquer un tarif zéro. C’était un coup fumant, mais il n’est pas encore dit de la part de qui.  Monsieur Juncker pouvait fièrement annoncer que la guerre commerciale n’aura pas lieu. Monsieur Juncker cependant n’a pas évoqué l’autre grand succès de sa mission : il a étendu le marché unique de l’Union Européenne aux 50 états des Etats-Unis en leur accordant un tarif zéro. Dorénavant les Etats-Unis auront tous les avantages commerciaux d’un membre de l’Union Européenne sans en avoir les obligations. A moins d’annuler tout cet acquis par l’action des bureaucrates chargés de mettre cet accord sur papier.

Les intérêts du Luxembourg et ceux de l’Union Européenne cependant sont loin d’être identiques. Rester absent de Washington ou pire traiter cette Administration par l’indifférence voire le dédain, c’est manifestement tenter le diable, surtout pour la défense d’une place financière qui abrite tellement d’intérêts américains. Il y a d’abord le rapatriement de quelques milliers de milliards de dollars parqués par les grandes sociétés américaines dans des centres comme Luxembourg. Ils y étaient pour échapper à une double imposition en cas de rapatriement. Les nouvelles lois fiscales permettent ce retour sans frais, et l’Administration Trump les encourage. Des nouvelles dispositions fiscales pourraient faire des Etats-Unis et certains états en particulier des concurrents redoutables pour les centres financiers Européens. Les fonds luxembourgeois cela se défend à Washington, pas au Moyen Orient.

Pendant ce temps-là un Président sous pression a présidé à une économie dynamique, un chômage qui indique un quasi plein emploi, une recrudescence des activités industrielles, des valeurs en bourse élevées et donc la bonne santé des fonds de pension, le Califat rayé de la carte, l’indépendance énergétique, Madame Merkel veut un porte-avions et Monsieur Juncker une armée européenne, le joli mur qui va égayer la verte vallée du Rio Grande, et surtout Kim Jong Un qui s’abstient pour l’instant de jouer avec les allumettes nucléaires. Ce ne sont pas des « fake news ».

Se préparent alors les élections de novembre 2020. Chez les Démocrates surtout, où les candidats sont légion. Ils exécutent tous le Washington Square Dance où ils tombent l’un sur l’autre pour être plus à sa gauche, tellement que les centristes et indépendants risquent de ne pas s’y reconnaitre. Trump 2020 ? En ce cas il faudrait une pétition à la Chambre des Députés pour que notre Ministre des Affaires Etrangères fasse le détour à Washington pour au moins échanger ses souvenirs de guerre en Afghanistan avec Mike Pompeo. Histoire de créer des liens.

Aux dernières nouvelles il s’y est rendu, à Washington. Mais sommé comme tous les soldats de son grade.