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Monday, April 8, 2013

Luxembourg - L'Etat de la Nation

   Le Soleil se couche aussi. Tourmente. Photo ET

Luxembourg - L'Etat de la Nation


Etant toujours de nature optimiste, je mettrai donc mes lunettes roses pour décrire l'état de la Nation en cette année 2013: cela va mal, très mal. La majorité des luxembourgeois ne ressent qu'une vague inquiétude, mais inexorablement nous récoltons ce que nous avons semé depuis de nombreuses années. Nous voyons le pauvre état des relations internationales, le printemps arabe qui est givré aux portes de l'Europe, un dictateur enfantin et joufflu jouant avec les allumettes en Corée, un Moyen Orient qui est une poudrière de sorte que nous renoncerons à notre croisière Luxair sur le Nil et aux pélés à Jérusalem. Sans parler de Chypre, et de sa révélation que toute richesse est éphémère. Pendant ce temps-là, chez nous, notre Premier voit des réflexes de 1913, et on n'en croit plus ses instincts!

Le procès du Bommeleeër est un Miroir National

Ce procès, en cours depuis des semaines, expose des dysfonctionnements dans les institutions luxembourgeoises en général, Justice et Police en tête, et en fait une décadence rampante  dans tout le gouvernement. Surtout que ce procès, près de 30 ans après les faits, arrive comme une cerise sur le gâteau bien marbré des autres affaires non-résolues, escamotées, déraillées, obstruées, avortées de Livange-Wickrange, Cargolux et du Service de Renseignements. Le public est confus de voir défiler dans le procès du Bommeleeër en cours d'incroyables pannes à répétition dans les enquêtes, des manœuvres, des cordées diverses, des princes, des ministres, des ex-gendarmes et deux accusés que le public ne semble même pas haïr mais au contraire disculper d'avance. C'est un méli-mélo d'interférences aussi inacceptables que suspectes. Le spectacle durera encore quelques mois, probablement entrecoupé par 8 autres semaines de "congé judiciaire" en été, qui s'ajoutent aux 2 semaines de vacances judiciaires de Pâques. C'est une opérette extravagante qui impitoyablement met à nu les insuffisances de la société luxembourgeoise et de son système judiciaire.

Pendant ce temps là, le citoyen qui n'a pas eu de chance, qui doit trouver un emploi, retrouver une santé ou tout simplement appeler une administration, appellera souvent aux abonnés absents. Telle est l'arrogance de l'appareil que nous avons laissé dériver. Il faut redresser la barre, au plus tôt.

Faire le ménage est un vaste chantier 

Le changement est donc indispensable. Et il y a une lueur d'espoir, car les opportunités existent et ont été annoncées ou du moins énoncées comme liste à souhaits. Il y a d'abord la nouvelle Constitution, en chantier depuis des années. Je me fais des soucis, car des années de tergiversations montrent que des intérêts particuliers sont à l'œuvre. Un résultat autre qu'une constitution instaurant un gouvernement laïque du peuple par le peuple sera une nouvelle tutelle de quelqu'un d'autre sur le peuple et sur son avenir. Découlant des grands principes d'une telle constitution, qui sont la séparation des pouvoirs et leur contrôle mutuel, est cimentée la notion que les administrations et les ministres sont les employés des contribuables, avec leurs droits certes, mais surtout des devoirs.  Mais le contribuable, ni son représentant au Parlement, ni le quatrième pouvoir, la Presse n'ont de cadre établi pour accéder à l'information. Les devoirs et les limites du pouvoir ne sont pas définis non plus. La loi promise depuis 12 ans sur la transparence ou "Freedom of Information - FOI" (que notre Premier déclare ne pas aimer), et le fameux code de déontologie (Ministeschgesetz) qui devrait avoir son pendant pour les fonctionnaires, sont des projets remis toujours à plus tard. En cette matière, un tiens vaudrait mieux que deux tu l'auras.

Quand enfin ce sera fait, encore faudra-t-il distinguer entre  la qualité des textes adoptés, le sérieux de leur application, les sanctions prévues et surtout les sanctions effectivement appliquées. Le manque de transparence et l'absence du droit à l'information sont des portes ouvertes aux abus, à la discrimination et à la corruption. Si le Luxembourg ne se charge pas de ses propres changements, le monde global s'en chargera.

