Sunday, March 18, 2018

La guillotine fiscale luxembourgeoise est un boomerang























La guillotine fiscale luxembourgeoise est un boomerang


J’étais intrigué l’autre jour par une question parlementaire urgente du député luxembourgeois Gaston Gybérien au sujet d’une initiative française, visant à amener le Luxembourg à la table de négociation. Il s’agirait d’un « pizzo » ou racket français, la France demandant une rétrocession sur les 1, 5 milliards d’euros que « leurs » travailleurs transfrontaliers paient en impôts au Luxembourg.


Le moment est bien choisi car une Visite d’Etat luxembourgeoise en France rend une telle négociation possible dès cette semaine. Il y a aussi les circonstances inconfortables bien connues comme le cas Amazon, dont le Luxembourg défend bec et ongles l’impunité fiscale. Il y a eu enfin une révision de l’imposition des personnes physiques au Luxembourg en 2018, qui guillotine les salaires ou pensions des transfrontaliers mariés par rapport à 2017, qui comme « non-résidents » seront classés d’office dans la classe d’impôt la moins favorable, à moins de solliciter l’ACD avec succès pour un maintien dans la classe d’impôt 2.


La bien nommée sénatrice de Meurthe et Moselle, Véronique Guillotin, s’insurge contre la décapitation des salaires des transfrontaliers, ou est-ce moutarde après dîner ? Jean-Yves Le Drian, Ministre des Affaires Etrangères de la France a insinué que le Luxembourg est riche, ce qui est une lapalissade. Sa déclaration était coordonnée avec Madame Guillotin, car il lisait sa réponse à une question supposée impromptue de son « Kneipziedel ». Je vous entends dire, « en français s’il vous plait ». Kneipziedel se traduit en « antisèche », je crois. On ne va pas perdre la tête sur une question pareille.


La réponse de Monsieur Le Drian, pasteurisée et écrite par le Bureau des Affaires s’occupant du Grand-Duché de Luxembourg, confirme que la France ne jettera pas cette idée fixe du « pizzo » à la poubelle. J’entendais Monsieur Le Drian dire que cette négociation se déroulera sous de bons auspices. Voilà la réponse que Monsieur Gybérien attendait en vain au Luxembourg, où on ne dit mot, et donc consent. Quoique Monsieur Le Drian prétendait dans sa réponse préfabriquée qu’il ne pouvait pas préjuger du résultat des négociations. Dès ce lundi, notre Ministre des Affaires Etrangères, en Gibus, va être turlupiné autour du Quai d’Orsay, et « négocier » une affaire conclue d’avance. Il sera délesté comme une Montgolfière, et il sortira de là avec un petit milliard de moins, mais avec une Légion d’Honneur en plus. C’est un bon prix entre collectionneurs.  


On sait que le « Luxembourg paradis fiscal » ne sera qu’un peu évoqué, mais pas trop. Car on a toujours besoin de plus petit que soi quand on vend des frégates et des sous-marins. Puis on dira que le Luxembourg avec ses rescrits, c’est gênant. Surtout si la Commission Européenne décide qu’on était trop bon avec Amazon et d’autres. On l’est toujours car on refuse de collecter les 250 millions en arriérés d’impôts d’Amazon, que la Commission nous avait enjoint de percevoir. On monte même sur les barricades en allant se plaindre à la Cour Européenne de Justice. En ce qui concerne le manque à gagner, on le prendra chez nos transfrontaliers.


Je me demande par contre si Madame Guillotin est vraiment au courant de la nouvelle guillotine luxembourgeoise, qui depuis 2018 décapite les revenus des personnes physiques mariées non-résidentes. En effet ces personnes non résidentes seront reclassées dans la classe d’impôt 1, à moins d’avoir opté avec succès pour une autre classification. Un reclassement en classe 1 correspond, selon le barème pour une personne mariée gagnant par exemple 60.000 euros bruts, à une augmentation de l’impôt retenu de plusieurs milliers euros. (1) Cette guillotine fiscale se transformera en boomerang, quand nos Légionnaires d’ Honneur entameront la « négociation sous de bons auspices ».


Le comble de cette politique fiscale discriminatoire, qui punit les non-résidents mariés, est qu’à part un brin de xénophobie elle met aussi en évidence une bonne dose de stupidité politique : parmi les non-résidents il y a un grand nombre de familles luxembourgeoises qui ont été forcées à se domicilier dans les pays limitrophes. Les prix exorbitants de l’immobilier au Luxembourg les ont forcées à l’exode pour rejoindre les transfrontaliers français, allemands et belges, qui eux non-plus ne pourront prendre résidence au Luxembourg, même au prix d’une mansarde.  Ces Luxembourgeois, non-résidents forcés, voient tous leurs salaires ou pensions nets diminuer de façon très importante. Et ils voteront en 2018 ! Mais bien avant cela, ils se plaindront à leurs syndicats, pour qui cette discrimination est plus qu’une affaire sociale, mais une injustice. Et elle est un boomerang pour le Luxembourg dans la discussion entamée par la France, qui réclame une rétrocession sur les impôts des frontaliers.


Bien-sûr on pourrait dire non à la Légion d’Honneur et donner au Breton Jean-Yves Le Drian une réponse de Normand. Et on pourrait citer des vilains mots comme « Cattenom » et « Diddenuewen ». Mais une Visite d’Etat est une affaire de grande civilité.