Tuesday, December 9, 2014

Luxleaks 2 confirme: ce n’est pas une petite incontinence, mais une inondation

Plus de secret



Luxleaks 2 confirme: ce n’est pas une petite incontinence, mais une inondation

Mais qu’est-ce qu’on est cool dans tout cela. 

Au Mystère des Finances, il doit y avoir un certain Moïse. Car il vient de départager les eaux de la marée, exposant la vérité toute nue que nous aveugles ne pouvions voir : Les rulings ne sont pas secrets ! Ils ne l’ont jamais été ! 

Le ringard qui a piqué des papelards à PwC, s’est fourré le doigt dans l’œil. Sa marchandise ne trouve pas acheteur, car elle a été là, étalée au grand jour. Les journalistes investigateurs ont l’air fin aussi. Si je comprends bien le communiqué ci-après, Tintin et Milou nous ont fait avaler un canard ! Je savais qu'on avait plus d'un tour dans le sac.

Communiqué (09.12.2014)
Le ministère des Finances du Luxembourg prend position sur la question de l'échange d'informations relatives aux décisions anticipées en matière fiscale («rulings»)

Des articles de presse ont récemment évoqué l'accord entre le Luxembourg et la Belgique relatif à un futur échange d'informations relatif aux rulings.

Ceci souligne que les rulings émis par les autorités fiscales luxembourgeoises ne sont pas, et n'ont jamais été secrets. Le Luxembourg pratique, de manière spontanée ou sur demande, l'échange d'informations relatif aux rulings avec d'autres pays, conformément aux traités contre la double imposition, aux directives et accords relatifs à la coopération administrative et à l'assistance mutuelle en matière fiscale.

Les discussions entre les autorités fiscales luxembourgeoises et leurs homologues des autres pays montrent que l'échange d'informations relatif aux rulings sur base de demandes de transmissions plus larges pourrait se faire dans le cadre de ces mêmes règles.

Ces développements sont en ligne avec la position du Luxembourg en faveur de l'initiative de la Commission européenne tendant à présenter rapidement un projet de directive relatif à l'échange automatique des informations relatives aux rulings entre les autorités compétentes des pays membres de l'UE.

Communiqué par le ministère des Finances



Monday, December 8, 2014

FÉLICIEN M. STEICHEN, M.D., F.A.C.S. (1926 – 2011)























Cet article sur les travaux monumentaux du Professor Dr. Félicien Steichen, né à Luxembourg par le Dr. Raymond Schaus of Luxembourg, a été publié dans le Bulletin de la Société des sciences médicales du Grand-Duché de Luxembourg,  no 3, 2014, pages 31-42.

Lire aussi: Letter to A great Luxembourg scientist


                                    FÉLICIEN  M.  STEICHEN, M.D., F.A.C.S.
                                                            (1926  –  2011)
                                                Portrait    d’un    chirurgien   

                         R. Schaus¹

¹Zitha Klinik
36, rue Zithe
L-2763 Luxembourg

Abstract
The personality and the achievements of Professor Dr. Félicien M. Steichen, who was born in Luxembourg (10.13.1926) and died in Brignogan-Plages, France (6.27.2011) are brought into focus. His was a most distinguished career devoted to surgery, research, teaching and writing in Baltimore, Pittsburgh and New York. He will be remembered above all for his contributions to stapling in thoracic and abdominal surgery and to
minimally invasive surgery.
Keywords: Steichen, stapling, minimally invasive surgery.




Il y a plusieurs années de cela, j’avais parcouru tous les numéros du « Bulletin de la Société des sciences médicales du Grand-Duché de Luxembourg », des origines à nos jours. Force est de reconnaître que les articles à teneur scientifique vieillissent mal, à de rares exceptions près.  Par contre, ceux qui contiennent des détails concernant la trajectoire de certains de nos prédécesseurs disparus conservent en général leur emprise sur notre curiosité ; pour une part, ce sont aussi autant de petites radiographies de leur époque. En  voici un autre coulé dans un tel moule et consacré à un regretté confrère, le docteur Félicien M. Steichen. Il fit partie du conseil d’administration de la Société des sciences médicales du Grand-Duché de Luxembourg, Section des sciences médicales de l’Institut grand-ducal et contribua à la rédaction du Bulletin, mais ce n’était pas là son principal titre de gloire, comme on pourra le constater tout de suite.

Né à Luxembourg le 13 octobre 1926, il décéda à Brignogan-Plages (Finistère) le 27 juin 2011, inopinément, car il avait surmonté avec une bravoure peu commune les maladies graves qui l’avaient assailli.

Dès avant de devenir un chirurgien éminent, il était un ami très cher ; il allait toujours le rester alors que nos barques, ballottées par la houle de la vie, voguaient dans telle direction ou dans telle autre sous la poussée de  vents  tantôt favorables, tantôt  contraires.

Comme tout portrait, celui-ci aussi porte  l’empreinte subjective du portraitiste.




Le parcours

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, après des études secondaires à l’Athénée de Luxembourg dans une classe qui engendre sept vocations médicales dont celle de l’auteur de ces pages, et une première année préparatoire aux Cours supérieurs luxembourgeois en sciences naturelles, il fait sa médecine à Lausanne. (L’Union européenne ne l’empêche  pas encore, qui ne reconnaît plus les diplômes acquis hors de ses frontières et exclut donc désormais une alma mater helvétique, entre autres).
           
En 1953, il est interne au Lakewood Hospital à Lakewood, Ohio ;  en 1954, il entre en chirurgie comme on entre en religion, et  se spécialise jusqu’en 1961  au Johns Hopkins Hospital et aux Baltimore City Hospitals, Baltimore, Maryland. Il est certifié spécialiste en chirurgie générale, en chirurgie thoracique et  en chirurgie pédiatrique.

En 1961, fin prêt à faire profiter ses compatriotes de ses connaissances,  il rentre au Luxembourg toutes voiles déployées. Mais la chirurgie s’y exerce à l’époque sur des chasses jalousement gardées, et il s’entend surtout dire qu’on n’a pas besoin de ses services. Seule lui ouvre ses portes la clinique privée du Dr Émile Bohler, dont l’infrastructure reste malheureusement en deçà des ambitions du jeune chirurgien. Une de ses premières interventions consiste en une pneumonectomie chez le père d’un ami, pour tumeur des bronches. Le spécialiste déjà chevronné de chirurgie thoracique n’a d’autre choix que de passer plusieurs nuits à la clinique pour assumer  lui-même  la surveillance et les soins postopératoires alourdis par des complications. Scénario analogue après une colectomie totale pour colite ulcérohémorragique fulminante.

