Wednesday, November 24, 2010

Plainte du liquidateur des actifs Madoff contre UBS entre autres - Yahoo! Actualités

Rappelons que ce ne serait pas étonnant de voir des poursuites contre d’autres participants, complices plus ou moins aveugles, bénéficiaires du crime: avocats, comptables et “autres” consultants. De même que ceux des investisseurs qui ont été bénéficiaires nets de la pyramide, c.à.d. les premiers à réaliser des retraits.

Et cela se jouera à New York, l’endroit rêvé pour une telle frappe tous azimuts.

Wednesday, November 10, 2010

Luxembourg: la tripartite est morte, vive la monopartite!

ou

Je t'aime! Moi non plus!


La tripartite a d'abord implosé au printemps, puis on est parti en vacances d'été, pour revenir en automne et la faire exploser. C'est détonant!


Etait-ce par calcul ou par accident? Une solution à la luxembourgeoise, un peu surréaliste, qui nous sortirait de l'impasse de la tripartite? Toujours est-il que l'explosion a produit deux bipartites, et le Gouvernement était l'artificier.


Dans la bipartite № 1, le Gouvernement règle la question de l'index automatique d'une main de fer. Les syndicats ont consenti à un calendrier "astreignant" des échéances des tranches indiciaires futures. Ce calendrier n'est autre que, à des poussières près, l'échéancier anticipé des tranches payables de toute façon selon le vieux système! C'est donc le statu quo, qui est un mot latin pour dire qu'on n'a rien foutu.


Là-dessus, l'horreur du patronat, feinte ou négociée d'avance, nous vaut la bipartite № 2. Les employeurs, subissant des charges nouvelles, seront compensés par le Gouvernement pour ces charges nouvelles. La main de fer a imposé des coûts nouveaux aux employeurs, que la même main de fer s'empresse à leur rembourser. C'est aussi du statu quo en quelque sorte. C'est le mot latin qui a inspiré le gorille "Mécht-Näischt" dans une satire pleine de prémonition que j'avais publiée le 13 février 2010: "Eis Tripartite déi huet dräi Ecken". (1)


En fins mathématiciens que nous sommes, nous aurons remarqué qu'il y a une absente: la bipartite № 3. En effet tout le monde sait que si l'on fait exploser une tripartite, on obtient des éclats. En ce cas-ci, des bipartites qui mathématiquement sont une combinaison sans répétition des 3 éléments de l'ancienne tripartite pris deux à deux. Pour ceux qui ne me croient pas, un petit calcul factoriel nous donne le nombre de combinaisons possibles "C", pour l'ensemble des 3 éléments de la tripartite "T", pris 2 à 2:

C_2^3=(T_2^(3 ))/2!=3!/((3-2)!∙2!)=3

ce qui est la preuve scientifique irréfutable, mon kabuki personnel exagéré et non nécessaire, pour démontrer qu'il manque une combinaison, donc une 3e bipartite, dans le kabuki économique et social luxembourgeois. Et notre analyse astucieuse nous fait conclure qu'il s'agit de la bipartite employeurs - employés, ou si vous voulez syndicats - patronat. Cette plateforme de dialogue, fondamentale au dialogue et au contrat social, n'est plus nécessaire au Luxembourg semble-t-il, (ni en Chine et à Cuba bien-entendu). Le Gouvernement est en charge.


Le Gouvernement est devenu le "Clearing House", la Chambre de Compensation, le guichet unique, qui dorénavant reçoit et évacue les demandes et protestations des deux autres vétérans de la tripartite, patronat et syndicats. Tout cela en feignant une assurance tranquille, agitant une main de fer bidon et exhibant une confiance naïve que demain on aura la chance de toucher le jackpot, malgré les faiblesses de notre économie unijambiste, c.à.d. que demain, le centre financier continuera à prodiguer ses largesses.


Nous voilà dans un nouvel univers, celui du faire semblant surréaliste, dans lequel le Gouvernement obtient des concessions des partenaires sociaux, parce qu'il compense ces concessions immédiatement. On tourne en rond, car il n'y a pas de pilote dans l'avion. Par contre l'hôtesse de l'air distribue des cacahouètes généreusement. Il est clair qu'il faudra autre chose que des cacahouètes pour poser cet avion en douceur.


Je vous propose ici une autre lecture presciente: "Le Luxembourg et sa tripartite" (2) d'avril 2010. On n'est en effet pas seuls sur cette terre plate selon Thomas Friedman (3). Pour enfin tenir compte de cette réalité, je proposerais bien volontiers un nouveau machin, 3 monopartites, obtenues par une explosion plus fine encore de la tripartite, une atomisation en ses 3 parties. Chacun pour soi fera une introspection, approfondie cette fois-ci, pour se demander combien de temps ce subterfuge de guichet unique pourra tenir, et aussi pour évaluer les dangers que courent les 2 clients du guichet en abandonnant leurs intérêts à la sagesse des guichetiers. Car enfin, ceux-là n'ont jamais manié une pelle ou géré une épicerie, ils sont des élus eternels. Pourront-ils poser cet avion sans être pilotes?


Pour le moment le guichet unique peut régler les problèmes avec des sous, empruntés il est vrai. Mais que fera-t-il si par malheur le tourniquet à sous venait à se bloquer? Emprunter encore, trouver de nouveaux impôts, augmenter les ingérences des guichetiers, rationner, fixer les prix, faire de la monnaie de singe qui paie pour les cacahouètes? Il y a bien plus d'un scénario à imaginer lors de notre introspection. Hélas, un léger mieux est en train de tuer l'imagination.


Un scénario est absolument incontournable: il faut que l'avion se pose en douceur. La part de l'économie luxembourgeoise basée sur les transactions internationales voit ses coûts s'envoler au point de ne plus être compétitive. On voit les résultats depuis belle lurette: Villeroy Boch, RBC/Dexia et DB/Clearstream n'éprouvent aucune gène à se délocaliser, sans vraie urgence et en dépit d'un paquet de cacahouètes obtenu antérieurement des guichetiers.


J'ai le privilège de relater ici une expérience toute récente que j'ai eue en représentant une firme américaine, candidate à une implantation à Luxembourg. Sur 5 ans elle pourrait créer jusqu'à 70 emplois hautement qualifiés, donc payés bien au-delà de la compensation moyenne. Il s'avère que les coûts luxembourgeois dans ce segment de l'emploi dépassent ceux des pays limitrophes d'au moins 35%., ceux des Etats-Unis, l'Euro cher aidant, d'au moins 40%. C'est alarmant! Il n'y a que deux solutions pour cette société: recevoir des subsides du guichet unique, si toutefois tel est le bon plaisir du guichetier, ou bien laisser là les cacahouètes et se faire parachuter ailleurs. Même Arlon peut faire l'affaire!


Le comble de tout cela est qu'à l'autre bout de l'échelle des revenus, il semble qu'environ 15% de la population luxembourgeoise crèchent dans la pauvreté. Ce sont les laissés pour compte qui n'ont que faire du scénario de l'avion. Qu'il s'écrase ou non ne change pas leur destin. Peut-être devraient-ils se délocaliser aussi? Au Cap Vert par exemple, où ils pourraient enfin profiter des largesses des guichetiers luxembourgeois et avoir accès à de l'eau courante.


Les trois monopartites, qui d'ailleurs sont en cours actuellement sur le motif "je t'aime, moi non plus", finiront par devoir trouver des ilots de sagesse et des "pistes" pour l'action. Dans l'éventail des revenus, où commence la misère, où commence l'obscène, que faire pour freiner l'exode des emplois et que faire des 15.000 chômeurs que cela produit? Quels programmes gouvernementaux sont des gâchis et où se trouvent les économies à faire et les nouveaux revenus à miner? (2) Tout en sachant que l'argent de l'Etat, ce sont nos impôts.