La globalisation est à double tranchant

Le Luxembourg a montré une capacité remarquable de s’adapter à la globalisation pendant des dizaines d'années. Il a su tirer avantage des changements dans le monde, et il a aussi été attaqué pour ces mêmes raisons. Petit pays plus agile que certains voisins, il a su profiter des ouvertures procurées par la globalisation et la construction européenne, tout en abritant un pan de ses activités économiques par le secret bancaire et le « pragmatisme » de ses institutions.

Mais ce darwinisme demande une adaptation continue, car la globalisation est une voie à deux sens. La place financière est assiégée comme paradis fiscal, le pragmatisme est décrié comme laxisme sinon paradis judiciaire, et le site industriel, surtout l'acier, se vide de sa substance sous le double effet de nos stratégies incompétentes et de la perte de compétitivité.

Le problème éternel à résoudre est celui de comment garantir le futur d’une économie monolithique ? Pendant un bon siècle, l’industrie sidérurgique était ce monolithe qui garantissait un bon niveau de vie aux luxembourgeois. On pensait qu’elle n’allait pas disparaitre, car enfin, on ne déménage pas des hauts-fourneaux comme une banale armoire, n’est-ce pas ? Eh bien si, dans le monde global c'est possible, et ne pas considérer cette possibilité lors d’une acquisition telle que celle de Mittal est incompréhensible : Mittal achète pour quelles raisons ? Soit pour acheter du revenu supplémentaire, soit pour acheter du savoir-faire, soit pour éliminer un concurrent, soit les trois à la fois. ARCELOR était les trois à la fois. Sachant cela, comment cette chose a-t-elle pu se passer, pire, comment a-t-on pu subventionner le plan Mittal de la mise à mort de la sidérurgie européenne, transférée de fait dans les autres sites du groupe? Le même scenario s’est répété avec d’autres, comme avec Cargolux, sauvée in extremis je dirais par la sagesse populaire.

Comment remplacer les activités industrielles perdues ? Le Luxembourg se sauve en sautant d'un monolithe, l'industrie, sur cet autre monolithe pour assurer son futur, la place financière qui est essentiellement plus vulnérable, plus déménageable que la sidérurgie. D'ailleurs 42 plans sociaux dans le secteur financier en quatre ans démontrent sa fragilité en tant qu'employeur. Plus grave, les sauvetages à répétition  des banques en difficulté comme DEXIA-BIL et BGL sont une menace pour la stabilité financière du pays entier.  Pour sortir de cette dépendance sur une seule activité économique en poussant les diversifications en cours tout en consolidant et rénovant les activités légitimes du secteur financier et lui enlever les épithètes péjoratifs ci-dessous.

Le paradis fiscal et judiciaire

Il fut un temps quand personne à l'étranger ne savait où se trouvait Luxembourg. Aujourd'hui le Luxembourg est connu en tant que "paradis fiscal" qui pêle-mêle se réfère à des activités légitimes et légales, douteuses, illicites et carrément criminelles. Souvent on entend aussi, même des parlementaires étrangers influents, utiliser le label "paradis judiciaire", qui fait référence à l'absence de règles et surtout à une grande impunité. Monsieur Contzen, Président de l'ABBL, a récemment parlé de la bonne infrastructure légale du Luxembourg. Je pense qu'il parle de la législation seulement, et non pas de l'application des lois, qu'il n'a sans doute jamais eu  à attendre. Je pourrai l'éduquer, ayant porté plainte civile et pénale il ya neuf ans contre des délinquants en col blanc, sans conclusion à ce jour. A croire que les manœuvres dilatoires ont eu de l'aide pour faire trainer les affaires de la sorte. Ce n'est pas l'affaire grotesque du Bommeleeër qui viendra infirmer mon opinion. Ni la Cour Européenne des Droits de l'Homme qui a condamné le Luxembourg comme récidiviste pour ne pas fournir une justice en des délais raisonnables. Ni les victimes de Madoff ou de la BCCI. Le centre financier est en ce moment un paradis judiciaire.
Comme chaque  gouvernement, surtout en Europe et aux Etats-Unis cherche des revenus désespérément, les havres de secrets, l'optimisation fiscale ou l'évasion fiscale sont désignés comme boucs émissaires responsables des déficits. Les paradis fiscaux disparaitront à moyen terme sous les coups de butoir de la Commission Européenne, du G 20, de l'OCDE - GAFI, des gouvernements voisins et des Etats-Unis. Pour le Luxembourg protester, prier, pleurer est également lâche. Il faut des actions hardies: consolider ce qui est légitime, l'expertise et savoir faire, et abandonner les activités qui moralement et politiquement ne pourront être défendues, p.ex. le secret bancaire. Aucune propagande luxembourgeoise ne pourra se débarrasser du label stéréotype du paradis fiscal, mais seulement les faits et ajustements qu'il faut.

