Wednesday, June 24, 2009

Luxembourg, l’OCDE et Madoff : la Question des PFJ

Le ministre luxembourgeois du trésor Luc Frieden a donné une entrevue récemment à Bloomberg(1), dans laquelle il commente les tenants et aboutissants de l’affaire Madoff à Luxembourg. A propos des litiges opposant investisseurs dans les fonds d’investissement luxembourgeois liés à Madoff, et banques dépositaires, il a un mot à dire à chacun, traduit ici librement :

1. « Les banques dépositaires ont une obligation claire de compenser les investisseurs pour des pertes liées à Madoff. »

2. « Un arbitrage international sera une solution plus professionnelle et rapide et qui probablement satisfera tout le monde ». Et d’ajouter : « Je préfère un arbitrage de deux, trois ans à une centaine d’actions en justice résolues en 10 ans. »

Je souscris des deux mains. C’est ce que je supposais moi-même, mais le voilà confirmé clairement et franchement par le Ministre du Trésor et de la Justice, et selon certains, futur Ministre des Finances.

En souscrivant ainsi aux propos du ministre, je voudrais aussi faire valoir une certaine expertise personnelle en ces domaines, et une objectivité certaine dans mes commentaires. Elles sont basées sur ma perspective unique d’un ancien « insider », assez éloigné géographiquement de Luxembourg depuis vingt ans pour être neutre, et étant en ce moment même, malheureusement, consommateur de justice luxembourgeoise.

Les deux déclarations du ministre représentent implicitement un diagnostic de PFJ, Paradis Fiscal et Judiciaire.

Le paradis fiscal attire les capitaux, propres et malpropres, et ceux-là attirent les Madoff. Les opérations Madoff dans le monde ne peuvent fonctionner que dans des écosystèmes spécifiques, où un certain environnement légal et réglementaire et financier se rencontrent. A cette intersection se retrouvent argent en quête de revenus faciles et d’exemption d’impôt, laxisme, investisseurs vulnérables. La fraude prendra vite sa dynamique propre avec des manutentionnaires, qui souvent seront des locaux, et qui seront involontairement ou volontairement aveugles.

Le paradis judiciaire luxembourgeois réduit le risque de conséquences si l’on se fait prendre. Il y a paradis judiciaire, si le ministre de tutelle dit qu’il vaut mieux s’adresser à une justice privée plutôt qu’à la justice officielle de son propre pays, parce qu’elle mettra 10 ans pour en venir à une conclusion. Il n'exclut pas que l’on puisse accuser la justice de parti pris… Nous savons qu’il y a d’autres critères selon l’OCDE qui définissent un paradis judiciaire, mais ils sont mineurs après cette déclaration.

Quels sont les risques que courent les participants de ce scénario à la Madoff? Cela dépend de quel acteur on parle, et il y en a trois: l’investisseur, le fraudeur et le Luxembourg.

1. L’investisseur bien sûr perd tout : son capital, son sommeil et sa qualité de vie. Une action en justice dans sa juridiction d’origine est précaire, surtout quand il s’agit « d’argent noir ». Les filous le savent. Reste la voie luxembourgeoise, mais il a fallu plus de 6 mois déjà pour qu’une autorité établisse clairement les principes entourant le cas Madoff. Le flou artistique créé par l’intersection malencontreuse des règlements de la place et du droit civil ne facilite pas les remèdes rapides et indispensables dans de tels litiges. Puis le ministre parle de procédures pouvant durer 10 ans. C’est totalement inacceptable, mais, il dit la vérité. Je peux en témoigner personnellement:

En 2004 j’ai porté plainte civile contre deux associés, personnages bien en vue à Luxembourg, pour rupture de contrat. Comme il y a soupçon d’abus de biens sociaux et de faillite frauduleuse, une plainte pénale a été déposée et reçue également. On m’a expliqué que les curateurs généralement ignorent les indices de fraude dans les faillites, et pratiquement jamais ne portent plainte. L’impunité est donc presque garantie! Il est certain aussi que les tribunaux manquent de moyens qui seraient en rapport avec la dimension du centre financier, et cela comprend également les moyens insuffisants de la Police Judiciaire, voire de la cellule « Financial Investigation Unit », ou FIU. Le résultat est que dans mon cas, justice n’est pas encore rendue , alors que nous écrivons 2009. Ce qui tend à confirmer les propos du ministre par mon exemple concret. Justice est remise à plus tard. Comme dit le proverbe américain : « Justice delayed is justice denied ».(2)