Peut-être une dose de bonne vieille solidarité pourrait aider, du genre "Un pour tous et tous pour un" plutôt que le chacun pour soi des 3 monopartistes. Ils sont bien trois, mais sont-ce des mousquetaires? Et y a-t-il un pilote?


(1) http://peckvillchen.blogspot.com/2010/02/eis-tripartite-dei-huet-drai-ecken.html

(2) http://feierwon.blogspot.com/2010/04/le-luxembourg-et-sa-tripartite.html

(3) Thomas Friedman: The World Is Flat, Farrar, Straus $ Giroux Publishers, 2005.

Monday, July 19, 2010

Tour de France: Schleck vs Contador.

L'étape d'aujourd'hui dans les Pyrénées devait être celle qui produirait le vrai leader de ce Tour de France. Elle l'a fait d'une grande manière. Elle a séparé le meilleur du second meilleur, mais elle l'a fait de façon perverse: le meilleur a été relégué au second plan. Un incident mécanique annulait l'attaque d'Andy Schleck au moment de s'envoler. Moment que Contador a utilisé pour faire une différence.

Le jour où le Tour de France fête le 100ème anniversaire de l'inclusion des Pyrénées dans le tracé de la course, Contador saisit l'occasion pour violer la tradition chevaleresque de ce Grand Sport. Il y a eu des batailles mémorables entre grands champions dans le passé. Mais depuis plus de cent ans il ya eu une sorte de code d'honneur, qui interdisait de profiter d'une situation née de la malchance, comme un incident mécanique ou un accident. Contador ne s'est pas comporté en gentilhomme aujourd'hui, mais en profiteur du malheur d'autrui. Peut-être savait-il déjà qu'il ne pourrait pas gagner le Tour autrement. Maintenant, il pourrait gagner le Tour, avec l'arrière goût de l'avoir braconné. Alberto Contador, on ne fait pas ces choses sans conséquences.

Bien sûr, les comportements sournois et les trahisons du code non-écrit ont existé auparavant. Parlant d'un autre incident, et d'un comportement disgracieux dont la victime fut un autre champion luxembourgeois, allons revoir Tour de France 1958. Charly Gaul, qui a été l'un des prétendants sérieux à la victoire finale, avait pratiquement perdu toutes ses chances de gagner le Tour dans la 19ème étape, pendant laquelle il avait un incident mécanique. Raphaël Geminiani (et d'autres) ont profité de l'occasion pour reléguer Charly Gaul à plus de 16 minutes. Deux étapes plus tard, un Charly Gaul en colère a secoué tout ce joli monde dans une terrible 21e étape. Non seulement l'a-t-il fait, il a annoncé qu'il allait le faire sur la ligne de départ. Il finissait par gagner le Tour 58. La presse a dit ce jour-là que Charly Gaul "l'Ange de la Montagne» était devenu «le Démon de la Montagne."

Contador, je te souhaite dans les jours à venir d'être confronté par le véritable chef de file. Prépare-toi de rendre des comptes non pas à "Andy" Schleck, mais à «Angry» Schleck.

Thursday, June 17, 2010

Le Luxembourg et la Pyramide de Madoff

Le Luxembourg et la Pyramide de Madoff
ou
Le pénal tient le civil en "otage


Si je prends la liberté de massacrer le sacro-saint adage que "Le pénal tient le civil en l'état", c'est qu'il risque de prendre les victimes de Madoff à Luxembourg en otage. Il s'agit cependant d'un concept sclérosé, bâti sur une hiérarchisation rigide et bureaucratique de la justice. En plein français, ce slogan mystérieux marmonné à tout bout de champs par les gens de droit, signifie que lorsqu'une affaire entre deux parties est à la fois une affaire civile (réparation d'un préjudice) et aussi une affaire pénale (parce qu'il y a eu crime à la base), le jugement civil doit surseoir à la décision pénale. La victime devra donc patienter que la procédure pénale soit terminée avant d'être compensée.

J'admets que l'adage pourrait être justifié dans le cas où une partie prétendrait à des réparations, en s'appuyant par exemple sur un document, que l'autre partie accuserait d'être un faux, et qui à son tour, pour cette raison porterait plainte pénale. En ce cas de deux plaintes opposées, admettons que le pénal tiendrait le civil en l'état. Mais les dangers d'abus sont évidents. La défense pourrait utiliser la contre-plainte pénale comme manœuvre dilatoire, en évoquant ce vieil adage, pour éviter ou du moins retarder son obligation de réparation.

Cependant, si c'est la victime qui à la fois porte plainte civile et pénale, parce qu'en plus de préjudices il y a eu crime, rien ne devrait empêcher les deux procédures de se développer en parallèle. La victime sinon aura intérêt à renoncer à une plainte pénale pour une compensation plus rapide. Justice cependant, ne serait rendue que partiellement. Les criminels courront. C'est sans doute ce qui se passe pour de nombreuses faillites frauduleuses.

Dans les cours de justice luxembourgeoises, lorsque les défenseurs des causes perdues sont aux abois, ils vont volontiers à la pêche de jurisprudence française et en particulier de ces dictons qui ne requièrent aucun effort de réflexion, comme: "le pénal tient le civil en l'état". Or en France, depuis la loi №2007-291 du 5 mars 2007, il y a eu un changement radical, qui semble être passé inaperçu au Luxembourg. Selon cette loi, le pénal NE tient PLUS le civil en l'état! (1)

Et Madoff dans tout cela? Le Parquet de Luxembourg apprend-on a ouvert une enquête pénale pour faux et usage de faux contre la banque suisse UBS à Luxembourg. En cause serait sa gestion des deux fonds LuxInvest et LuxAlpha pour lesquels elle aurait exercé deux fonctions incompatibles.

Mauvaise nouvelle pour les épargnants dans ces fonds, qui sont donc la partie civile: le pénal tient le civil en l'état! La correction française de 2007 de cet anachronisme aberrant n'a pas encore atteint les études des avocats luxembourgeois, pourtant si friands de jurisprudence d'outre Thionville. En tout cas, à entendre un avocat représentant des victimes de Madoff, qui, au lieu de se mettre dans tous ses états au sujet du pénal qui tiendrait le civil en état, console ses clients en conseillant la patience. Ah, ces honoraires!

Ajoutons une autre pointe d'incongruité. Comme au moment des faits, la responsabilité pénale des personnes morales n'existait pas au Luxembourg, UBS ne pourra pas être tenue responsable pour un crime qui n'était pas, selon la loi luxembourgeoise, un crime en 2008. La loi sur la responsabilité pénale des personnes morales date du 3 mars 2010! C'est à se demander quel est le but d'une telle enquête? A moins de viser des dirigeants d'UBS, elle ne fera que retarder le moment quand justice sera rendue, c.à.d. le dédommagement des victimes.

Même si des dirigeants d'UBS sont visés, il n'y a aucune raison pour que le pénal tienne le civil en l'état! En ce cas, l'affaire civile pourrait se poursuivre et l'enquête pénale en cours aiderait en effet l'argument des victimes et en même temps l'image de marque du Luxembourg. Ce serait un début de barrage contre la future stigmatisation du Luxembourg comme paradis judiciaire, menace réelle que le Luxembourg s'efforce à ignorer.

Au bout de 18 mois après l'éclatement de l'affaire Madoff, il est urgent de se presser un peu. A une récente conférence sur la lutte contre le blanchiment des capitaux, en Floride, j'ai glané par bribes et morceaux les vues des spécialistes sur l'affaire Madoff, les leçons à en tirer, et ce qui compte, les bonnes méthodes de recouvrement des pertes. Commençons par le début:

C'est le 10 décembre 2008, que le monde ébahi découvrit la Mère de Toutes les Pyramides de Ponzi : l’affaire Madoff, une fraude qui a duré une trentaine d'années, et qui portait sur $65 milliards.

