Saturday, June 23, 2012

Luxembourg - Etats-Unis: Deux siècles de relations, entre autres diplomatiques


Luxembourg - Etats-Unis: Deux siècles de relations, entre autres diplomatiques.

Article paru dans "Forum" No 319 de juin 2012 sous le titre: "L'ami américain"

En parlant de "deux siècles" de relations entre le Luxembourg et les Etats-Unis je fais bien sûr référence à ses débuts, au flux unidirectionnel de 72.000 refugiés économiques sinon d'opprimés luxembourgeois vers les Etats-Unis dès le début du 19 siècle.

Il n'y avait pas de relations diplomatiques entre les deux pays. En fait, les Etats-Unis n'ont reconnu le Grand-Duché de Luxembourg qu'en 1878. Le premier ambassadeur US était en poste à La Haye en 1903, ensuite en Belgique, avant l'ouverture d'un poste à Luxembourg, puis d'une Ambassade en 1956. Le Luxembourg de son côté  entretient une Ambassade à Washington depuis avril 1940, ainsi qu'un consulat Général à New York et un à San Francisco. Ces deux derniers ont pour mission principale le développement économique.

Les premières relations commerciales de l'entre deux guerres.

En 1920, la sidérurgie luxembourgeoise sous l'impulsion d'un de ses grands, Emile Mayrisch, se mit à la conquête des marchés outre-Atlantique, Etats-Unis et Brésil. Ainsi y est établie Columeta dans les années vingt, qui deviendra TradeARBED à New York en 1976. C'est la première conquête luxembourgeoise du marché américain qui reste un succès inégalé pendant des décennies. Il a fallu attendre l'essor de Cargolux dans les années 70 pour voir un autre conquérant luxembourgeois sur le marché américain, suivi de Paul Wurth, Rotarex et surtout la SES par une acquisition spectaculaire de GE-Americom. Nous oublierons bien volontiers l'échec de Luxair pour établir une ligne directe Luxembourg-Newark.

L'après-guerre

Du côté américain, l'après-guerre a vu un intérêt grandissant des entreprises américaines pour les marchés européens, par anticipation du développement du Marché Commun. Les pays européens allaient se concurrencer dans leurs efforts pour attirer l'investisseur américain.

Le Luxembourg avait par accident attiré Good Year en 1950, parce qu'aucun de nos voisins n'en voulait. Tous nos voisins avaient leur propre industrie du pneu à protéger: Michelin, Vredestein, Dunlop, Uniroyal, Pirelli. Le monde n'était pas global.

En 1949, un revendeur de pneus Good Year à Luxembourg, Monsieur Stein, s'est adressé à l'Administration des Biens de la Grande-Duchesse Charlotte pour trouver appui pour le projet. C'est ainsi que le site des Anciennes Forges de Colmar-Berg est devenu l'ultime solution, alors que le manque de terrains industriels n'aurait pas permis l'installation d'une entreprise de cette envergure en si peu de temps. Petite ironie du sort: les Forges de Colmar Berg exportaient de l'acier dès le 17e siècle vers les colonies américaines. (1). Good Year allait rester la seule implantation américaine au Luxembourg pendant 10 ans.   

La création du BID

Le Luxembourg s'est engagé dans la vraie chasse à l'investisseur américain en 1959. (2) Le 29 octobre 1958, Monsieur Joe E. Gurley, citoyen américain résidant à Luxembourg, adressa une lettre au Gouvernement luxembourgeois dans laquelle il exhorta le Ministre de l'Economie de considérer une nouvelle politique économique. Il proposa de créer un groupe d'action qu'il appelait "Board of Industrial Development" ou "BID", ayant comme but d'attirer des investissements et des activités industrielles américaines à Luxembourg.
Son argumentation était qu'une diversification des activités industrielles luxembourgeoises était sans doute désirable, sinon nécessaire, et que les industriels américains, en cette année 1958, s'engouffraient dans le Marché Commun naissant. Joe Gurley, qui possédait l'art de la communication a utilisé par la suite l'argument massue qu'en fait il y a compétition entre pays du Benelux pour ramener des investisseurs américains en Europe, et que le score dans cette course était à ce moment là: Pays Bas 87, Belgique 38, Luxembourg 0. (2)
Le 14 janvier 1959, Joe Gurley remit une proposition écrite pour la mise en œuvre du BID. Les graves difficultés et finalement la fermeture du dernier bastion de l'industrie du cuir, la société Idéal à Wiltz, (production environ 500.000 m² de cuir en 1958, à 40% de capacité, 350 emplois) représente probablement l'électrochoc qui a fait naître le BID.
Le Prince Charles devient Président et Joe Gurley devient Directeur du BID, qui dès le mois d'avril 1959  prend possession d'un bureau au Consulat Général du Grand-Duché de Luxembourg à New York, 200 East, 42nd Street.