2. Le fraudeur a donc une chance de s’en sortir à bon compte. Ainsi, Madoff a tenu jusqu’au collapse de sa machine infernale, ce qui lui faisait plus de 30 ans d’impunité. Ce n’est pas vraiment imputable à une déficience de la supervision luxembourgeoise. Mais admettons, quel coup d’éclat cela eut été, que le Luxembourg démasque Madoff avant sa chute! Les opérateurs luxembourgeois, banques et professionnels impliqués avaient certes même une chance plus élevée encore que les régulateurs de démasquer la fraude, si toutefois ils avaient examiné davantage cette opportunité d’investissement qui était trop belle. Et qui sait, peut-être a-t-il été démasqué, mais le démasqueur s’est alors fait complice. Sachant qu’il bénéficie de la même probabilité d’impunité. De source luxembourgeoise bien informée, car l’information n’est pas disponible publiquement, faute de transparence, j’ai appris qu’ainsi le « manutentionnaire » local en chef, et bien en vue, dans un grand scandale financier récent s’est vu infliger une amende de €1.500. Il n’y a pas de loterie moins chère au monde, où pour ce prix là on gagne à chaque fois. Qui dit que le crime ne paye pas ?

Dans mon cas personnel, relaté plus haut, les deux personnages accusés mènent une vie publique sans gêne depuis ces 5 ans, un peu comme Madoff avant sa chute.

Il reste encore un mot à dire des sanctions qui généralement pour les fraudeurs sont inexistantes, car il n’y a soit pas de plainte du tout, soit plainte et le cas échéant sanctions, mais ou elles sont anémiques en comparaison internationale et en aucun rapport avec l’ampleur des fraudes ou manquements.

3. Le Luxembourg est le grand perdant dans ces incidents récents, véritables scandales. D’abord il y a eu une perte de réputation causée par les listes de l’OCDE, puis par le scandale Madoff. Luxembourg, ses investisseurs se sentant trahis, a perdu ses « amis ». Ensuite il y a eu une solide perte de revenus fiscaux auxquels le budget annuel s’était habitué. Et si ce n’était pas seulement imputable à la crise? En ces temps de formation d’un gouvernement de coalition, il faut espérer que les alarmes soient vues et entendues. Les rigueurs de la loi, indispensables à une bonne gouvernance de la place financière et des moyens d’investigation adéquats et la capacité de rendre justice sans délais devraient figurer en haut de la liste des priorités. Ce serait un bon achèvement que d’éviter de figurer sur la prochaine liste qui ne manquera pas de venir : celle, rouge de honte, des paradis judiciaires.

Egide Thein
2009.06.23.

(1) http://www.bloomberg.com/apps/news?pid=20601087&sid=a8KUxW1cXdvU
(2) Une satire du cas est en développement sur : http://peckvillchen.blogspot.com

Tuesday, June 9, 2009

De la sagesse des foules.

L’électeur a parlé. Dans sa sagesse, il a décidé de prendre les mêmes et qu’on recommence.

L’électeur avait deux choix :

- valider l’équipe sortante parce qu’elle a fait un bon travail, principalement autour de la défense du centre financier, qui est la question éminemment critique du moment, du moins pour les observateurs de l’extérieur.

- ou bien désavouer cette équipe qui aurait négligé la défense de ce même centre financier, colonne vertébrale du bien-être luxembourgeois, pourvoyeur d’un acquis social sans précédent.

C’est assumer que la question primordiale était bien celle-là, stratégique, la préservation du centre financier et non celle-ci, réflexe d’autodéfense: que deviendra mon acquis social et qui m’inspire confiance pour le défendre?

Dans « Wisdom of Crowds » (1), James Surowiecki fait l’argument que dans une foule, qui dispose d’informations variées et contradictoires, la réponse collective donnée à un problème ou à une question, est souvent plus exacte que celle qu’aucun individu dans cette foule n’aurait pu produire seul.

Ainsi, si à la kermesse de Beckerich, lors d’un concours on demande de deviner la circonférence du vieux tilleul devant la Chapelle du Kahlenberg, la moyenne de tous les paris sera probablement plus près de la réalité qu’aucune réponse individuelle. C’est d’ailleurs une application en mathématiques, où la courbe de Gauss aussi appelée distribution normale ou « Bell Curve » en anglais, gère ce genre de hasard. Le principe se retrouve dans le tir d’encadrement de l’artilleur et aussi … dans l’algorithme de Google, qui puise dans ce que la foule de ses utilisateurs a voulu trouver pour pondérer les réponses en mettant les « plus justes » d’abord, avec une grande efficacité d’ailleurs.

La foule des électeurs luxembourgeois a donc probablement bien fait, si selon Surowiecki, les conditions du bon fonctionnement de la sagesse des foules et donc l’expression de son génie décisionnel étaient réunies. A moins qu’ils aient donné la bonne réponse à la mauvaise question.

