Monday, November 30, 2015

COP 21 nous chauffe les oreilles. La guerre sur le climat


On a identifié le coupable du Climat. Photo ET










































COP 21 nous chauffe les oreilles. La guerre sur le climat

Sous nos yeux se déroule ce qui sera peut-être classée un jour comme la plus grosse fraude de tous les temps, la guerre contre le CO, culminant dans le concept de « Justice Climatique ». Cette justice déclarera des victimes et des vilains qui payeront les victimes. C’est ce qu’on appelle un dysfonctionnement cognitif, l’impossibilité d’acquérir une compréhension approfondie de phénomènes qui nous entourent, et devant cette incompréhension et l’incertitude voire la peur que cette incompréhension engendre, faire le bond vers des décisions nées de l’hystérie collective qui a été provoquée. Ne nous trompons pas, cette perception d’une menace est bienvenue pour beaucoup de gouvernements.

Ainsi 40 à 50.000 participants se réunissent à Paris pour participer à la grand-messe de la nouvelle religion qui est assez œcuménique pour être récupérée par toutes les religions. Ces apôtres réunis produiront des centaines de milliers de tonnes de CO pour fustiger un coupable imaginaire.
Voici en tant que repère un article publié en décembre 2009. Il est resté d’actualité presque tel quel. Les seules corrections à y apporter sont le fait que malgré les prédictions, les glaces de l’Arctique n’ont pas complètement disparu en 2015, au contraire. Et le Président du GIEC, Rajendra Pachauri, a dû démissionner pour cause de chaleurs excessives.

Et ainsi, la Conférence va s’évaporer après deux semaines avec des accords plus ou moins contraignants formellement, et tout le monde fera selon ses désirs. J’espère que cela n’inclut pas une obligation de payer pour la « Justice Climatique », l’ultime fraude, mais une sorte de directive pour combattre la pollution.





Wednesday, November 25, 2015

Jean-Claude Finck ne prolongera pas à la Banque et Caisse d’Epargne de l’Etat, (BCEE)


Galerie Am Tunnel, Naples, Florida. Photo ET




















Jean-Claude Finck ne prolongera pas à la Banque et Caisse d’Epargne de l’Etat, (BCEE)

Jean-Claude Finck, Directeur général de la BCEE depuis 2004 ne prolongera plus. Il partira à la retraite le 1er février 2016, dans 2 mois. Les initiés pourront faire la correction si le verbe « prolonger » est adéquatement utilisé dans sa forme active, ou si la forme passive reflète plus la réalité. En effet des rapports de presse faisaient écho d’un limogeage. Le communiqué de la BCEE, maladroit en ce sens, invite à l’incrédulité en révélant qu’il s’agirait d’une décision vieille de plus d’un an.

Finck, qui était un protégé de Jean-Claude Juncker et de Luc Frieden a succédé à Raymond Kirsch qui lui était d’obédience socialiste. Il a été trésorier du parti à un certain moment. Au contraire de Kirsch, plus entreprenant, Finck essayait de tenir un profil plus bas. Ce qui normalement est une précaution pour garantir la longévité, mais une garantie qui n’exclue pas les accidents de parcours qui viennent avec une visibilité soudaine et indésirable.

Ainsi l’on n’oubliera jamais la délicieuse histoire du rêve de Finck, pendant lequel il déclarait avoir revécu une conversation téléphonique qu’il avait eue auparavant avec le Ministre Jean-Marie Halsdorf au sujet d’un prêt de la BCEE à l’entrepreneur Flavio Becca. Il a pris note immédiatement des détails de la conversation, et c’est ainsi que nous avons eu la preuve irréfutable qu’il n’y avait aucune pression ministérielle ni aucune collusion pour l’octroi de ce prêt critique. Le bon peuple ébahi apprenait aussi que Becca avait acquis la maison familiale de Finck, et qu’il la louait a Lucien Lux, ministre et membre du gouvernement Juncker. Faut-il ajouter que Finck, dont la BCEE avait accordé des lignes de crédits importants à Becca, siégeait au Conseil d’Administration d’une de ses sociétés ?

Depuis régnait un calme relatif jusqu’au jour où la rumeur de l’existence d’un CD dans les mains du Land allemand de Rhénanie-Westphalie venait perturber la quiétude. C’est comme qui dirait gênant et le gouvernement luxembourgeois, propriétaire a 100% de la BCEE, pour sûr « is not amused ». Tenez cela me rappelle…

En attendant la tempête allemande qui se développe, on doit bien-sûr aménager de façon interne les parties visibles et invisibles du fiasco, pour limiter les dégâts. Et le tabloïd de Jean Nicolas, que soi-disant personne ne lit jamais au grand jamais, s’embarque sur la piste d’une connexion inavouable entre la BCEE et la banque privée CBP Quilvest.