Les opérations

La chasse à l'investisseur est hautement compétitive, et secrète. C'est avec un clin d'œil que Joe Gurley a laissé derrière lui les traces qui montrent qu'il avait passé aux rayons X les opérations hollandaises et belges aux Etats Unis, personnel, documents, méthodes et procédures compris: un formidable raccourci dans la courbe d'apprentissage pour le Luxembourg, car il a fallu tout apprendre de ce métier.
Dès le début, une campagne fut lancée pour faire d'abord connaître l'existence du Luxembourg et pour entrer en contact avec les entreprises potentiellement intéressées à venir s'établir à Luxembourg. La brochure "Luxembourg, at the center of the Common Market, for your Industry", imprimée en 2.500 exemplaires, servait de support à cette campagne. Le bureau BID finissait par maintenir un fichier de 1.500 entreprises industrielles américaines. Les plus prometteuses faisaient l'objet de visites de prospection. La présence d'un membre d'une famille royale européenne dans ces années de "l'après Grace Kelly et Walt Disney" semble avoir été singulièrement efficace pour trouver porte ouverte dans les hautes sphères de l'industrie américaine, et particulièrement aussi auprès de la presse américaine.
L'action du BID pour faire connaître le Luxembourg comme endroit désirable a aussi eu un effet boomerang: l'endroit désirable a bel et bien dû mettre du make-up pour embellir les conditions d'accueil, son système des contributions et créer des aides à l'investissement. Les communes, telles que Steinsel, ont fait de grands efforts pour trouver des terrains industriels pour Bay State par exemple. Le passage de la loi-cadre d'expansion économique du 2 juin 1962 facilitera la tâche dorénavant. L'effort de développement économique luxembourgeois allait de succès en succès.

La fin du BID

Mais l'histoire du BID se termine là, au 31 décembre 1961, abruptement. Le BID, au bout de trois ans à peine, était devenu victime de son succès. L'initiative de Joe Gurley a marqué un tournant dans l'histoire économique du Luxembourg. Ses succès, énumérés ci-dessous donnent la raison de cette dissolution, qui se résume par une entête dans le New York Herald Tribune du 12 février 1964: "One unemployed worker in all the duchy". C'était le problème invoqué, surtout par l'Arbed, pour terminer le BID en 1961: qu'il n'y avait plus de main d'œuvre et que les taux des salaires iraient en s'envolant. Cette vue, vigoureusement contestée par Joe Gurley dans un discours au Rotary le 8 décembre 1961 était cependant sans appel. ARBED, le monolithe avait parlé.

Les résultats

Il est vrai que pendant son opération sur trois ans, le BID a eu des succès immédiats, et d'autres, les procédures de décision prenant du temps , dans les années suivantes. Voici, selon STATEC, les principales nouvelles implantations étrangères qu'il y a eues par année de constitution: Yates, Wiltz (60), Eurofloor - American Biltrite, Wiltz (61), ALCUILUX, Clervaux (61), Bay State Abrasives, Steinsel (61), No-Nail Boxes, Warken (61), Cleveland Crane & Engineering (62), Commercial Hydraulics, Diekirch (62), Texas Refinery, Echternach (62), Du Pont de Nemours, Contern (62), Norton, Bascharage (63), Monsanto, Echternach (63), P. Lorillard, Ettelbruck (63), Uniroyal, Steinfort (65), Eurocast, Grevenmacher (66), Morganite, Windhof (67), Continental Alloys, Dommeldange (69), GM, Bascharage (70). En tout plusieurs milliers d'emplois en 10 ans. Le budget du BID était de $45.000 pour ses trois années d'opération, donc probablement moins de $15 par emploi créé.
C'est aussi à cette époque que le Luxembourg a profité de son appartenance à l'OTAN pour se voir récolter quelques investissements militaires, comme la NAMSA à Capellen, la WSA dans le Sud et même le financement de travaux d'expansion l'aéroport du Findel.

La naissance du BED et l'essor de la Place Financière.

Treize ans plus tard en 1974, ironie de l'histoire, le monolithe qui avait fait cesser les activités du BID, s'éclatait en mille morceaux, nous laissant une "Division Anticrise" ou DAC financée par nos impôts. C'était aussi le cri au secours pour réinstaurer un "Board of Economic Development" ou BED en 1975, présidé par le Grand-Duc héritier Henri. L'histoire se répète.
Mais au fil des années, l'attraction pour les implantations industrielles au Luxembourg est devenue victime de l'explosion des coûts au Luxembourg. Malgré la nouvelle orientation de la prospection économique luxembourgeoise non seulement vers les Etats-Unis, mais aussi vers d'autres horizons, comme le Japon, Hong Kong, Corée du Sud, Italie et Suède, le site industriel luxembourgeois déclinait.  Les quelques implantations industrielles des années 70 et 80 comme Electrolux, Mondo Rubber, TDK ou Fujitsu-Fanuc n'étaient plus américaines. Mais l'attractivité du pays s'est déplacée vers les services et le centre financier qui a connu un développement fulgurant, devenant un nouveau "monolithe". Les institutions financières américaines ont été souvent pionniers, surtout quand il s'agit d'innovations et de produits.