La sagesse des foules s’exprime dans les conditions suivantes :

La diversité des opinions : tout le monde doit avoir accès à des sources d’information variées.
L’indépendance de l’esprit : les opinions des gens n’ont pas été façonnées par des opinions de groupe.
La décentralisation : l’apport d’expertise et de savoirs particuliers, locaux ou régionaux.
L’agrégation : il faut un mécanisme de synthèse qui permette à la décision collective de s’exprimer, une devinette à Beckerich ou une élection nationale par exemple.
Selon Surowiecki, si ces conditions ne sont pas réunies, l’avantage de la communion de toutes les opinions et expériences est perdu. Donc, la foule fonctionnera autrement et produira des solutions inférieures. Elles seront alors soit au niveau de son membre le plus intelligent, soit au niveau de l’intelligence de quiconque se hisse en position d’autorité.

La sagesse des foules sera en panne si la foule est :

Trop centralisée par un modèle hiérarchique rigide.
Trop homogène, par le manque d’informations variées et privées.
Trop divisée pour pouvoir réunir des idées.
Trop imitative pour remettre en question d’anciennes recettes, mimiquées à perpétuité.
Trop émotive et souffrant des effets négatifs résultant de l’appartenance à un groupe comme par exemple les pressions, les hystéries, les hallucinations.

Dans ce contexte, la sagesse des foules en panne, Surowiecki a un illustre prédécesseur : Charles Mackay qui en 1841 a publié «Extraordinary Popular Delusions and the Madness of Crowds », une volumineuse étude sur les réactions extrêmement stupides que des gens parfaitement intelligents peuvent avoir.

Le bel avenir de la sagesse des foules.

La théorie de la sagesse des foules suscite de plus en plus d’intérêt dans la gestion des affaires comme alternative collective en quelque sorte au dictat individuel du leadership MBA, guidé par le slogan « think outside the box ». Elle trouve confirmation dans les technologies de l’information, où nous assistons à des petites révolutions journalières, pour capter l’information, la formater, la traiter par des méthodes statistiques qui calculent des corrélations pour lier des éléments et les classer en fonction de leur pertinence.

En politique, la sagesse des foules n’a qu’une chance de s’exprimer lors d’une élection. La foule y cède sa sagesse par procuration aux représentants qu’elle élit. A force de déléguer ainsi, le processus démocratique discontinue le bénéfice du gouvernement du peuple par le peuple, c.à.d. qu’il renonce à la sagesse continuelle de la foule. A moins qu’une révolution se pointe à l’horizon pour redonner sa voix à la foule. Mieux que je ne puisse le faire moi-même, cette révolution est décrite dans l’excellent blog en référence :

« Je trouve que les blogs sont une réactivation de quelque chose qui était essentiel sous la démocratie athénienne, l’isègoria, le droit de parole pour tous à tout moment. Les Athéniens le considéraient comme le plus important de tous les droits dans la démocratie. Le fait que toutes les opinions dissidentes aient voix au chapitre protégeait la démocratie contre les erreurs, contre les dérives. Avec l’élection, on a renoncé au droit de parole pour chacun. Et Internet est un outil pour les humains qui ont toujours cette pulsion, ce besoin de s’exprimer, de protester, de résister. C’est l’isègoria qui revient sur le devant de la scène malgré les hommes politiques et je trouve ça très fort. » (3)

A vos blogs, citoyens !

Egide Thein
2009.06.08.
egidethein.blogspot.com
feierwon.blogspot.com
peckvillchen.blogspot.com
****************
(1) ISBN 978-0385503860
(2) ISBN 2-60459-441-1
(3) http://aixtal.blogspot.com/2007/01/lexique-isegoria.html

Friday, June 5, 2009

Luxembourg : On a Gagné !

L’élève Luxembourg a été attrappé parce qu’il faisait l’impasse sur ses devoirs, c’est à dire, adopter les standards de l’OCDE. A en croire une certaine presse et la blogosphère, l’élève Luxembourg serait en train de tricher, s’allier avec les autres cancres de la classe pour mieux tromper les maîtres. Il distribuerait même des copions aux professionnels de la place de Luxembourg, pour que tout le monde soit rassuré et chante sur la même note. A force de remonter la troupe, le sens des réalités semble s’évaporer. Sous ce dopage naissent ces titres de presse alarmants :

Paradis Fiscaux, le Luxembourg double la Suisse par la gauche (1)
Frieden joue les cachotiers avec la Suisse (2)
Au fait, le Luxembourg est bien un paradis fiscal...(3)
Secret bancaire, Sarkozy ridiculisé par Luxembourg! (4)