Il plie bagages en 1962. Après un intermède au U.S. Air Force Hospital de Wiesbaden, il se voit accueilli à bras ouverts par l’Amérique qui, elle, cultive la tradition de donner sa chance à la valeur. Il y entame une brillante carrière universitaire: Associate  in Surgery, Assistant puis Associate Professor of Surgery, Albert Einstein College of Medicine, New York ; Associate Professor puis Professor of Surgery, University of Pittsburgh School of Medicine; Professor of Surgery, New York Medical College [= faculté de médecine] , Valhalla, New York. Cette trajectoire américaine est interrompue, de septembre 1969 à juillet 1970, par un séjour à Genève comme professeur invité dans le service universitaire de chirurgie cardiovasculaire de  l’Hôpital cantonal.

Infatigable, il collectionne parallèlement les responsabilités hospitalières à partir de 1963, que voici dans l’ordre chronologique: Assistant Director of Surgery, Lincoln Hospital, New York ; Director of Professional Services, Emergency Department, Lincoln Hospital ; Assistant Visiting Surgeon puis Associate Visiting Thoracic Surgeon puis Attending Thoracic Surgeon, Bronx Municipal Hospital Center, New York ; Associate Surgeon-in-Chief and Senior Attending, Montefiore Hospital, University Health Center, Pittsburgh; Physician-Consultant puis Chief, Surgical Services, Veterans’ Administration Hospital, University Health Center, Pittsburgh; Associate Staff in Surgery, Children’s Hospital, University Health Center, Pittsburgh; Active Staff Member, Presbyterian-University Hospital, University Health Center, Pittsburgh; Director of Surgery, Lenox Hill Hospital, New York; Attending Surgeon,Westchester County Medical Center, Valhalla, New York; Attending Surgeon, Doctors’ Hospital, New York; Attending Surgeon, St.Agnes  Hospital, White Plains, New York; Director, Institute for Minimally Invasive Surgery, St.Agnes Hospital, New York.

Au fil des années, il opère encore quelques-uns de ses amis intimes à Luxembourg dans la Zitha Klinik, alors chaque fois chaleureusement accueilli par tout le monde et très entouré...

L’oeuvre

Le titre de professeur n’est pas une distinction que l’on recevrait comme une médaille, sans obligations futures ; il implique une incessante activité exemplairement productrice ; un professeur doit être inventif et créateur... Un événement précis, une occasion spéciale,  une rencontre, peuvent devenir déterminants pour l’orientation d’un parcours professionnel. Exemple : la relation qui s’établit entre le docteur Mark M. Ravitch, professeur de chirurgie successivement à Baltimore, à Chicago et à Pittsburgh (« l’un des cinq ou dix meilleurs chirurgiens américains du XXe siècle »  –  Dr. Jere W. Lord, Jr) et le docteur  Félicien Steichen, c’est-à-dire entre un mentor à la fois sévère et affectueux, et son  disciple préféré, doué, enthousiaste et travailleur. Celui-ci parle dans une lettre d’une « relation de père à fils dans la formation chirurgicale  et humaine, entre mon maître  Ravitch et moi-même. »

Né de parents russes immigrés, Mark M. Ravitch appartient à la lignée des grands chirurgiens américains au naturel ouvert, d’un abord facile et cordial, mais rigoureusement exigeants envers eux-mêmes et leurs collaborateurs.

En  1958, il entreprend un voyage d’études en Union Soviétique en compagnie de trois collègues. A Kiev, il assiste à une démonstration du professeur N.M. Amosov qui se sert d’une agrafeuse mécanique pour réaliser avec brio une pneumonectomie. Impressionné, Ravitch exprime le désir de s’en procurer un exemplaire. Sans succès, car le système  soviétique rigide ne le met en contact qu’avec des fonctionnaires lymphatiques comme on en rencontre beaucoup dans la littérature slave, et ne prévoit pas que les  échanges aillent jusqu’à de tels extrêmes. Quelques jours plus tard, flânant sur Nevsky Prospect, la principale et mythique artère de Saint-Pétersbourg, l’Américain tombe en arrêt devant la vitrine d’un magasin d’appareils et d’instruments chirurgicaux, curieuse oasis inattendue en pleine économie marxiste-léniniste pure et dure. Il entre, demande à voir un instrument à sutures. On lui tend une élégante boîte en bois dans laquelle est enchâssé sur fond de velours noir un spécimen – le seul de la boutique – identique à celui qu’il a vu utiliser à Kiev. Il l’achète pour 440 roubles et retourne à l’hôtel délesté d’une somme d’argent importante, mais heureux.

Nous voici au cœur d’un sujet qui a nourri beaucoup de discussions et fait couler beaucoup d’encre surtout depuis le début du XIX e siècle : celui du rétablissement de la continuité notamment entre deux parties séparées d’un organe creux, qui représente le temps technique le plus difficile, préparant la réparation tissulaire par néovascularisation et cicatrisation. À l’aiguille et au fil de provenance diverse (soie, catgut, fil synthétique ou métallique) se sont joints des procédés mécaniques les uns plus ingénieux que les autres. L’usage d’agrafes métalliques en acier inoxydable puis en  titane moyennant  des instruments à usage unique en est l’aboutissement. À la place des fils de suture, elles assurent une coaptation des tissus mieux ajustée, plus rapide et moins traumatisante. L’histoire des agrafeuses remonte à une présentation du chirurgien hongrois Humer Hültl en 1908 à Budapest, au 2e  congrès de la Société hongroise de chirurgie. Il convient de citer aussi l’instrument amélioré d’Aladar von Petz (Budapest, 1921) modifié plus tard par des Japonais. En U.R.S.S., des chirurgiens innovateurs et aventureux se servent  à partir de 1951 de modèles produits par l’Institut scientifique d’appareillage et d’instruments chirurgicaux expérimentaux de Moscou, d’abord pour des anastomoses vasculaires.

L’importation aux U.S.A. d’une agrafeuse mécanique par le professeur Ravitch aura des conséquences durables. L’industrie correspondante flaire à juste titre une affaire en or, qui bénéficiera de la puissance et du dynamisme  inhérents à l’économie américaine, de toute évidence aussi dans l’intérêt des malades. Le Dr Steichen se trouve au centre d’une activité intense de recherche en laboratoire expérimental sur des chiens et en clinique humaine. Dans certains milieux on parle de l’ « instrument de Steichen ». Des perfectionnements successifs, moyennant aussi des alliages de métaux appropriés, le rendent  plus léger et  plus maniable. Les interventions chirurgicales en sont écourtées, ce qui diminue le risque de complications infectieuses et de thromboses postopératoires. Des techniques et des tactiques opératoires nouvelles en découlent. Un exemple: l’excision de métastases pulmonaires multiples est devenue « faisable et raisonnable ».  Mise en garde du chercheur pionnier: « Particularly important is it, moreover, to understand that the instruments are no quick road to surgery for the untrained and will not turn a neophyte into a virtuoso ».