Parmi les banques américaines qui se sont établies au Luxembourg dans les années 70 et 80,  citons les géants Citi, JPMorgan Chase, Morgan Stanley et State Street dont l'intérêt primordial était de servir les besoins de la croissance fulgurante des fonds d'investissement au Luxembourg, surtout dans les domaines administratifs et de "custodian". La Republic National Bank mérite aussi une mention. Son fondateur Edmond Safra a toujours été un grand ami et support des causes luxembourgeoises à New York. Aujourd'hui le Luxembourg est le numéro deux mondial après les Etats-Unis pour les fonds d'investissement domiciliés, totalisant plus de 2.000 milliards d'Euros.

Cette importance, en disproportion avec la taille du pays, s'explique par une politique zélée des niches souveraines qui procurent des avantages substantiels à l'investisseur (étranger). Le Luxembourg a imaginé un mode opératoire adapté aux réalités européennes: le Luxembourg traduit les directives européennes en matière financière en législation luxembourgeoise immédiatement et sous leurs contraintes minimales. Ce qui offre une voie libre, immédiate, facile et économique pour tout nouveau produit luxembourgeois dans toute l'Union Européenne.

Ainsi toutes les innovations ont suivi le même modèle: la réassurance au début des années 80, la Soparfi, le capital à risque avec la SICAV, les hedge funds, sans oublier la vénérable Holding 29 qui existait dans l'ombre pendant des décades pour éclore vraiment comme une solution tous azimut  dans les échafaudages financiers, un don providentiel créé presque par inadvertance dans l'entre deux guerres. Mais qui a été sacrifié sur l'autel de l'enthousiasme européen.

L'essor du centre financier a changé aussi la façon dont le Luxembourg fait sa promotion internationale. Alors que le BED garde sinon le nom, sa raison d'être, il est vrai que la promotion d'un centre financier comporte moins de négociation qu'un site industriel. Il s'agit désormais plus d'une démarche de vendeur de la niche souveraine. C'est ainsi qu'on a assisté récemment à une multiplication des agents et agences de promotion luxembourgeoise. Dans certains cas je parlerai volontiers de prolifération exagérée née de la compétition entre acteurs luxembourgeois voire ministères. Jugez par vous-mêmes: BED, Chambre de Commerce, Luxembourg for Finance, Luxembourg for Business, Luxinnovation, les CRP Henri Tudor et Gabriel Lippmann, fusionnés maintenant, ALFI, le Fonds National de soutien de la production audiovisuelle, et même le régulateur CSSF et l' American Chamber of Commerce. Il faut ajouter aussi les grandes sociétés de consulting, toutes avec des racines et des standards américains, qui sont elles-mêmes dans la promotion de la place financière: Arthur Andersen dans le temps, maintenant Ernst&Young, Price Waterhouse Coopers, BDO, Deloitte et KPMG. Ceux-là emploient des milliers de professionnels au Luxembourg!

S'il est vrai que la plupart des produits financiers innovants sont nés aux Etats-Unis, certains ont eu à l'occasion des effets indésirables, comme ces produits d'ingénierie financière qui ont présenté des risques mal compris, mais que l'appât du gain a fait vendre. Sur cette liste se trouvent beaucoup de produits dérivés qui sont à l'origine des pertes considérables vues depuis 2008, et en fait à l'origine de la crise financière qui pèse encore.

D'un autre côté la vigilance est de rigueur dès qu'il y a un flux important de capitaux: tous les jours, un petit pourcentage de l'humanité se lève en effet sans bonne intention. Les mauvais garçons se sont intéressés très tôt à la place financière, ce qui à l'occasion nous donne à gérer un petit ou grand scandale.

Déjà oublié est un premier des années 60, avec la fraude monstre à l'époque du fonds d'investissement "Investors Overseas Service" (IOS), qui maintenait une banque à Luxembourg. Le fonds a été géré et plumé par Robert Vesco, réfugié avec son butin à Cuba  jusqu'à sa mort. Puis nous avons connu la faillite de la BCCI, qui quoique non américaine, avait des liens proches avec l'Administration Carter et les services de renseignement. Passons, si j'ose dire les quelques milliards frauduleuses de Banco Ambrosiano et Parmalat qui n'étaient pas américains, pour en arriver à Bernie Madoff, qui a bien su vendre sa marchandise aux naïfs sinon criminels au Luxembourg.

Ces ombres au tableau du formidable succès de la place financière sont des munitions dans les mains de ses ennemis qui sont essentiellement les gouvernements étrangers chassant l'impôt qui se dérobe à eux de façon légale et illégale. Les Etats-Unis en font partie et ils ont une tendance a pratiquer une politique du "long bras", c'est à dire qu'une frontière d'un état souverain ne prévient pas les Etats-Unis d'y exercer son propre pouvoir.

La place financière et les relations bilatérales

Alors que les délocalisations d'activités industrielles de l'Amérique vers le Luxembourg n' ont pas vraiment créé de grandes protestions des syndicats, le  développement du centre financier par contre nous met dans le collimateur du gouvernement et de l'opinion publique américaine. Sont bien connus les efforts américains existants d'interdire le blanchiment d'argent, qui se sont matérialisés par une réglementation recommandée et uniformisée par le Groupe d'Action Financière ou GAFI de l'OECD. Ou aussi le réglementation américaine OFAC, qui s'applique qu'on le veuille ou non aux transferts en USD de par le monde, sanctions et amendes à l'appui.