C’est surtout ce dernier titre, qui révèle une certaine mentalité, parce qu’il semble représenter en ce moment la façon de penser du public luxembourgeois et des professionnels du secteur financier en particulier. Trop éloigné de Luxembourg, je ne puis vérifier ces dernières élucubrations, et si elles sont vraies, je voudrais m’écrier : Arrêtez ça ! D’abord on n’a pas gagné, on a été puni. Ensuite vous mettez de l’huile sur le feu pour le prochain tour. Car il y aura un deuxième tour qui mettra la substance de la place en question. Lisons ce qui est dit sous (4) par exemple :

« N’en déplaise à Sarko et Merkel, nous on gagne la partie! » et aussi : "Ce n'est que vérité, ils sont en train de gagner la partie, sous couvert de transparence, éthique et j'en passe, ils mettent la "belle" carotte! "

Si c’est le cas, il s’agit d’une hallucination collective que de penser que le prisonnier de guerre est à même de dicter les termes de sa reddition. Il ne s’agit pas en l’occurrence d’une banale directive européenne qui se laisse violenter à loisir. L’Arc de Triomphe que certains voient s’ériger à la Place de l’Etoile (celle de Luxembourg) pour célébrer cette victoire imaginaire, réveillez-vous, c’est une Fata Morgana !

Que diraient nos générations passées, celles qui travaillaient dur pour gagner leur vie, si elles nous voyaient, à côté de nos godasses, éblouis nous-mêmes par nos propres miroirs et écrans de fumée? J’entends les sages de mon petit village nous demander : « Hutt Dir se nach all ? ».

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(1) http://www.lesquotidiennes.com/travail/paradis-fiscaux-le-luxembourg-double-la-suisse-par-la-gauche.html
(2) http://www.lessentiel.lu/news/economie/story/29077700
(3) http://cordonsbourse.blogs.liberation.fr/cori/2008/10/le-luxembourg-e.html
(4) http://lafinanceoffshore.blogspot.com/2009/06/secret-bancaire-sarkozy-ridiculise-par.html

Thursday, June 4, 2009

Luxembourg et le “Stop Tax Haven Abuse Act”

Introduit par le Sénateur Levin le 02 mars 2009 au Sénat américain, le projet de loi S 506 a pour but de mettre fin à une évasion fiscale estimée à $100 milliards par an. Cela représente $40-$70 milliards pour l’impôt personnel et $30-$60 milliards pour l’impôt des sociétés.

Le projet, sur 84 pages pourrait se résumer ainsi :

1. Il établit la présomption qu’une entité offshore non-cotée qui est incorporée ou gérée par un contribuable US, lui appartient, à moins de preuve du contraire. Un impôt américain sera dû, calculé sur base du droit américain.
2. Il impose des contrôles plus rigoureux aux contribuables qui maintiennent des comptes dans un paradis fiscal. Luxembourg est sur la liste des 34 paradis fiscaux cités dans le projet de loi. Voici cette fameuse liste:

Anguilla, Antigua and Barbuda, Aruba, Bahamas, Barbados, Belize, Bermuda, British Virgin Islands, Cayman Islands, Cook Islands, Costa Rica, Cyprus, Dominica, Gibraltar, Grenada, Guernsey/Sark/Alderney, Hong Kong, Isle of Man, Jersey, Latvia, Liechtenstein, Luxembourg, Malta, Nauru, Netherlands Antilles, Panama, Samoa, Singapore, Switzerland, Turks and Caicos, Vanuatu.

3. Il donne l’autorité au Secrétaire du Trésor de prendre des mesures spéciales contre des juridictions étrangères et contre des institutions financières spécifiques.
4. Il traite les sociétés cotées en bourse d’une valeur de plus de $50 millions comme sociétés américaines, si elles ont la grande partie de leur management et organes de contrôle aux Etats-Unis.
5. Il exige des institutions financières américaines de renseigner l’Administration des Impôts (IRS) sur toute ouverture de compte, création de sociétés dans des centres off-shore pratiquant le secret bancaire.
6. Il ferme les anciennes exemptions d’impôts sur des trusts, payements de dividendes à l’étranger
7. Il introduit l’obligation de disposer de programmes anti-blanchiment d’argent pour les hedge funds et les agents (professionnels) formateurs de sociétés.
8. Il augmente les pénalités pour les professionnels faisant la promotion de paradis fiscaux.
9. Il bannit le « US patent office » de breveter des techniques financières servant à minimiser, éviter ou à différer l’impôt.

C’est bien sûr le point 2 qui retient notre attention. Il ne m’est pas connu si en signant le nouvel accord sur la double imposition avec les EU, l’inscription du Luxembourg sur la liste de ce projet de loi a été discutée.