Est-ce à dire qu'il faille se soumettre inconditionnellement aux demandes du voisin tonitruant ou aux désirs des institutions supranationales? Je décèle une contradiction étonnante entre l'arrogance avec laquelle on a développé le secret bancaire d'un côté, et d'un autre côté le zèle soumis avec lequel le gouvernement luxembourgeois se conforme à des demandes qui souvent heurtent nos intérêts légitimes: nous avons plié pour l'harmonisation de la TVA, la taxe sur les transferts, l'aide au tiers monde, les taxes sur le commerce électronique, sans parler de la perte sans broncher de la BCE à Francfort. Sans contrepartie connue.

Si le Luxembourg est appelé à faire des concessions, envoyez des négociateurs, des vrais pour défendre nos intérêts. Les élections de 2014 en fournissent l'opportunité, surtout si la proposition d'un membre du gouvernement de limiter les mandats à deux pouvait se réaliser. Personne n'est indispensable, et en politique la longévité n'est pas un signe de fraicheur.

La diversification économique trop diversifiée ?

Consolider le nouveau monolithe est une chose, s'en distancer et diversifier en est une autre. Mais le Luxembourg manque d'entrepreneurs créant des entreprises. Il faut donc les importer, c.à.d. aller les chercher, les convaincre et les appuyer. Le système est en place, depuis que Joe Gurley en 1958 a convaincu le gouvernement de créer une cellule appelée Board of Industrial Development avec un bureau à New York. (1) Il est remarquable que l'établissement de certaines des rares productions industrielles luxembourgeoises datent de cette époque comme Dupont de Nemours, ou même la consolidation de Good Year. Victime de son succès, l'initiative n'a pas survécu les protestations d'Arbed notamment et a fermé après trois ans seulement. Dommage, 25 années de diversification ont été perdues par la suite.

En 1975, la réactivation d'un Board of Economic Development a revisité les anciennes politiques de prospection économique à l'étranger qui restent indispensables. Je voudrais comme preuve la prolifération plus ou moins désirable d'entités chargées de la promotion économique. Quant à celles des différents Ministères, "Luxembourg for" ceci et cela, je me demande cependant comment justifier cette prolifération, le double emploi et l'éparpillement des moyens budgétaires et des efforts. Serait-ce du "moi aussi", ou l'attrait du côté récréatif des voyages officiels, ou la guerre des Ministères? 

Nos moyens pour consolider et diversifier nos activités ne sont pas illimitées. Le gouvernement emprunte comme jamais, et vient d'annoncer un trou de 2 milliards d'euros en 2016. L'année passée, 2014 était annoncée comme l'année de l'équilibre. Le fait est que la dette publique est au plus haut, mais certains postes budgétaires échappent à la tonsure, alors que d'autres, impactant la vie des luxembourgeois se retrouvent facilement sur l'ordre du jour d'une tripartite. Exemple, l'aide aux pays en développement qui reste taboue. On va se faire valoir dans le monde qu'à euros 475 millions, nous sommes champions du monde des donateurs. C'est l'équivalent du capital que Cargolux recherche en 2013 et 2014. L'exemple est représentatif pour un certain manque de discernement dans l'établissement des priorités budgétaires, alors que le pays a 22.000  chômeurs et 15% de la population se retrouvent en-dessous du seuil de pauvreté.

Notez aussi que le dernier emprunt de 750 millions d'euros nous donne les moyens pour faire don de ces 475 millions. Quoique par temps de crise, même une charité bien chrétienne pourrait s'accommoder de moins. Tel Saint Martin, qui n'a donné que la moitié de son manteau militaire au mendiant. Je me suis toujours demandé comment il a fait pour rembourser la propriété de l'Empire Romain? Je me demande comment nos enfants feront pour rembourser nos dettes?

(1) http://tinyurl.com/cbkqqny


Update: Cet article date du 7 avril 2013. Ce jour là FAZ publiait une interview surprenante de Luc Frieden, qui me donne raison quant au fond de ma position sur le paradis fiscal. Mais le quand et comment de cette interview n'est pas acceptable. Voir mes commentaires: 
http://egidethein.blogspot.com/2013/04/wortlu-luxembourg-ready-to-revise-bank.html



Wednesday, November 30, 2011

Et pourquoi pas une petite partie de tripartite?