Depuis des années des menaces que représentent quelques projets de loi américains pèsent sur la place financière, dont le fameux "Tax Haven Abuse Act" introduite par les Sénateurs Obama et Levin et qui met le Luxembourg sur une liste noire. Il y a plus: mijotant aussi dans les tiroirs du Congrès se trouve le projet de loi sur les "paradis judiciaires et règlementaires" concocté par Barney Frank, ancien représentant. Le Luxembourg risque un nouvel assaut. Et nous connaissons déjà les contraintes du "Qualified Intermediary" (QI), imaginé diaboliquement par Larry Sumners sous Clinton, Foreign Account Tax Compliance Act (Fatca, Obama) qui est le QI amplifié et le "Foreign Corruption Pratices Act" (FCPA, Carter).

Conclusions:

Les relations avec les Etats-Unis sont multiples, délicates, complexes et des fois ambiguës surtout politiquement. Les relations économiques sont intenses avec un pays qui n'est pas un voisin proche.

C'est d'abord l'initiative de l'industrie américaine, désireuse de se positionner en vue de l'essor du Marché Commun, qui est venue à la rencontre du désir luxembourgeois de les attirer. Dans la concurrence que se livraient les pays européens pour attirer ces industriels, tout un éventail de d'aides et de supports ont été créés. Le Luxembourg a profité par sa géographie et son appartenance au Marché Commun pour diversifier son industrie et son commerce.

Malgré une géographie propice pour industriels et malgré les aides, le Luxembourg s'est vu confronté à une perte de compétitivité graduelle. Il a ensuite choisi d'exploiter une série de niches souveraines: secret bancaire, taxations, positions orbitales, pavillon maritme. Cette politique a connu des succès remarquables, car la niche souveraine garantit une certaine liberté d'action, et la globalisation assure des marchés surtout européens. Mais certains produits financiers sont précaires et souvent sous attaque par les partenaires européens, sinon le reste du monde, et certainement le "long bras" des Etats-Unis. A ce jeu il importe de garder toujours une longueur d'avance, car des pans entiers du dispositif sont menacés de devenir obsolètes à terme sous de multiples pressions. Tel est le cas du secret bancaire, qui d'ici 10 ans n'existera plus dans le monde sous sa forme de cachette.

En fin de compte, le Luxembourg a vécu une américanisation rampante depuis 60 ans, qui couvre pratiquement toute activité: services, industries, agriculture, culture et divertissements. Bon nombre de luxembourgeois jouissent d'un niveau de vie sans précédent dans l'histoire du pays, grâce à une politique des niches souveraines à exploiter, souvent grâce à des produits inventés en Amérique. Citons la SES, Cargolux, Apple, Microsoft, Ebay, les fonds mutuels, les hedge funds, le capital à risque, la réassurance. Et de son coté, le Luxembourg représente un client pour les États-Unis qui achète au-delà de sa taille: avions Boeing, satellites, bons du trésor et autres investissements.

Ce n'est pas vous qui allez me contredire, vous qui lisez ceci en "Word" sur votre ordinateur HP ou sur votre iPhone ou iPad.

 (1) Plaquette Commémorative des cérémonies d'ouverture des Usines Good Year le 24 avril 1951.

Wednesday, June 20, 2012

Au Stade National de Livange, la lumière ne fut pas.


Vers l'été de toutes les contradictions

Le mercredi 13 juin, la Chambre des Députés a éteint les lumières dans le Stade National de Livange, en espérant ainsi réduire la facture du scandale que les députés avaient sur les bras.

Tout le monde connait la partie visible de ce scandale qui s'est développé suite aux révélations du Mouvement Ecologique en octobre 2011. Sous ses projecteurs, le public luxembourgeois a découvert un exemple type de la corruption à la luxembourgeoise: je gratte ton dos, tu grattes son dos et il grattera mon dos. Bien sûr, vous pouvez ajouter plus de trois personnes dans ce cercle. Et comme il n'y a presque  pas de lois qui interdiraient de gratter le dos de quelqu'un, tout cela est bien légal.

Dans le cas de Livange, ce cercle a fini par dégénérer en spirale qui s'est écrasée en vrille devant le nez de nos députés. Etalés là étaient une lettre très confidentielle signée par trois ministres, un avis légal sur cette étrange lettre, deux projets concurrents, Wickrange et Livange, la BCEE et ses relations ambiguës avec les promoteurs et les ministres, des prêts qui font rêver, sinon jaser, des copinages, des mensonges, des menaces et des disputes.

Que la lumière soit! Mais le pénal tient la Chambre des Députés en l'état.

Il est clair qu'une journée comme celle du 13 juin comporte un minimum de chorégraphie. Nous n'avons pas appris beaucoup plus que nous ne savions déjà. MM. Bausch et Meisch ont développé la liste de leurs questions, voire accusations.  A remarquer que l'avis légal de Me Turk n'en faisait pratiquement pas partie. Il ne le fallait pas non plus, il repose sur ses propres mérites. Il était dès lors un peu surprenant de voir qu'un nombre des réponses en  défense des acteurs du Stade étaient préparées par les chorégraphes avec la présomption que cet avis légal serait la pièce maîtresse des questions. Le résultat était que bon nombre de réponses répondaient à des questions qui n'étaient même pas posées, et ne répondaient pas à celles qui l'étaient. Tel le gamin qui ne savait pas sa leçon sur les poules, mais qui savait tout sur les vers de terre.