L’exécutif américain aurait eu difficile de le faire, car théoriquement il ne peut connaître les intentions finales ou même parler au nom du législateur. La loi n’est pas votée. Elle le sera en 2009. Ces remarques valent pour d'autres juridictions sur la liste.

Une promesse ou une déclaration d’intention serait donc sans fondement. A Luxembourg, au plus tard depuis la débâcle des semaines passées, devrait-on savoir que ce n’est pas une déclaration d’intention qui compte. Au contraire, ce ne sont que les possibilités qui comptent, et l’on doit se demander si le Luxembourg restera sur cette liste, établie par l’IRS. Ou même, quels amendements pourraient encore être introduits au cours des débats au Congrès américain. Une mauvaise surprise peut en effet en cacher une autre. Et gouverner, c’est prévoir.

Egide Thein
2009.06.04.

Tuesday, June 2, 2009

Peckvillchen

Ne ratez pas la saga Maybolli sur peckvillchen.blogspot.com.
Ou les choses sérieuses sur egidethein.blogspot.com

Luxembourg – OCDE

J’étais intrigué par une demande soudainement accrue pour des solutions de « compliance « de la part des Channel Islands et de L’Ile de Man fin 2007 – début 2008. La raison était bel et bien le besoin de se mettre aux standards internationaux. Au contraire de Luxembourg, elles (ces îles) savaient que ce serait du sérieux, la prochaine bataille des standards OCDE.

Quand les bateaux rentrent au port, quand les hirondelles volent bas et quand les Iles Britanniques ouvrent le parapluie de la « compliance », c’est un signal d’avertissement que le Luxembourg n’a pas pu (voulu) déchiffrer. Il va faire mauvais ! Le tableau qui suit montre que l’élève Luxembourg n’a fait aucun devoir à domicile. Pas étonnant qu’il soit grondé ! Mais regardez par contre les élèves modèles : Guernsey, Jersey et l’Ile de Man. Elles n’ont pas eu de deuxième sess. Le Luxembourg par contre a eu une « deck Datz. ».

Voici la liste de L’OCDE :

Accords d’échange de renseignements fiscaux (TIEAS)

Modèle de convention sur l'échange efficace de renseignements en matière fiscale, élaboré par le Groupe de travail du Forum mondial sur l'échange de renseignements
Cet accord a pour objet de promouvoir la coopération internationale en matière fiscale par l'échange de renseignements. Il a été élaboré par le Groupe de travail du Forum mondial de l'OCDE pour un échange effectif de renseignements (le "Groupe de travail"). Le Groupe de travail était composé de représentants des pays Membres de l'OCDE ainsi que de délégués d'Aruba, des Bermudes, de Bahreïn, des îles Caïman, de Chypre, de l'île de Man, de Malte, de l'île Maurice, des Antilles néerlandaises, des Seychelles et de San Marin.
L’accord est issu des travaux entrepris par l'OCDE dans le but de lutter contre les pratiques fiscales dommageables. L'absence d'un véritable échange de renseignements est l'un des critères essentiels pour déterminer l'existence de pratiques fiscales dommageables. Le Groupe de travail a reçu pour mandat d'élaborer un instrument juridique pouvant être utilisé pour mettre en place un échange effectif de renseignements. L’accord représente la norme requise pour un échange effectif de renseignements aux fins de l'initiative de l'OCDE concernant les pratiques fiscales dommageables.
Cet accord, diffusé en avril 2002, ne constitue pas un instrument de droit impératif ; il contient deux modèles d'accord bilatéral. Plusieurs accords bilatéraux ont été basés sur cet accord.

