Showing posts with label BCEE. Show all posts
Showing posts with label BCEE. Show all posts

Tuesday, November 10, 2015

Protection des données, transparence, sonneurs d’alerte : c’est un délire


"Safe Harbor"? Golfe du Mexique. Photo ET




















Protection des données, transparence, sonneurs d’alerte : c’est un délire

L’évolution des technologies de l’information et le commerce électronique multiplient les exemples de paranoïa quant à la protection des données. Le droit à la vie privée est certes une question d’importance, mais qui de plus en plus souvent se définit par un grand écart : ce qui vaut pour l’individu ne vaut pas pour les gouvernements, et vice-versa.

La Cour de Justice de l’Union Européenne, CJUE, a récemment pris son flambeau activiste pour invalider « Safe Harbor », un cadre US-UE pour la protection « adéquate » des données personnelles. C’est une décision politique à plus d’un titre. D’abord le pouvoir judiciaire invalide des décisions de l’exécutif européen sur la réciprocité de la protection des données personnelles avec les USA. Puis elle se livre à la guéguerre culturelle : Safe Harbor est un compromis entre deux cultures. Les Etats-Unis privilégient sans doute la sécurité sur le droit à la vie privée. L’Europe semble faire l’inverse, mais c’est à voir. En tous cas, le jugement de la CJUE amalgame espionnage et protection des données, vie privée et transparence et droit de savoir.

La CJUE et Edward Snowden, même combat

Le fait remarquable est que la Cour se soit embarquée dans le sens d’activistes qui apportent comme seul élément pour invalider un mode opératoire vieux de 15 ans sur la protection de la vie privée, des révélations d’un espion américain, fugitif à Moscou. Ils ont réussi ce que j’appellerai un coup fumant : ils ont attiré la Cour dans leur territoire et la Cour a pris leur parti. Edward Snowden, le fugitif américain finit par exercer une influence démesurée et indue sur cette décision.

D’abord, je me demande à quel point les révélations de Snowden ont été corroborées par la Cour avant d’être prises comme pierre angulaire de la décision. Il est héros « whistleblower » ou sonneur d’alerte pour les uns, criminel pour les autres, quoiqu’il n’avait pas accès au trésor de guerre de la NSA. Mais lequel est-il ? Il a certes divulgué des secrets. Pour cela il serait en prison aux Etats-Unis. Il a sonné l’alerte ? Il est crédité pour cela, mais il fallait être simplet pour ne pas savoir que l’espionnage électronique existe. Donc Snowden n’a rien révélé d’extraordinaire si ce n’est l’envergure du programme. Mais l’espionnage massif n’est pas qu’américain. Il y en a beaucoup d’autres. Et attendez l’essor de Big Data !

En fin de compte la CJUE se réfère principalement au programme Prisme de la NSA, et en particulier la collecte de Meta data dans la lutte antiterroriste. C’est la solution qui considère que pour trouver une aiguille dans une meule de foin, amenons d’abord toute la meule de foin dans la grange. Nous savons que l’aiguille s’y trouve, s’il y en a une. Le contenu de la communication n’est pas capté, seulement l’emballage, les données des contacts. S’il faut trouver l’aiguille, connecter des personnes, dégager des modes de comportement, on décortiquera la meule pour fondre sur les suspects. Un juge ad hoc en donnera la permission. Bien-sûr on critiquera qu’il fait partie de la maison.

NSA ne s’occupe pas de M. Schrems, l’étudiant qui a porté plainte, et qui pourrait se trouver dans la meule. Il n’est pas assez important pour eux. L’étudiant militant continuera sans doute d’aller de guichet en guichet pour embarrasser, par rafales de plaintes judiciaires, d’autres grands de l’internet qui sont pratiquement tous américains. Avec sans doute aussi et toujours NSA et Edward Snowden comme argument à l’appui. Ira-t-il s’occuper de Baidu, le Google Chinois, ou Ali Baba, l’Amazon chinois ? Probablement pas plus que Wikileaks ne s’attaque à la Chine ou la Russie, car le joli bras d’honneur n’y est pas sans danger.