En attendant le vote contorsionniste de la fin, les intervenants, pour ne pas répondre aux questions s'exerçaient en contradictions, en exagérations (le coup de fil a duré 10 secondes)et en esquives. Des fois aussi en prestations constructives, comme le Ministre de la Justice qui jouait à Monsieur Dictionnaire pour rétablir la bonne rhétorique.   Mais il faut surtout retenir  que l'effort principal était canalisé vers l'objectif ultime de la journée, l'avortement de la demande pour une commission d'enquête parlementaire pour  y substituer une enquête pénale .

Tombaient aussi une à une les deux distractions de la journée. Je pensais qu'elles faisaient partie de la chorégraphie d'ensemble pour divertir de la séance en cours, à cause de leur timing. Je parle des informations que le Parquet ouvrait une enquête sur Livange-Wickrange, et que Andy Schleck ne participera pas au Tour de France, à cause d'une fracture à un endroit aussi transparent que l'affaire de Livange. Un vote final scellait enfin le destin de la commission d'enquête: 39 députés contre 21 votaient pour l'obscurité.

Le Luxembourg vient d'inventer un nouvel adage judiciaire: "Le pénal tient la Chambre des Députés en l'état !" Ce sera dorénavant la méthode frivole pour bloquer l'accès du Parlement à la vérité. Le fait de porter plainte pénale préempte la création d'une commission d'enquête. En ce cas-ci c'est une faute politique qui discrédite le monde politique et laisse le public cynique. Mais il y avait aussi les promesses que l'on ferait mieux la prochaine fois.

Il y aura des changements, parole de Scout, ou honni soit qui mal y pense

Notre Premier Ministre a déroulé son parchemin plein d'innovations à venir, fruits des leçons qu'il a tirées de l'affaire Livange. Je m'en réjouis déjà comme de mon premier vélo.

Dorénavant il y aura un procès-verbal de toutes les rencontres ministérielles. J'ai toujours remarqué que l'entourage des ministres étrangers avait un ou deux scribes lors de nos réunions, et qui prenaient des notes avec application. Du côté luxembourgeois, cette tâche subalterne n'était généralement assurée par personne. On va donc maintenant introduire cette habitude exotique dans les entourages de nos ministres. C'est essentiel, car on aura aussi le droit d'accès à l'information. Vous vous rappelez, ce projet de loi sur le droit à l'information introduit par Alex Bodry à l'aurore du nouveau millénaire, il y a 12 ans ? A l'avenir, des comptes rendus devront donc exister sur des supports que l'on puisse copier ou publier sur demande du public.

 Puis on aura un "Ministeschgesetz" et un code de déontologie. Je suis déjà en train de copier ce qui se fait aux Etats-Unis, juste pour avoir des idées sur ce terrain révolutionnairement nouveau. Quand je viendrai à Luxembourg pour discuter d'un projet avec le Premier Ministre, j'apporterai bien sûr aussi mon propre témoin qui prendra des notes. En espérant que cela ne provoquera pas cet effet paralysant de la "reduzéiert Wierkungsméiglechkeet".


Il ne faudra pas non plus oublier d'adapter la législation sur la corruption à l'exemple du "UK Bribery Act" (1) au Royaume Uni, ou du "Foreign Corrupt Practices Act", FCPA (2), aux Etats-Unis. Non seulement serait-ce utile pour l'affaire de Livange, ce sera nécessaire pour prévenir des attaques futures sur le centre financier. Et il ne faudra surtout pas négliger l'importance de la révision de la constitution, qui semble être imminente depuis quatre ans.  Comme ce sera l'occasion de consolider le cadre de notre  démocratie, et comme le public n'y a pas contribué, je recommande, juste pour comparer, la lecture des réflexions profondes d'Alexander Hamilton, John Jay et James Madison en vue de l'élaboration de la constitution américaine. Elle est née du peuple, celle-là, et commence par "We the People."

Ce sont des belles promesses, rassurantes. La bonne nouvelle est qu'elles ne deviennent mensonges que si elles ne sont pas tenues. Il nous faudrait des dates d'expiration pour les promesses, auxquelles elles deviennent mensonges automatiquement.