En prenant sa retraite au jeune âge de 60 ans, Finck laissera beaucoup, beaucoup d’argent sur la table. D’aucuns ont calculé une manne annuelle estimée à plusieurs millions d’Euros, provenant d’une cinquantaine de conseils d’administration en y incluant ceux des fonds de la BCEE.

Il aura été le champion des fonctionnaires siégeant aux CA de sociétés privées, selon la pratique hautement répréhensible promue et tolérée par le gouvernement. Nul doute qu’on trouvera le candidat le plus hautement qualifié pour s’emparer de cette manne si généreusement laissée par Finck à son successeur.


Et de trois.





Thursday, November 19, 2015

Jean-Claude Juncker comme syrien était


Qu'il est doux de ne rien faire,
quand tout s'agite autour de soi. Photo ET
























Jean-Claude Juncker comme syrien était

Les méandres du Junckerisme ne supportent pas la mémoire longue, que dis-je, courte non plus.

Le 8 mars 2015, Jean-Claude Juncker, Président non-élu de la Commission Européenne a partagé son idée de génie : nous avons besoin d’une Armée Européenne pour dissuader la Russie de Poutine. L’idée a sombré dans les fou-rires de ses copains au Parlement Européen. Juncker est un champion quand il s’agit de mettre la charrue devant les bœufs, c.à.d. créer des agences et institutions d’un état européen avant de créer un état et son gouvernement européen. On connait les résultats de telles disjonctions dans la pensée : l’Euro qui fonctionne tant bien que mal dans sa propre orbite, et la Politique étrangère commune qui a produit une gentille présence pour les Sommets. Parlons-nous d’une Armée sans pouvoir central, en autopilotage comme l’Euro ? Quoiqu’avec 1,5 millions d’hommes sous les armes (les Etats-Unis 500.000 pour l’ordre de grandeur), l’Europe projetterait de la puissance. Mais c’est un gâchis, les budgets se limitent grosso-modo aux salaires dans la plupart des pays. Pour combattre au Mali, l’on appellera soit Obama soit Uber pour le transport. De toute façon, la Commission n’a plus rien à dire en ce moment. Elle écoutera Merkel et plus récemment Hollande. Nous n’aurons donc pas d’Armée européenne sans ce super état européen, et c’est tant mieux : comme ancien soldat, la dernière horreur que je voudrais voir, serait une Armée Européenne commandée par un Comité d’avocats présidé par Juncker

Le 19 mars, Juncker a expliqué que « nous n’aurons jamais des Etats-Unis d’Europe ». Sans doute est-ce du génie créatif, sinon destructeur issu d’une collision de méditations transcendantales. Il trahit ainsi l’esprit sinon la lettre du Traité de Rome, qui vise à « établir les fondements d'une union sans cesse plus étroite entre les peuples européens ». Si cet énoncé n’est pas clair, ce serait une belle charge pour ce nouveau Président de la Commission de nous éclairer une fois pour toutes. Ce serait sans doute son unique accomplissement. Le reste lui sera dicté. A moins que notre homme et avec lui les ténors de l’Europe se décident pour « plus d’Europe ». Ce serait ravaler sa langue.

Le 9 octobre, la BBC rapportait que Juncker a déclaré que l’Union Européenne doit améliorer ses liens avec la Russie. Ah bon ? Et la dissuasion alors, souhaitée en mars? Selon Juncker, « l’UE doit restaurer une relation pratique avec la Russie, et ne pas laisser les Etats Unis dicter cette politique ». Jean-Claude Juncker critiquait le Président des Etats-Unis Barack Obama pour avoir décrit la Russie comme un « pouvoir régional ». « La Russie doit être traitée avec décence » a dit Juncker. Il ne doit pas s’en occuper, c’est fait à son insu : le Président Hollande est en charge, et en guise d’Armée Européenne, il a forgé une alliance militaire avec la Russie pour combattre ISIS. Lui au moins a su réaliser un bond dans sa cote de popularité. Il est vrai qu’il s’est présenté comme étant à la hauteur du défi et comme Homme d’Etat dans la crise. Et qui sait, on reviendra peut-être à l’Europe de l’Oural a l’Atlantique. On mettra la Commission au courant quand ce sera fait.