Le Luxembourg a vite appris que l'affaire n’était pas limitée à juste un autre déraillement de Wall Street. La méduse Madoff avait avancé ses tentacules bien au-delà, là où l’argent est facile et où le gendarme si possible est endormi à son pupitre. Le Luxembourg a saigné $2.5 milliards dit-on, en général des clients des fonds luxembourgeois Luxalpha et Luxinvest d’UBS et de HSBC. Comment ce Madoff, cet antihéros aux allures de guichetier bénévole d’une bibliothèque de province, a-t-il pu leurrer investisseurs, professionnels et régulateurs avec un tel succès ?

1. Pour les investisseurs individuels, souvent d’ailleurs éloignés d’un ou plusieurs échelons de Madoff, c’est l’histoire éternelle de l’appât du gain. Les victimes avaient tout simplement mis leur esprit critique entre parenthèses en voyant les soi-disant revenus juteux produits de façon continue par Madoff. Ils auraient dû penser à leurs grand-mères pourtant. Je parie que toutes ont dit : » Quand c’est trop beau pour être vrai, ce n’est pas vrai ! » En effet cela sent le piège à sous, si :

• Le promoteur est une sorte de mythe, secret et difficile d'accès, comme Madoff, éminence grise de Wall Street
• Les résultats obtenus n’ont aucun rapport avec les tendances générales des marchés. Hausse ou baisse, Madoff était toujours dans le bon.
• L’explication pour les succès inégalés ne tient pas la route. Sa “split-strike conversion option” était un charabia qui ne pouvait pousser que sur le champ de la dissidence cognitive. Il n’y a pas assez d’options sur terre pour permettre d'obtenir les chiffres de Madoff.
• Le promoteur a un rapport farfelu avec l’argent.

2. Dans le cas de Madoff, les défaillances des intermédiaires professionnels sont plus graves encore. Ceux-là, commis pourtant à une diligence raisonnable, auraient dû s’apercevoir des incohérences, car il y a alerte si :

• Les moyens mis en œuvre ne correspondent nullement aux capacités nécessaires au fonctionnement de la prétendue opération.
• Les employés ne savent pas répondre à des questions sur le fonctionnement de l’opération.
• Toutes les opérations sont strictement cloisonnées.
• Les employés sont sous-qualifiés et surpayés.
• Le diagramme de la société est inutilement complexe et élaboré.
• Personne ne peut voir les livres et l’auditeur externe est un illustre inconnu.

3. Enfin il y a eu les défaillances répétées du gendarme américain, la Securities Exchange Commission ou SEC, endormie elle aussi au volant. Elle a raté de nombreuses occasions d’arrêter le malfrat. Ainsi l'alerte était donnée plusieurs fois au cours des années par Harry Markopolos, un trader new yorkais qui essayait en vain de dupliquer les résultats de Madoff. Madoff a pu continuer en traitant Markopolos de jaloux. Il s‘est finalement dénoncé lui-même, quand son opération, à bout de souffle, manquait de pourvoyeurs de cash. Des fortunes et de nombreuses économies d’une vie ont été perdues.

4. Comment recouvrer les pertes, si cela est possible du tout ? Il va de soi que dans ces cas la vitesse d’exécution est la clef dans n’importe quelle stratégie de récupération employée. Or la vitesse était absente à tous les niveaux. Madoff a même eu le privilège bizarre de gérer encore les derniers tourbillons de son affaire, après son arrestation, depuis son domicile new yorkais ! A Luxembourg, le gendarme somnolait derrière sa barricade de règlements incomplets et de législations évasives.

Les investisseurs, désemparés, tiraillés entre un sentiment d’incrédulité, d’auto-blâme et de rage, ont laborieusement rassemblé leurs forces pour lentement affronter les nombreux obstacles (artificiels ?) juridiques. L'enquête du Parquet pourrait en constituer un nouvel obstacle retardateur. Or il aurait fallu faire vite.

Une pyramide de Ponzi produit généralement un grand nombre de victimes. (2) Une telle masse de victimes demande le déploiement de moyens de masse. Partant de la constatation qu’aucune pyramide n’a jamais fait de profits, la somme des gains de la pyramide est donc zéro. Dans le cas le plus favorable, seulement les montants investis pourront être recouvrés. Il y a trois cibles possibles pour récupérer l’argent perdu :

• Les acteurs principaux, qui sont les fraudeurs, leurs familles et affiliés, avec leurs caches et les biens mal acquis, tels qu' immobilier, yachts, bijoux, objets d ‘art.
• Les facilitateurs, ce monde de professionnels « aveugles » qui ont profité de la manne par le biais de leurs honoraires et commissions, argent de la trahison de l'intérêt public.
• Les "gagnants nets", c.à.d. ceux qui ont effectivement retiré des gains nets de leur "investissement".

C'est donc une vaste entreprise que de démêler ce nœud. La chose la plus facile sera de répertorier les victimes. Mais la tâche sera herculéenne de faire l'inventaire des acteurs principaux, des facilitateurs et des gagnants nets. Ce sera de l'ingénierie à l'envers que d'essayer de localiser les biens et capitaux escamotés. Il faut espérer que les législations en place permettront un "clawback" c.à.d. une récupération des profits, honoraires et commissions payés par Madoff.

L'affaire est évidemment compliquée par le fait que la fraude s'étend sur des juridictions multiples. L'on peut donc objecter que les législations et les règlements en place ne permettent pas cette coordination massive et notamment au Luxembourg où les actions en justice prendront dix longues années selon Luc Frieden, Ministre de la Justice à l'époque.

C'est d'ailleurs sans doute une raison pourquoi la méduse Madoff a trouvé confort et source d'alimentation facile à Luxembourg et dans quelques autres centres financiers. Il n'est pas étonnant que des départements gouvernementaux luxembourgeois se retrouvent comme cibles des parties lésées qui se retournent contre l'Etat luxembourgeois et ses institutions, présumant que des fautes graves se sont produites dans la surveillance incombant au Gouvernement et présumant qu'un pays riche représente une meilleure chance de récupérer des pertes plutôt qu'un escroc en faillite et en prison. Le Luxembourg se passerait bien de cette affaire là, qui a le potentiel d'une bombe à retardement. Il peut aussi se passer des théories de conspiration qui infailliblement mettront en cause une enquête pénale luxembourgeoise, qui servirait à mettre le civil en l'état.

Permettez-moi d'opposer à cet adage caduc un autre, plus poignant, puisé parmi le réservoir de dictons américains: "Justice delayed is justice denied" ce qui veut dire que "Justice différée est justice refusée". Depuis notre enfance, notre instinct de justice nous dit: c'est bien vrai çà!

egidethein.blogspot.com

(1) Le pénal ne tient plus le civil en l'état
Les Echos n° 19902 du 19 Avril 2007 • page 13
http://archives.lesechos.fr/archives/2007/LesEchos/19902-64-ECH.htm
(2) J’ai vu au Luxembourg cependant un cas rare de pyramide de Ponzi « tronquée » à levier, qui n’a produit qu’une victime, mais beaucoup d’intervenants.

Monday, May 31, 2010

Greece urged to give up euro - Times Online

Il n'y a que deux choix pour la Grèce: ou bien retourner à la drachme et dévaluer, ou bien couper salaires, pensions et prestations sociales. D'autres devront faire de même. Promouvoir une monnaie commune, une défense commune, une politique étrangère commune sans avoir un gouvernement commun est également sot et incompétent de la part des "dirigeants" européens. C'est aussi une trahison des idées des pères fondateurs.

Greece urged to give up euro - Times Online

Voir aussi: http://feierwon.blogspot.com/2010/05/l-etat-de-la-nation.html

Friday, May 21, 2010

L' Etat de la Nation

Je ne sais pas si vous faites comme moi: Chaque année, pour me rendre compte de l'Etat de la Nation, je commence par une appréciation de la situation générale, puis de la situation particulière du pays. Puis, armé de ces connaissances, j'en tire des conclusions et des idées pour entamer l'avenir. Cet exercice est indispensable pour définir les moyens et procédés à mettre en œuvre pour remplir ces missions que je me suis données. C'est bien sûr un exercice purement théorique. Je fais comme si mon pays m'appartenait.