Accords bilatéraux récents (par ordre de date de signature)
Danemark - Iles Vierges britanniques (19 mai 2009)
Iles Féroé - Iles Vierges britanniques (19 mai 2009)
Finlande - Iles Vierges britanniques (19 mai 2009)
Groenlande - Iles Vierges britanniques (19 mai 2009)
Icelande - Iles Vierges britanniques (19 mai 2009)
Norvège - Iles Vierges britanniques (19 mai 2009)
Suède - Iles Vierges britanniques (19 mai 2009)
Nouvelle-Zealande - Bermudes (17 avril 2009)
Danemark - Bermudes (16 avril 2009)
Iles Féroé - Bermudes (16 avril 2009)
Finlande - Bermudes (16 avril 2009)
Groenlande - Bermudes (16 avril 2009)
Icelande - Bermudes (16 avril 2009)
Norvège - Bermudes (16 avril 2009)
Suède - Bermudes (16 avril 2009)
Danemark - Iles Caïmans (1 avril 2009)
Iles Féroé - Iles Caïmans (1 avril 2009)
Finlande - Iles Caïmans (1 avril 2009)
Groenlande - Iles Caïmans (1 avril 2009)
Icelande - Iles Caïmans (1 avril 2009)
Norvège - Iles Caïmans (1 avril 2009)
Suède - Iles Caïmans (1 avril 2009)
Etats-Unis - Gilbraltar (31 mars 2009)
France - Ile de Man (26 mars 2009)
Irlande - Jersey (26 mars 2009)
Irlande - Guernesey (26 mars 2009)
Allemagne - Guernesey (26 mars 2009)
France - Guernesey (24 mars 2009)
France - Jersey (23 mars 2009)
Royaume-Uni - Jersey (10 mars 2009)
Allemagne - Ile de Man (02 mars 2009)
Australie - IIe de Man (29 janvier 2009)
Royaume-Uni - Guernesey (20 janvier 2009)
Ile de Man - Royaume-Uni (29 septembre 2008)
Jersey - Allemagne (4 Julliet 2008)
Guernesey - Pays-Bas (25 avril 2008)
Ile de Man - Irlande (24 avril 2008)
Jersey - Pays-Bas (20 juin 2007)
Antilles néerlandaises - Nouvelle-Zélande (01 mars 2007)
Australie - Antilles néerlandaises (01 mars 2007)
Antigua & Barbuda - Australie (30 janvier 2007)
Australie - Bermudes (15 novembre 2005)
Ile de Man - Pays-Bas (12 octobre 2005)
Aruba - Etats-Unis (21 novembre 2003)
Jersey - Etats-Unis (04 novembre 2002)
Ile de Man - Etats-Unis (02 octobre 2002)
Guernesey - Etats-Unis (19 septembre 2002)
Antilles néerlandaises - Etats-Unis (17 avril 2002)
Iles Vierges britanniques - Etats-Unis (03 avril 2002)
Bahamas - Etats-Unis (25 janvier 2002)
Iles Caïman - Etats-Unis (27 novembre 2001)
Antigua & Barbuda - Etats-Unis (06 décembre 2000)
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Etonnant comme le Luxembourg brille par son absence…………….
Egide Thein
2009.06.02

Monday, June 1, 2009

Luxembourg, Page Culturelle

Visitez peckvillchen.blogspot.com pour lire l’interview exclusive avec l’auteur mystérieux de Maybolli.

“Quand j’entends le mot Culture, j’ouvre le Peckvillchen”

Luxembourg et l’Après-Secret Bancaire.

Quand les « Grands » organisent une conférence à Londres, Luxembourg n’a qu’à bien se tenir. Les chances sont grandes qu’ils prendront la décision de démanteler la forteresse de Luxembourg. Tel fut le cas en 1867 et en 2009. En termes historiques, deux fois en deux siècles, c’est obsessif. Et la leçon pour le Luxembourg est que dans les deux cas, il n’avait pas droit au chapitre. Il est vrai qu’on a brillé par notre absence à une réunion préparatoire à Paris en 2008. Cela rappelle la sage décision de l’URSS de boycotter le Conseil de Sécurité, ouvrant le champ à l’intervention en Corée en 1950.

Le 2 avril 2009, le secret bancaire a été démantelé, et il est mort dans le monde entier. Le Luxembourg pré-électoral largement escamote la nouvelle de cette mort, jusqu’après les élections du 7 juin. Le contraire est même prétendu avec assiduité, qu’on va trouver une astuce pour le garder à jamais. Mais en même temps, l’on exécute le testament du mort en signant de nombreux certificats de décès appelés accords de non-double imposition avec si possible 12 juridictions. Ces accords sont réellement des accords d’échange d’informations fiscales.

Le client étranger, qui pensait pouvoir recourir impunément à l’autodéfense fiscale en s’évadant vers Luxembourg, ou vers d’autres paradis fiscaux, est ainsi placé en plein milieu de la scène et sous les projecteurs. Il est tout nu et il est exposé à des lourdes peines et amendes dans la juridiction dans laquelle il réside, dont certaines considèrent l’évasion fiscale comme un crime. Ceux qui se feront prendre seront promenés à travers ville pour statuer l’exemple. Le « Couponszuch » sera bientôt vide.

Quelles sont les conséquences de cette débâcle et que faut-il faire?

Les risques de l’après-secret bancaire.

Que fera le client privé, celui qui précisément s’intéressait au secret bancaire? En regardant bien les réalités en face, il faisait une manœuvre évasive, le plus souvent pour échapper à l’imposition dans sa juridiction. Quelle est sa nouvelle donne et quelles en sont les conséquences ?