Aujourd’hui le 19 Novembre, Juncker a vraiment connecté les points manquants en critiquant les services secrets européens: il faut une collaboration plus étroite des services secrets européens. Je sais par expérience à quel point c’était difficile d’amener les services secrets européens à partager les listes des « indésirables », un sous-ensemble infiniment petit du Renseignement, pour le système des Visas Schengen. Juncker lui-même a perdu son job parce qu’il était le chef du service de renseignement luxembourgeois SREL, ce qui lui valait de présider à un bon petit scandale a la luxembourgeoise dudit SREL. Pour ce qui est de sa nouvelle proposition, je propose donc d’atteler la charrue devant les bœufs encore et encore, et de créer immédiatement Eurospy sous son experte  présidence. Surtout que la Cour de Justice de l’Union Européenne vient de défaire avec l’aide d’Edward Snowden l’accord « Safe Harbor » sur la protection des données personnelles, tricoté par la Commission il y a quinze ans. Ainsi Juncker pourra recoller les morceaux de  l’éclatement du renseignement européen en 28 particules qui en résulte. Et argumenter qu’en outre cette entreprise n’a pas seulement besoin d’un tube de colle, mais d’un vrai état européen. On n’aura donc pas Eurospy.


En attendant, notre Président désœuvré a meublé ses heures de loisirs par un « nostalgy-trip », en invitant le Grand-Duc pour une visite de son quartier général à Bruxelles : c’était une belle journée. Beaucoup de généraux, pas de soldats. Il y a certes eu une innovation protocolaire ; l’accueil tout en étant chaleureux, était désespéramment  classique. Pas d’embrassade, de tapes dans le dos, de caresses du ventre. Même pas de gifle. Mais doit-il vraiment tutoyer le Grand-Duc en public ?




Tuesday, November 10, 2015

Protection des données, transparence, sonneurs d’alerte : c’est un délire


"Safe Harbor"? Golfe du Mexique. Photo ET




















Protection des données, transparence, sonneurs d’alerte : c’est un délire

L’évolution des technologies de l’information et le commerce électronique multiplient les exemples de paranoïa quant à la protection des données. Le droit à la vie privée est certes une question d’importance, mais qui de plus en plus souvent se définit par un grand écart : ce qui vaut pour l’individu ne vaut pas pour les gouvernements, et vice-versa.

La Cour de Justice de l’Union Européenne, CJUE, a récemment pris son flambeau activiste pour invalider « Safe Harbor », un cadre US-UE pour la protection « adéquate » des données personnelles. C’est une décision politique à plus d’un titre. D’abord le pouvoir judiciaire invalide des décisions de l’exécutif européen sur la réciprocité de la protection des données personnelles avec les USA. Puis elle se livre à la guéguerre culturelle : Safe Harbor est un compromis entre deux cultures. Les Etats-Unis privilégient sans doute la sécurité sur le droit à la vie privée. L’Europe semble faire l’inverse, mais c’est à voir. En tous cas, le jugement de la CJUE amalgame espionnage et protection des données, vie privée et transparence et droit de savoir.

La CJUE et Edward Snowden, même combat

Le fait remarquable est que la Cour se soit embarquée dans le sens d’activistes qui apportent comme seul élément pour invalider un mode opératoire vieux de 15 ans sur la protection de la vie privée, des révélations d’un espion américain, fugitif à Moscou. Ils ont réussi ce que j’appellerai un coup fumant : ils ont attiré la Cour dans leur territoire et la Cour a pris leur parti. Edward Snowden, le fugitif américain finit par exercer une influence démesurée et indue sur cette décision.

D’abord, je me demande à quel point les révélations de Snowden ont été corroborées par la Cour avant d’être prises comme pierre angulaire de la décision. Il est héros « whistleblower » ou sonneur d’alerte pour les uns, criminel pour les autres, quoiqu’il n’avait pas accès au trésor de guerre de la NSA. Mais lequel est-il ? Il a certes divulgué des secrets. Pour cela il serait en prison aux Etats-Unis. Il a sonné l’alerte ? Il est crédité pour cela, mais il fallait être simplet pour ne pas savoir que l’espionnage électronique existe. Donc Snowden n’a rien révélé d’extraordinaire si ce n’est l’envergure du programme. Mais l’espionnage massif n’est pas qu’américain. Il y en a beaucoup d’autres. Et attendez l’essor de Big Data !

En fin de compte la CJUE se réfère principalement au programme Prisme de la NSA, et en particulier la collecte de Meta data dans la lutte antiterroriste. C’est la solution qui considère que pour trouver une aiguille dans une meule de foin, amenons d’abord toute la meule de foin dans la grange. Nous savons que l’aiguille s’y trouve, s’il y en a une. Le contenu de la communication n’est pas capté, seulement l’emballage, les données des contacts. S’il faut trouver l’aiguille, connecter des personnes, dégager des modes de comportement, on décortiquera la meule pour fondre sur les suspects. Un juge ad hoc en donnera la permission. Bien-sûr on critiquera qu’il fait partie de la maison.