Entretemps si Face Book vous fait trembler pour votre vie privée, mais que vous avez l’habitude de faire vos courses au Supermarché en payant avec votre carte de crédit, sachez que ce magasin sait autant sur vous et même plus que FB. Ce magasin pourrait avec grande précision prédire quand vous achèterez de nouveau du papier de toilette. Et en déduire des conclusions pour son marketing, si vous n’en achetez plus. Votre vie privée de tous les jours est plus menacée par vos marchands locaux que par les communications internationales et par NSA.

NSA, SREL, SRV, Unité 61398

Il n’y a certainement pas un manque de services secrets qui opèrent aussi massivement et avec moins de règles de conduite que NSA. La Fédération Russe a ses deux agences de Sécurité et de Renseignement, le FSB et SVR. Elles sont connues pour leurs bonnes technologies et leurs intrusions dans les systèmes américains et européens. Les hackers très officiels de l’Armée de Libération du Peuple de Chine sont notoires. Son Unité 61398 à Kunming travaille avec Naikon, une communauté de hackers. Leurs cibles sont de multiples gouvernements et c’est un organe de guerre électronique. Des intrusions répétées sont rapportées sur le réseau de l’énergie électrique américain, dans un but de répétition générale pour un sabotage futur. Il est évident qu’un collapse du réseau électrique mettrait à genou une économie avancée. Ces intrusions sont source de tensions ouvertes entre Washington et Pékin.

Et il y a bien d’autres services de ce genre : Citons ceux de l’Iran, d’Israël, de la Corée du Nord, et tous les autres BND et MI5. Et rappelez-vous qu’un client de Hacker Team, le développeur de logiciels d’espionnage italien compte parmi ses clients  … le Luxembourg. Officiellement et étonnamment l’Administration des Contributions (!) pour vous espionner ? Pour vous dire, que si ces agences veulent savoir quelque chose sur vous, ou sur des secrets industriels ou militaires, ils l’obtiendront. Ce n’est pas la culbute de Safe Harbor qui vous protègera mieux. Si par protection des données privées vous comprenez aussi le secret bancaire, sachez que le trend là aussi est vers la transparence et même l’échange de données. Et le danger que votre banque voie ses secrets embarrassants, voire criminels, dévoilés par un agent secret est infiniment plus petit que par un de ses propres employés, qui sera tantôt criminel pour la banque ou héros pour le grand public.
Où sont, après le jugement de la CJUE, les bons et les mauvais ? C’est une jungle.

Hervé, Bradley, Denis, Antoine, Klaus et Monsieur X

La CJUE vient donc indirectement de célébrer Edward Snowden comme grand bienfaiteur de l’UE. Cela ne peut que lui conférer le statut de whistleblower. Au grand dam des Etats-Unis, il est accueilli les bras ouverts en Chine, en Russie et célébré en Europe ? Donc il est traitre aux Etats-Unis et héros partout ailleurs, y compris au Luxembourg. La Schadenfreude est grande aussi, mais elle est symptôme de schizophrénie.

En effet nous pensons volontiers à l’envers dans les cas plus proches de nous. L’autre jour TV 5 Amérique a diffusé un film, « L’enquête ». C’est la version cinéma de « Révélation$ », les recherches du journaliste français Denis Robert sur les comptes opaques de la chambre de compensation CEDEL devenue ensuite Clearstream. Suite à ses révélations, Denis Robert a passé un mauvais quart d’heure, ou plutôt 10 ans de harcèlement judiciaire orchestré avec des dizaines et des dizaines de procédures judiciaires lancées contre lui au Luxembourg, en France et en Belgique depuis 2001, dans le but évident de le détruire. Car on ne gagne pas contre la banque. En 2011, il a été blanchi par un jugement de la cour de cassation en France.