Pour ce client, l’évasion fiscale est devenue une bien mauvaise affaire. Il disparaitra du paysage luxembourgeois. Tout un pan d’activité en souffrira. Il se peut qu’en fait la bonne surprise soit que leur nombre soit plus petit qu’on ne pouvait le penser : le « Qualified Intermediary » en vigueur depuis l’an 2000 et les précomptes programmés sur l’épargne auront peut-être déjà éliminé une partie de cette clientèle privée. Ce n’est pas ce que les « Grands » pensent. Dans ce cas, nous connaitrons l’impact économique que nous redoutons. Et l’affaire sera montée en scandale par la presse internationale.

Il est certain que dans les paradis fiscaux à travers le monde, les activités et l’emploi seront menacés. Tel est le cas pour nombre d’iles des Caraïbes, qui pourraient voir leurs deux sources de revenus compromises: les services financiers, et le tourisme. Ce dernier souffrira sous le double impact de la crise économique et de l’ouverture prochaine des Etats-Unis vers Cuba. L’excitation et la nostalgie des vacanciers iront vers la Havane. Des Bahamas aux iles Cayman, une crise sociale pourrait précipiter certaines des iles dans une misère difficile à contrer, faute d’alternatives. Il n’y a pas d’activités facilement transférables vers les iles avec des plus-values telles que les produits financiers.

Il y a aussi le risque de voir des clients se retourner contre leurs banques, les organes nationaux de supervision, voire les gouvernements pour les avoir faussement assurés d’un secret bancaire inviolable. La « class action » américaine par exemple n’est pas à exclure, sinon même la poursuite pénale de certains individus, banquiers, fonctionnaires et responsables politiques étrangers en charge de l’édifice secret et de son message d’impunité. N’oublions pas que les Etats-Unis ont déjà poursuivi des cadres d’UBS avec des charges criminelles. Si cela peut arriver, cela va arriver. N’oublions pas non plus que ce client, qui se retrouve tout d’un coup sous le projecteur, est fou de rage sur tout ce qui représente la juridiction qui l’a induit dans une trappe pour finalement s’en laver les mains.

Mais que faire ?

Tout d’abord je voudrais citer le roi Juan Carlos s’adressant à un dictateur, Chavez du Venezuela : » ¿Por qué no te callas?” Pourquoi ne te tais-tu pas?

Il faut cesser le tapage journalier. Notamment le faux cri de guerre : « Delaware, Delaware ». Je ferai une analyse au sujet du projet de loi SB 569 du Sénateur Levin, qui résout le problème du Delaware.

Il faut surtout s’arrêter de glousser qu’on les a eus, qu’on a été forcé à accepter un standard qui en pratique ne marche pas, et que donc le secret bancaire a été préservé. De toute façon ce ne sera pas vrai même à relativement court terme, car il sera en effet difficile aux administrations étrangères de rassembler les détails nécessaires pour soumettre une demande recevable. Cela forcera les administrations fiscales à pousser plus loin, vers l’échange d’informations automatique. Londres, ca 2010 ?

Voici ce qui va précipiter ce processus : Il ne faut pas exclure que des institutions qui facilitent l’évasion fiscale, facilitent aussi une sorte d’évasion aux contrôles et aux demandes d’information, en alertant le client. Je voudrais citer une récente expérience personnelle. En vue d’une saisie que j’ai demandée suite à un jugement favorable (donc tout le monde étant bien identifié), mes demandes ont souffert des retards de plusieurs mois, d’abord pour satisfaire la question supplémentaire de fournir les dates de naissance des personnes à saisir, ensuite pour vérifier l’adresse d’un employeur, l’ABBL en l’occurrence, archiconnue et nommée correctement dans la demande. Ceci n’est pas le fait d’une banque, mais d’une administration. Imaginez les obstacles qu’érigeront les banques et les tunnels de fuite et autres casemates qui seront creusés pour protéger les clients.

Il est surtout important de regarder la réalité en face: le secret bancaire sert à favoriser l’évasion fiscale. L’heure n’est plus à réfuter cet argument. C’est difficile d’ailleurs. Le problème est que l’équivalence secret-évasion est devenue un axiome internationalement accepté. Il n’y a plus rien à discuter, et en signant tous ces accords de non-double imposition, nous donnons notre acquiescement.