NSA ne s’occupe pas de M. Schrems, l’étudiant qui a porté plainte, et qui pourrait se trouver dans la meule. Il n’est pas assez important pour eux. L’étudiant militant continuera sans doute d’aller de guichet en guichet pour embarrasser, par rafales de plaintes judiciaires, d’autres grands de l’internet qui sont pratiquement tous américains. Avec sans doute aussi et toujours NSA et Edward Snowden comme argument à l’appui. Ira-t-il s’occuper de Baidu, le Google Chinois, ou Ali Baba, l’Amazon chinois ? Probablement pas plus que Wikileaks ne s’attaque à la Chine ou la Russie, car le joli bras d’honneur n’y est pas sans danger.

Entretemps si Face Book vous fait trembler pour votre vie privée, mais que vous avez l’habitude de faire vos courses au Supermarché en payant avec votre carte de crédit, sachez que ce magasin sait autant sur vous et même plus que FB. Ce magasin pourrait avec grande précision prédire quand vous achèterez de nouveau du papier de toilette. Et en déduire des conclusions pour son marketing, si vous n’en achetez plus. Votre vie privée de tous les jours est plus menacée par vos marchands locaux que par les communications internationales et par NSA.

NSA, SREL, SRV, Unité 61398

Il n’y a certainement pas un manque de services secrets qui opèrent aussi massivement et avec moins de règles de conduite que NSA. La Fédération Russe a ses deux agences de Sécurité et de Renseignement, le FSB et SVR. Elles sont connues pour leurs bonnes technologies et leurs intrusions dans les systèmes américains et européens. Les hackers très officiels de l’Armée de Libération du Peuple de Chine sont notoires. Son Unité 61398 à Kunming travaille avec Naikon, une communauté de hackers. Leurs cibles sont de multiples gouvernements et c’est un organe de guerre électronique. Des intrusions répétées sont rapportées sur le réseau de l’énergie électrique américain, dans un but de répétition générale pour un sabotage futur. Il est évident qu’un collapse du réseau électrique mettrait à genou une économie avancée. Ces intrusions sont source de tensions ouvertes entre Washington et Pékin.

Et il y a bien d’autres services de ce genre : Citons ceux de l’Iran, d’Israël, de la Corée du Nord, et tous les autres BND et MI5. Et rappelez-vous qu’un client de Hacker Team, le développeur de logiciels d’espionnage italien compte parmi ses clients  … le Luxembourg. Officiellement et étonnamment l’Administration des Contributions (!) pour vous espionner ? Pour vous dire, que si ces agences veulent savoir quelque chose sur vous, ou sur des secrets industriels ou militaires, ils l’obtiendront. Ce n’est pas la culbute de Safe Harbor qui vous protègera mieux. Si par protection des données privées vous comprenez aussi le secret bancaire, sachez que le trend là aussi est vers la transparence et même l’échange de données. Et le danger que votre banque voie ses secrets embarrassants, voire criminels, dévoilés par un agent secret est infiniment plus petit que par un de ses propres employés, qui sera tantôt criminel pour la banque ou héros pour le grand public.
Où sont, après le jugement de la CJUE, les bons et les mauvais ? C’est une jungle.

Hervé, Bradley, Denis, Antoine, Klaus et Monsieur X

La CJUE vient donc indirectement de célébrer Edward Snowden comme grand bienfaiteur de l’UE. Cela ne peut que lui conférer le statut de whistleblower. Au grand dam des Etats-Unis, il est accueilli les bras ouverts en Chine, en Russie et célébré en Europe ? Donc il est traitre aux Etats-Unis et héros partout ailleurs, y compris au Luxembourg. La Schadenfreude est grande aussi, mais elle est symptôme de schizophrénie.

En effet nous pensons volontiers à l’envers dans les cas plus proches de nous. L’autre jour TV 5 Amérique a diffusé un film, « L’enquête ». C’est la version cinéma de « Révélation$ », les recherches du journaliste français Denis Robert sur les comptes opaques de la chambre de compensation CEDEL devenue ensuite Clearstream. Suite à ses révélations, Denis Robert a passé un mauvais quart d’heure, ou plutôt 10 ans de harcèlement judiciaire orchestré avec des dizaines et des dizaines de procédures judiciaires lancées contre lui au Luxembourg, en France et en Belgique depuis 2001, dans le but évident de le détruire. Car on ne gagne pas contre la banque. En 2011, il a été blanchi par un jugement de la cour de cassation en France.