Pour conclure, le bêtisier de l'été

Clairement, si j'ose dire, l'obscurité autour du Stade National n'aide en rien pour regagner la confiance du public. L'été, s'il y en a un,  verra sa  part de salades de soupçons qui alimenteront les rumeurs, faute de vouloir jouer cartes sur table. Voici les ingrédients du menu de l'été:

LIVANGE:
  • Personne n'est intervenu auprès de la BCEE. J'ai bien appelé la BCEE, mais beaucoup plus tard. La conversation a duré 10 secondes.
  • La BCEE n'est pas engagée dans le projet Livange. La BCEE a fait un prêt de € 16 millions au promoteur Rollinger. Le taux d'intérêt est un taux normal. J'ai appelé la BCEE suite à la demande de Rollinger.
  • On va te rompre le cou. Tu n'auras plus de marchés publics. Je vais porter plainte en diffamation.  
  • M. Finck est au Conseil d'administration de Lynx/Becca à la demande de la CSSF.  M. Finck est au Conseil d'administration de Lynx/Becca à la demande de M. Becca. Il représente les 4 banques. Il représente les 3 banques. Vingt employés de la BCEE se partagent 100 postes d'administrateurs.
CARGOLUX:
  • L'Etat n'est pas actionnaire de Cargolux. L'Etat ne fera pas d'interventionnisme. L'Etat intervient pour Rollinger. L'Etat intervient auprès du Qatar.
  • Les BVI c'est mieux pour Cargolux. Il n'y aura pas de "outsourcing" de la maintenance.
 
EUROGROUPE
  • Je ne suis plus candidat à la présidence. J'ai besoin de temps pour moi. C'est un job à plein temps. Il ne peut être cumulé avec une autre fonction. Le candidat doit aussi être Ministre des Finances. Le candidat doit être un ancien chef de gouvernement
MOODY's:
 
  • La BCEE a automatiquement la note triple A de l'Etat. Moody's dégrade la BCEE. La nouvelle notation est sans incidence sur la bonne marche des affaires de la banque. Il faudrait une agence de notation européenne.

On utilisera les vacances d'été soit pour oublier ce méli-mélo. C'est la préférence de tous ceux qui ont voté pour l'oubli. Soit il faudra que le chorégraphe coordonne mieux les performances.

(1) http://tinyurl.com/3mntake
(2) http://tinyurl.com/ye7sbg6
(3) http://tinyurl.com/6pcf9kn

 
 
 
 
Article publié au tageblatt et au Journal, juin 2012


 
 
 

Sunday, June 17, 2012

EURO-ka !



Les Grecs ont voté plutôt conservateur aujourd'hui. Ce qui réjouira gouvernements de gauche et de droite en Europe.  Un vote à gauche aurait fait le contraire, le choc. A l'Euro donc, levons un petit verre de tsipouro!

Demain les bourses célèbreront et l'Euro gagnera du poids. Le nouveau gouvernement sera pro-Euro. Mais c'est quoi ça déjà, cette autre question sur l'austérité et la discipline fiscale? Faudra renegocier avec les barbares.


Et l'Europe devra faire son devoir à domicile: plus d'intégration pour se donner les moyens politiques essentiels pour une monnaie commune. Vaste chantier. Ouvrez un compte courant avec ligne de crédit à la Grèce en attendant.

Saturday, June 16, 2012

Luxembourg: Juncker restera chef de l'Eurogroup, rapporte la Wirtschaftswoche.


Bloomberg a rapporté des nouvelles de Wirtschaftswoche, selon lesquelles Juncker resterait président de l'Eurogroupe, ET Yves Mersch, le banquier central du Luxembourg, rejoindrait le Comité Exécutif de la BCE.

Si cette nouvelle est confirmée, elle révèle les excellentes compétences de Juncker pour manœuvrer dans les allées du pouvoir non-élu  de l'Union Européenne. Il a longtemps prétendu ne plus être candidat au poste de président de l'Eurogroupe tout en laissant planer l'ambiguïté.  Puis il était un des volontaires pour énoncer des règles selon lesquelles se ferait le choix d'un successeur, telles que: être un ancien chef de gouvernement, se concentrer uniquement sur cette présidence sans cumul avec des fonctions nationales. Puis renversement: il est désirable que la personne choisie cumule la présidence avec une fonction nationale. Dans la suite il eut quelques propositions osées pour neutraliser certains candidats possibles comme Monti, qui a dit non, ouf! Et puis Schäuble, qui lui n'est pas chef de gouvernement, ou un obscure Finlandais, trop périphérique. L' Italie et l'Allemagne (connivente?) ainsi neutralisées, Juncker avait mis sur pied une visite presque impromptue chez M. Hollande à peine des minutes après son  élection comme président de la France. Pour les observateurs avertis, ce fut une dernière preuve claire que Juncker avait joué la partition du renard de la Fontaine qui soit allait attraper le raisin, soit prétendre que les raisins étaient trop sûres. Au contraire de la fable, le renard aurait donc gagné ses raisins.

Qui plus est, M. Juncker avait déclaré qu'il préférerait se concentrer sur son travail en tant que Premier Ministre du Luxembourg, prendre du temps pour lui-même. Le cumul de deux emplois comme celui de président de l'Eurogroupe et de Premier Ministre ne serait pas réaliste. Cette notion s'est modifiée plus récemment en son contraire, comme quelque chose qui tout d'un coup serait  redevenu hautement souhaitable, et que M. Euro devrait également être un ministre national des Finances, ce qu'il est. Cumul ou non?  Le moment est au status quo. M. Frieden, son successeur in petto en tant que Premier Ministre du Luxembourg, garde les doigts croisés.