Il est de toute urgence de réorganiser et de consolider la place financière en vue des futurs assauts. Cela consiste à :

1) Jeter la notion de secret bancaire par-dessus bord. C’est un vilain mot qui est favorablement remplacé par confidentialité ou discrétion et qui surtout, par leur contenu, ne signifieront plus la même chose que secret bancaire.
2) Elaguer les branches mortes de l’ancien secret bancaire. Vaste programme qui consistera à changer pas mal de règles et de mentalités, une vraie introspection.
3) Pour les instituts financiers, établir au plus vite la liste de ceux parmi leurs clients qui sont exposés à des suites administratives et judiciaires du fait de la disparition de notre secret bancaire. Il serait sans doute utile d’élaborer des solutions communes à la place toute entière, pour venir en aide aux clients en perdition. Une sorte de guichet unique pour clients piégés et en détresse par leur faute et par la nôtre. Cela ne se fera pas sans coûts et sans mea culpa. Oui, il y a culpabilité.
4) Changer l’image de marque de paradis fiscal en centre de compétences et de services haut de gamme qu’il est difficile de trouver ailleurs et dont l’éthique serait le repère universel à atteindre. Quelle aubaine pour les travaux du « Luxembourg Institute for Global Finance Integrity » ou LIGFI. Alors que sa récente création donnait l’impression d’être une feuille de vigne peinte à la hâte par un moine dominicain sur ce que je ne devrais pas voir, ce serait une aubaine que d’élaborer les règles de ce nouveau standard et cela rendrait les critiques au silence. Imaginons que transparence remplace secret bancaire comme image de marque.
5) Etablir un catalogue des bonnes raisons pour utiliser le centre financier luxembourgeois dans le futur et qui pourraient être parmi d’autres:
a) la qualité des services
b) « asset protection ». Protection contre les pouvoirs excessifs des administrations ou contre des jugements divers dans la juridiction de résidence du client.
c) une fiscalité compétitive, voilà un domaine qui vaut une bataille internationale, et qui peut être gagnée.
d) la stabilité politique du pays et son « rating » élevé.
d) un environnement innovant, sans laisser aux lobbyistes le soin de contrôler la législation.
e) une infrastructure de premier ordre qui comporte un cadre légal sans failles et sans fioritures, donc réformée. Une supervision de premier ordre, ce qui existe en tant que moyens. Encore faudrait il revoir les missions de la CSSF et du Commissariat aux Assurances et sans doute les unifier, et leur donner les moyens de sanctionner plus sévèrement. Par contre les moyens de la Justice, y compris la Police Judicaire et la « Financial Investigation Unit » ou FIU manquent de moyens pour garantir une résolution rapide et juste de tout incident, litige et crime, qui autrement affecteront la réputation de la place. Quel sera le poids à porter par les tribunaux si une affaire comme Madoff génère des dizaines, voire des centaines d’actions en justice ?
6) Poursuivre la diversification économique. Il est de mon expérience personnelle que Luxembourg for Finance devrait avoir le rôle facile. C’est Luxembourg for Business qui aura du fil à retordre, d’abord pour trouver la perle rare, puis pour la guider à travers la piste d’obstacles de la réglementation en général, environnementale en particulier. Quel contraste avec le monde financier!

A la vue de ces besoins de diversification, je ne peux que regretter deux opportunités perdues, des pertes impardonnables. L’une est la Banque Centrale Européenne perdue à Francfort, alors que les précédents donnaient une réelle chance à Luxembourg d’y installer toutes les institutions financières européennes. Pire, elle a été perdue sans compensation que je sache. L’autre est la perte de Bloomberg Headquarters Europe à Londres. J’avais l’engagement formel de Michael Bloomberg d’installer une copie conforme de ses opérations de Princeton, NJ à Luxembourg, un total de 700 journalistes et analystes. L’affaire a raté malgré l’engagement personnel du Premier Ministre, qui avait confirmé l’accord. Le lendemain, l’affaire a raté. L’adjoint de Bloomberg arrivé à Luxembourg, ne pouvait être reçu par le fonctionnaire en charge. Il avait un jeu de tennis urgent. La délégation de Bloomberg est rentrée furieuse. L’histoire ne dit pas si le fonctionnaire a gagné son match de tennis. Nous savons qu’il a perdu 700 emplois. Rassurez-vous, rien ne lui est arrivé. Voilà sans doute la plus grosse réforme à faire : terminer l’habitude du népotisme dont la maladie héréditaire est l’incompétence.

Malheureusement les problèmes actuels étaient prévisibles. Ils n’ont jamais été adressés, malgré les avertissements de l’OECD depuis 2004 et les gesticulations au niveau européen sur la même période. C’est une période perdue qui se solde par un sérieux coup à la réputation de la place.

Je conclue en citant le Général Janssens, dernier Commandant de la Force Publique Congolaise. Il a fait rapport au Roi des Belges sur l’indépendance tumultueuse du Congo pour conclure : » Sire, ils vous l’ont cochonné ! »

« Ils » ont cochonné la place financière aussi.

Egide Thein
2009-06-01