Après cet acharnement judiciaire, le Luxembourg devient curieusement coproducteur avec la France et la Belgique du film « L’enquête » réalisé par Samsa Films de Luxembourg. Le « Fonds National de Soutien à la Production Audiovisuelle du Grand-Duché de Luxembourg » figure en grande évidence au générique. Ce support, est-ce manifester du regret pour les torts du passé, est-ce du cynisme ou est-ce un symptôme d’un désordre de la pensée ? Cela dépend du repère. Mesuré à Edward Snowden le héros des juges, Denis Robert est d’abord traité en criminel, puis réhabilité et ses souvenirs finissent par valoir un sérieux subside pour un film. Mesurant Antoine Deltour, employé de PwC qui est à l’origine de Luxleaks, à Denis Robert, il se dessine la même carrière pour celui-ci pour les 10 années à venir : poursuites pénales d’abord, puis une vague réhabilitation dans l’oubli.

Pour Hervé Falciani, la classification Suisse est nette : c’est un criminel recherché internationalement.  L’ex-employé de HSBC à Genève avait copié des listes de plus de 100.000 clients de la banque sur un CD, pour le vendre dit-on à des gouvernements, et le procurer aussi au gouvernement français pour former la base de la fameuse Liste Lagarde de fraudeurs du fic. Pour la  Suisse un crime a été commis. Falciani ne se rendra pas en Suisse. Même pas aux Etats-Unis qui, comme d’autres états le déporteraient immédiatement vers la Suisse sur base d’un mandat d’arrêt international, alors même que ces gouvernements ont volontiers consulté son CD. Par contre Falciani est appelé le « Edward Snowden de l’évasion fiscale » par ses supporters.

Plus net était le sort de Klaus Lins, informaticien autrichien qui au Liechtenstein a dérobé les données de clients de la fiduciaire Herbert Batliner, surtout des « Stiftungen ». Il a été fêté comme un Robin Hood d’abord, et est un homme ruiné aujourd’hui, qui a écopé de 6 mois de prison en Autriche. Il n’a pas vendu ses informations, mais logé des accusations diverses et de taille sur l’opération au Liechtenstein.

La quadrature du cercle a certainement été le cas de Bradley Birkenfeld. L’affaire porte son nom en Suisse, et a constitué une grande brèche dans ce plus vieux sanctuaire de l’évasion fiscale. Birkenfeld qui avait soulevé des objections contre la facilitation de l’évasion fiscale des clients américains, a été débouté par son employeur, l’UBS. Il a ensuite dénoncé la pratique et les noms des clients aux autorités américaines qui l’ont à la fois condamné pour ses activités à 40 mois de prison, et l’ont récompensé de USD 104 millions payés par le IRS (Administration des Contributions) Whistleblower Office sur base de la législation US sur le whistleblowing, qui récompense les alerteurs. Un héros criminel en quelque sorte. L’IRS a récupéré USD 10 milliards en impôts et amendes, et UBS a payé une amende d’USD 780 millions.

Encore plus près de chez nous il y a X, Monsieur ou Madame, pour compléter notre galerie de portraits. X aurait vendu des données bancaires provenant de la BCEE, qui porte plainte contre X, et « la BCEE rappelle que ses pratiques commerciales sont et ont toujours été conformes aux exigences de la réglementation bancaire luxembourgeoise et européenne applicable [sic]. »

Quelle étiquette faut-il coller à X, héros ou criminel ? Et au receleur allemand ? La réponse est que cela dépend du moment, de l’endroit, et du stade d’avancement de la crise. Soit on le condamnera comme criminel, le réhabilitera beaucoup plus tard, ou au contraire on le fêtera comme héros. Il est clair aussi que notre galerie de whistleblowers a changé chaque fois la banque en forçant l’éthique et la transparence. Leur action va de pair avec des législations sur la transparence des gouvernements, généralement connus comme « Freedom of Information » ou FOI, sauf au Luxembourg où la loi Bodry sur l’accès à l’information est en souffrance depuis presque 15 ans.

La justice assise, entre deux chaises

Les juges de la CJUE sont-ils à contre-courant de l’évolution en célébrant la transparence de Snowden et la confidentialité des données personnelles? En fait on va vers l’érosion du secret d’état et à celle de la confidentialité personnelle.
Le secret d’état, centenaire, fond sous les coups de FOI. La sphère privée, invention citadine plus récente, se rétrécit bon gré mal gré par l’omniprésence de technologies, le besoin de sécurité, et le simple besoin de communication. Ainsi nous avons protesté les caméras de surveillance avant de concéder qu’elles préviennent des crimes ou aident à les résoudre. Nous nous soumettons à la prise de nos empreintes digitales, et perdons notre temps dans les lignes de sécurité aux aéroports. Et comme M. Schrems, nous n’avons aucun problème à mettre nos données personnelles sur FB ou sur la carte de garantie du nouveau fer à repasser. Je me revois dans mon ancien village, où chacun savait tout sur chacun. On se livrait soit spontanément, soit on était l’objet du « Beschass ». Personne ne pouvait cacher grand-chose, même pas le curé.


