Wednesday, July 31, 2013

Comment blanchir le Coup d'Etat au Luxembourg?

    Voyage dans le temps. Naples Florida. Photo ET

Comment blanchir le Coup d'Etat au Luxembourg?

Le Parlement ne veut plus de moi? Je change de Parlement.


Le 22 Messidor, ce qui dans le calendrier révolutionnaire est notre 10 juillet, il y a bien eu coup d'état au Luxembourg. Un coup d'état bien spécial.

Ce coup d'état n'était certes pas une révolution populaire, malgré ma référence au Messidor. Le brave peuple restait indifférent. Ce n'était pas non plus un putsch, ce qui aurait impliqué la force des armes. Mais au Luxembourg ce genre de putsch n'existe qu' à l'envers, le politique chassant l'uniforme: Fischbach, le papa, renversait le Colonel Winter, Schiltz, le neveu, envoyait promener le Colonel Ries.

Non, le coup d'état du 22 Messidor était un coup d'état à la douce, exercé subrepticement par notre propre Premier avec la connivence du Président de la Chambre, en déjouant une motion de censure. A la bonne luxembourgeoise, ce coup était aussi à l'envers. JC Juncker ne saisissait pas le pouvoir. JC Juncker avait le pouvoir et il empêchait le Parlement de le lui enlever. Sans vote de confiance, Juncker interruptus n'a pas eu lieu. La démission attendue a été remplacée par des "Neiwahlen", quelque chose que la Constitution ignore. Le Parlement ne veut plus de moi? Je change de Parlement. Le coup d'état était démarré.

Savourez la confusion!

Oui mais, éclairez ma lanterne semblait dire le Grand-Duc, sur qui JC Juncker devait compter pour la deuxième phase du coup d'état, la dissolution de la Chambre à décider de suite, mais effective seulement en Octobre ou Vendémiaire si vous préférez l'ambiance barricadière. Mais sans la démission pressentie du gouvernement. La troisième phase du coup d'état, les élections anticipées, sont en fait l'effort de légitimation de tout coup d'état.

Comme la séance de la Chambre le 10 juillet fut avortée par son Président, il n'y avait pas d'acte documenté pour le Grand-Duc qui lui permît d'agir dans le vide constitutionnel.  Le Chef de l'Etat a donc demandé conseil au Conseil d'Etat, dont l'avis était formel: la démarche envisagée est anticonstitutionnelle. "Qu'à cela ne tienne" ont rétorqué nos élus pratiquement à l'unisson. "La Constitution est un vieux chiffon du 19e siècle et ne compte plus", disaient-ils, par là reniant leur serment solennel.

"Je jure fidélité au Grand-Duc, obéissance à la Constitution et aux lois de l’Etat."

C'est cela que nos élus ont juré lors de leur prise de fonction. Le Grand-Duc en a fait de même par ces mots: "Je jure d’observer la Constitution et les lois du Grand-Duché de Luxembourg ....." Et malgré que la Constitution nous dit que "Le Grand-Duc n’a d’autres pouvoirs que ceux que lui attribuent formellement la Constitution ........." les partis politiques sont allés le convaincre de leur volonté unanime d'enfreindre la Constitution et de dissoudre le Parlement. Une pareille suspension effective de la Constitution  est par définition un coup d'état. Le Conseil d'Etat dans sa sagesse, avait avisé contre cette démarche illégale.

Je sais bien-sûr que si tout le monde se moque de la petite vieille, la Constitution, l'excuse est précisément que tout le monde le fait. Cependant sa suspension pour un oui et pour un non ne passera pas inaperçue dans le monde. Notre légendaire stabilité politique est comme la virginité: cela se perd la première fois.

Il y avait ou il y a pourtant trois moyens de la recouvrer: d'abord l'occasion manquée, hélas, puis la machine à remonter le temps (aussi farfelue que le coup d'état même), et finalement le "back to the future".

L'occasion manquée

Entretemps, tout le monde connait l'occasion manquée du 10 juillet. L'entendement  général était de procéder au vote de confiance dont on connaissait le résultat d'avance, de provoquer ainsi la démission du gouvernement et sa suite logique, la dissolution de la Chambre. Cela ne pouvait être, du fait de M. Juncker, et le Président de la Chambre était de connivence. Sans doute pris de court, aucun député n'a objecté aux entorses procédurales qui ont eu lieu. Notre Premier s'en est sorti sans conséquence, la veste blanche et avec l'auréole de la victime.

La machine à remonter le temps sera inaugurée ce 22 juillet passé

Tout comme l'esquive de la motion de censure était une acrobatie, la machine à remonter le temps en serait une autre pour remédier à la faute commise. Voici son fonctionnement: Nos élus n'ont pas fait leur devoir? Enfin ils disent que si, mais que Juncker l'a mangé. Ils auraient pu l'en empêcher et ils auront donc une retenue. Comme heureusement le Parlement n'est pas encore dissout, la retenue pourrait avoir lieu au mois d'août, en pleines vacances, pour amender l'article 74 de la constitution à peu près comme suit:

Le Grand-Duc peut dissoudre la Chambre.
(1) Il peut prononcer la dissolution différée de la Chambre, et l'antidater.
(2) Il est procédé à de nouvelles élections dans les trois mois au plus tard de la dissolution.

Voilà, la Constitution est respectée. Le Grand-Duc a maintenant les pouvoirs pour remplacer les deux arrêtés qui sont implicitement contestés par le Conseil d'Etat, de les antidater pour les faire appliquer dans le futur. La machine à remonter le temps sert à réécrire l'Histoire!

Le "Back to the Future" est un méchant retour de manivelle

Imaginez que lors de la retenue au mois d'août que nous venons d'infliger à nos élus, un petit futé se lève pour demander qu'on vote aussi sur les deux motions escamotées le 10 juillet. En s'attendant aux résultats escomptés en juillet, l'on pourrait s'attendre à un vote de censure de 34 - 26, selon les lignes des partis. Le gouvernement serait démis, et la gestion catastrophique du SREL aurait des conséquences. Il y aurait toujours les élections anticipées.

Mais attendez, ce vote ne serait plus si sûr. Des choses se sont passées depuis le 10 juillet. Des fidèles vétérans dans tous les partis plus ou moins volontairement ne se retrouvent plus sur les listes électorales qui ont été publiées récemment. Avec un peu d'amertume et de rancune, feraient-ils (elles) l'ultime éclat de changer leur vote escompté plus haut? Et si ce résultat était inversé? Il n'y aurait alors certes pas de démission du gouvernement. Il ne faudrait plus d'élections anticipées, car elles servaient d'écran de protection contre la démission du gouvernement. La Constitution serait vierge de nouveau. Il y a un hic: le Grand-Duc devrait annuler les élections anticipées. Il faudrait donc un ajout à l'article 74 qui dirait que "le Grand-Duc peut annuler des élections nationales." Et tout le monde crierait à l'abus.

A la fin de cette politique fiction, n'avez-vous pas ressenti le besoin d'avoir enfin une nouvelle Constitution? Je propose deux choix: ou bien faire confiance à nos élus de nous la confectionner selon leurs intérêts, ou bien photocopier la constitution américaine, bâtie sur de profondes discussions philosophiques recueillies d'ailleurs dans "The Federalist" (1). On mettrait un peu de sauce luxembourgeoise, mais les trois mots les plus importants en langue luxembourgeoise deviendraient alors "We the People".





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