Après cet acharnement judiciaire, le Luxembourg devient curieusement coproducteur avec la France et la Belgique du film « L’enquête » réalisé par Samsa Films de Luxembourg. Le « Fonds National de Soutien à la Production Audiovisuelle du Grand-Duché de Luxembourg » figure en grande évidence au générique. Ce support, est-ce manifester du regret pour les torts du passé, est-ce du cynisme ou est-ce un symptôme d’un désordre de la pensée ? Cela dépend du repère. Mesuré à Edward Snowden le héros des juges, Denis Robert est d’abord traité en criminel, puis réhabilité et ses souvenirs finissent par valoir un sérieux subside pour un film. Mesurant Antoine Deltour, employé de PwC qui est à l’origine de Luxleaks, à Denis Robert, il se dessine la même carrière pour celui-ci pour les 10 années à venir : poursuites pénales d’abord, puis une vague réhabilitation dans l’oubli.

Pour Hervé Falciani, la classification Suisse est nette : c’est un criminel recherché internationalement.  L’ex-employé de HSBC à Genève avait copié des listes de plus de 100.000 clients de la banque sur un CD, pour le vendre dit-on à des gouvernements, et le procurer aussi au gouvernement français pour former la base de la fameuse Liste Lagarde de fraudeurs du fic. Pour la  Suisse un crime a été commis. Falciani ne se rendra pas en Suisse. Même pas aux Etats-Unis qui, comme d’autres états le déporteraient immédiatement vers la Suisse sur base d’un mandat d’arrêt international, alors même que ces gouvernements ont volontiers consulté son CD. Par contre Falciani est appelé le « Edward Snowden de l’évasion fiscale » par ses supporters.

Plus net était le sort de Klaus Lins, informaticien autrichien qui au Liechtenstein a dérobé les données de clients de la fiduciaire Herbert Batliner, surtout des « Stiftungen ». Il a été fêté comme un Robin Hood d’abord, et est un homme ruiné aujourd’hui, qui a écopé de 6 mois de prison en Autriche. Il n’a pas vendu ses informations, mais logé des accusations diverses et de taille sur l’opération au Liechtenstein.

La quadrature du cercle a certainement été le cas de Bradley Birkenfeld. L’affaire porte son nom en Suisse, et a constitué une grande brèche dans ce plus vieux sanctuaire de l’évasion fiscale. Birkenfeld qui avait soulevé des objections contre la facilitation de l’évasion fiscale des clients américains, a été débouté par son employeur, l’UBS. Il a ensuite dénoncé la pratique et les noms des clients aux autorités américaines qui l’ont à la fois condamné pour ses activités à 40 mois de prison, et l’ont récompensé de USD 104 millions payés par le IRS (Administration des Contributions) Whistleblower Office sur base de la législation US sur le whistleblowing, qui récompense les alerteurs. Un héros criminel en quelque sorte. L’IRS a récupéré USD 10 milliards en impôts et amendes, et UBS a payé une amende d’USD 780 millions.

Encore plus près de chez nous il y a X, Monsieur ou Madame, pour compléter notre galerie de portraits. X aurait vendu des données bancaires provenant de la BCEE, qui porte plainte contre X, et « la BCEE rappelle que ses pratiques commerciales sont et ont toujours été conformes aux exigences de la réglementation bancaire luxembourgeoise et européenne applicable [sic]. »

Quelle étiquette faut-il coller à X, héros ou criminel ? Et au receleur allemand ? La réponse est que cela dépend du moment, de l’endroit, et du stade d’avancement de la crise. Soit on le condamnera comme criminel, le réhabilitera beaucoup plus tard, ou au contraire on le fêtera comme héros. Il est clair aussi que notre galerie de whistleblowers a changé chaque fois la banque en forçant l’éthique et la transparence. Leur action va de pair avec des législations sur la transparence des gouvernements, généralement connus comme « Freedom of Information » ou FOI, sauf au Luxembourg où la loi Bodry sur l’accès à l’information est en souffrance depuis presque 15 ans.