Dans cette évolution la CJUE a pris la décision de protéger une ambition politique et peut-être utopique, celle de protéger les données personnelles en invalidant Safe Harbor.  En ce faisant, elle a érigé des obstacles nouveaux pour startups et innovateurs de l’internet de tout genre qui auront très difficile financièrement à se conformer aux nouvelles restrictions.  La Cour a aussi atomisé la politique européenne de la protection des données en 28 parcelles qui risquent des conflits d’interprétation entre eux. Il est urgent que l’UE et les USA remettent Safe Harbor à flot. La politique devra prévaloir sur les phantasmes de la paranoïa. 



Wednesday, October 21, 2015

Luxleaks, un nouveau caillou dans les souliers européens


Amendes Luxleaks: Coupons le paradis en deux. Photo ET






















Luxleaks, un nouveau caillou dans les souliers européens

Voilà le revenant : Luxleaks avec en vedette Starbucks et Fiat, accusés autant que les Etats partenaires ou complices, selon l’angle de vue. Une nouvelle pomme de discorde pour faire dérailler le projet européen encore un peu plus.

Maintenant on pointera du doigt les multinationales, leur terre d’accueil qui souvent est le Luxembourg, mais « tout le monde le faisait », et les consultants qui imaginaient les géniales constructions.


Verra-t-on des amendes en des proportions américaines, en dizaines et centaines de millions, voire milliards ? On parle pour le moment de 20 à 30 millions. Ouf ! Cela valait quand-même l’investissement, et on recommencera. Le Luxembourg défendra ses décisions « tout à fait légales » devant la justice européenne.

Monday, October 12, 2015

Un « jugement » dans une affaire bien luxembourgeoise II


Etat bouffon? Photo ET


Un « jugement » dans une affaire bien luxembourgeoise II

Luxembourg, Etat de droit ou Etat bouffon ?

Voici un petit rappel et la reproduction de mon blog du 13 octobre 2014 : en octobre 2005 j’avais porté plainte pénale contre F. May et C. Bollendorff pour abus de biens sociaux. Un curateur a fait de même. Vous comptez bien, cela fait 10 ans. En mars 2014, donc il y a 18 mois il y a eu le jugement ci-dessous. A ce jour, ce jugement n’a pas été exécuté ! Donc, voici mon blog d’il y a un an, dans lequel j’avais posé une question. Vous verrez que la réponse à cette question aujourd’hui est OUI :


Un « jugement » dans une affaire bien luxembourgeoise

Ce lundi 13 octobre 2014 verra sans doute (ou peut-être pas) une séance finale en appel d’une affaire pénale dont les faits remontent aux années 2002-2004. Peut-être pas, parce que les inculpés F.May et C. Bollendorff ont au cours des années utilisé toutes les manœuvres dilatoires qu’il est possible d’imaginer : appels, certificats médicaux, substitution d’avocats pour provoquer des conflits de calendrier. Ainsi est faite la justice luxembourgeoise, et nous écrivons 2014.

Je reprends ci-après un extrait du jugement, contre lequel F. May a fait appel. Son co-inculpé n’a pas fait appel. D’abord faut-il savoir que les faits reprochés aux deux portaient un « tarif » de cinq ans de prison ferme. Les peines ont été diminuées parce qu’entre autres, la procédure qu’ils ont retardée à chaque occasion a pris trop de temps !! F. May sera donc devant les juges en appel.

Quant à  C. Bollendorff, le jugement contre lui datant du mois de mars 2014 est exécutable. Mais voilà ! L’huissier de justice chargé de la saisie a retourné la demande au curateur avec le motif que le libellé du jugement, « ordonne la réintégration à la masse de la faillite de la société …. » des montants détournés (±€900.000 au total) n’était pas clair, et que dès lors la saisie ne pourra être exécutée. Faudra-t-il plus d’un an pour vérifier ce que le juge a bien voulu dire ?

Voici l’essentiel de ce jugement.

A suivre

PAR CES MOTIFS :

le Tribunal d 'arrondissement  de et à Luxembourg,  treizième  chambre, siégeant en matière correctionnelle,  statuant  contradictoirement   a l'égard  de  Claude  BOLLENDORFF  et  de
François MAY en leurs moyens et explications, les défenseurs des prévenus, les demandeurs et défendeur au civil entendus en leurs conclusions et le représentant du Ministère Public entendu en ses réquisitions,


