Monday, September 28, 2015

Jean-Claude Juncker et Hillary Clinton, même combat


Smoke and mirrors. Photo ET













Jean-Claude Juncker et Hillary Clinton, même combat

Des deux côtés de l’Atlantique, Jean-Claude Juncker et Hillary Clinton sont soumis à des pressions politiques similaires, quoique sans relations entre elles. L’un est le Président non-élu au suffrage universel de la Commission européenne, l’autre est l’incontournable Princesse héritière de la Présidence américaine, qui virtuellement met en suspension  le suffrage universel, du moins dans la conception de sa manœuvre électorale. Tous deux sont hantés cependant par un passé qui les rattrape. Pour l’un, c’est LuxLeaks, l’affaire des tax rulings, pour l’autre c’est l’Emailgate, une affaire qui mettrait l’ancienne Secrétaire d’Etat en violation avec les lois et règlements sur la sécurité de l’Etat.

Pour Madame Clinton, les perspectives seraient mauvaises, si le cas du général quatre étoiles et ancien Directeur de la CIA David Petraeus venait à lui être appliqué. Petraeus, dans un moment d’égarement, maintenait des informations classifiées sur son ordinateur privé pour sa biographeuse. La loi est claire et les juges étaient implacables. Petraeus a été condamné. Une issue similaire serait fatale à la candidature presque exclusive de Clinton.

FOIA fait la différence

Si quelque chose sépare les cas Juncker – Clinton, c’est bien la question cruciale de l’accès a l’information que les deux semblent s’obstiner à cacher. Clinton doit faire face à FOIA, le « Freedom of Information Act », instrument terrible contre les abus de pouvoir. Juncker par contre fait face à des investigateurs sans dents. Clairement il ne court pas les risques de Clinton, qui elle peut encore bien survivre, mais ce sera grâce à la réputation des Clinton de surprendre tout le monde in extremis avec un coup à la Houdini. Juncker survivra plus facilement, car il n’est pas encerclé (encore).

Tout d’abord, il n’y a pas de grand enthousiasme à poursuivre le cas de la responsabilité de Juncker dans la conception des rescrits luxembourgeois. Les conservateurs dont il fait partie tiennent les rênes au Parlement européen, organe de contrôle en ce cas. C’est étrange que la question soit posée du tout, car parmi les innovations luxembourgeoises en matière économique, le tax ruling est une parmi un nombre bien décelable : RTL dans les années 30, le secret bancaire dans les années 60, la réassurance dans les années 70, le pavillon maritime et la société des satellites SES dans les années 80, et les tax rulings dans les années 90. Difficile d’ignorer ces étapes importantes en tant que Premier Ministre.

La plupart du temps, le mensonge devient la faute

Comme si souvent dans une situation de crise engageant un homme politique, Jean-Claude Juncker aurait commis une faute classique s’il a menti : en niant d’avoir été au courant d’un fait bien établi, le mensonge est plus dévastateur que le fait incriminé. Et déjà ces circonstances font baisser sa cote de crédibilité : Quel était donc son problème de confirmer qu’en tant qu’état souverain, le Luxembourg a toujours cherché à exploiter des niches de souveraineté, comme indiquées plus haut ? Si problème international il y a, quel est-il et comment l’éliminer ? L’exploitation de ces niches a souvent créé des problèmes avec nos voisins. Pourquoi feindre en ce cas de ne pas savoir ou d’être amnésique ? La question actuellement ne tourne plus autour de la question des rescrits, mais autour de la question à quel moment  Juncker a eu connaissance d’une page d’un rapport parlementaire qui lui était destiné en 1997!

Cependant en niant une quelconque connaissance des faits, Juncker provoque bon nombre de chercheurs qui se sentiront une vocation de prouver le contraire. Et dans son passé résonne son fameux credo comme une tare : « quand les choses deviennent sérieuses, il faut mentir ». Enfin il y a aussi parole contre parole. Jeannot Krecké, ancien député et ancien ministre persiste qu’un document sensible qu’il avait rédigé et soustrait à la publication a bel et bien été remis à Juncker, officieusement. Juncker nie d’avoir jamais vu ce document. Encore une fois les circonstances sont contre lui dans le domaine parole contre parole. Dans l’opinion publique, Krecké est le plus crédible.