La justice assise, entre deux chaises

Les juges de la CJUE sont-ils à contre-courant de l’évolution en célébrant la transparence de Snowden et la confidentialité des données personnelles? En fait on va vers l’érosion du secret d’état et à celle de la confidentialité personnelle.
Le secret d’état, centenaire, fond sous les coups de FOI. La sphère privée, invention citadine plus récente, se rétrécit bon gré mal gré par l’omniprésence de technologies, le besoin de sécurité, et le simple besoin de communication. Ainsi nous avons protesté les caméras de surveillance avant de concéder qu’elles préviennent des crimes ou aident à les résoudre. Nous nous soumettons à la prise de nos empreintes digitales, et perdons notre temps dans les lignes de sécurité aux aéroports. Et comme M. Schrems, nous n’avons aucun problème à mettre nos données personnelles sur FB ou sur la carte de garantie du nouveau fer à repasser. Je me revois dans mon ancien village, où chacun savait tout sur chacun. On se livrait soit spontanément, soit on était l’objet du « Beschass ». Personne ne pouvait cacher grand-chose, même pas le curé.


Dans cette évolution la CJUE a pris la décision de protéger une ambition politique et peut-être utopique, celle de protéger les données personnelles en invalidant Safe Harbor.  En ce faisant, elle a érigé des obstacles nouveaux pour startups et innovateurs de l’internet de tout genre qui auront très difficile financièrement à se conformer aux nouvelles restrictions.  La Cour a aussi atomisé la politique européenne de la protection des données en 28 parcelles qui risquent des conflits d’interprétation entre eux. Il est urgent que l’UE et les USA remettent Safe Harbor à flot. La politique devra prévaloir sur les phantasmes de la paranoïa. 



Thursday, July 12, 2012

Au Stade National de Livange, il n'y aura pas de BCEE.


 Mir brauchen e bësschen méi Liicht! Photo: ET

Les absents ont toujours tort.

Y a-t-il quelque chose de pourri au Luxembourg? Une institution, la Banque et Caisse d'Epargne de l'Etat, ou BCEE,  vient de faire un bras d'honneur à une autre vénérable institution, la Chambre des Députés.  Le directeur général de la BCEE, Monsieur Finck, invité pour venir témoigner devant la Commission des Finances au sujet de l'affaire Livange, a refusé de paraître, selon une lettre signée par l'équipe entière du Comité Exécutif, invoquant le secret bancaire. C'est évidemment un argument fallacieux, car paraître devant la commission et violer le secret bancaire sont deux choses bien distinctes. Le sophisme utilisé ne trompe pas sur la volonté de se soustraire à des questions délicates, qui probablement ne mettraient pas le secret bancaire en péril. Et de nouveau, on ouvre la voie à toutes les spéculations. L'espoir est sans doute de faire mijoter un dossier empoisonné pendant tout l'été, en espérant qu'il sera oublié à la rentrée. Ce n'est pas particulièrement astucieux.

Construire un stade dans le pré, c'est le bonheur, mais c'est compliqué

Surtout si le pré est une zone d'inondation en pleine zone verte protégée, a dit le Méco. Bof, on aurait pu passer outre, comme d'habitude, si seulement ce grain de sable n'avait pas fait grincer la machine si admirablement pilotée jusque-là. Des deux projets concurrents, Wickrange et Livange, le premier a été éliminé par discrimination, carottes et bâtons à l'appui dit-on. Et du coup la gentille petite protestation du Méco a dévoilé le château de cartes que nous connaissons ou plutôt que nous commençons à découvrir. 

L'argent fait le bonheur, mais obtenir un prêt à la BCEE, c'est compliqué

Dans mon ancien village de Beckerich, quand j'étais enfant, j'ai souvent entendu les anciens dire cette phrase pleine de sous-entendus et d'admiration respectueuse: "Hien huet een Décken an der Hand." C'est intraduisible, et même aujourd'hui je ne puis imaginer ce que ces braves gens savaient, mais au moins une chose est explicite. L'expression suggère qu'il vaut mieux être bien connecté, pour qu' une demande ou un projet quelconque ait une chance d'aboutir.