Je fais cela aussi, parce qu'on est toujours mieux servi par soi-même. Peut-être que vous aussi, vous êtes restés sur votre faim l'autre jour en écoutant le discours sur l'Etat de la Nation de notre Premier Ministre. Vous n'avez pas écouté? Voici le résumé: Adieu veau, vache, cochon, couvée. Oui, vous reconnaissez la plume bien concise de l'auteur de ces discours, Jean de la Fontaine. C'était donc bel et bien la situation tragique de "la laitière et le pot au lait" qu'on nous a présentée. Une terrible histoire pour notre pays, qui reste d'ailleurs encore incomplète à l'instant.

Voyons s'il n'y a pas une lueur d'espoir en élargissant la vision au-delà des quelques lignes du budget, telles que veau, vache, cochon, couvée. Et certainement , évitons les conclusions à priori et probablement fausses, sur fond de tripartite ,comme: nous sommes en crise, elle est temporaire, et elle sera finie en 2014. Sinon, le discours politique luxembourgeois se rétrécit sur le sujet de la petite laitière et son pot au lait.

Essayons de voir la forêt plutôt que les arbres. Le Luxembourg, faute de richesses naturelles ne peut prospérer que sur des idées et sur une grande ouverture sur le monde. Mais le Luxembourg dans le monde vient de vivre des moments intenses et potentiellement catastrophiques. Pour la première fois depuis la guerre, le Luxembourg est sous attaque. On nous aime beaucoup moins ou alors plus du tout: au Conseil européen, au G20, à l'OECD et au GAFI, à la Commission Européenne, aux Etats-Unis et chez nos voisins (jaloux dit-on). On est donc passés du statut d'universellement aimé au statut de flibustier, à qui il faut remonter les bretelles. En cause est le secret bancaire, on dira paradis fiscal, et cette accusation d'être le plus mauvais élève du GAFI, quand il s'agit de prévenir le blanchiment de l'argent du crime. Or, le secret bancaire ne peut être défendu. Ses assaillants tiennent le haut du pavé de la moralité, et vont donc gagner. Ne pas appliquer pleinement les règles du GAFI, (48 sur 49) est franchement une stupide provocation. C'est à se demander si quelqu'un a commis une faute en se conformant par mégarde à une seule et unique règle parmi les 49. C'était réveiller le tigre qui dormait.

Cette dernière négligence, si ce n' est pas un acte délibéré, est en contraste avec l'attitude zélée, sinon soumise et fayotte que le Luxembourg exhibe souvent dans les institutions internationales. Citons l'acharnement pour briguer un siège au Conseil de Sécurité des Nations Unies, l'élève modèle qui casse sa tirelire pour l'aide au tiers monde dans le cadre de la campagne du Millénaire pour le développement des Nations Unies, la poursuite effrénée de postes comme la Présidence de l'UE, de l'Eurogroupe et autres, l'enthousiasme pour faire la guerre au climat à coups de millions, et pour emprunter de l'argent qu'on "prêtera" à la Grèce. Bref, alors qu'on a le feu dans la toiture, on joue aux pompiers ailleurs.

Voyez-vous, en voilà des "pistes" que la tripartite n'a pas décelées. Que nos dirigeants dirigent chez nous, pas à Bruxelles ni à New York, que l'on approche avec retenue et circonspection ces projets sur le climat et le Millénaire des Nations Unies. Il est facile d'expliquer à Kyoto et à Copenhague que la petite laitière a cassé son pot au lait, et qu'à l'avenir, on ne fera que ce qu'on pourra. Il est facile d'expliquer au Cap Vert que l'argent, il faut le gagner, et qu'il nous reste tout juste assez pour maintenir les projets réalisés. Nos gens feront des sacrifices. Ils feront donc moins de cadeaux.

Est-ce à dire que nous rechignerons sur nos relations internationales? Tout le monde sait que notre pays ne peut exister que comme plateforme ouverte au monde, comme membre d'ensembles plus vastes pour sa survie et sa sécurité. C'est ce qui a placé le Luxembourg à la table des Grands quand il s'agissait de créer les Nations Unies, l'OTAN et l'UE. Et voilà deux autres "pistes", certainement pour le long terme: œuvrer pour une Défense Européenne Commune associée à l'OTAN, et une vraie Diplomatie Européenne comme seule et unique représentation de l'Europe. Nous n'y avons rien à perdre et tout à gagner. Quelles économies d'échelle! Vous me direz que c'est une utopie, qu'il y a le véto français et britannique à l'ONU, leur arsenal nucléaire, un nécessaire impôt européen pour financer ces initiatives et même la langue qui seront autant d'obstacles. Cela n'empêche que ce sera une bonne distraction des discussions sur le paradis fiscal et judiciaire que nos partenaires adorent et qui somme toute font très peu pour le progrès de l'Europe. Par contre la discussion sur une Défense commune et une Diplomatie commune aurait le mérite aussi de forcer la réponse à la question escamotée depuis 50 ans: quel est le but final de l'intégration européenne? Les Etats-Unis d'Europe? Une Confédération? Un Marché Commun?

Le moment est bien choisi d'entamer cette "piste" du renouveau de l'Europe alors que l'Euro, cette monumentale erreur, commence son trépas. Je sais bien que les vaillants croisés qui n'ont jamais tenu ne fut-ce qu'une échoppe, clamaient haut et fort de s'être payés la tète des "spéculateurs" juste la semaine passée. Quand dans le temps, ces "spéculateurs" faisaient monter l'Euro ou prêtaient de l'argent à grand risque à la Grèce et à d'autres, ils étaient des investisseurs avisés. D'ailleurs le plan de sauvetage de $1.000 milliards cherche à préserver les intérêts de ces spéculateurs, non? Ce plan traite le symptôme, la dette. Ce n'est pas un remède. Le remède est que la Grèce et d'autres dévaluent leur monnaie pour se ressaisir. Or cela ne peut se faire avec un monnaie unique. Il faudra bien faire marche arrière, retour à la drachme grecque et aux autres monnaies, pour, faute de gouvernement européen, retourner aux gouvernements souverains cet outil de politique économique. La preuve? Aucun pays non-membre de l'Eurogroupe n'a les problèmes des PIIGS, Portugal, Italie, Irlande, Grèce et Espagne. Même pour le Luxembourg, bénéficiaire à priori d'une participation à une monnaie forte, il serait opportun de mesurer à quel point le déficit budgétaire et les plus de 15.000 chômeurs sont dus aux coûts et aux freinages associés au maintien de l'Euro.

L'Euro aura probablement vécu ce que vivent les idées mal conçues: l'espace d'un matin. Il a précédé la réponse à la question ci-dessus: quel est le but final de l'intégration européenne? Il jouera sans doute le rôle de monnaie de réserve au plus. Et on saluera alors la fin de l'Eurogroupe et le retour au Luxembourg de son Président, qui pourra consacrer son temps aux "pistes" que la petite laitière a tracées, et aux nouvelles pistes que cette courte réflexion-ci a décelées, et qui seraient bien seyantes à nos stars internationales: se battre pour les intérêts stratégiques du Luxembourg. Pour commencer, prenons l'euro par les cornes!

Egide Thein

Sunday, April 11, 2010

De Peckvillchen: D' Gëlle Fra Schéckt Schéin Gréiss vun Shanghai

De Peckvillchen: D' Gëlle Fra Schéckt Schéin Gréiss vun Shanghai

Un monument de la littérature luxembourgeoise.

Gutt Nouvellen vun Shanghai! Een must read op Chinesesch dien all Lëtzebuerger versteet.