Le Luxembourg attend son FOIA depuis quinze ans !

Le document d’une page rédigé par Krecké, que contient-il ? Cela n’est connu que par un cercle restreint d’initiés, dont logiquement le Premier Ministre Juncker qui avait commandité le rapport. Son contenu traite de la question des rescrits et a sans doute été jugé trop délicat pour le montrer publiquement. C’est ici que Juncker est plus chanceux qu’Hillary Clinton. Il n’y a pas de loi luxembourgeoise sur la liberté à l’information. Et je ne vois pas d’instance européenne qui pourrait être assez coercitive pour forcer quiconque à divulguer le contenu du document. Juncker lui-même a toujours exprimé son hostilité au projet de loi 4676/00 qu’Alex Bodry, député LSAP  a déposé le 20 juin 2000. C’est la version luxembourgeoise du « Freedom of Information Act » pour la liberté d’accès à l’information. Sauf quelques flambées de courte durée après des rappels embarrassants en 2011-12, le projet s’en est allé mourir dans les oubliettes de la dernière administration Juncker. Sage précaution sans doute pourrait-on dire aujourd’hui à la vue de Luxleaks.


Le Luxembourg est ainsi en retard sur le monde ou une bonne centaine de pays ont une législation type FOIA en place, comme nos voisins et aussi la Chine, la République Dominicaine, le Nigéria, le Rwanda et Zimbabwe.



Le Luxembourg est un Paradis Judiciaire selon les avocats


Lueurs d'espoir. Photo ET








































Le Luxembourg est un Paradis Judiciaire selon les avocats

Parmi les acteurs d’élite dans le monde de la justice et du droit des affaires, un consensus semble se mettre en place : le Luxembourg serait bel et bien un paradis judiciaire. Il est pourtant difficile d’atteindre ce niveau de discernement, quand on est acteur à l’intérieur, peut-être même intéressé à ce que certaines formes de dysfonctionnements persistent. Car cela peut rapporter gros. Bref, il est difficile de voir la forêt quand on ne voit que les arbres.

Il faudra certes encore attendre que cette introspection fasse école partout. Il a bien fallu des années et une bonne dose de pressions internationales pour en terminer avec l’autre paradis, le paradis fiscal.

L’occasion de cet aveu surprenant que la justice luxembourgeoise laisse à désirer, est une interview dans le Wort à l’occasion des 10 ans de présence d’Arendt & Medernach à New York. (1).

Je connais bien cet épisode new yorkais et aussi la firme. J’étais à deux reprises client d’Arendt & Medernach, avant qu’ils ne représentent une partie adverse contre moi. Si, si, à Luxembourg on peut faire cela. J’ai posé la question à un ancien bâtonnier, qui a dit, « tu sais, ici on est à Luxembourg … ». Cela soit dit en passant.

Laurent Schummer dans l’interview semble disposé à réclamer plus de consistance et de rigueur en général, et en particulier des initiatives de la part du législateur. Il reconnait à raison que l’essor de la place est un défi pour notre législation patriarcale et le fonctionnement pépère de la justice: les fonds américains rueront dans les brancards et cela fera désordre quand ils demanderont justice et ne l'auront pas. Surtout ce sera du « bad business », car ils iront ailleurs.

Et encore une fois, le Luxembourg sous pression étrangère devra d’une façon ou d’une autre, après la forteresse, le paradis fiscal, démanteler enfin son paradis judicaire, qui n’est paradis que pour mauvais garçons et filles. Changer le laxisme, c’est bon pour le business. Non, pas le business traditionnel. Celui qui consiste à faire traîner les choses parce que cela paie bien. Mais l’autre qui exigera un procès juste et équitable, dans des délais raisonnables, délais qui seraient au maximum 2-3 ans. C’est un vaste chantier, encore plus urgent que de détraquer les luxos xénophobes sur l’internet.