Au  pénal :
a c q u i t t e François MAY des infractions non établies à sa charge ;
c o n d a m n e  François MAY du chef des infractions retenues à sa charge, qui se trouvent en concours réel, a une peine d'emprisonnement de 24 (VINGT-QUATRE) mois, ainsi qu'aux frais de sa poursuite pénale, ces frais liquides à 77,92 euros,
d i t  qu'il sera sursis à l'exécution de cette peine d'emprisonnement;
v  e  r t i t          François MAY  qu'au cas, ou dans un délai de cinq ans à dater du présent jugement  il aura commis une nouvelle  infraction ayant entraîné une condamnation à une interdiction de conduire d'un véhicule sur la voie publique ou à une peine privative de liberté pour crimes ou délits prévus par la législation sur la circulation sur les voies publiques ou sur la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie, l'interdiction de conduire prononcée ci-devant sera exécutée sans confusion possible avec la nouvelle peine ct que les peines de la récidive seront encourues dans les termes de I'article 56 alinéa 2 du Code pénal;
·     a c q u i t e  Claude BOLLENDORF!' des infractions non établies à sa charge ;
c o n  d  a  m  n   e  Claude BOLLENDORFF du chef des infractions retenues à sa charge, qui se trouvent en concours réel, à une peine d’emprisonnement de 12 (DOUZE) mois, ainsi qu'aux frais de sa poursuite pénale, ces frais liquidés à 49,92 euros,
d i t  qu’il sera sursis à l'exécution de cette peine d'emprisonnement;
a v e r t i t Claude BOLLENDORFF qu'au cas, où dans un délai de cinq ans à dater du présent jugement il aura commis une nouvelle infraction ayant entrainé une condamnation a une interdiction de conduire d 'un véhicule  sur la voie publique ou à une peine privative de liberté pour crimes ou délits prévus par la législation sur la circulation sur les voies publiques ou sur la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie, l'interdiction de conduire prononcée ci-devant sera exécutée sans confusion possible avec la nouvelle peine et que les peines de la récidive seront encourues dans les termes de l'article 56 alinéa 2 du Code pénal;

o r d o n n e que le présent jugement sera affiché en la salle d'audience  du Tribunal d'arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière commerciale, ou il restera exposé pendant trois mois, et qu'il sera inséré par extraits dans les quotidiens « Luxemburger Wort » et « Tageblatt », le tout dans les trois jours à partir du présent jugement, aux frais des contrevenants,

o r d o n n e la réintégration à la masse de la faillite de la société Food Factory S.a r.L de la somme de 634.878,65 euros avec les intérêts légaux à partir du 20 décembre 2004, jour  de la
faillite, jusqu'à solde ;

o r d o n n e la réintégration à la masse de la faillite de la société Toscana Sari de la somme de 165.457 euros avec les intérêts légaux à partir du 3 décembre 2004, jour de la faillite, jusqu'à  solde ;

o r d o n n e la réintégration à la masse de la faillite de la société Geromlux Sarl de la somme de 131.432,17 euros avec les intérêts légaux à partir du 29 novembre 2004, jour de la faillite, jusqu'à  solde ;

c o n d a m n e   les prévenus solidairement aux frais pour les infractions commises ensemble.





Wednesday, October 7, 2015

Jean-Claude Juncker, l’homme à la page






















Jean-Claude Juncker, l’homme à la page

Nous venons de vivre un feuilleton à propos d’une page manquante dans un rapport sur la fraude fiscale, vieux de 18 ans, que Jean-Claude Juncker, alors Premier Ministre et Ministre des Finances du Grand-Duché de Luxembourg avait commandité à Jeannot Krecké, Membre du Parlement en 1997. Krecké a présenté une version officielle et une version officieuse (à vrai dire secrète) de son rapport à Juncker. La différence ? La version officieuse a une page supplémentaire, traitant de la pratique des rescrits ou « tax rulings » du Bureau 6, dont l’unique occupant était Marius Kohl pendant des années. Ce rapport n’a été vu que par trois personnes : Krecké bien-sûr, Juncker, et Lucien Lux, camarade de parti de Krecké. Or Juncker, pour se dégager de toute responsabilité dans la pratique des tax rulings dans le pays qu’il dirigeait, a toujours prétendu  qu’il n’a jamais eu connaissance de la pratique. Dans le film « Casablanca », le Capitaine Renault disait: «I'm shocked, shocked to find that gambling is going on in here!”  Pour Juncker aussi, c’était en tous cas plus confortable de s’en laver les mains, que d’apparaitre soudain comme le grand alchimiste qui recyclait des milliards d’impôts en une poignée de dollars, dans sa forteresse luxembourgeoise.