Thursday, April 8, 2010

Egide Thein - Luxembourg: OECD says Luxembourg should do more to clean up its environment

Egide Thein - Luxembourg: OECD says Luxembourg should do more to clean up its environment

Angel Gurria should not overplay his hand. Trop c'est trop. Ses critiques du paradis fiscal luxembourgeois perdent de leur valeur par cet acharnement.

Le Luxembourg et sa Tripartite.

"La récolte était mauvaise? Il faut donc augmenter les impôts!' (Louis de Funès interprétant Salluste dans "La Folie des Grandeurs".)

Autour de la table oblongue, ils sont trois à s'observer à qui fera la première erreur dans une partie de poker, dans laquelle ils savent qu’il n'y aura aucun gagnant. En fait ils sont assis sur une plateforme en équilibre instable, comme ces plaques de rocher que l’érosion a laissées là et que l'on voit avec effroi se balancer sur une aiguille rocheuse dans les dessins animés de Hannah Barbera. Le premier qui change sa position fait glisser le centre de gravité vers les deux autres, et c'est l'accident. Il n’y a pas de télécommande magique pour nous débarrasser de cette image cauchemardesque.

Gros plan sur les joueurs: ils sont en fait plus de 3, ils sont cinq, dont deux que l'on ne reconnait que par leur ombre. Dans l'ordre d'importance ce sont:

1. La plate Terre, celle de Thomas Friedman, qui met gouvernements, corporations et travailleurs de par le monde en compétition en ce qui concerne imposition, réglementation, marges de bénéfice, coûts salariaux, et avantages intangibles et inhérents à leur situation particulière.

2. L'Union Européenne, cet édifice en croissance désordonnée, la seule montagne dans le plat pays bruxellois qui de temps en temps accouche d'une souris. Comme les souris ont été procréées par les grands commis des gouvernements européens et leurs représentants non-élus démocratiquement, ces grands commis s'empressent à reconnaitre chez eux la suprême validité de ce qu'ils ont manigancé à Bruxelles, dont bien sûr la vertueuse limite de 3% du PIB admissible pour les déficits budgétaires.

3. Les employeurs, qui en vertu de la nouvelle réalité de la Terre plate, ont des choix multiples. Si l'équation luxembourgeoise ne leur sied plus, ce sera la délocalisation. Elle sera d'autant plus facile, que la plupart des sociétés luxembourgeoises sont des services faciles à déménager, et que quasiment tous les centres de décision sont à l'étranger. Même la sidérurgie luxembourgeoise n'est pas à l'abri: les décisions de fait seront étrangères, et même si un haut fourneau ne peut être déménagé aisément, il sera facile de calibrer vers la bas une production luxembourgeoise pour la voir réapparaitre en Inde.

4. Vient ensuite le Gouvernement luxembourgeois. En quatrième position, il ne fera pas la loi dans ce jeu de poker. Comme il ne peut pas tout simplement quitter le jeu, il lui faudra limiter les dégâts avec une donne de mauvaises cartes qu'il s'est lui-même attribuées, entre autres par des largesses qui ne peuvent être soutenues que pendant les années de vaches grasses. Il n'a pas beaucoup de choix: il y a l'emprunt et on fera payer nos petits enfants, ou il y a le nouvel impôt et la restriction budgétaire, et le gouvernement payera aux élections.

5. Les salariés, représentés par leurs syndicats, ont le plus à perdre, par manque de choix. Comme le gouvernement, les syndicats savent qu'il n'y a rien à gagner dans ce jeu de poker. Le tas de jetons sur la table s’est considérablement rétréci. Les syndicats devront bluffer beaucoup pour tirer leur épingle du jeu. Ce qui ne sera pas du bluff sera leur frustration de voir l'Etat-providence s'affairer plus autour des sociétés privées qui arrivent en troisième position ci-dessus (les banques ont avalé quelques-unes de nos ressources et réserves stratégiques) et de détourner des ressources du monde du travail arrivant en cinquième et dernière position: c'est la redistribution de la richesse à l'envers.

Entretemps, la tripartite marche dans la choucroute. Les débats sont visqueux. Rappelez-vous que les trois partis sur cette plateforme en équilibre instable, doivent trouver un consensus et mouvoir simultanément vers le centre de gravité, pour ne pas se retrouver ensemble dans le fond du Canyon. Comme tout le monde perdra, il faut donc un consensus qui déclare tout le monde perdant au même moment. Le gouvernement perd parce qu'il a dilapidé ses réserves, doit serrer les ceintures et doit lever de nouveaux impôts. Les syndicats perdent en se voyant acculés à accepter des concessions auxquelles ils n'ont pas dû faire face depuis longtemps. Restent les employeurs, dont beaucoup ont élu d'être au Luxembourg, paradis fiscal relatif, pour échapper à un enfer fiscal ailleurs. Ils perdent parce que leurs affaires ne vont pas bien. C’est la cause de la tripartite.

Que faire ? « La récolte était mauvaise». Outre lancer un emprunt de € 2 milliards, donc détruire des richesses, pour financer notre mode de vie? Je propose de retourner à mon laboratoire préféré (1), les Iles Caïmans, qui sont une maquette à l'échelle 1:22 du Luxembourg.

Les Iles Caïmans, aux abois, ont fait confectionner une étude pour trouver des solutions face au déficit budgétaire, le "Miller Report" (2), qui tire les conclusions que tout le monde connaissait depuis belle lurette. Augmenter les impôts fera fuir les services financiers, essentiellement bien mobiles. Introduire une imposition directe, qui n'existe pas actuellement, n'est pas possible. (!?). Bien évidemment. Reste l'option de réduire les rémunérations des fonctionnaires et employés publics, en surnombre et surpayés. Les 5 échelons supérieurs de la grille des traitements sont mieux payés que le Premier Ministre du Royaume Uni.

D'accord mon laboratoire ne fournit pas de solution miracle, mais bien la bonne idée de faire confectionner un rapport Miller pour avoir un vilain à blâmer, quand il faudra vendre les mesures que tout le monde connait déjà: nouveaux impôts, restrictions budgétaires, restrictions salariales et endettement.

Il est curieux que l'imagination reste là, confinée aux lignes des budgets. Une crise comme celle-ci est trop belle pour ne pas l'exploiter, aller de l'avant et si nécessaire, non seulement changer nos vieilles façons, mais aussi celles de l'Europe.

Quand finalement le jour viendra où nos joueurs de poker compteront 1,2,3 pour ensemble dévoiler leurs concessions au public et se rapprocher du centre de gravité de leur plateforme chancelante, il serait bon de dévoiler quelques autres actions, projets et innovations, des distractions en quelque sorte, qui seraient immédiatement poursuivies:

1. Supprimer les abus budgétaires et donc supprimer le 31 décembre. Le 31 décembre serait-il un abus? Tout à fait, c'est la dernière journée de l'année budgétaire. Tout fonctionnaire en charge d'un budget sait que s'il a le malheur de finir l'année avec des économies, il sera puni car son budget de l'année suivante sera amputé du montant de ces économies. Donc le 31 décembre il doit vider les tiroirs. Il faudrait au contraire le récompenser avec une prime pour ne pas dilapider le denier public. L'exemple ferait école, et magiquement d'autres dépenses pas explicitement mandatées n'auront plus lieu.

2. Arrêter les abus de la retraite anticipée. La plupart des cas sont soit des expédients politiques pour embellir les chiffres du chômage ou ce sont souvent des faux malades. Tout le monde connait ces cas de retraite anticipée après 25-30 ans de carrière: la communauté a payé pour l’éducation de ces individus pendant 20-25 ans, et payera 30-40 ans de retraite. Cela représente cinquante ans de coûts pour 25 ans de productivité, ce qui est absolument déséquilibré, et c’est devenu un « système » frauduleux. La situation des caisses de pension, notre situation démographique, le drainage de fonds de pension vers les pays voisins exigent que l’on se tienne au moins aux règles établies pour l’âge de la retraite. Chacun sait que la limite de 65 ans sera remise en question. Un bon début serait de permettre aux retraités de recommencer une seconde carrière après avoir atteint l'âge de la retraite, s'ils le désirent, sans atteinte à leurs droits acquis. Ils sont des réservoirs de savoir-faire et de connaissances qu'il est faux de ne pas miner surtout dans une économie reposant sur tant de main d'œuvre importée, et qui malgré un chiffre élevé de chômeurs, manque de gens qualifiés et entreprenants.