Bon vieux temps, 1960. Brochure publiée par le "Luxembourg Board of Industrial Development". Lorsque le Luxembourg était encore capable d'attirer des industries manufacturières ...



La tripartite luxembourgeoise fonctionnait à merveille comme remède à la crise historique de l'acier de 1975. Elle fournissait un contexte pour un effort de solidarité nationale et des solutions créatives comme la DAC, Division Anticrise, qui occupait des milliers de personnes à des travaux d'utilité publique. Sans ces mesures, le chômage qui n'existait virtuellement pas en 1975, serait passé de 0 à des milliers de chômeurs, chose inadmissible psychologiquement à l'époque.

Cette tripartite était un joli triangle équilatéral qui avait pour sommet le gouvernement et à sa base le patronat et les syndicats. 35 ans plus tard, il faut se rendre à l'évidence que la tripartite de bon papa n'existe plus sous forme de triangle équilatéral, qui donnait le même poids aux trois participants. Il faudra bel et bien trouver des mécanismes d'adaptation, pour sortir du déséquilibre des forces et du blocage résultant. Car il faut réaliser qu'au bout de 35 ans, le centre de gravité s'est déplacé en faveur du patronat, avec l'approbation du gouvernement, Ministre de l'Economie inclus.

L'indexation automatique des salaires, clé de voûte de la tripartite, était destinée à préserver le pouvoir d'achat des salariés. C'était un dispositif de pilotage automatique, qui assurait donc aussi une vie paisible aux représentants des partenaires sociaux, bref la paix sociale. L'indexation automatique a été pervertie cependant par la suite. Au fil des années elle a procuré au salariat une participation somme toute limitée à la manne des années de vaches grasses par son effet de freinage, limitant la vitesse de croissance des salaires à des petits pas de 2,5% aux échéances des tranches indiciaires. Elle est par contre dégradée en un arrangement vieillot qu'on a pris l'habitude de suspendre en temps de crise, avec l'effet net de diminuer le pouvoir d'achat des salariés, du moins par rapport au panier de base des accords.

La parole du jour est la compétitivité ou plutôt sa perte, avec comme conséquence, logique dit-on, le nécessaire plafonnage des salaires, ou mieux leur diminution en termes réels. L'indexation a donc cessé de servir les intérêts des preneurs d'emploi: c'est devenu un sens unique. La suspension de la prochaine tranche indiciaire est déjà programmée. En ce cas, il faudra bel et bien adapter la tripartite à la nouvelle donne.

Pour le patronat, la Terre est plate

L' Union Européenne d'abord, la globalisation ensuite ont facilité l'accès aux marchés. L'industrie luxembourgeoise, notamment l'acier, en a profité jusqu'au retour de manivelle: les producteurs émergeants de l'acier ont inondé la même terre plate avec des produits moins chers. Les services financiers, surtout basés sur la niche souveraine de l'imposition, se voient la cible des assauts des gouvernements étrangers et des régulateurs européens, jusqu'à ce que l'avantage fiscal s'érode.

Si l'environnement fiscal se dégradait, les services financiers iraient ailleurs. L'industrie par contre disait la sagesse universellement admise, est clouée au sol par le poids de ses investissements immobilisés. Ce n'est plus vrai à l'heure d'un Mittal, Good Year , Villeroy Boch et Dupont: une ligne de production est aisément transférée à l'intérieur du groupe sous des cieux plus cléments. Il en va de même des services locaux et l'artisanat. Pas de délocalisation, certes, mais une concurrence accrue des régions limitrophes dans la grande région.

Combinée au chiffre sous-estimé de 15,000 chômeurs, cette menace permanente de délocalisation est une situation d'otage de fait et le gouvernement souffre du syndrome de Stockholm, cette réaction psychologique qui fait sympathiser l'otage avec le preneur d'otage. Encore qu'en ce cas-ci, le preneur d'otage est lui-même otage et ne fait qu'obéir aux lois de la Terre plate, qui déterminent la viabilité d'une entreprise.