Si tout cela est vrai, c'est une belle réussite pour Juncker dans les méandres et manigances des politiques politiciennes européennes. Le succès serait d'autant plus grand, si M. Mersch accède au Comité Exécutif de la BCE. Il a toujours été supposé que si Juncker  était reconduit comme Monsieur Euro, cela empêcherait Yves Mersch d'être nommé au Conseil exécutif de la BCE. Deux nominations luxembourgeoises, ce serait trop. Mais selon Wirtschaftswoche, le Luxembourg serait en train d'obtenir les deux premiers prix!

Peu importe que nous ne battions même pas Malte au football. Nous sommes quand-même champions: nous fournissons deux sheriffs de la finance européenne. Pas étonnant que vous veuillez confier vos sous à des banques luxembourgeoises. 

Wednesday, June 13, 2012

Au Stade National de Livange, Andy Schleck bat la Chambre des Députés 1-0.


   Une métaphore: tortue en mauvaise posture. Photo ET.



Etait-ce un hasard? Alors qu'à la Chambre des Députés le débat au sujet du Stade de Livange faisait rage, une conférence de presse de l'équipe RadioShack, Nissan, Trek annonçait la triste nouvelle pour les fans luxembourgeois qu' Andy Schleck ne pourra pas participer au Tour de France 2012. Nous sommes tous désolés. Décidément, ayant gagné le Tour 2010 en 2012 par décision arbitrale, il ne pourra pas accéder à ce record curieux, possible et unique de gagner deux Tours de France en un an.

Pendant ce temps là, dans l'arrière-fond, à la Chambre des Députés, le score était de 39-21 contre le lumière du plein soleil sur une autre affaire douloureuse, celle du Stade de Livange.

Si dans les jours qui viennent il s'avère que Flavio Becca a arrangé le timing de la conférence de presse d'Andy Schleck pour coïncider avec la session de la Chambre des Députés pour lui voler toutes ses foudres, vous saurez qu'il y avait sans doute un accord secret quelque part pour que Andy Schleck se patiente et morde sur sa chique pendant 4 jours, jusqu'au moment opportun de crier: "aïe! j'ai une fracture!"

Friday, June 1, 2012

Friday, May 21, 2010 L' Etat de la Nation




C'est avec  une grande frustration que je reproduis ci-dessous mon article du 21 mai 2010 qui se trouve sur ce blog. Rien n'a changé fondamentalement. La seule satisfaction est, que je peux reproduire ici sans effort nouveau, un article vieux de deux ans, qui est plus que jamais d'actualité. Surtout en ce qui concerne l'Euro. Nos brillants dirigeants n'ont aucune idée de ce qu'il faut faire.















Publié le 21 mai 2010


Je ne sais pas si vous faites comme moi: Chaque année, pour me rendre compte de l'Etat de la Nation, je commence par une appréciation de la situation générale, puis de la situation particulière du pays. Puis, armé de ces connaissances, j'en tire des conclusions et des idées pour entamer l'avenir. Cet exercice est indispensable pour définir les moyens et procédés à mettre en œuvre pour remplir ces missions que je me suis données. C'est bien sûr un exercice purement théorique. Je fais comme si mon pays m'appartenait.

Je fais cela aussi, parce qu'on est toujours mieux servi par soi-même. Peut-être que vous aussi, vous êtes restés sur votre faim l'autre jour en écoutant le discours sur l'Etat de la Nation de notre Premier Ministre. Vous n'avez pas écouté? Voici le résumé: Adieu veau, vache, cochon, couvée. Oui, vous reconnaissez la plume bien concise de l'auteur de ces discours, Jean de la Fontaine. C'était donc bel et bien la situation tragique de "la laitière et le pot au lait" qu'on nous a présentée. Une terrible histoire pour notre pays, qui reste d'ailleurs encore incomplète à l'instant.

Voyons s'il n'y a pas une lueur d'espoir en élargissant la vision au-delà des quelques lignes du budget, telles que veau, vache, cochon, couvée. Et certainement , évitons les conclusions à priori et probablement fausses, sur fond de tripartite, comme: nous sommes en crise, elle est temporaire, et elle sera finie en 2014. Sinon, le discours politique luxembourgeois se rétrécit sur le sujet de la petite laitière et son pot au lait.

Essayons de voir la forêt plutôt que les arbres. Le Luxembourg, faute de richesses naturelles ne peut prospérer que sur des idées et sur une grande ouverture sur le monde. Mais le Luxembourg dans le monde vient de vivre des moments intenses et potentiellement catastrophiques. Pour la première fois depuis la guerre, le Luxembourg est sous attaque. On nous aime beaucoup moins ou alors plus du tout: au Conseil européen, au G20, à l'OECD et au GAFI, à la Commission Européenne, aux Etats-Unis et chez nos voisins (jaloux dit-on). On est donc passés du statut d'universellement aimé au statut de flibustier, à qui il faut remonter les bretelles. En cause est le secret bancaire, on dira paradis fiscal, et cette accusation d'être le plus mauvais élève du GAFI, quand il s'agit de prévenir le blanchiment de l'argent du crime. Or, le secret bancaire ne peut être défendu. Ses assaillants tiennent le haut du pavé de la moralité, et vont donc gagner. Ne pas appliquer pleinement les règles du GAFI, (48 sur 49) est franchement une stupide provocation. C'est à se demander si quelqu'un a commis une faute en se conformant par mégarde à une seule et unique règle parmi les 49. C'était réveiller le tigre qui dormait.

