Thursday, May 28, 2009

Luxembourg: Les Dernières Nouvelles De Demain.

J’aimerais faire miennes ces paroles inoubliables d’une vénérable dame sur Radio Luxembourg dans les années 1960-1970, Geneviève Tabouis, qui commençait son émission par : « Attendez-vous à savoir ». En ces jours sans gouvernail, ce serait un oracle bien utile, car gouverner, c’est prévoir.

Vous savez déjà que le lion luxembourgeois lèche ses plaies, comme il était vilainement picoré par les aigles allemand et américain et par le coq gaulois. Il n’avait pas prévu pareille attaque avicole.

Gérer l’après-secret bancaire.

Attendez vous donc à savoir que le lion, couvert de bandages, doive faire pénitence chez nos deux grands voisins qui mettront encore un peu de sel sur ses plaies. Ce sera le passage obligé pour finalement accéder au nombre magique de 12 accords crédibles sur l’échange d’informations entre administrations fiscales désirés par les standards OECD. Il est obligatoire que l’Allemagne et la France fassent partie de ce premier peloton de 12, non seulement pour faire amande honorable, mais aussi pour s’assurer que la démarche choisie trouve l’assentiment de ces deux critiques les plus stridents.

L’autre prix à payer sera la nécessité de revoir copies et comportements. Le dispositif luxembourgeois mis en place, est-il conforme aux engagements internationaux pris par le Luxembourg au niveau de l’UE, de l’OECD et de l’ONU par exemple? Qu’en est-il des transpositions en droit luxembourgeois ? Que viennent faire ces petits mots judicieusement placés tels que « volontairement » et autres échappatoires dans les textes de lois? La CSSF et le Commissariat aux Assurances, organes de surveillance, assurent également une mission de promotion de la place financière, un flagrant conflit d’intérêt. Il faut à toute évidence revoir les structures et amender les textes défaillants, mesures indispensables pour pouvoir corriger aussi certains comportements défectueux. Il ne suffira pas d’administrer tout simplement une corbeille de desiderata des lobbies. Il faut une politique délibérée de transparence et éviter la dérive dans le népotisme.

Il ne peut y avoir de faiblesse dans le dispositif luxembourgeois et dans sa volonté de se soumettre aux normes internationales. Il se peut bien que les règles de l’OECD et du GAFI soient imparfaites. Notre intérêt est de les respecter de façon parfaite. Luxembourg n’a plus le luxe ni le loisir de pouvoir encaisser une nouvelle atteinte à sa réputation.

On est bel et bien arrivé dans l’après-secret bancaire. Il sera désormais plus difficile pour un client privé ou une corporation de justifier le choix de la place financière de Luxembourg, tant que le secret bancaire fait fonction d’épouvantail. Je citerais en appui la fuite d’Accenture des Bermudes vers l’Irlande, en prévision de l’impact de futures dispositions fiscales américaines qui pénaliseront les sociétés établies dans des paradis fiscaux.

Gérer le futur.

Le futur immédiat est la nouvelle réalité que les demandes de l’OECD ne peuvent plus être rencontrées par une grande nonchalance. Il existe le réel danger que des sanctions soient décidées contre des Etats non-coopératifs dès 2009. Sera-t-on prêts avec notre peloton de 12? Sinon le Luxembourg sera-t-il sanctionné? La simple promesse de compléter le nombre de 12, sera-t-il suffisant pour ne pas être sanctionné ? A la vue des derniers événements, personne n’osera évaluer les intentions. Seules, les possibilités comptent et les possibilités de sanctions pour le Luxembourg sont réelles.

Il n’y a pas que l’échéancier de l’OECD qu’il faut tenir à l’œil. Il y aura des nouvelles initiatives, encouragées par les ouvertures des mois passés, par des organisations aussi diverses que le FMI et la Banque Mondiale, l’OCDE et le GAFI, l’ONU avec ECOSOC et les ONG. Le nombre d’ONG militant pour des réformes est en croissance avec une grande diversité dans leurs aspirations communes. Pour citer quelques-unes : Tax Justice Network, OXFAM, Christian Aid, AllianceSud, ATTAC, Citizens for Tax Justice, Secours Catholique-Caritas, Réseau Foi et Justice Afrique-Europe et Transparency-International. Et j’en passe.
Cela fait du monde.

On assistera à un essor du pouvoir régulateur de l’UE sous l’impulsion de pays comme la France, avec des provisions extraterritoriales auxquelles on s’attendrait des EU. La France avance un catalogue de réformes qui forcera les institutions financières françaises à prendre leurs distances avec les centres non coopératifs.