Heureusement pour Monsieur Rollinger, après avoir passé un mauvais quart d'heure parait-il, s'est vu bien connecté malgré lui. Quelle chance, comme il lui fallait 16 millions d' Euros pour que tout ce machin tourne dans le sens du tourniquet mis en place par ses nouveaux amis. Monsieur Becca pouvait aider avec la BCEE. C'est ce que Monsieur Becca a raconté. Facile, le directeur général de la BCEE, Monsieur Finck, est son bon ami aussi et est même membre du conseil d'administration de Lynx, une société appartenant à Monsieur Becca. Attention, ne faites pas la confusion entre BECCA et BCEE.

A partir de là, suivez bien la narration surréaliste notée au fil des événements: Nous apprenions d'abord qu'il n'y avait aucune intervention du gouvernement auprès de la BCEE pour un prêt à quiconque. Ce n'était pas nécessaire, car la BCEE n'avait fait de prêt à personne en connexion avec Livange? C'est Finck qui l'a dit en octobre. Par contre, pour s'enquérir si ce prêt, qui n'existait pas, avait été accordé à des bonnes conditions, Monsieur Halsdorf, Ministre de l'Intérieur et à la Grande Région, a téléphoné à Monsieur Finck. Cela a duré 10 secondes. Monsieur Halsdorf, sachant bien sûr que le prêt n'existait pas, s'est contenté de la réponse laconique de Monsieur Finck: les conditions du prêt qui n'existait pas, étaient bien les conditions normales de la BCEE. Nous apprécions tous que le Ministre n'ait pas abusé de sa position pour contraindre Monsieur Finck à améliorer les conditions d'un prêt qui n'existait pas. Reste encore cette question: comment Monsieur Finck savait-il que c'était bien le ministre au téléphone et pas un imposteur qui voulait violer le secret bancaire? Comment Monsieur Halsdorf savait-il en 10 secondes qu'il parlait à Finck et non à son répondeur? Tout ceci vaut un sketch de Raymond Devos.

Si vous voulez le savoir: le secret bancaire, c'est compliqué!

Un beau jour, notre Chambre des Députés, souveraine, a doté le pays du secret bancaire. Ayant également une responsabilité de surveillance, il est un peu troublant qu'une banque de la place refuse de paraître, suite à un convocation de ce même Parlement. Même si la lettre permet un tel refus, l'esprit ne le permet pas. C'est encore plus déconcertant s'il s'agit de la banque de l' Etat. Car en effet, paraître est une chose. La parution ici est apparentée à la politesse sinon elle est aussi synonyme de devoir de fonctionnaire. Paraître et ne pas répondre à une question pour ne pas violer un présumé secret bancaire est tout à fait autre chose.

Je maintiendrais volontiers que cette attitude est une insulte à la Chambre des Députés d'abord. Toute la Chambre réunie a voté pour exactement ce compromis, c.à.d. d'entendre des témoins au niveau des Commissions parlementaires, au lieu d'une Commission d' Enquête. Monsieur Finck a déjà été entendu dans les mêmes circonstances en automne 2011, sans invoquer le secret bancaire. Il ne l'a pas invoqué non plus pendant l'appel téléphonique de Monsieur Halsdorf. Dans le cadre des récents accords sur la double imposition du type OECD, nous communiquons des détails financiers sur demande aux autorités et administrations étrangères, en faisant exception du secret bancaire. Nos banques ont signé des exceptions similaires au secret bancaire avec les Etats-Unis dans le cadre des programmes  "Qualified Intermediary" et bientôt "FATCA". Comment ce secret bancaire, troué comme une passoire, peut-il être érigé en obstacle par la BCEE aux questions des représentants du peuple?

Les questions à poser par la Commission des Finances, selon l'état actuel du dossier, n'ont probablement rien à voir avec le secret bancaire. Le secret en ce cas est en plus un secret de polichinelle, car rarement a-t-on vu un tel déballage de détails financiers sur la place publique, par les intéressés Rollinger et Becca eux-mêmes. Pour éviter toute crainte de fuite, le témoignage aurait pu se prendre à huis clos, surtout que les députés et fonctionnaires présents sont eux-mêmes sous serment. 