Le succès n’empèche pas certaines déconvenues: « In this instance, as in many others, procedures that we had devised, and were using, were first published by others, sometimes with attribution, as in this case, sometimes without». Les chirurgiens ne sont pas tous en tout différents du reste de l’humanité !

L’activité professionnelle du professeur Steichen bat son  plein, quand la chirurgie vidéoendoscopique, laparoscopique et thoracoscopique, mini-invasive, prend son essor aux États-Unis en 1988, s’y développant à partir de la cholécystectomie d’abord mise à l’ordre du jour en France l’année d’auparavant par Philippe Mouret. Il s’y engage à fond, recherchant, comme toujours, l’excellence. La maîtrise talonne la démarche pionnière sur  une courbe personnelle rapidement ascendante, au sommet de laquelle il devient en 1993 le fondateur et le premier directeur de l’ Institute for Minimally Invasive Surgery,  à New York. Donc une autre méthode cruciale aujourd’hui incontournable avec une plus-value pour les patients – douleur postopératoire réduite, hospitalisation plus courte, convalescence plus rapide – , qu’il marque de son empreinte.

D’entrée en matière il souligne qu’il ne s’agit pas d’une révolution, mais d’une technique opératoire récente qui laisse intacte la philosophie générale de la discipline chirurgicale et n’en invalide pas les principes fondamentaux.  Nouveauté utile, efficace et rentable, « à condition que l’équipe chirurgicale dispose de compétences et des moyens nécessaires pour arriver à un résultat comparable ou supérieur à celui des opérations équivalentes traditionnelles, conférant ainsi à ces nouvelles techniques un haut niveau éthique...» (1997).

 «...Les opérations projetées et exécutées selon la manière traditionnelle ne doivent pas véhiculer l’impression d’être désespérément obsolètes... Si une approche laparoscopique d’emblée paraissait raisonnable et que des constatations en cours d’opération ont rendu nécessaire la conversion en une  opération classique ouverte, ce changement de stratégie ne doit  pas être jugé comme signifiant une complication  ou une faute, mais simplement comme fournissant la preuve d’un  jugement solide. A l’inverse, si une approche ouverte a été choisie et qu’au cours de l’exécution il s’est avéré qu’une laparoscopie aurait été tout aussi utile, efficace et économique, la conclusion en concordance avec l’éthique doit être qu’il s’agissait d’une précieuse leçon pour une future intervention comparable, et qu’il n’y a pas eu de mal, parce que la technique ouverte reste le paradigme auquel les autres approches doivent encore être comparées à l’heure actuelle » (2001).

Le « New England Journal of Medicine », sorte de « bible» périodique pour médecins, à propos du livre « Minimally Invasive Surgery and New Technology » orné aux couleurs de Maurice Estève (éditeurs responsables: Félicien M. Steichen et Roger Welter), s’extasie comme suit: « This book is a substantial foundation in the new surgical world, a thorough presentation of the state of the art, and a glimpse of what is to come » (13.4.1995).

Félicien Steichen a publié 125 articles dans des journaux de chirurgie. On est frappé par leur éclectisme, leur éventail  s’étendant de la chirurgie cancérologique de la tête et du cou à la chirurgie cardiovasculaire, la chirurgie  pulmonaire et  la chirurgie digestive de pointe, oesophagienne, gastrique,  intestinale, pancréatique et hépatobiliaire. Il est l’auteur ou le coauteur de 21 livres, de 50 chapitres dans des traités et des  monographies, et le réalisateur de 17 films scientifiques dont  10 ont été intégrés dans la bibliothèque de l’American College of Surgeons. Au pays du « publish or perish » il n’y  a donc jamais eu péril en la demeure.

Au fil du temps

Pendant notre séjour studieux aux États-Unis j’étais allé le voir à Baltimore, il m’avait rendu visite à St. Louis dans le Missouri. Le traumatisme de la guerre du Vietnam n’avait pas encore eu lieu, ce fer porté au rouge n’avait pas encore imprimé sa brûlure sur la face de l’histoire. L’Amérique était encore «  God’s own country », forte de convictions inébranlables et à juste titre unanimement fière d’elle-même. (« What we built  and what we dreamt were, to many, the definition of the future » – Thomas L. Friedman, en  2013). Dans la fournaise des étés là-bas,  nous avions échangé nos impressions d’expatriés que travaillait un peu le mal du  pays, happés par l’activité frénétique et l’harassante mise à contribution qui rendent inoubliables les hôpitaux américains de nos jeunes années. L’Europe lointaine paraissait toute petite, comme vue par l’autre bout de la lorgnette, terre-mère ayant pris de l’âge et dont les signes de vie étaient quasi imperceptibles à cette distance.

L’éphémère insertion professionnelle de Félicien Steichen dans le microcosme   grand-ducal, certes décevante, ne lui laissa pas d’amertume insurmontable. Tout compte fait, il avait gagné au change...Au hit-parade des chirurgiens d’origine luxembourgeoise, toutes générations confondues, personne ne lui disputait la première place.

Les traits de sa personnalité américaine avaient peu à peu pris forme, greffés sur les racines et les branches porteuses luxembourgeoises sans les affaiblir. Nonobstant son précieux passeport américain, source de fierté et de reconnaissance, il choyait les attaches avec son pays natal, qui ont résisté sans usure à l’écoulement des ans. Il ne tarissait pas sur les souvenirs précis et les anecdotes évoquant son enfance et son adolescence. Il demandait  des nouvelles d’un  tel et de tel autre,  était au courant de petits et de grands faits, politiques ou non, savait et savourait les rumeurs, parfois même les potins. Il rejoignait les  réunions annuelles des « anciens » de sa classe de l’Athénée quand il  le pouvait (la dernière fois le 28 mai 2011) et  ne dédaignait pas la gastronomie locale. Le Riesling de la Moselle, le jambon d’Ardenne, la cancoillote, les gâteaux et les chocolats d’un confiseur fameux embrasaient la satisfaction du savant new-yorkais – on ne lui connaissait guère d’autres « faiblesses ».

Il a évoqué dans une lettre  « l’esprit ouvert au monde que nous avons reçu dans notre pays  –  le Luxembourg  –  justement parce que le territoire est petit (l’esprit parfois aussi!) et que nous sommes donc  forcés de nous évader vers d’autres horizons. Je fais cette remarque non pas pour dire du mal ou me sentant supérieur, mais bien au contraire pour affirmer ma conviction que nous a été donnée, malgré les limites qu’un milieu ramassé sur lui-même impose, une éducation multiculturelle».