3. Agir sévèrement contre les fraudeurs du fisc, de la Sécurité Sociale, de la Caisse de Maladie et du travail en noir. Nous en connaissons tous, des fois dans des endroits insoupconnés. Des fois la fraude est le certificat médical, la prérertaite, le « bon débarras » d'un travailleur qui gêne. Puis le « bezuelt mech einfach esou. » Et qui ne connait pas une histoire de millions en argent noir luxembourgeois planqué dans des endroits comme la Suisse. Généralement ce ne sont pas des salariés ou des chômeurs qui prennent le chemin de Zurich. Eux ils sont confinés aux petits boulots en noir, et se font pincer plus souvent que les autres fraudeurs.

4. Mettre en sourdine les projets et ambitions politiques absurdes. Souvent ces projets existent grâce au goût et à l'intérêt personnel de ceux qui les poursuivent dans nos institutions: devenir membre du Conseil de Sécurité de l’ONU, présider l'Eurogroupe, être le champion des accords de Kyoto ou de l'aide aux pays en développement. Par les temps qui courent ces activités drainent de l'énergie et des moyens financiers du petit Luxembourg et ne correspondent nullement à un intérêt stratégique du pays. Au contraire, le risque de se voir porter un blâme et de sortir de l'aventure avec un œil au beurre noir n'est pas négligeable. Quelles seront les conséquences pour le pays si les choses vont mal dans ces organisations? Un Euro qui bat de l'aile, un vote pour ou contre un Etat terroriste? Ces aventures se terminent en querelles personnelles, nullement en un choc salutaire des idées.

Il ne s’agit pas non plus de se recroqueviller dans l’isolationisme. Mais au lieu de promouvoir des individus, il s’agit de promouvoir plutôt des idées. Pourquoi ne pas œuvrer plutôt vers une vraie intégration européenne, source d’économies? Voilà un rôle que nos anciens jouaient bien dans les années cinquante. Quel succès et quelles économies ce seraient si plus d'unification supprimait certaines charges substantielles dans les budgets nationaux, comme la défense et les relations internationales. Car enfin l’Europe aligne les plus gros effectifs en diplomates et en personnel militaire. Mais ce n’est ni un joueur de poids en politique internationale, ni une grande puissance militaire. Quel gâchis que les centaines et les centaines d'Ambassades des 27 pays européens à travers le monde. Une vraie intégration produirait une seule Ambassade de l'Union Européenne. Quelle formidable économie d'échelle serait réalisée par une vraie Défense Européenne commune ! Il est vrai que cela comporterait la remise des clefs des bombinettes françaises et britanniques au Président Herman van Rompuy. C'est peut-être le moment d'y penser, alors que les coûts pour tous ces joujoux s'envolent et qu'il n'y a plus le sou.

En oeuvrant de la sorte, quelle jolie riposte pour le Luxembourg que de répondre par des nouveaux sermons aux vieux sermons de nos amis. Et de consolider pour les futures tripartites.

(1) http://feierwon.blogspot.com/2009_10_01_archive.html
(2) http://www.cayman27.com.ky/app/webroot/files/Miller%20Report.pdf

Saturday, February 27, 2010

Luxembourg et le bonnet d'âne du GAFI.














Luxembourg et le bonnet d'âne du GAFI.

Le Groupe d'Action Financière, GAFI, organe de l'OCDE où le Luxembourg est signataire, vient de rendre publique son "Rapport d'évaluation mutuelle du Luxembourg"(1). Le GAFI, dont le siège est à Paris, a émis au courant des années une liste de 49 recommandations pour la lutte contre le blanchiment des capitaux (LBC) et le financement du terrorisme (FT). L'évaluation du GAFI a porté sur le cadre juridique et réglementaire luxembourgeois en général et sur le niveau d'adoption des 49 recommandations en particulier. Bilan: l'élève Luxembourg échoue lamentablement, avec une seule recommandation sur 49 entièrement respectée. Près de 80% des cotes sont seulement "Partiellement Conforme" ou "Non-Conforme." Une excellente analyse par Véronique Poujol, "Montée d'adrénaline" parue dans le Land du 12 février 2010, donc en amont de la publication du rapport du GAFI, fait état de l'alarme parmi les gardiens de la forteresse luxembourgeoise à la veille de la publication du rapport GAFI.

Le cancre Luxembourg, bien conscient de son impasse sur toute la ligne, avait soigneusement préparé une liste d'excuses, du genre: M'sieur, mon chien a avalé mon devoir à domicile. Ces excuses ont été publiées du tac au tac dès la minute de la publication du rapport GAFI, conjointement par les Ministères des Finances et de la Justice, une rare et spectaculaire efficacité administrative. Ainsi apprend-on qu'il y a du positif dans ce rapport, que certaines coopérations et circulaires n'ont pas été reconnues à leur juste valeur, qu'il y a eu des progrès depuis que le GAFI a pris cette photo instantanée du système luxembourgeois entre le 4 et le 15 mai 2009, et qu'en ce qui concerne les points négatifs le prof a coté sec.

La presse a repris ceci avec diligence et l'a aussitôt publié et aussitôt ignoré, comme s'il s'agissait d'une maladie honteuse que le consensus parmi le tout Luxembourg cherche à escamoter. Au passage l'un ou l'autre témoin glisse quelques excuses enfantines supplémentaires, comme le prof est un jaloux et l'élève Deutschland a aussi une Datz. Survient aussi ce don du ciel, distraction providentielle pour certains, confirmation du paradis pour blanchisseurs pour d'autres qu'est la nouvelle d'une razzia sur une conspiration mafieuse pour blanchir € 2 milliards. Pour les uns c'est le "voyez-vous que nos procédés LBC sont efficaces", pour les autres c'est "bien sûr, Luxembourg lave plus blanc."

Que faire? Si vous me demandez, il faudrait très vite prendre toutes les mesures législatives et réglementaires pour remédier aux carences détectées par le GAFI, et surtout les appliquer. Si vous demandez aux gouvernements voisins, ils sont choqués mais ils ne sont pas surpris de notre mauvaise note. Ils l'avaient bien dit. Si vous demandez au gouvernement luxembourgeois, il vous dit ceci dans son communiqué, (avec entre parenthèses et en italiques mes espiègles annotations aux affirmations malicieuses des gardiens) :

"Les points de critiques (injustifiés) du GAFI seront étudiés en détail (on va donc gagner du temps) et des pistes d’action seront dégagées (on trouvera bien des échappatoires et des contournements) pour garantir une meilleure efficacité (facile de faire mieux quand on part de zéro) du système luxembourgeois. Il est toutefois évident que la critique générale d’efficacité ne pourra pas être évaluée seulement par rapport à des mesures législatives et réglementaires (bien sûr que non, il faut surtout considérer que l'on ne les applique jamais).

Le gouvernement a toujours été convaincu de l’importance d’un (écran de fumée) niveau d’excellence, sur le plan professionnel et éthique, pour sa place financière (ce n'est pas "sa" place financière mais la nôtre, et il vient d'en être déclaré le gardien défaillant). Le gouvernement reste conscient de cette responsabilité, qui est mise en évidence tout particulièrement dans le contexte de la crise financière (comment ça?), et s’engage pour répondre de manière optimale à ces défis (par curiosité, essayez donc le contraire: la nullité professionnelle et la totale corruption - cette déclaration est vraiment superflue)."

Mes insertions dans ce communiqué gouvernemental vous semblent un peu dures et de parti pris? En effet, s'y lit l'impatience de quelqu'un qui souvent a mis en garde en répétant à qui voulait l'entendre, que le "système" dont parle le gouvernement est mal embarqué (2). C'est un système où la loi et le règlement sont façonnés par ceux auxquels ils s'appliquent, où les supervisés sont aux commandes des organes de supervision, où la loi est rarement appliquée dans toute son extension par laxisme et surtout faute de moyens, et où les sanctions n'ont pas de dents et sont pratiquement inexistantes. Si c'est un parti pris, le GAFI l'a pris aussi.

Ce ne serait pas étonnant que les mauvaises nouvelles soient une nouvelle fois balayées sous le tapis. Mais quel est le danger d'ignorer une nouvelle fois l'évidence? C'est évidemment de trainer éternellement dans le peloton des non-conformes et dans la défensive. Alors que gouverner, c'est prévoir, il faudrait non seulement être à jour avec ses obligations, mais anticiper pour parer aux problèmes émergents. Dont voici, en avertissement répété (2), le danger oh combien amplifié depuis cette semaine de se voir un jour soumis à des sanctions internationales par des pays comme les Etats-Unis ou la France!

Le modèle en est fourni par le projet de loi devant le Congrès américain. Ce sont deux initiatives du Sénateur Levin, d’ailleurs supportées par le Président Obama. Il y a le projet de loi « S 506 Stop Tax Haven Abuse Act”. Luxembourg y figure sur la liste des paradis fiscaux. Le récent accord sur la double imposition avec les Etats-Unis mettra-t-il le Luxembourg à l’abri ? Dans les rapports de gouvernement à gouvernement, il faut évaluer les possibilités, non pas les intentions. Nos récentes baffes européennes résonnent encore, et leurs sifflements dans les oreilles devraient rappeler cette leçon. Une initiative du Congrès américain, ce qui ne serait pas inhabituel, pourrait donc bien produire un texte final altéré avec des conséquences surprenantes et désagréables pour le Luxembourg. Il y a aussi le projet de loi «S 569 Incorporation Transparency and Law Enforcement Assistance Act” qu’il faudra suivre. Ces initiatives feront muer la notion de paradis fiscal en paradis fiscal, judiciaire et réglementaire. Le diagnostic pour être classé paradis judiciaire et réglementaire varie et est selon le cas: · l’absence ou l’insuffisance de réglementation · une supervision défaillante · trop peu de moyens d’investigation · l’absence de sanctions crédibles · l’absence de transparence · l’administration de la justice généralement trop lente, voire inexistante dans les cas de conflit ou de crime économique. Dans ce contexte, le rapport GAFI qui serait l'évaluation repère pour un tel classement, serait dévastateur. Le travail à fournir après des années de négligence, voire des constructions volontairement inadéquates, est homérique. Nos supervisions ont besoin d’être revues en ce qui concerne leurs responsabilités et les conflits d’intérêt. Puis il faudra élaguer les faiblesses implantées dans la législation par des lobbies. Quant aux sanctions, elles sont quasiment inexistantes tant en nombre qu’en envergure dit le rapport GAFI. Elles font de Luxembourg un centre financier statistiquement aberrant, c'est à dire un centre parfait au point d'être une exception impossible en comparaison internationale.

Certains estiment que près de 90% des faillites à Luxembourg sont frauduleuses. Or il n’y a pratiquement jamais de poursuites judiciaires. Les mêmes fraudeurs ont le loisir de recommencer. La grande majorité des institutions financières ne placent jamais de STR, ou rapport de soupçon. La Cellule de renseignement financier au Parquet, n’a qu’une poignée de personnel, six en tout, en aucun rapport avec l’envergure de la place et de ses risques. La Police Judiciaire est surchargée et manque de personnel face à la démesure du risque. Attendez-vous donc à savoir que le Luxembourg freinera encore une fois les nécessaires ajustements, qu’il y aura par la suite des nouvelles pressions et que des critères seront avancés par les "grands" selon lesquels une juridiction sera inscrite sur une liste des paradis judiciaires et réglementaires. Si cela se passait demain, nos chances seraient petites de ne pas nous retrouver sur cette liste qui sonnerait comme une liste d'escales d’une croisière aux Caraïbes. Cette fois-ci, sanctions internationales à la clé. Il faudrait qu'un jour on apprenne.

feierwon.blogspot.com

(1) Le rapport GAFI en ligne: http://www.fatf-gafi.org/document/13/0,3343,en_32250379_32236963_44655565_1_1_1_1,00.html

(2) Notes prélevées de: http://feierwon.blogspot.com/2009/05/luxembourg-les-dernieres-nouvelles-de.html

Thursday, February 25, 2010

Luxembourg - Shanghai

Vous alliez aux cours de langue luxembourgeoise ou chinoise? (Ce n'est pas pareil).
Lisez un monument de la littérature luxembourgeoise autour d'un monument national.

De Peckvillchen: Gëlle Fra géi nit a China

Wednesday, January 6, 2010

Cinquantième anniversaire du "Board of Industrial Development"




Un essai pour corriger un oubli


Le 29 octobre 1958, Monsieur Joe E. Gurley, citoyen américain résidant à Luxembourg, adressa une lettre au Gouvernement luxembourgeois dans laquelle il exhorta le Ministre de l'Economie de considérer une nouvelle politique économique. Il proposa de créer un groupe d'action qu'il appelait "Board of Industrial Development" ou "BID", ayant comme but d'attirer des investissements et des activités industrielles américaines à Luxembourg.

Son argumentation était qu'une diversification des activités industrielles luxembourgeoises était sans doute désirable, sinon nécessaire, et que les industriels américains, en cette année 1958, s'engouffraient dans le Marché Commun naissant. Joe Gurley, qui possédait l'art de la communication a utilisé par la suite l'argument massue qu'en fait il y a compétition entre pays du Benelux pour ramener des investisseurs américains en Europe, et que le score dans cette course était à ce moment là: Pays Bas 87, Belgique 38, Luxembourg 0.

Sa lettre est restée sans réponse.

Tout commencement est fragile

Joe Gurley, que j'ai bien connu 20 ans plus tard, a toujours été d'un optimisme à toute épreuve. Colonel de la US Air Force pendant la guerre et agent de la vénérable CIA, il faisait partie des dirigeants de "Luxembourg Airlines" fondée en 1948. Armé de son optimisme, il allait surtout ignorer le fait qu'on ignorait sa lettre. Il a multiplié les contacts à Luxembourg et aux Etats Unis pour rallier du support à son concept.

Dans une lettre datée du 30 décembre 1958 à Guill Konsbruck, directeur général adjoint d'Arbed, Joe Gurley mentionne l'intérêt que le Prince Félix, grand-père de l'actuel Grand-Duc, a exprimé pour voir son fils Charles jouer un rôle dans les activités de ce BID. Infatigable, Joe Gurley a consulté des organisations de développement économique à New York, au Mississippi, au Colorado et a cherché à inspirer les Ministres Paul Wilwertz, Joseph Bech, Victor Bodson, Pierre Werner et Henry Cravatte.

Le 14 janvier 1959, Joe Gurley remit une proposition écrite pour la mise en œuvre du BID. Le "Comité interministériel pour le développement économique," en place depuis des années, analysait cette proposition pour la création du BID favorablement. L'avis de la Chambre de Commerce était cependant très réservé. Cet avis du début de 1959 énumérait une liste de déficiences dans l'organisation du pays, les coûts de l'énergie et de la main d'œuvre, le système d'imposition, la situation géographique défavorable et en déduisait des réactions à priori négatives quant aux intentions des investisseurs américains confrontés à de tels obstacles. Une réaction somme toute en diapason avec la devise nationale. Cependant le directeur de la même Chambre de Commerce, Paul Weber, à l'époque avait emprunté le terme "monolithique" à la géologie pour décrire la prépondérance dangereuse de l'acier dans l'économie nationale, l'équivalent d'avoir "mis tous les œufs dans le même panier." C'était une reconnaissance implicite du besoin urgent de diversifier cette économie.

Le consensus

En ce début de 1959 Joe Gurley considérait le débat en cours comme réel signe d'encouragement, alors que ses premières lettres étaient restées sans réponse. Il s'est rendu à New York en février, pour chercher le renseignement, sinon l'aide de Chase Manhattan Bank, de First National City Bank de New York, du National Foreign Trade Council, de Manufaturers Trust Company, de Bankers Trust et de Belgian-American Bank.

A son retour de New York il a contacté le nouveau gouvernement issu des élections anticipées du 1er février 1959 et notamment Paul Elvinger, Ministre des Affaires économiques, auquel il adressa une lettre le 2 mars 1959. Le 20 mars, il délivrait un discours au Rotary Club de Luxembourg ayant comme sujet "American Investments in Luxembourg". Le visionnaire venait de porter le débat sur la place publique. La survie politique de l'idée était scellée.

Le démarrage

En avril, en un laps de temps infiniment petit comparé aux lenteurs des mois antérieurs, le BID est créé. L'urgence dictée par les difficultés dans les rares autres activités industrielles du pays, hors sidérurgie, ont certainement contribué à cette soudaine détermination. Les graves difficultés et finalement la fermeture du dernier bastion de l'industrie du cuir, la société Idéal à Wiltz, (production environ 500.000 m² de cuir en 1958, à 40% de capacité, 350 emplois) représente probablement l'électrochoc qui a fait naître le BID.

Le Prince Charles devient Président et Joe Gurley devient Directeur du BID. Dès le mois d'avril Joe Gurley prend possession d'un bureau au Consulat Général du Grand-Duché de Luxembourg à New York, 200 East, 42nd Street. Au Luxembourg, un certain nombre de personnalités font formellement partie du BID, mais en réalité ne sont jamais sollicitées. Les responsabilités y reposent sur le Ministre Paul Elvinger, Alphonse Schwinnen, Conseiller au Ministère des Affaires économiques et dans une moindre mesure sur Jules Hayot, Directeur de la Fédération des Industriels.

Les opérations

La chasse à l'investisseur est hautement compétitive, et secrète. C'est avec un clin d'œil que Joe Gurley a laissé derrière lui les traces qui montrent qu'il avait passé aux rayons X les opérations hollandaises et belges aux Etats Unis, personnel, documents, méthodes et procédures compris: un formidable raccourci dans la courbe d'apprentissage pour le Luxembourg.

Dès le début, une campagne fut lancée pour faire d'abord connaître l'existence du Luxembourg et pour entrer en contact avec les entreprises potentiellement intéressées à venir s'établir à Luxembourg. La brochure "Luxembourg, at the center of the Common Market, for your Industry", imprimée en 2.500 exemplaires, servait de support à cette campagne. Le bureau BID finissait par maintenir un fichier de 1.500 entreprises industrielles américaines. Les plus prometteuses faisaient l'objet de visites de prospection. Ainsi le Prince Charles s'est rendu aux Etats Unis pour trois séjours, du 13 septembre au 5 décembre 1959, puis en octobre 1960 et en octobre 1961 pour des visites avec Joe Gurley à Washington, Detroit, Chicago, Denver, San Francisco, Los Angeles, Kansas City et New York. La présence d'un membre d'une famille royale européenne dans ces années de "l'après Grace Kelly et Walt Disney" semble avoir été singulièrement efficace pour trouver porte ouverte dans les hautes sphères de l'industrie américaine, et particulièrement aussi auprès de la presse américaine.

L'action du BID pour faire connaître le Luxembourg comme endroit désirable a aussi eu un effet boomerang: l'endroit désirable a bel et bien dû mettre du make-up pour embellir les conditions d'accueil, le système des contributions et créer des aides à l'investissement. Les communes, telles que Steinsel, ont fait de grands efforts pour trouver des terrains industriels pour Bay State par exemple. Dans un rapport du 28 mars 1960 commandité par le Gouvernement, le bureau Gerbes, Kioes & Cie, fait l'analogie fleurie suivante: "Nous agissons comme un fleuriste qui dispose de belles fleurs dans son arrière-boutique, mais qui ne consent pas à en faire un bouquet pour l'exposer dans sa vitrine." Ce fut chose faite avec le passage de la loi-cadre d'expansion économique du 2 juin 1962.

La fin

L'histoire du BID se termine là, au 31 décembre 1961, abruptement. Le BID, au bout de trois ans à peine, était devenu victime de son succès. L'initiative de Joe Gurley a marqué un tournant dans l'histoire économique du Luxembourg. Ses succès, énumérés ci-dessous donnent la raison de cette dissolution, qui se résume par une entête dans le New York Herald Tribune du 12 février 1964: "One unemployed worker in all the duchy". C'était le problème invoqué, surtout par l'Arbed, pour terminer le BID en 1961: qu'il n'y avait plus de main d'œuvre et que les taux des salaires iraient en s'envolant. Cette vue, vigoureusement contestée par Joe Gurley dans un discours au Rotary le 8 décembre 1961 était cependant sans appel. Le monolithe avait parlé.

Treize ans plus tard, ironie de l'histoire, le monolithe s'éclatait en mille morceaux, nous laissant une "Division Anti-Crise" ou DAC financée par nos impôts. C'était aussi le cri au secours pour réinstaurer un "Board of Economic Development" ou BED en 1975, présidé par le Grand-Duc héritier Henri. L'histoire se répète.

Les résultats

Il est vrai que pendant son opération sur trois ans, le BID a eu des succès immédiats, et d'autres, les procédures de décision prenant du temps , dans les années suivantes. Voici, selon STATEC, les principales nouvelles implantations étrangères qu'il y a eues par année de constitution: Yates, Wiltz (60), Eurofloor - American Biltrite, Wiltz (61), ALCUILUX, Clervaux (61), Bay State Abrasives, Steinsel (61), No-Nail Boxes, Warken (61), Cleveland Crane & Engineering (62), Commercial Hydraulics, Diekirch (62), Texas Refinery, Echternach (62), Du Pont de Nemours, Contern (62), Norton, Bascharage (63), Monsanto, Echternach (63), P. Lorillard, Ettelbruck (63), Uniroyal, Steinfort (65), Eurocast, Grevenmacher (66), Morganite, Windhof (67), Continental Alloys, Dommeldange (69), GM, Bascharage (70). En tout plusieurs milliers d'emplois en 10 ans. Le budget du BID était de $45.000 pour ses trois années d'opération, donc probablement moins de $15 par emploi créé.

La vision de Joe Gurley a imprégné par la suite les politiques économiques de tous les gouvernements luxembourgeois. Ses méthodes sont toujours d'application et sans doute applicables universellement. Son œuvre innovatrice est de la trempe de la SES poussée par Pierre Werner ou du pavillon maritime luxembourgeois mené à bonne fin par Robert Goebbels.

Joe Gurley est décédé à son domicile à Youngstown, dans l'Etat du Ohio, le 9 janvier 2003. C'était un grand ami et bienfaiteur du Luxembourg.

Le cinquantième anniversaire de la création du BID était l'année passée.


Extrait de la brochure du BID de 1959


De g. à d. Joe Gurley, "the kids" et le Prince Charles de
Luxembourg en visite à Chicago in 1959


Joe Gurley, récipiendaire du titre de Commandeur dans
l'Ordre Adolphe de Nassau, entouré de sa femme "Chirpie",
Egide Thein, Paul Powers, CEO de Commercial Intertech
Ambassadeur Berns et Mme Powers. ca. 1994

Egide Thein

egidethein.blogspot.com

feierwon.blogspot.com