Reste que le refus de la BCEE, signé par les cinq membres du Comité Exécutif est essentiellement un papier "politique", une dérobade qui met en question sa crédibilité, sinon son savoir-faire politique. Pourquoi cette dérobade à cinq signatures, alors que la banque est normalement engagée par deux signatures? Est-ce pour répandre une responsabilité parmi le plus grand nombre? La BCEE n'a rien à gagner par cet affront au Parlement. Les pourtours de cette attitude défiante sont tels qu'un autre Ministre, Monsieur Frieden, est sollicité pour assurer que les employés sous ses ordres  coopèrent avec un maximum de transparence avec nos élus. Sans doute faudrait-il dorénavant entendre les cinq signataires, un à un.
                                                   
Au moment où droits et devoirs des fonctionnaires et en fait de tout porteur d'un titre officiel sont sur la sellette ici, il m'a paru bon de combler une lacune, en proposant un code de déontologie, promis depuis si longtemps par d'autres. Je n'ai pas de grand mérite cependant.  C'est un vieux document que j'ai traduit librement de l'anglais, et que vous pourrez étudier pendant les vacances.  Tout le monde sera interrogé à la rentrée!

Code de déontologie des services du gouvernement des États-Unis. Pas compliqué

Adopté Juillet 11, 1958

Il est résolu par la Chambre des Représentants en concordance avec le Sénat, qu'il est le sens du Congrès que le code d'éthique doit être respecté par tous les employés du gouvernement, y compris les titulaires d'une charge.

CODE DE DEONTOLOGIE DU SERVICE DU GOUVERNEMENT

Toute personne au service du gouvernement devrait:
1. Mettre sa loyauté envers les plus hauts principes moraux et le pays au-dessus de la fidélité aux personnes du gouvernement, des partis, ou des ministères.
2. Respecter la Constitution, les lois et règlements juridiques des États-Unis et de tous les gouvernements qui y sont et ne jamais être une partie pour les  évader.
3. Donner une journée de travail entière pour un salaire d'une journée entière; donnant à l'exercice de ses fonctions son effort sérieux et ses meilleures compétences.
4. Chercher à trouver et à employer des moyens plus efficaces et plus économiques pour l'accomplissement des tâches.
5. Ne jamais discriminer injustement par la distribution de faveurs ou de privilèges spéciaux à toute personne, que ce soit pour une rémunération ou non, et ne jamais accepter pour lui-même ou sa famille, des faveurs ou des avantages dans des circonstances qui pourraient être interprétées par des personnes raisonnables comme influençant la performance de ses fonctions gouvernementales.
6. Ne jamais faire des promesses privées de toute nature ayant un caractère contraignant sur les devoirs de sa charge, puisqu'un employé du gouvernement ne peut avoir de mot privé qui peut être contraignant pour le service public.
7. Ne pas s'engager dans aucune affaire avec le gouvernement, soit directement ou indirectement, qui est incompatible avec l'accomplissement consciencieux de ses fonctions gouvernementales.
8. Ne jamais utiliser une quelconque information obtenue en toute confidentialité dans l'exercice de fonctions gouvernementales pour faire des profits privés.
9. Exposer la corruption partout où elle est  découverte.
10. Défendre ces principes, en étant toujours conscients du fait que la fonction publique est un bien public.

[Source: Chambre des Représentants américaine Comité d'Ethique]

Pour finir, je lis que Monsieur Biever, Procureur d'Etat aurait remis un rapport d'enquête préliminaire, en expliquant qu' un Ministre ne pourra être inculpé que par la Chambre des Députés. Nous ne savons s'il ya motif pour cela, mais retenons notre souffle. Parce que je sais que si le ministre a un "Décken an der Hand", cela n'arrivera pas. J'en ai fait l'expérience.  J'ai porté plainte pénale moi-même contre quelques malfrats il ya huit ans (tiens, déjà!), et malgré des inculpations, il n'y a pas de fin en vue.  Je suis à la recherche moi-même maintenant d' un "Décken an der Hand". Mais me voilà douteux: que faire si leur "Décken" est plus gros que mon "Décken"?