Il aimait profondément la France et  les Français – leur essence identitaire est partie intégrante de sa famille –, ne s’interdisant pas pour autant de leur décocher à l’occasion l’un ou l’autre trait gentiment ironique, avec le recul géographique qui met bien en évidence les menus  travers nationaux.  La Bretagne était devenue sa troisième patrie ; il repose en terre armoricaine.

Tout en ne faisant pas fi des traditions, ni dans la vie quotidienne, ni dans l’activité professionnelle, il était réceptif aux exigences de la modernité : « Il faut vivre avec le progrès. J’en suis donc à mon deuxième ordinateur, le premier ayant rendu l’âme sans avertissement il y a un mois...Economie d’effort en fait, et aussi de papier. Il  faut éviter le déboisement du monde occidental... ». (A  propos de l’informatisation, son entourage   corrige légèrement : « Il se servait de l’ordinateur comme d’une machine à écrire...Google et e-mails étaient toujours un mystère pour lui ». Il n’obtempéra donc que dans une moindre mesure aux injonctions d’une technologie envahissante).

A l’occcasion du cycle  « Les chercheurs luxembourgeois à l’étranger », l’université du Luxembourg avait invité en 1995 à la conférence publique en  langue française : « Professeur Dr Félicien Steichen , Petites ouvertures et haute couture en chirurgie », que  le programme introduisait comme suit: « La chirurgie, comme toutes les branches de l’art et de la science de guérir, exige la dextérité manuelle et une bonne base scientifique. La dextérité est celle de l’artiste ou de l’artisan, qui dans le cas particulier a appris la façon de suturer et de panser les plaies pour rétablir la configuration anatomique. La base scientifique mène le chirurgien aux bons choix thérapeutiques pour rétablir les fonctions physiologiques tout en respectant l’intégrité du corps humain et en  tenant compte de sa susceptibilité aux infections. Le Dr Steichen parlera de l’art de la suture et de la science de l’asepsie au cours de  l’histoire de la chirurgie ». L’orateur fit salle comble.

L’histoire de la médecine avec la touche poétique  qu’il y décelait, le fascinait. Pour lui, l’actualité était la continuation momentanée du passé en médecine comme ailleurs, et ne se gérait bien qu’avec la connaissance approfondie des antécédents. Il se plongeait volontiers dans la littérature chirurgicale d’antan qui, bien que dépassée, le faisait dialoguer avec les mânes de ses pairs dans le sentiment d’appartenir à une communauté transcendant les limites des âges. Il s’inspirait de l’exemple et de l’enseignement des géants, les Ambroise Paré (qu’il citait : « Je le pansay, et Dieu le guarit » et adaptait au présent: « Je l’ai pansé, je l’ai guéri, Dieu est-il toujours notre compagnon ? »),  William Halsted («  cut well, sew well, do well »), René Leriche et autres Alfred Blalock. Personne d’autre n’a jamais relaté avec autant de minutie l’histoire de la suture, une étape évidemment déterminante de l’acte chirurgical pour réparer les dégâts prémédités, et les autres aussi, bien entendu.     

Il maniait la plume avec la même habileté que  le bistouri. Auteur scientifique prolifique, il aimait choisir les mots, sculpter les phrases, dans un style châtié qui tranchait sur  l’habituelle sécheresse des écrits scientifiques américains. Rarement, le lyrisme sourdait  à la pointe de sa plume, notamment quand elle célébrait les retrouvailles avec les paysages de son pays d’origine: « If “small is beautiful,” Luxembourg possesses both attributes – a proud and peaceful claim that is in part the result of history but also a gift of nature... within  its narrow borders, the countryside can vary from gentle fields to rolling hills, covered by forests with unforgettable effects of light and colors depending upon the season and the time of the day. Rivers meander through valleys…sleepy villages, their inhabitants gone to work in the fields at early dawn, and bustling towns and small cities, offer the visitor the beautiful panorama of tastefully decorated farmhouses and artfully preserved urban centers…The surroundings of villages and towns often are those of a public garden or park, where flowers alternate with green lawns and wooded areas, permeated by light and shadows that lead the mind to an enjoyable state between dream and reality... ».

Souvent    en  collaboration étroite avec un illustrateur professionnel, il s’occupait méticuleusement de l’iconographie accompagnant ses textes, veillant à l’exactitude anatomique et à l’exécution. Le résultat : de très beaux livres parfois apparentés aux éditions d’art et qui, au-delà de leur destination utilitaire dans un domaine très spécialisé, procurent un réel plaisir esthétique. Ils réussissent le tour de force de  nous convaincre de la beauté d’une vésicule biliaire ou d’un rectum, entre autres... En grande partie grâce à sa contribution qui comportait aussi une lourde tâche éditoriale, l’ouvrage « Minimally Invasive Abdominal Surgery », dont prit soin une prestigieuse maison d’édition allemande,  fut déclaré  « plus beau livre scientifique »  lors de la foire aux livres de Francfort (Deutsche Buchmesse) en 2001.

Ne se contentant pas de pratiquer l’art et la science de la chirurgie, il la pensait, amalgamant dextérité et réflexion : « The playing field between thinkers and doers has been leveled to the point where the diagnosis and procedure oriented cardiologist and member of the department of medicine has more in common with the cardiac surgeon similarly interested in operative and functional correction of a heart defect, than he or she has in common with the neurologist, also a member of the medical department. The neurologist in turn is closer to the neurosurgeon and shares with him or her common diagnostic and therapeutic skills”.

 Et encore: « The purely clinical approach to surgery and medicine… has its limits, as all empiricisms have, unless it is enlarged by the input of basic biological sciences and experimental research…it is quite certain that many of the discoveries would not have been possible without the availability of the necessary materials, the required financial resources, and the fiscal discipline by the public and political leadership to accept the cost of research… ».

Il développait des idées personnelles très pertinentes sur l’enseignement et l’apprentissage de la médecine en général, sur la formation des chirurgiens en particulier. Pédagogue et guide, il a contribué à former de nombreux jeunes chirurgiens qui ont profité du perfectionnisme, de l’honnêteté intellectuelle, de l’intégrité professionnelle,  de la sincérité et de l’humanisme empathique dont il donnait l’exemple. Il leur communiquait son inquiétude: « Would he [Ambroise Paré] be concerned that mankind has lost its soul to technology, abandoned its mind to the computer, sacrified compassion to efficiency, and surrendered originality and courage to conformity ? ».

En vivant la réalisation de son « rêve américain », il ne s’est  jamais départi de sa modestie, elle n’était pas incompatible avec l’ambition. Les honneurs ne lui furent pas mesurés, il les accueillait  avec un plaisir qu’il ne  cachait pas : une chaire de chirurgie au New York Medical College porte à tout jamais le nom de « Félicien M. Steichen  Chair of Surgery » ; il fut consul honoraire du grand-duché de Luxembourg à Pittsburgh avec juridiction dans l’État de Pennsylvanie; le 1er juillet 1986, au cours d’une cérémonie dans Battery Park, il reçut du maire de New York Edward I. Koch la « Mayor’s 1986 Liberty Medal » créée lors de la commémoration de l’indépendance pour distinguer 200 personnalités immigrées aux mérites exceptionnels (« New York Times »); ne s’enfermant pas dans une tour d’ivoire, il siégeait aux côtés d’hommes d’affaires dans le conseil d’administration de la Luxembourg-American Chamber of Commerce implantée à New York ; de ce côté-ci de l’Atlantique il faisait partie de l’Académie nationale de chirurgie française, et de plusieurs  autres sociétés savantes.

Il se prêta de bonne grâce au jeu lorsque la télévision luxembourgeoise le filma en 1992 dans sa belle propriété de Larchmont au bord du Long Island Sound, pour une émission qui le montrait sciant avec un petit air espiègle un épais tronc d’arbre dans une des séquences, prouvant  non sans un zeste de coquetterie qu’il se servait avec aisance des lames tranchantes les plus variées. Il savait rire aux éclats, son exubérance était contagieuse et mettait les rieurs de son côté ; seuls de gros problèmes de santé parvinrent à voiler temporairement ce trait de caractère.

Chirurgien jusqu'au bout de ses doigts habiles, il ne ménageait cependant pas son admiration à René Théophile Hyacinte Laënnec; cicerone dévoué, il goûtait conduire ses amis à la tombe de l'inventeur du stéthoscope, et à celle, qui l'avoisine, du grand chirurgien breton Emmanuel Pouliquen, sur la hauteur où le cimetière de Ploaré en Douarnenez se rapproche de la flottaison des nuages. 

Il cultivait ses jardins sur deux continents avec une passion tranquille, planter un arbre  lui apportait  du  bonheur.

La dernière fois où je voulus le joindre au téléphone, ce fut en vain : la communication ne tarda pas à s’établir, la voix de son épouse, altérée par l’émotion, m’apprit qu’à l’instant même elle venait de le trouver sans vie au milieu des senteurs du jardin. Une pure coïncidence? Probablement.

Le docteur  Félicien M. Steichen a sa place dans l’histoire de la médecine américaine. Il appartient aussi à l’histoire personnelle de ceux qui ont fait plus d’un bout  de chemin avec lui, et qui ont eu le privilège de souvent  l’approcher dans un partage d’aspirations, d’espoirs, de préoccupations, d’illusions, de souvenirs, de joies et d’heures lumineuses.


B  i b l i o g r a p h i e

1)  Steichen,F.M. and Ravitch M.M. - Stapling in Surgery, 1984; Year Book Medical Publishers, Inc., Chicago , London, 418 p.

2) Ravitch, M.M. and Steichen, F.M. - Atlas of General Thoracic Surgery, 1988; Saunders Company, Philadelphia etc., 421 p.
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3) Kremer, K. ; Lierse, W. ; Platzer, W. ; Schreiber, H.W. ; Weller, S. and Steichen, F.M. - Atlas of Operative   Surgery,  Esophagus,   Stomach,  Duodenum, 1989;  Thieme,  Stuttgart ,  New York,  
380 p.

4) Ravitch, M.M. , Steichen, F.M. and Welter, R. - Current Practice of Surgical Stapling, 1991; Lea & Febiger, Philadelphia , London, 324 p.

5) Steichen, F.M. and Welter, R., editors – Minimally Invasive Surgery and New Technology, 1994; Quality Medical  Publishing, Inc., St. Louis, 762 p.

6) Steichen, F.M. – La chirurgie « mini-invasive » de l’abdomen en 1996, Chirurgie, 1997 ; 122, 94-97.

7) Kremer, K. ; Platzer, W. ; Schreiber, H.W. and Steichen, F.M. - Minimally Invasive Abdominal Surgery, 2001; Thieme, Stuttgart, New York, 465 p.

8) Steichen, F.M. - Blending art and science in healthcare, or the progressive blurring of traditional specialty boundaries, The American Journal of Surgery, 2002; 183, 193-195.

9) Steichen, F.M. and Wolsch, R.A. - Mechanical Sutures in Operations on the Small & Large Intestine & Rectum, 2004; Cine-Med, Inc., Woodbury, CT, 275 p.

10) Steichen, F.M. and Wolsch, R.A. - Mechanical Sutures in Operations on the Esophagus & Gastroesophageal Junction, 2005; Cine-Med, Inc., Woodbury, CT, 235 p.

11) Steichen, F.M. and Wolsch, R.A. - Mechanical Sutures in Operations on the Lung, 2005;
Cine-Med, Inc., Woodbury, CT, 181 p.

12) Steichen, F.M. and Wolsch, R.A. - Mechanical sutures in Operations on the Stomach, Biliary Tree & Pancreas, 2006; Cine-Med, Inc., Woodbury, CT, 294 p.

13) Steichen, F.M. – The history of mechanical sutures in surgery, 187-199, in: Gillison, W. and Buchwald,H. - Pioneers in Surgical Gastroenterology, 2007; tfm Publishing Limited, Harley, Shrewsbury, UK, 336 p.

14) Steichen, F.M. and Wolsch, R.A. - History of Mechanical Sutures in Surgery, 2008; Cine-Med, Inc., Woodbury, CT, 315 p.

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Sunday, December 7, 2014

Lux Leaks II


Une histoire ténébreuse. Photo ET










































Une version en français de la version anglaise à: http://egidethein.blogspot.com/2014/12/lux-leaks-ii.html
Lux Leaks II
Une promesse est une promesse. Voici Lux Leaks II. Celui-ci est spécial à bien des égards:
  1. Il détruit la perception que les décisions fiscales au Luxembourg sont trop généreuses.
  2. Il montre aussi qu'il doit y avoir un grave problème de discrimination, si ce n’est de corruption, que les décisions n’étaient pas toujours favorables au contraire de Lux Leaks I.
  3. Il s’agit en effet de ma propre demande pour être exempté de payer des impôts sur des sommes qu’on m’avait volées. Ma quête pour une décision fiscale favorable a été rejetée catégoriquement, mais jetons un coup d’œil sur les détails. Je « leak » certains documents essentiels ci-après.


L'histoire:

En 2002-03 j’ai été associé en affaires avec d'autres personnes au Luxembourg, mais je réside aux États-Unis. Comme certains associés se sont désengagés, j’ai fait de même à la fin de 2003. Les choses n’étaient pas transparentes. Plus d'un an plus tard, j’ai été amené à déposer plainte pénale pour détournement de fonds et abus de biens sociaux.

En 2007, l'administration fiscale m’a réclamé des arriérés d'impôts de 2002-03, sur des revenus de cette association que je ne ai jamais vus, dont je ne connaissais pas l’existence, et qui de toute évidence ont été détournés par les anciens partenaires. Comme être obligé de payer des impôts sur l'argent volé ne sonne pas juste, j’ai été avisé par un agent des impôts d’appliquer pour un "RULING"! En ce cas le ruling est appelé "demande gracieuse". Elle est disponible pour des cas de rigueur.
Exigence de 2007 réclamant des arriérés d’impôt 
de 2002-03 sur des revenus inconnus 
et probablement détournés. 


Le 3e paragraphe mérite toute l’attention
n


Signé avec un smiley

Mon Ruling

J’ai présenté ma demande gracieuse avec diligence, 50 pages de documents en appui du cas de rigueur. Il a fallu environ cinq mois pour obtenir une réponse, d'un gars nommé Guy Heintz, le patron de l'organisation. Non pas Marius ou un autre employé de même niveau. Non, le boss. Ma demande pour éviter l'imposition sur des sommes qu’on m’avait volées a été rejetée sans ambages, alors qu'une procédure pénale en cours contre les auteurs venait confirmer les motifs de la demande. L’argument du directeur étant qu’ « une remise gracieuse n'est envisageable que si, soit objectivement selon la matière, soit subjectivement dans la personne du contribuable, la perception des intérêts apparait comme constituant une rigueur incompatible avec le principe de l'équité ». Donc, la conclusion de Guy Heintz était qu'un impôt perçu sur des revenus qui n’existent pas, parce qu’ils ont été détournés (à l’insu du contribuable) ne contredit pas son principe d’équité. Il a également le droit de discriminer personnellement, «subjectivement», en fonction de qui est le contribuable. Même un recours à l'Ombudsman du Luxembourg, Marc Fischbach, récemment distingué comme veilleur sur la déontologie des ministres, ne pouvait pas influencer la décision. Je dois conclure que, à la vue des largesses prodiguées par le Bureau 6, la décision était malveillante visant ma personne et ignorant les faits. J’ai fini par payer plus d'impôt sur un revenu zéro que des individus ultra riches et les sociétés internationales cajolés par PwC,  Marius et l’opération dirigée par Guy Heintz en général. 

Comme insider ultime luxembourgeois, ayant parcouru 5 ministères et institutions du système, je connais exactement les rouages  de la « flexibilité » administrative.  C’est l’arbitraire, mais des fois cela peut jouer dans les deux sens. Si vous vous trouvez du mauvais côté de l’équation, ce n’est pas le jovial « ruling » toujours en votre faveur, mais le lynchage. C’est la corruption typique luxembourgeoise : pas un centime ne change de main, c’est la corruption par influence, imperceptible aux radars de Transparence Internationale. Elle ne pénètre pas la République des Copains.

Or les faits « objectivement selon la matière », ne pourront pas être mieux confirmés que par un jugement récent. Après plus de 10 ans de procédures,  il y a bien eu un jugement définitif sur le fond: les deux accusés ont été reconnus coupables de plusieurs chefs d'accusation, abus de biens sociaux et détournements, et ont été condamnés à une peine réduite de 1 et 2 ans de prison, avec sursis, étant donnés les retards excessifs, mais typiques dans le paradis judiciaire du Luxembourg. Ils devront également retourner les fonds détournés, estimés à € 950,000. Bien qu’un autre délai vienne de s’ajouter in extremis: soi-disant le langage de la condamnation n’est pas clair. Il faut une nouvelle procédure qui encombre la justice défaillante pour interpréter la chose jugée. Mais maintenant, je peux être en mesure de les poursuivre en justice civile, et espérer une conclusion dans plusieurs années peut-être. Vous les victimes de Madoff et Landsbanki, prenez note. Vous n'êtes même pas encore à mi-parcours. Comptez encore plusieurs années de retards. J’espère que personne ne viendra vous réclamer des arriérés d’impôts sur des revenus fictifs. Si vous faites une demande gracieuse, la réponse sera non, subjectivement.

Vous trouverez ici le récit de l'affaire pénale, telle que rapportée par PaperJam:




Friday, December 5, 2014

La frite belge déclarée au patrimoine culturel immatériel de l'Unesco


La Floride, frite par le soleil. Photo Phrite Pictures.






















La frite belge déclarée au patrimoine culturel immatériel de l'Unesco

La moule et la frite sont les deux mamelles de la Belgique

Le Feierwon a élu de faire front avec nos amis belges pour faire reconnaître la frite, ce monument de l’aventure humaine, comme patrimoine de l’UNESCO. Ce sera l’aboutissement d’une longue démarche, initiée d’abord par d’innombrables gouvernements présidés par Wilfrite Martens, une fois, avec la bénédiction de Godfrite Danneels, Cardinal éméfrite.

Le nom de la frite vient de la mythologie grecque où Adophrite est la Déesse de la Dyslexie et de l’Amour, sans doute pense-t-on pour souligner ses propriétés aphrodisiaques. La frite a connu une heure de gloire lors de l’exposition mondiale Expo58, qui offrait aux visiteurs un grand Friterium.

La Belgique, déchirée à ses moments entre Flamands et Wallons peut compter sur une belle solidarité nationale pour faire avancer le projet à l’UNESCO. C’est la preuve que la Frite fait la Force ! 

D’ailleurs qui ne s’est jamais arrêté à une friterie en Wallonie ou à un fritkot en Flandres. Ils font partie du paysage comme les cathédrales, ces uniques montagnes belges. D’ailleurs aussi, Jacques Brel lui-même a peint tout un tableau de maitre, un document à soumettre en appui de la démarche auprès de l’UNESCO :

« Puis on ira manger
Des moules et puis des frites
Des frites et puis des moules
Et du vin de Moselle »

Voilà où je voulais en venir : au vin de Moselle. Nous sommes ici devant l’évidence d’un support luxembourgeois de la première heure.  Ziguefrite de Luxembourg, qui voulant éviter que Mélusine ne termine en menu fretin, l’a remplacée par les frites avec des fruits de mer, le tout arrosé d’une bouteille de Ruling de la Moselle. C’est par ce Ruling que le Luxembourg est associé à la gloire de la frite.

Il faudrait ne pas avoir toutes ses frites dans le même ravier pour oser s’opposer à la frite. Pourtant il y eut un incident remarquable, quand Dominique de Vile Frite de Corvée de Patate a voulu contrecarrer des projets américains. Les Américains, dont le pouvoir d’ailleurs s’effrite, en avaient lourd sur la patate et ont riposté en remplaçant le nom de « French fries », usurpé des Belges par les Français, par « Freedom fries ». Les Belges, goguenards, appellent dès lors leurs friteries « Barack à Frites ».


Note aux mamans qui font les devoirs des enfants : certains correcteurs pourraient ne pas être au courant de toutes les affirmations qui précèdent. 



Tuesday, November 18, 2014

Le label Luxleaks lacère le Luxembourg


Lever du soleil aux British Virgin Islands
























Le label Luxleaks lacère le Luxembourg
Gouverner, c’est prévoir ….

A la lumière stridente de Luxleaks, faut-il conclure que si gouverner c’est prévoir, le Luxembourg n’est pas bien gouverné? En tous cas, il a ignoré que le mode opératoire des relations entre Etats est la « Realpolitik ». Comme il est bien loin le temps quand le Luxembourg pouvait se targuer d’être le gentil petit cousin de tout le monde. Un faux sens de sécurité, et la nonchalance l’empêchaient de prévoir les menaces potentielles, surtout sur la place financière qui elle était en pleine dérive de laxisme, avec en faux-finish une base légale assortie. Comment pouvait-on ne pas imaginer que le Luxembourg puisse être assailli à tout moment pour l’une ou l’autre activité de cette place financière, dont certaines comme l’évasion fiscale et l’optimisation fiscale, invitaient l’agression? Le fait que d’aucuns ont rêvé d’envoyer la cavalerie ou la Légion Etrangère montre bien que les lignes de force de la Realpolitik changent constamment, et qu’il est désastreux de s’assoupir volant. Et comment se fait-il que tous les responsables, anciens et nouveaux, ne dominent pas les bonnes techniques du « damage control », quand l’assaut est là ? Pris au dépourvu, haletant de stress et servant des déclarations contradictoires, ils en rajoutaient au problème par leurs balbutiements publics, faute de préparation, d’assurance et de savoir-faire.

Un Pearl Harbor luxembourgeois

Du point de vue d’un Etat, subir une attaque surprise est une faillite de ses procédures en place. N’est-ce pas une des responsabilités du Premier Ministre et de son Service de Renseignement de détecter la mise en place d’une attaque d’une telle envergure sur le coffre-fort national, et de sonner l’alerte ? Quelle belle occasion ratée pour le SREL pour racheter une crédibilité après les élucubrations du passé! Le gouvernement lui-même, averti auparavant de l’existence d’une initiative embarrassante, a traité la chose avec négligence bénigne. Pire, Juncker qui est la cible principale était averti bien plus tôt, des mois en avance. En ce qui concerne PwC, il faudra expliquer comment une société de ce niveau de sophistication n’ait pas de systèmes en place pour prévenir le vol de 28.000 pages de documents confidentiels?

Ces défaillances dans la première ligne de défense qui sont SREL et PwC, font du gouvernement et en ce cas-ci surtout l’ancien Premier Juncker, les ultimes gardiens de but. Mais, pris au dépourvu par négligence, personne n’a fait bonne figure comme gardien de but sous les coups de penalties du monde entier. Le damage control rappelait celui de Raphael Montañez Ortiz, qui a tué son piano en ce faisant au Mudam. Dans leur fuite en avant, nos chefs ont aussi tué leur propre piano, les rulings. L’affaire des « rulings » incriminés était relativement facile à désamorcer, dans l’immédiat, quoique temporairement seulement. Car aucune défense ne tiendra la route à la longue : l’affaire de saigner le petit contribuable et de laisser courir, que dis-je, cajoler le gros est immorale.

Une attaque sur invitation

Il y a des cultures qui blâment la victime. Mais sommes-nous les victimes ou les provocateurs ? A force de secouer le prunier du voisin, nous avons fini par nous intoxiquer au Quetsch. Comme dans un état second, nous n’étions plus capables de discerner des limites entre le bien et le mal. Dans ce journal et sur mon blog « Feierwon », j’ai souvent attiré l’attention sur les exactions du « Paradis fiscal » sinon du « Paradis judiciaire et règlementaire » qui le complète, au déplaisir de certains. Aujourd’hui, du moins le Paradis fiscal semble avoir ses batteries à plat, à en croire les réformateurs de la dernière heure qui en une volte-face spectaculaire ont sonné le glas du Paradis fiscal et de sa « Schmuddelecke ». Deux faits bien réels ont contribué à l’effondrement de l’édifice des privilèges clandestins et de l’optimisation fiscale luxembourgeoise.

Le premier fait est que le choix stratégique pour le développement d’un centre financier, très légitime en soi, a été perverti par l’adoption subreptice d’une suite de tactiques de plus en plus aguichantes, discutables et éphémères, donc pas durables. Ajoutez en prime et en appui un système judiciaire et réglementaire défaillants, et vous arrivez à des révélations toxiques comme Luxleaks et à des scandales interminables comme BCCI, Madoff et Landsbanki, autant de plaies suppurantes dans les flancs du centre financier.

Le deuxième fait est cette obsession de quelques figures marquantes du gouvernement de poursuive la gloire internationale (personnelle) par des ambitions européennes ou internationales démesurées. Juncker était le candidat éternel à une Présidence quelconque européenne, Asselborn avait son obsession de siéger au Conseil de Sécurité de l’ONU, Frieden à la Banque Mondiale, et tous les trois étaient friands d’être des stars de la télévision allemande. Cette gesticulation internationale ne pouvait qu’attirer l’attention de la presse internationale sur le Luxembourg. Nos hommes agissaient comme le paratonnerre qui attire la foudre. La bonne idée eut été de rester chez soi et de s’occuper de nos affaires, car la Presse internationale est une presse investigatrice qui fouine, et qui trouve. Gare si vous avez des choses à cacher.

Le damage control est un art

Pour être efficace, il ne faut pas violer certaines règles de base du damage control.

Quand le coup dur arrive, la première règle est que vous devriez avoir des scénarios préparés de longue date pour ce qui peut arriver. Gouverner, c’est prévoir !