Le Gouvernement du syndrome de Stockholm

On comprendra que la première réaction du gouvernement dans ces circonstances soit la sympathie pour la cause des employeurs. La photo instantanée de l'économie luxembourgeoise n'est pas bonne en ces temps de crise. Les conséquences pour le gouvernement sont des revenus en déclin, un chômage qui augmente, une productivité qui diminue et une pression continue de l'étranger pour éradiquer les niches souveraines de prospérité. Il est clair que la réaction superficielle est d'en conclure de geler l'index.

Il en est de même avec la négligence bénigne avec laquelle on affronte l'armée des chômeurs, comme une fatalité. Or c'est un drain sur la capacité du pays de bien survivre la tempête parfaite qui est en train de se former autour de la danse infernale de l'Euro. Force est de constater que les numéros un et deux de notre gouvernement pensent qu'ils sont élus, l'un pour sauver la Grèce et un Euro moribond, l'autre pour sauver le monde avec l'ambition de faire siéger le Luxembourg au Conseil de Sécurité de l'ONU. Ils ne sont pas disponibles pendant que notre toit est en feu. Bon nombre d'électeurs ne comprennent pas cet acharnement de poursuivre des ambitions personnelles, qu'il est difficile de concilier avec l'intérêt national. Au contraire, beaucoup voient le danger que tous deux, et à travers eux le Luxembourg, se retrouvent en position de bouc émissaire, si les choses vont mal.

Pendant ce temps-là, la question de l'index suppure depuis plus d'un an. Il y a 15.000 chômeurs et la pauvreté enlaidit le Pays de Cocagne. Le devoir à domicile ne s'arrête pas là. La dépendance de l'économie nationale sur le centre financier est effrayante. Le développement industriel stagne. Aucune industrie n'est venue s'installer au Luxembourg depuis de nombreuses années. La bureaucratie est un frein, les obstacles administratifs sont décourageants, sans oublier que le système judiciaire, aux moyens anémiques pour un centre financier mondial, n'est pas en mesure de délivrer justice dans des délais raisonnables, élément non négligeable pour former un cadre économique performant. Dans ce contexte, se borner à designer l'index comme source du mal, montre bien qu'on a fait l'impasse sur le devoir à domicile.

Syndicalistes somnolents: la lutte syndicale est un long fleuve tranquille

Cette contradiction entre lutte et tranquillité me fait penser au syndicalisme d'antan, où un bon coup de gueule était OK. Nous avons une nouvelle génération de syndicalistes fonctionnarisés qui sont aussi conseillers communaux, députés, bref cumulards. Le même syndrome de Stockholm se produit chez eux. D'où la prédilection pour des solutions calmes et feutrées qui conviennent pour des héros de la paix sociale: nous parlons de tripartite et surtout de l'indexation des salaires. Finalement cette indexation a fini par devenir un marché de dupes: c'est le plafonnement quand tout va bien, le désembrayage quand cela va mal. Cette automatisation n'est pas la lutte, c'est la promenade pépère et nonchalante au bord du long fleuve tranquille. L' indexation a fini d'être une solution.

Maintenant que le réveil sonne et que l'urgence est là, les syndicats sont pratiquement devant un fait accompli annoncé par certains ministres: la tranche d'index sera retardée. C'est sans doute le moment pour les syndicats de vendre cher la flexibilité à répétition qui leur est demandée, et de s'adapter au nouveau paradigme. Car enfin, à quoi sert une indexation automatique qui aux moments de crise met les syndicats sous pression et les fait reculer. C'est la lutte syndicale à l'envers.

La nouvelle ligne syndicale pourrait très bien abandonner l'automatisme des tranches indiciaires qui ne fonctionne plus correctement, pour retourner forcément à des négociations salariales annuelles ou bisannuelles, où l'index sert de fil conducteur sans négliger d'autres aspects comme la sécurité sociale, l'éducation qui entreront dans un paquet d'accords. C'est un modèle certes moins commode, mais plus participatif, plus engagé et plus transparent, car la performance des entreprises, visible, entrera dans l'équation. En cas de difficulté, chaque partenaire serait un artisan de son bonheur ou malheur.

Un changement de paradigme crée une chance de sortie du blocage actuel, rend le triangle de nouveau équilatéral et permettra une vraie négociation entre partenaires tripartites, avec des propositions et des contre-propositions. Bref: une voie qui n'est pas un sens unique. Les luxembourgeois finiront par être ce qu'ils ont toujours été: des gens raisonnables.

Mais attention: pour cet avenir là, les syndicats devront disposer d'une cagnotte pour leur permettre de dire non, action syndicale à l'appui. Mais cela n'est pas très luxembourgeois.