Bonnes vacances.

Tuesday, October 11, 2011

Au Stade National de Livange: Le Luxembourg bat le FOI 5-0



"Trois personnes peuvent garder un secret, si deux d 'entre elles sont mortes" (Benjamin Franklin)

Le 20 juin de l'an 2000, le député Alex Bodry déposa la "Proposition de Loi concernant la liberté d'accès à l'information" (1). Le Luxembourg allait enfin rejoindre la toute grande majorité des pays démocratiques, embrassant les principes mondialement connus sous la dénomination "Freedom of Information", ou FOI, et qui consacrent le droit du public de savoir. En pratique la loi créerait une obligation pour le gouvernement et les administrations publiques et parapubliques de fournir endéans les 2 mois tout document demandé par le public. A l'étranger, c'est surtout la presse qui use de ce droit pour se procurer tout document et toute correspondance officielle pour les besoins de ses investigations journalistiques.

FOI à la luxembourgeoise

Onze ans et 4 mois plus tard, cette loi n'est toujours pas adoptée!  La Mongolie et le Nigeria viennent de passer la leur. Quel joli consensus national que de faire trainer cette chose appelée transparence, que personne ne semble vouloir. Par contre, les directives européennes en matière financière voient une transposition en loi luxembourgeoise en un rien de temps, business oblige, tandis que le droit du public de savoir peut attendre. Le Luxembourg, pays le plus riche du monde, brille ainsi par son obstination de tronquer l'ouverture et la communication. Selon l'organisation internationale "Access Info" (2), seuls Chypres et l'Espagne font encore partie de ce club des opaques dans l'Union Européenne.

Dans l'exposé des motifs de sa proposition de loi, le rapporteur Alex Bodry note: "De nos jours le processus de décision ne peut être le fruit de procédures opaques, mûries dans le cloisonnement de l'Administration, décisions prises à huis clos à l'insu de ceux qui sont directement concernés." A en juger par ce retard sinon le sabordage de la proposition de loi, elle fait sans doute l'objet d'un concept hautement indésirable pour notre gouvernement. La solution est dès lors de laisser le projet mijoter jusqu'à l'oubli.

Les barbares dans le temple secret, ou un projecteur en pleine chambre noire.

Quel sacrilège dès lors quand le Mouvement Ecologique, MOUVECO, vient déranger cette conspiration feutrée en éclairant de tous ses feux d'abord un processus de décision opaque et une lettre signée par trois ministres, dont le Premier Ministre, et adressée à des intérêts particuliers. Incroyablement, cette lettre est classée "très confidentielle" pour la soustraire à l'examen du public. Benjamin Franklin serait ravi. Cette lettre représente donc bien une décision prise volontairement à huis clos, à l'insu du public.

Le MOUVECO s'est ainsi positionné en agent de révélation pour dévoiler une face cachée dans un débat public. Il a attiré l'attention du public luxembourgeois, généralement pas dupe mais tolérant-bof et cynique vis-à-vis du "système", sur le caractère illégal et inadmissible de la trame qui s'est tissée. Cette fois-ci, au-delà du fatalisme coutumier et des blagues de circonstance, le public voudrait des réponses. Hélas, la loi concernant la liberté d'accès à l'information fait défaut pour obliger les responsables publics et parapublics à les fournir et d'en finir avec la mascarade.

Cette crainte de la lumière du jour est un état de fait dans l'écosystème luxembourgeois. Elle est décrite également dans l'exposé des motifs par: "les réticences de certains milieux de la société luxembourgeoise d'admettre vraiment un droit à l'information complet et un droit d'ingérence du public dans le domaine des affaires publiques." Une réminiscence féodale donc. Et de conclure: "Dès lors, à l'instar du droit communautaire et de nombreuses législations étrangères, notre droit national doit enfin reconnaître explicitement le droit à l'information détenue par les autorités publiques ou parapubliques. La présente proposition de loi entend consacrer ces droits fondamentaux de tout citoyen dans un Etat de droit qui se veut démocratique." C'était il y a onze ans et quatre mois.