La deuxième règle est de réagir promptement, candidement et en toute transparence. Le mensonge sera plus grave à long terme que les faits incriminés. Vous ne pouvez pas défaire ce qui a été fait, vous ne pouvez pas revenir en arrière. Mais vous devez exposer les mesures que vous avez déjà prises pour corriger la situation, et que vous prendrez pour prévenir une rechute. Dur à faire, mais un mot d’excuse est généralement bien accueilli. Si la communauté nationale a réagi en « Communauté du Nous Autres », ce réflexe tribal qui oppose toutes les énergies aux assaillants, nos officiels nous ont fourni quelques couacs en enfreignant les règles: Ils étaient pris comme du gibier dans les phares la nuit, avec des arguments mal préparés. Asselborn a pris une ligne hardie et candide, ce qui est bien. Mais Juncker, qui en fait est la cible principale de Luxleaks, après un silence éternel, s’est résolu à la fuite en avant. Avec lui, la Realpolitik a repris ses droits, et Juncker a jeté le Luxembourg avec ses rulings par la fenêtre, illico. Pour sauver son job. Il est maintenant en faveur de la transparence et d’un système d’échange automatique d’informations en matière de tax rulings. Il est aussi un Président en sursis.

La troisième règle est d’éviter de tomber dans le piège de l'arrogance. Une certaine arrogance existe dans notre DNA, sans doute en compensation d’être petit. C’est le Vive-nous. Nous sommes les premiers de classe partout : pour l’aide aux « pays en voie de développement », nous sommes les plus riches, les plus performants. Cela fait grincer les voisins. Souvent le tout est basé essentiellement sur des statistiques faussées par le fait de la divergence entre les chiffres de la population résidente et de la population active (frontaliers) avec leurs familles qui ne sont pas pris en compte.

Nous sommes à tel point devenus nonchalants et arrogants avec notre communication que l’on peut lire des monstruosités comme l’exemple suivant glané chez ALFI : « Notre autorité de surveillance très compétente et pragmatique joue elle-aussi un rôle clé dans le développement de notre industrie des fonds d’investissement». Pragmatique, cela sent le laxisme. Faut-il vraiment affubler la CSSF de ce qualificatif par les temps qui courent? Et insister qu’elle joue un rôle clé dans le développement de l’industrie des fonds est du moins controversé pour un organe de supervision qui règle, qui surveille et qui sanctionne, mais ne devrait pas faire de la promotion!

A propos des rulings, on ne peut pas gagner l’argument éthique, mais gagner du temps !

Après la tempête, les règles de la Realpolitik reprennent leur droit : les réalités sont que nous ne pouvons démanteler la forteresse financière des rulings du jour au lendemain. Notre excuse généralement lamentable est que « tout le monde le fait ». En réalité, notre budget national subirait encore un choc. Mais il y a une bonne nouvelle : la pression par des ensembles comme le G20 laissera quand-même le temps au temps, et ce sera finalement BEPS, promu par l’OCDE, qui se mettra en place lentement, mais surement. Il est clair aussi que les grandes corporations et les Big Four sont de véritables états sans frontières, qui voudraient garder l’essentiel de leurs privilèges au Luxembourg. Ils auront plus d’un tour dans leur sac pour esquiver les nouvelles règles, que le zélé Luxembourg transposera immédiatement à son avantage.

Les choses étant ce qu’elles sont, la fortune est dans le caleçon  

Reste que nous-mêmes et nos « petits » clients allemands, belges, français, nous nous retrouvons avec une gueule de bois au lendemain de Luxleaks et de la mort du Paradis fiscal. De nombreux petits drames familiaux ont eu lieu pour se défaire des comptes luxembourgeois devenus toxiques. Les uns se faisaient pincer à la frontière allemande en rapatriant leur argent noir dans leurs caleçons, les autres allaient se dénoncer au fisc, si une disquette volée ne l’avait pas déjà fait. Nous avons perdu beaucoup d’estime et d’amis, nous avons fait des victimes, et nous ne faisions rien pour les aider. Quant aux grandes sociétés et leurs conseillers, ils peuvent espérer soit un statu quo pour le moment, soit une adaptation vite faite, soit ils iront voir ailleurs. Toujours un clic d’avance sur les nouvelles règlementations.

En attendant, ce centre financier sous attaque a certainement engendré des effets secondaires indésirables pour beaucoup de Luxembourgeois. Des milliers de familles ont dû chercher refuge immobilier dans les régions limitrophes, comme d’opulents travailleurs financiers faisaient monter les prix chez nous. D’autres, vers les 20.000 ont été déclassés chômeurs éternels, car leurs qualifications sont faites pour un autre monde que le monde virtuel de la finance qui est proéminent au Luxembourg.  C’est aussi un bilan de trente ans de dérive.

Un vrai héros luxembourgeois: Den Escher Marius

Terminons sur une bonne note. Le nom de Marius Kohl est désormais connu de par le monde. Si l’objet de son travail journalier est sujet à critique, il est clair qu’il n’a fait autre chose que ce qu’il était supposé faire. Aucun de ses chefs, aucun de ses interlocuteurs, ni le public n’ont jamais protesté les avantages fiscaux qui découlaient de ses décisions.

A mes yeux, Marius Kohl a l’étoffe pour devenir un vrai héros du folklore luxembourgeois. Un peu Shakespearien, car on peut se demander à quel point il était peut-être tourmenté par l’évidence que beaucoup de multinationales payaient moins d’impôts que lui-même ou les pauvres citoyens luxembourgeois. Il y a là du matériel pour une pièce de théâtre : To rule or not to rule ? Ce n’était même pas une question.

Mais c’est sur un autre plan que son entrée dans le folklore local est même plus probable. Malgré le fait que Marius Kohl sous sa plume accordait des milliards et des milliards d’avantages fiscaux, il n’a visiblement pas profité de la situation pour s’enrichir personnellement. Il habite une maison cossue, c’est tout. Sous d’autres cieux, et même chez nous, des officiels avec un tel pouvoir auraient la plupart du temps cédé à la tentation. Marius Kohl ne projette pas des signes extérieurs de richesse, il ne siège pas aux conseils d’Administration de Bertelsman Stiftung et de Nyrsta avec Viviane Reding, ou Arcelor-Mittal entre autres avec Jeannot Krecké, il n’a pas eu accès à un poste européen avec son ancien Premier ou à Deutsche Bank comme Luc Frieden.


Marius Kohl fait figure d’incorruptible, comme jadis le Schéiffer Misch vun Aasselbour, qui fameusement a dit : « mir kënnen nik lignen » - Nous ne savons pas mentir. Un petit mensonge encouragé par le juge l’aurait sauvé de la condamnation à mort pour rébellion lors du « Klëppelkrich ». Dans une pièce de théâtre, je ferais dire Marius Kohl : « Mir kënnen nik geschmiert ginn ! » Nous sommes incorruptibles. Juste pour contrebalancer ceux qui disent : « Il y a quelque chose de pourri au Grand-Duché de Luxembourg ».