J’aime beaucoup la pérennisation d’un vieux réflexe luxembourgeois, qui est dévoilé par cette recommandation de Guy Harles : transposer les directives européennes de la façon la plus libérale possible. Je sais, tout le monde sera volontaire pour affûter les textes. Mais attention : qu’on évite d’y passer en contrebande le petit mot disculpant, comme « intentionnellement » parmi d’autres, qui encourageront de nouveau les mauvaises fréquentations.  





Friday, September 11, 2015

Déontologie, le dur apprentissage du Luxembourg


CUMUL: Photo ET / Transparency International





















Déontologie, le dur apprentissage du Luxembourg

Il y a quatre ans un article dans « Foreign Policy », une publication généralement de haut niveau, publiait un article d’Eric Pape sur le Luxembourg qui faisait scandale, au Luxembourg. Dans « TheLap of Luxembourgery » il parlait d’une « nation pourrie jusqu’à la moelle dans le cœur noir de l’Europe ». Un choc ! Le Luxembourg offusqué s’est rué sur des imprécisions flagrantes de l’article pour le discréditer dans sa totalité, et pour renvoyer cet Amerloque maldisant à la bibliothèque pour s’éduquer.   

Alors que nos protestations avaient à peine cessé, nos partenaires européens donnaient raison, du moins en partie, à Monsieur Pape, car disaient-ils, le Luxembourg est un affreux Paradis fiscal. Nous avons beaucoup protesté, et nous avons même inventé la phrase « talking point » numéro un : « un crime considéré par l’étranger n’est un crime au Luxembourg que si un juge luxembourgeois le confirme ». Le fait de ne pas payer ses impôts à l’étranger n’est pas un crime au Luxembourg. Et nous n’en dirons pas un mot.

Passons par les scandales BCCI (ah, oui, la CIA vous savez), Madoff, Landsbanki et autres que nous allons pudiquement cacher au journaliste Pape. Heureusement il avait bâclé son enquête en deux jours. Il ne s’est même pas rendu compte que ces escroqueries prennent un Paradis judiciaire pour fonctionner ….

Et comme si tout cela n’était pas assez, Luxleaks vient corroborer les grandes lignes de l’article de Foreign Policy. Comme cerise sur le gâteau, le whistleblower Deltour, qui a joué un tour à PwC, est nominé pour le Prix Sakharov, ce qui doit contrarier Madame Solovieff. Mais nous avons riposté de suite, car au Luxembourg les « tax rulings » sont légaux, tellement légaux qu’un seul homme, Marius pour les intimes, pouvait accommoder le monde entier. Nous espérons bien sûr que les institutions europeennes abandonnent. Ce qui heureusement semble se faire. Attention, nous savons des choses sur vous !

Mais il ne faut pas croire que cela s’arrête là. Après le Paradis fiscal, le Paradis judiciaire, le Paradis des multinationales, des banques et autres constructions, le Spiegel soumet à l’attention du monde le Paradis des fonctionnaires luxembourgeois dirigeants et cumulards dans l’économie privée. Des dizaines de fonctionnaires se partagent ainsi des centaines de postes d’administrateurs dans le privé. Jusqu’à présent on en a peu parlé, c’était vite étouffé parmi nous. Fred Reinertz, Président de Protinvest, association pour la protection des investisseurs, a bien porté la chose devant le Commissaire Barnier. « C’est un droit coutumier » a-t-on justifié la situation, comme si c’était un droit que les kleptocrates du monde en éternel développement auraient imaginé. On entend que ces super fonctionnaires gagneraient au moins autant dans le privé, et que pour l’Etat c’est un moyen de retenir ses plus fidèles serviteurs. Chiche pour essayer le privé !

Il est clair que la loi est même violée et que le Spiegel et d’autres après lui fustigeront la dérive, la permissivité, le laxisme au Luxembourg, et concluront a la corruption. Encore une fois, ce sera de l’étranger que viendra la pression d’assainir le cœur noir de l’Europe. Cette fois-ci, la honte serait évitable, si on avait appris les leçons précédentes.  

Pour y arriver, essayons un Exercice pratique : comment faire de la déontologie ? Je ne parle pas du Ministeschgesetz, flexible comme un pneu dégonflé. Voici un exemple vieux de presque 60 ans :

Code de déontologie des services du gouvernement des États-Unis. Pas compliqué
Adopté Juillet 11, 1958

Il est résolu par la Chambre des Représentants en concordance avec le Sénat, qu'il est le sens du Congrès que le code d'éthique doit être respecté par tous les employés du gouvernement, y compris les titulaires d'une charge.

CODE DE DEONTOLOGIE DU SERVICE DU GOUVERNEMENT

Toute personne au service du gouvernement devrait:
1. Mettre sa loyauté envers les plus hauts principes moraux et le pays au-dessus de la fidélité aux personnes du gouvernement, des partis, ou des ministères.
2. Respecter la Constitution, les lois et règlements juridiques des États-Unis et de tous les gouvernements qui y sont et ne jamais être une partie pour les  évader.
3. Donner une journée de travail entière pour un salaire d'une journée entière; donnant à l'exercice de ses fonctions son effort sérieux et ses meilleures compétences.
4. Chercher à trouver et à employer des moyens plus efficaces et plus économiques pour l'accomplissement des tâches.
5. Ne jamais discriminer injustement par la distribution de faveurs ou de privilèges spéciaux à toute personne, que ce soit pour une rémunération ou non, et ne jamais accepter pour lui-même ou sa famille, des faveurs ou des avantages dans des circonstances qui pourraient être interprétées par des personnes raisonnables comme influençant la performance de ses fonctions gouvernementales.
6. Ne jamais faire des promesses privées de toute nature ayant un caractère contraignant sur les devoirs de sa charge, puisqu'un employé du gouvernement ne peut avoir de mot privé qui peut être contraignant pour le service public.
7. Ne pas s'engager dans aucune affaire avec le gouvernement, soit directement ou indirectement, qui est incompatible avec l'accomplissement consciencieux de ses fonctions gouvernementales.
8. Ne jamais utiliser une quelconque information obtenue en toute confidentialité dans l'exercice de fonctions gouvernementales pour faire des profits privés.
9. Exposer la corruption partout où elle est  découverte.
10. Défendre ces principes, en étant toujours conscients du fait que la fonction publique est un bien public.
[Source: Chambre des Représentants américaine Comité d'Ethique]


http://foreignpolicy.com/2011/08/15/the-lap-of-luxembourgery/


Friday, September 4, 2015

Luxembourg – Belgique, le chiffre magique.


La Belgique designe le Luxembourg comme Paradis Fiscal.
Photo: ET






















Luxembourg – Belgique, le chiffre magique.

Il faut une fois saluer la perspicacité belge: ils viennent de réaliser que leur voisin le Luxembourg est un paradis fiscal. Allez fieu ! Je vous l’avais dit, chaque fois que j’allais voir mon dentiste. Et je vous en veux de ne pas lire le Feierwon. Vous auriez appris la nouvelle avant les luxembourgeois.

Mais mieux vaut tard que plus tôt ! Question de rapatrier des choses. On ne pouvait quand-même pas mettre tout dans du Quetsch et du jambon d’Ardenne.

Donc, maintenant la Belgique a une liste de paradis fiscaux / belastingsparadijzen. Sous la lettre L, on trouvera facilement « Luxembourg ».

Quand vous voulez désormais m’envoyer de l’argent comme d’ habitude, sachez qu’à partir de 100.000 euros envoyés à destination d’un compte luxembourgeois, vous devrez déclarer la transaction aux impôts (belges ! Pas luxembourgeois !).

L’astuce j’imagine est de ne m’envoyer que nonante-neuf mille neuf cent nonante-neuf euros et nonante neuf centimes (Voor de Vlamingen : negenennegentigduizend negen honderd negenennegentig Euros en negenennegentig Cents).  Pas plus en une fois, sinon ça va péter et vous aurez un klache avec l’inspecteur.