La dérive

Mais voilà, entretemps nous évoluons vers le contraire, et Livange en est une démonstration. Questionnées, les autorités publiques pratiquent l'esquive, les parapubliques l'exception et la menace de poursuites. Nous sommes en pleine dérive, en fait en plein délire. La crédibilité de nos institutions est en jeu, à cause de l'absence de transparence et de son corollaire, du droit d'accès à l'information. En fait nos institutions sont en zone de danger et la méfiance du public est en croissance.

Certes le Parlement tente aussi bien que mal de jouer son rôle de surveillance du gouvernement en posant des questions aux ministres (du latin minister, serviteur), dans des dossiers comme Livange. Au-delà des "c'est pas moi, c'est lui, connais pas, les autres l'ont fait aussi" parmi d'autres excuses et assurances, le public sera difficile à convaincre. Il faut en effet expliquer que des drôles de hasards aient aligné des initiatives, des circonstances et des acteurs d'une certaine façon, mais  que les choses ne sont pas du tout ce qu'elles paraissent être. D'esquive en esquive, d'obstruction en obstruction se nourrissent des soupçons, des spéculations, des accusations, basés sur les simples perceptions. Elles sont nourries par la volonté documentée de garder le secret et le refus de communiquer les faits. Il faut se rendre compte que l'on a dépassé dans le contexte Livange le simple niveau d'un jeu de questions-réponses. Les protagonistes se trouvent effectivement dans une phase ultérieure, le "damage control", qu'ils le veuillent ou non.  Et le "damage control" est un art et une science, qu'on soit faussement accusé ou en train de vouloir minimiser l'inavouable. En tous cas, le quatrième pouvoir, la presse, n'a pas été convaincue. Elle ne dispose pas des faits et des preuves pour être convaincue que tout ce cirque est une tempête dans un verre d'eau.

Le quatrième pouvoir, ligoté, doit spéculer   

Le public a le droit de savoir. C'est le moment d'appliquer ce grand principe démocratique, même
si l'on a choisi de renoncer ou d'escamoter une législation sur le libre accès à l'information. A défaut, la presse, qui le plus souvent est le vecteur d'investigation et de communication de cette information, ne peut être tenue à rapporter des faits. Elle n'a pas accès à ces informations. Au mieux, elle ne pourra que rapporter les rumeurs, à la grande exaspération des gardiens du secret. Mais comment lui faire des reproches, alors que les moyens d'investigation démocratique sont déniés?

C'est donc l'occasion d'appliquer maintenant et délibérément, au nom de la transparence, les provisions de la proposition de loi égarée. Même si elle n'a pas force de loi, elle fournit la guidance pour informer le public et répondre aux questions. D'ailleurs si par impossible cette proposition devait être reconsidérée par le législateur, il faudra la revoir pour l'adapter à l'après-Wikileaks et pour prévoir des sanctions sévères pour les refus de produire des informations, la destruction de documents ou leur falsification, comme cela existe dans les autres juridictions. Pour ne citer que l'exemple américain, où un banal "hearing" devant une commission parlementaire se fait sous serment, et celui qui se fait attraper en plein mensonge, à n'importe quel grade, se fait durement punir. L'exigence d'un code de déontologie pour politiques et fonctionnaires exigé par certains élus est évidemment nécessaire pour avoir des paramètres pour mesurer les incidents et le degré de "malgoverno".

Pssst! Ceci reste entre nous!

Pour finir, je voudrais partager un secret, une très bonne nouvelle, mais cela doit rester strictement entre nous deux, vous et moi: j'ai bon espoir que si le stade se construit, le club de foot parisien PSG, qui appartient à 70% au Qatar, viendra jouer à Livange. On les fera jouer contre la nouvelle équipe professionnelle luxembourgeoise qu'on appellerait Léopard? J'ai aussi bon espoir que vous et moi, nous serons invités, à la loge!

(1) Document 4676/00, Chambre des Députés: