Je t'aime! Moi non plus!
La tripartite a d'abord implosé au printemps, puis on est parti en vacances d'été, pour revenir en automne et la faire exploser. C'est détonant!
Etait-ce par calcul ou par accident? Une solution à la luxembourgeoise, un peu surréaliste, qui nous sortirait de l'impasse de la tripartite? Toujours est-il que l'explosion a produit deux bipartites, et le Gouvernement était l'artificier.
Dans la bipartite № 1, le Gouvernement règle la question de l'index automatique d'une main de fer. Les syndicats ont consenti à un calendrier "astreignant" des échéances des tranches indiciaires futures. Ce calendrier n'est autre que, à des poussières près, l'échéancier anticipé des tranches payables de toute façon selon le vieux système! C'est donc le statu quo, qui est un mot latin pour dire qu'on n'a rien foutu.
Là-dessus, l'horreur du patronat, feinte ou négociée d'avance, nous vaut la bipartite № 2. Les employeurs, subissant des charges nouvelles, seront compensés par le Gouvernement pour ces charges nouvelles. La main de fer a imposé des coûts nouveaux aux employeurs, que la même main de fer s'empresse à leur rembourser. C'est aussi du statu quo en quelque sorte. C'est le mot latin qui a inspiré le gorille "Mécht-Näischt" dans une satire pleine de prémonition que j'avais publiée le 13 février 2010: "Eis Tripartite déi huet dräi Ecken". (1)
En fins mathématiciens que nous sommes, nous aurons remarqué qu'il y a une absente: la bipartite № 3. En effet tout le monde sait que si l'on fait exploser une tripartite, on obtient des éclats. En ce cas-ci, des bipartites qui mathématiquement sont une combinaison sans répétition des 3 éléments de l'ancienne tripartite pris deux à deux. Pour ceux qui ne me croient pas, un petit calcul factoriel nous donne le nombre de combinaisons possibles "C", pour l'ensemble des 3 éléments de la tripartite "T", pris 2 à 2:
C_2^3=(T_2^(3 ))/2!=3!/((3-2)!∙2!)=3
ce qui est la preuve scientifique irréfutable, mon kabuki personnel exagéré et non nécessaire, pour démontrer qu'il manque une combinaison, donc une 3e bipartite, dans le kabuki économique et social luxembourgeois. Et notre analyse astucieuse nous fait conclure qu'il s'agit de la bipartite employeurs - employés, ou si vous voulez syndicats - patronat. Cette plateforme de dialogue, fondamentale au dialogue et au contrat social, n'est plus nécessaire au Luxembourg semble-t-il, (ni en Chine et à Cuba bien-entendu). Le Gouvernement est en charge.
Le Gouvernement est devenu le "Clearing House", la Chambre de Compensation, le guichet unique, qui dorénavant reçoit et évacue les demandes et protestations des deux autres vétérans de la tripartite, patronat et syndicats. Tout cela en feignant une assurance tranquille, agitant une main de fer bidon et exhibant une confiance naïve que demain on aura la chance de toucher le jackpot, malgré les faiblesses de notre économie unijambiste, c.à.d. que demain, le centre financier continuera à prodiguer ses largesses.
Nous voilà dans un nouvel univers, celui du faire semblant surréaliste, dans lequel le Gouvernement obtient des concessions des partenaires sociaux, parce qu'il compense ces concessions immédiatement. On tourne en rond, car il n'y a pas de pilote dans l'avion. Par contre l'hôtesse de l'air distribue des cacahouètes généreusement. Il est clair qu'il faudra autre chose que des cacahouètes pour poser cet avion en douceur.
Je vous propose ici une autre lecture presciente: "Le Luxembourg et sa tripartite" (2) d'avril 2010. On n'est en effet pas seuls sur cette terre plate selon Thomas Friedman (3). Pour enfin tenir compte de cette réalité, je proposerais bien volontiers un nouveau machin, 3 monopartites, obtenues par une explosion plus fine encore de la tripartite, une atomisation en ses 3 parties. Chacun pour soi fera une introspection, approfondie cette fois-ci, pour se demander combien de temps ce subterfuge de guichet unique pourra tenir, et aussi pour évaluer les dangers que courent les 2 clients du guichet en abandonnant leurs intérêts à la sagesse des guichetiers. Car enfin, ceux-là n'ont jamais manié une pelle ou géré une épicerie, ils sont des élus eternels. Pourront-ils poser cet avion sans être pilotes?
Pour le moment le guichet unique peut régler les problèmes avec des sous, empruntés il est vrai. Mais que fera-t-il si par malheur le tourniquet à sous venait à se bloquer? Emprunter encore, trouver de nouveaux impôts, augmenter les ingérences des guichetiers, rationner, fixer les prix, faire de la monnaie de singe qui paie pour les cacahouètes? Il y a bien plus d'un scénario à imaginer lors de notre introspection. Hélas, un léger mieux est en train de tuer l'imagination.
Un scénario est absolument incontournable: il faut que l'avion se pose en douceur. La part de l'économie luxembourgeoise basée sur les transactions internationales voit ses coûts s'envoler au point de ne plus être compétitive. On voit les résultats depuis belle lurette: Villeroy Boch, RBC/Dexia et DB/Clearstream n'éprouvent aucune gène à se délocaliser, sans vraie urgence et en dépit d'un paquet de cacahouètes obtenu antérieurement des guichetiers.
J'ai le privilège de relater ici une expérience toute récente que j'ai eue en représentant une firme américaine, candidate à une implantation à Luxembourg. Sur 5 ans elle pourrait créer jusqu'à 70 emplois hautement qualifiés, donc payés bien au-delà de la compensation moyenne. Il s'avère que les coûts luxembourgeois dans ce segment de l'emploi dépassent ceux des pays limitrophes d'au moins 35%., ceux des Etats-Unis, l'Euro cher aidant, d'au moins 40%. C'est alarmant! Il n'y a que deux solutions pour cette société: recevoir des subsides du guichet unique, si toutefois tel est le bon plaisir du guichetier, ou bien laisser là les cacahouètes et se faire parachuter ailleurs. Même Arlon peut faire l'affaire!
Le comble de tout cela est qu'à l'autre bout de l'échelle des revenus, il semble qu'environ 15% de la population luxembourgeoise crèchent dans la pauvreté. Ce sont les laissés pour compte qui n'ont que faire du scénario de l'avion. Qu'il s'écrase ou non ne change pas leur destin. Peut-être devraient-ils se délocaliser aussi? Au Cap Vert par exemple, où ils pourraient enfin profiter des largesses des guichetiers luxembourgeois et avoir accès à de l'eau courante.
Les trois monopartites, qui d'ailleurs sont en cours actuellement sur le motif "je t'aime, moi non plus", finiront par devoir trouver des ilots de sagesse et des "pistes" pour l'action. Dans l'éventail des revenus, où commence la misère, où commence l'obscène, que faire pour freiner l'exode des emplois et que faire des 15.000 chômeurs que cela produit? Quels programmes gouvernementaux sont des gâchis et où se trouvent les économies à faire et les nouveaux revenus à miner? (2) Tout en sachant que l'argent de l'Etat, ce sont nos impôts.
Peut-être une dose de bonne vieille solidarité pourrait aider, du genre "Un pour tous et tous pour un" plutôt que le chacun pour soi des 3 monopartistes. Ils sont bien trois, mais sont-ce des mousquetaires? Et y a-t-il un pilote?
(1) http://peckvillchen.blogspot.com/2010/02/eis-tripartite-dei-huet-drai-ecken.html
(2) http://feierwon.blogspot.com/2010/04/le-luxembourg-et-sa-tripartite.html
(3) Thomas Friedman: The World Is Flat, Farrar, Straus $ Giroux Publishers, 2005.
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