Cette dernière négligence, si ce n' est pas un acte délibéré, est en contraste avec l'attitude zélée, sinon soumise et fayotte que le Luxembourg exhibe souvent dans les institutions internationales. Citons l'acharnement pour briguer un siège au Conseil de Sécurité des Nations Unies, l'élève modèle qui casse sa tirelire pour l'aide au tiers monde dans le cadre de la campagne du Millénaire pour le développement des Nations Unies, la poursuite effrénée de postes comme la Présidence de l'UE, de l'Eurogroupe et autres, l'enthousiasme pour faire la guerre au climat à coups de millions, et pour emprunter de l'argent qu'on "prêtera" à la Grèce. Bref, alors qu'on a le feu dans la toiture, on joue aux pompiers ailleurs.

Voyez-vous, en voilà des "pistes" que la tripartite n'a pas décelées. Que nos dirigeants dirigent chez nous, pas à Bruxelles ni à New York, que l'on approche avec retenue et circonspection ces projets sur le climat et le Millénaire des Nations Unies. Il est facile d'expliquer à Kyoto et à Copenhague que la petite laitière a cassé son pot au lait, et qu'à l'avenir, on ne fera que ce qu'on pourra. Il est facile d'expliquer au Cap Vert que l'argent, il faut le gagner, et qu'il nous reste tout juste assez pour maintenir les projets réalisés. Nos gens feront des sacrifices. Ils feront donc moins de cadeaux.

Est-ce à dire que nous rechignerons sur nos relations internationales? Tout le monde sait que notre pays ne peut exister que comme plateforme ouverte au monde, comme membre d'ensembles plus vastes pour sa survie et sa sécurité. C'est ce qui a placé le Luxembourg à la table des Grands quand il s'agissait de créer les Nations Unies, l'OTAN et l'UE. Et voilà deux autres "pistes", certainement pour le long terme: œuvrer pour une Défense Européenne Commune associée à l'OTAN, et une vraie Diplomatie Européenne comme seule et unique représentation de l'Europe. Nous n'y avons rien à perdre et tout à gagner. Quelles économies d'échelle! Vous me direz que c'est une utopie, qu'il y a le véto français et britannique à l'ONU, leur arsenal nucléaire, un nécessaire impôt européen pour financer ces initiatives et même la langue qui seront autant d'obstacles. Cela n'empêche que ce sera une bonne distraction des discussions sur le paradis fiscal et judiciaire que nos partenaires adorent et qui somme toute font très peu pour le progrès de l'Europe. Par contre la discussion sur une Défense commune et une Diplomatie commune aurait le mérite aussi de forcer la réponse à la question escamotée depuis 50 ans: quel est le but final de l'intégration européenne? Les Etats-Unis d'Europe? Une Confédération? Un Marché Commun?

Le moment est bien choisi d'entamer cette "piste" du renouveau de l'Europe alors que l'Euro, cette monumentale erreur, commence son trépas. Je sais bien que les vaillants croisés qui n'ont jamais tenu ne fut-ce qu'une échoppe, clamaient haut et fort de s'être payés la tète des "spéculateurs" juste la semaine passée. Quand dans le temps, ces "spéculateurs" faisaient monter l'Euro ou prêtaient de l'argent à grand risque à la Grèce et à d'autres, ils étaient des investisseurs avisés. D'ailleurs le plan de sauvetage de $1.000 milliards cherche à préserver les intérêts de ces spéculateurs, non? Ce plan traite le symptôme, la dette. Ce n'est pas un remède. Le remède est que la Grèce et d'autres dévaluent leur monnaie pour se ressaisir. Or cela ne peut se faire avec un monnaie unique. Il faudra bien faire marche arrière, retour à la drachme grecque et aux autres monnaies, pour, faute de gouvernement européen, retourner aux gouvernements souverains cet outil de politique économique. La preuve? Aucun pays non-membre de l'Eurogroupe n'a les problèmes des PIIGS, Portugal, Italie, Irlande, Grèce et Espagne. Même pour le Luxembourg, bénéficiaire à priori d'une participation à une monnaie forte, il serait opportun de mesurer à quel point le déficit budgétaire et les plus de 15.000 chômeurs sont dus aux coûts et aux freinages associés au maintien de l'Euro.

L'Euro aura probablement vécu ce que vivent les idées mal conçues: l'espace d'un matin. Il a précédé la réponse à la question ci-dessus: quel est le but final de l'intégration européenne? Il jouera sans doute le rôle de monnaie de réserve au plus. Et on saluera alors la fin de l'Eurogroupe et le retour au Luxembourg de son Président, qui pourra consacrer son temps aux "pistes" que la petite laitière a tracées, et aux nouvelles pistes que cette courte réflexion-ci a décelées, et qui seraient bien seyantes à nos stars internationales: se battre pour les intérêts stratégiques du Luxembourg. Pour commencer, prenons l'euro par les cornes!