Aux Etats-Unis il faudra suivre deux initiatives du Sénateur Levin, d’ailleurs supportées par le Président Obama. Il y a le projet de loi « S 506 Stop Tax Haven Abuse Act”. Luxembourg y figure sur la liste des paradis fiscaux. Le récent accord avec les EU mettra-t-il le Luxembourg à l’abri ? Il faut regarder les possibilités, pas les intentions. Une initiative du Congrès américain, ce qui ne serait pas inhabituel, pourrait bien produire un texte final altéré avec des conséquences surprenantes et désagréables pour le Luxembourg. Puis il y a le projet de loi «S 569 Incorporation Transparency and Law Enforcement Assistance Act” qu’il est intéressant de suivre. J’ai parlé de cette pièce législative avec son artisan principal au bureau du Sénateur. C’est le résultat d’une étude approfondie des paradis fiscaux et judiciaires.

Voilà la notion à suivre, « Judiciaire », qui des fois est complémentée de « et réglementaire». Il est remarquable que les Etats du Delaware, Wyoming et Nevada soient visés également. C’était trop beau de crier impunément : « Delaware, Delaware. » On finira paradis judiciaire avec eux.

Reste à savoir si S569 est une feinte ou réelle intention d’y mettre de l’ordre, sous le nez et à la barbe du Vice-President Joe Biden, ancien Sénateur du Delaware ?

PFJ quelqu’un ?

Donc la notion de paradis fiscal a mué en paradis fiscal et judiciaire. Le diagnostic pour être classé paradis judiciaire varie et est selon le cas:

· l’absence ou l’insuffisance de réglementation
· une supervision défaillante
· trop peu de moyens d’investigation
· l’absence de sanctions crédibles
· l’absence de transparence
· l’administration de la justice généralement trop lente, voire inexistante dans les cas de conflit ou de crime économique.

En première analyse nous avons déjà tiré la conclusion que nos supervisions ont besoin d’être revues en ce qui concerne leurs responsabilités et les conflits d’intérêt. Puis il faudra élaguer les faiblesses implantées dans la législation par des lobbies. Quant aux sanctions, elles sont quasiment inexistantes tant en nombre qu’en envergure. Elles font de Luxembourg un centre financier statistiquement aberrant, voire parfait à l’impossible en comparaison internationale. Certains estiment que près de 90% des faillites à Luxembourg sont frauduleuses. Or il n’y a pratiquement jamais de poursuites judiciaires. Les mêmes fraudeurs ont le loisir de recommencer. La grande majorité des institutions financières ne placent jamais de STR, ou rapport de soupçon. La FIU, cellule d’investigation au Parquet n’a qu’une poignée de personnel en aucun rapport avec l’envergure de la place et de ses risques. La Police Judiciaire est surchargée et manque de personnel face à la démesure du risque.

Attendez-vous donc à savoir qu’il y aura des nouvelles pressions sur le Luxembourg et des critères seront avancés selon lesquels une juridiction sera inscrite sur une liste des paradis judiciaires et réglementaires. Si cela se passait demain, nos chances sont petites de ne pas nous retrouver sur cette liste qui sonnera comme les escales d’une croisière aux Caraïbes.

Egide Thein
2009-05-28

Monday, May 25, 2009

Luxembourg: La Paix a-t-elle Éclaté?

Le Ministre des Finances Luc Frieden signe des traités de non double imposition ou plutôt d’échange d’information là où il peut. La guerre des paradis fiscaux est finie, mais ces traités qui sont ainsi signés, ne sont que des armistices. Ce ne sont pas des traités de paix et les hostilités peuvent reprendre à tout bout de champ. Maintenant que la guerre des paradis fiscaux est terminée, la guerre pour la substance de la place financière aura bien lieu. Cette-fois-ci l’agresseur ne voudra pas assiéger la forteresse pour mieux la prendre, mais pour lui drainer sa substance.

Après la reddition sans conditions de notre garnison en avril, nous pouvons avoir deux attitudes différentes et fondamentalement opposées. « Quand vous arrivez à une bifurcation sur votre chemin, prenez-la » a dit fameusement Yogi Berra, grand joueur de baseball des NY Yankees et champion du langage mal à propos. Cependant, toute absurde que sa recommandation ne semble, elle s’applique à notre situation du moment. Nous avons essentiellement deux choix : celui du prisonnier de guerre, qui traine les pattes pour se plier le moins possible à la volonté du vainqueur, et celui du résiliant, qui se prépare à gagner la prochaine guerre, la fuite en avant.

La mentalité de prisonnier de guerre.

Elle cherche à faire le moins possible, à manigancer et à ériger des villages de Potemkine. Les gardiens deviendront vite suspicieux. A ce stade je crains fort cependant que ce soit le choix préféré de la majorité des acteurs sur la place. Si le nouvellement créé « Luxembourg Institute for Global Financial Integrity » par exemple ne répond pas aux expectations que suggère son titre, ce ne sera qu’un trompe-l’œil vite identifié. Persister dans les invectives des semaines passées serait une autre erreur, qui somme toute coute autant d’énergie que de préparer sérieusement la bataille pour la substance à venir.

La mentalité du résiliant.

Le Luxembourg résiliant prendra l’autre direction à la bifurcation. Il importe d’encaisser la défaite et de la gérer au plus vite pour immédiatement se tourner vers le futur. Les traités qui se signent sont une part importante dans la bonne gestion de l’après-crise. Il restera beaucoup à faire pour se doter des moyens pour se battre avec confiance sur trois fronts possibles : le paradis fiscal, le paradis judiciaire et le blanchiment d’argent. Aucun de ces sujets ne sera tabou.

Voici l’ébauche d’une appréciation de la situation générale et de la situation particulière en ce jour:.

La situation générale :

Le Luxembourg se retrouve isolé dans son environnement immédiat, qui est devenu hostile dans une mesure que nous n’avons pas connue depuis des décennies. Nous avons appris qu’en traitant d’Etat à Etat, les appréciations se font sur les possibilités et non sur les intentions du vis-à-vis. Est-il possible qu’un accord écrit soit déchiré après 2 semaines ? Est-il possible que demain le Congrès américain passe le « Tax Haven Abuse Act » avec des amendements qui rendent l’accord qui vient d’être signé caduc ? Est-ce possible que le besoin d’argent et la jalousie combinés génèrent d’autres pressions sur nous ? Les réponses sont évidentes. Sera-t-on prêt pour affronter une nouvelle vague de crampes intestinales à propos des paradis fiscaux, des paradis judiciaires et de la lutte contre le blanchiment d’argent ?

La situation particulaire.

Force est de constater que le Luxembourg n’est pas prêt pour le prochain round. Celui-ci combinera sans doute des épreuves dans les trois domaines à la fois : paradis fiscal, judiciaire et prévention du blanchiment d’argent et du financement du terrorisme. Ces trois problèmes seront considérés comme étant liés, et ils le sont dans les questions suivantes :

1. Un cadre légal minimum a-t-il été créé dans les trois domaines?
2. Les lois et règlements sont-ils appliqués crédiblement ? Si la réponse est non, est-ce à cause d’un manque de volonté politique ou un manque de moyens, ou les deux ? Ou est-ce à cause d’une culture locale qu’on appellerait « Mutual reinforcement » ? Le « tout le monde triche ».
3. Y a-t-il des sanctions crédibles en nombres, statistiquement plausibles et crédibles en sévérité ?

S’il y a des « non » à ces trois questions, la préparation de la prochaine bataille sera une vaste entreprise.

Monday, May 18, 2009

Les Deux Guerres du Luxembourg.

Dans la tête de trop de nos leaders, c’est encore la première guerre autour de la place financière de Luxembourg qui fait rage. On dirait qu’ils ne se rendent pas compte qu’elle est perdue depuis le 2 avril, 2009, date du G20 à Londres. Le Luxembourg a subi les assauts de l’Allemagne, de la France et de l’Amérique. « Roude Leif , huel se! » clament tous les comptoirs des bistros, en parfaite résonnance avec leurs chefs politiques. Cela fleure bon la poudre noire, depuis le Buffet de la Gare jusque chez Koeppe Jemp. Le politiquement correct « dei Daitsch » a fait place de nouveau au plus savoureux « d’Preisen », affublé d’un joli adjectif.

La guerre est l’échec de la diplomatie, ou plutôt sa continuation par d’autres moyens. La guerre (ici de mots) généralement éclate par l’attaque délibérée d’un agresseur, qui veut atteindre certains objectifs, contre un défenseur qui veut l’en empêcher. Aveuglés par des gesticulations dignes d’un kabuki, et grisés par les doux frissons procurés par les salves d’insultes proférées, nos vaillants combattants semblent ignorer la possibilité de l’existence d’un autre objectif final, cause d’une deuxième guerre de la place.

Une guerre peut en cacher une autre.

L’objectif de nos (anciens) amis était de mettre fin au paradis fiscal luxembourgeois. Ils haïssent l’idée de voir s’évaporer des milliards d’euros et de dollars en impôts dans les paradis fiscaux. Le problème est qu’on finira par s’apercevoir du côté luxembourgeois que ce n’était qu’un objectif intermédiaire qui en masque un autre.

L’objectif final sera de drainer la place financière de sa substance pour se l’accaparer: fonds d’investissement, assurances, « private banking ». Certains entrevoient cette ultime issue, et il est vrai qu’elle est probablement fondée dans la jalousie que génère le succès de la place.

L’objectif du Luxembourg devrait donc être logiquement de les empêcher de démanteler ce centre financier si vital pour le pays et la grande région et de les empêcher de récupérer ces activités pour leur propre compte à Francfort, Paris, New York et Londres. Les Etats sont égocentriques. Il ne faut jamais leur attribuer des intentions mais il faut évaluer leurs possibilités. Il serait donc urgent de concentrer les efforts de défense luxembourgeois sur la sauvegarde de la substance de la place. Malheureusement ce n’est pas le cas : le Luxembourg tient une ligne Maginot dérisoire autour du secret bancaire et du paradis fiscal qu’il n’admet d’ailleurs pas qu’il existe. Le Luxembourg, émotionnel, attisé par les courants d’air pré-électoraux, réagit comme le taureau devant lequel le toréador agite une cape rouge, sans voir la puntilla dans l’autre main. La défense du secret bancaire est aussi futile que l’attaque d’un chiffon rouge par le taureau: le secret bancaire n’existe plus. C’est en effet une drôle de guerre, en fait ce sont deux guerres parallèles l’une perdue, l’autre se pointant à l’horizon. On dirait que nos guerriers ne sont au courant ni au sujet de la fin de la première ni au sujet de la menace d’une seconde.

Une auto-défaite prédictible.

La défaite dans la première guerre suit un cheminement en 4 étapes dont trois au moins sont attribuables à des actions volontaires ou du moins à des acquiescements sinon des accords luxembourgeois :

1. Dans les années 90, le Luxembourg, en bon élève européen, a fait une ouverture audacieuse, célébrée par certains d’absolument géniale. C’était l’offre de renoncer au secret bancaire sous condition que toutes les juridictions, et notamment la Suisse en feraient de même. Bien sûr tout le monde savait que cela ne se passerait jamais. Tel était l’entendement du moins. Incroyablement, cet abandon d’une position forte d’un pouvoir de veto, a été faite sans obtenir de contrepartie de la part des partenaires européens. L’on pourrait s’imaginer que c’était le moment idéal de revendiquer le siège de la Banque Centrale Européenne, par exemple, ce qui aurait consolidé le secteur financier à jamais.
2. En 2001 intervient la deuxième brèche. Les Etats-Unis ont pratiqué une politique du bras long en introduisant le « Qualified Intermediary », obligeant les banques luxembourgeoises à renseigner les autorités américaines sur les comptes de résidents américains qu’elles maintenaient. Côté luxembourgeois, c’était en fait une violation tolérée du secret bancaire. C’était l’œuvre géniale et diabolique de Larry Summers, chef du Trésor de Bill Clinton, qui maintenant est le conseiller économique de Barack Obama. Si cela n’est pas un avertissement…
3. La Directive européenne sur l’épargne de 2005 annulait un but principal du secret bancaire, celui d’allécher les fugitifs de la fiscalité. Honnêtement, parmi nous, c’est vrai que c’était une invitation à l’évasion fiscale. Le nier ne fait que provoquer les cynismes de nos anciens amis. Jaimini Bhagwati, Ambassadeur de l’Inde auprès de l’UE, la Belgique et le Luxembourg a écrit dans l’Indian Business Standard, librement traduit:
« La phrase « hypocrisie sur stéroïdes » a été utilisée récemment dans les nouvelles pour décrire les remèdes à la crise du secteur financier, qui de façon extravagante favorisent les actionnaires et créanciers aux dépens du contribuable. Pour résumer, la même expression pourrait être utilisée pour décrire les fondements trompeurs sur lesquels le maintien des lois sur le secret bancaire est assis, alors que l’un des objectifs est d’attirer des fonds illicites ». (1)
4. Finalement c’est l’effort récent de l’OCDE et du G 20 de Londres en avril 2009, qui certes nous a valu des moments de trahison et de faux jeux, mais qui essentiellement a donné le coup fatal au secret bancaire. Il est mort et la défense qui s’en fait est autour d’un cadavre.

Le lecteur averti complétera la liste en y insérant les causes telles qu’erreurs de calcul, ambitions personnelles, mésalliances, rêveries, zélotisme européen et confiance aveugle dans les intentions d’autrui.


La paix a-t-elle éclaté ?

Avec la mort du secret bancaire vient la mort du paradis fiscal. Inutile de nier qu’il existait, car en tous cas il n’existe plus maintenant. La guerre du Luxembourg est terminée avec la reddition de ce pilier de la place financière. Il est dès lors très primaire de réagir au quart de tour aux provocations teutoniques et autres chiffons rouges. C’est une réaction bien humaine pour les vainqueurs, que de se moquer des vaincus et de les tourner en dérision.

Préparer la nouvelle guerre sans préparer la dernière.

La revanche est un plat qui se mange froid. Elle n’est en tout cas pas cette première guerre asymétrique que certains semblent vouloir mener encore. Sa séquence était totalement à l’envers : reddition du secret bancaire d’abord, puis, battu, engager des batailles dont la défaite est déjà acquise pour finalement se raviser qu’on manquait de moyens pour conduire la bataille dont on savait qu’elle était déjà perdue. La débâcle.

On dirait que ces moyens pour se défendre correctement finalement arrivent, mais trop tard sous la forme d’une initiative qui est «The Luxembourg Institute for Global Financial Integrity.” Cette arrivée bien tardive vient peut-être à point cependant, comme il y aura une suite: la deuxième guerre avec sa bataille pour la substance.

«The Luxembourg Institute for Global Financial Integrity » pourrait constituer un élément de défense. Malheureusement cette initiative prépare la dernière guerre, car elle est brodée d’indications qu’elle ne vise pas le renouveau mais la continuité. La première guerre du Luxembourg était menée sur fond de la loi du plus fort. La deuxième le sera sur fond d’honnêteté et d’intégrité. L’idée du « Luxembourg Institute for Global Financial Integrity” dans son embryon est sans doute très bonne. Elle suggère que le Luxembourg est prêt à prendre un virage. Hélas, à seconde vue, cette nouvelle arme est hautement suspecte et caricaturale, “hypocrisy on steroids” dirait l’Ambassadeur Bhagwati, car cette force spéciale prend les mêmes et on recommence. Les fondateurs ne sont que des « insiders » et lobbyistes. Ce qui plus est, par ses critères d’admission, notamment ses cotisations, elle élimine tous les indésirables et les voix dissonantes telles que les ONG, pourtant indispensables pour sonder toutes les sensibilités.

L’on pourrait entrevoir un tel institut comme produisant une ligne de démarcation claire, neutre, autoritaire dans les domaines de gouvernance que le Luxembourg, ancien bon élève de l’Europe, s’empresserait à adopter, briguant le titre de meilleur élève parmi les anciens paradis fiscaux. Car la seconde bataille pour la place financière à venir, se livrera autour de la propreté : plus blanc que blanc.

La victoire s’articulera nécessairement autour de la bonne gouvernance de la place, sa compétence et son sérieux, un impeccable professionnalisme, une réglementation et une surveillance exemplaires, les moyens juridiques et d’investigation suffisants et en rapport avec l’envergure de la place, une volonté déterminée de combattre le crime financier et de rendre justice dans des délais raisonnables, des sanctions crédibles et publiées, bref la transparence qui fait défaut actuellement.

« Ne laissez jamais filer une bonne crise vers le dépotoir » a dit Rahm Emanuel, le « Chief of Staff » du Président Obama. L’interprétation appliquée ici devrait être de tirer les leçons de la première guerre qui vient de se terminer pour mieux préparer la seconde qui nous sera imposée. Je crains cependant que pour beaucoup la crise n’est qu’une opportunité électorale. A ne pas manquer seront les points faciles à marquer en vue des élections en se payant le scalp de ce monument d’orgueil allemand, la tète du Delaware (2), de la perfide Albion et de tout ce qui piaffe du côté de Paris. Observateur lointain depuis 20 ans, tantôt concerné, ahuri et amusé, j’épancherai mes vues et états d’âme sur mon blog, egidethein.blogspot.com, expériences et mémoires personnelles à l’appui.

Egide Thein
2009-05-17

(1) http://leconomistamascherato.blogspot.com/2009/05/banking-secrecy-laws-attract-illicit.html

(2) Les attaques sur le Delaware sont dérisoires, dans la mesure qu’elles attisent le feu inutilement et qu’elles sont en partie infondées : Le Delaware permet toute investigation, l’OCDE le défend comme partie d’une entité politique plus large, et surtout, le Sénateur Levin, co-sponsor avec Barack Obama de « S 506 Stop Tax Haven Abuse Act » est aussi sponsor de « S 569 Incorporation Transparency and Law Enforcement Assistance Act” qui adresse les faiblesses inhérentes aux juridictions comme le Delaware.