Attention : un leak peut cacher un gate

Mais voilà. Le rapport Krecké soudain étale au grand jour que Juncker était bien au courant. Et de Luxleaks, les fuites, on en arrive au Leak-gate, le besoin de mentir. Comment un “leak” peut-il devenir un « gate »? La recette est simple : vous prenez un responsable politique qui couvre un secret inconfortable, vous dévoilez le secret du responsable par un « leak ». Presque automatiquement, notre responsable va mentir, pour protéger sa carrière, pense-t-il. Mais le mensonge est court sur pattes, et n’ira pas très loin. Il faudra maintenant mentir sur le mensonge : invoquer l’amnésie et la vieillesse ennemie sont d’assez bons mensonges, car personne d’autre n’est accusé. Que « tout le monde le fait », cela va encore. Plus délicat est d’impliquer une tierce personne. Comme par exemple, « Krecké m’a caché tout, je n’étais pas au courant ».

Nous venons d’assister à l’illustration de la recette pour créer un « gate » par Jean-Claude Juncker, l’actuel Président de la Commission Européenne. Pour se sortir du Leakgate il a choisi la meilleure des trois options, la première, l’amnésie. Bien-sûr qu’on a retrouvé la page manquante, mais il ne se rappelle pas de l’avoir jamais vue. Puis par miracle elle est retrouvée et on la leak à son leakeur préféré, « Der Spiegel ». Et on s’occupera de Fabio de Masi, l’eurodéputé envahissant, après l’Oktoberfest, autour d’un bon verre à la cantine à Strasbourg.

L’encre de la page manquante n’est pas encore sèche

C’est une boutade, je sais. Elle est inspirée par les cachotteries de ces derniers mois, et tel que Saint Thomas, je demande à voir. La fameuse page du Spiegel, version officielle de la Wiedergutmachung junckerienne incite les doutes. J’ai pris la description officielle parlant d’une « page manquante » littéralement. Je pense que c’est d’ailleurs l’entendement universel dans la presse qu’il manquait une page dans la version officielle du rapport Krecké. Or la page publiée est une photocopie (apparemment), composée de deux parties. Il y a en effet une ligne d’ombre horizontale qui sépare le premier paragraphe du second. Ce qui indique que c’est soit un assemblage de deux pages découpées, (ce qui aurait fait deux pages manquantes), soit qu’une partie du texte pourrait avoir été enlevée. L’autre indication qu’il s’agit d’un bricolage est que la partie inférieure du texte est légèrement décalée et inclinée vers la droite. Voici LA PAGE en question:



Dans le rapport public, l’entête 5.2.4.3.6. « Treaty Shopping » qui donc logiquement suivait la page en question et est remontée pour prendre la place de ce qu’était 5.2.3.4.6. « Tax Ruling ». Cette entête se trouve en bas de la page 134, le corps sur la page 135. Pourquoi ne pas publier les deux pages 134 avec l’entête, et la page 135 avec le corps du texte ? Le corps de ce texte aurait dès lors rempli la page 135 sans « page break », donc sans ombre. D’ailleurs la page produite ne porte ni le numéro de page 134, ni 135. Que signifie donc cette coupure apparente qui provoque la ligne d’ombre? Surtout que dans ce texte-ci il n’y a rien d’un secret d’Etat à cacher. On y accuse même les Néerlandais d’y aller très fort en ce domaine des rulings. Une feuille de vigne hollandaise dès les premiers moments?

La suspicion est une réaction normale envers quelqu’un qui officiellement a élevé le mensonge en procédé de gouvernement. Elle est alimentée par le résultat pauvre et la piètre performance dans le « damage control », suivant Luxleaks. La meilleure réponse publique à une telle crise doit suivre quelques principes fondamentaux et demande du professionnalisme dans la communication. D’abord, quand les choses deviennent sérieuses, il ne faut PAS mentir. Le plus vite la vérité est dévoilée, le plus vite le problème s’en va et on oubliera. Pour communiquer la vérité, il faut s’entourer de professionnels de la communication. Surtout si l’on a besoin d’une petite blonde pour envoyer un tweet. En ce cas il vaut mieux s’abstenir aussi de découper un texte pour le rafistoler en une seule photocopie. Puis dire qu’on regrette est OK aussi. Ce serait bien, car les gens pardonnent vite. La seule chose qui ait été traitée plus ou moins convenablement était de dire qu’on ne le refera plus jamais. Mais si !

En attendant, la Présidence de Juncker est entamée. L’Europe est dirigée par le tandem Merkel-Hollande. Ils reçoivent Poutine et Juncker n’est même pas invité.  La Présidence luxembourgeoise prend des initiatives, et le nouveau Premier Ministre luxembourgeois, Xavier Bettel, fort de la Présidence luxembourgeoise de l’Union va lui aussi voir Vladimir Poutine à Sotchi. C’est là qu’est l’action. Juncker pendant ce temps veille aux petites corvées bruxelloises.

Chacun pour soi, et tous pour un

En attendant, l’Union Européenne, qui selon Juncker ne doit pas évoluer vers les Etats-Unis d’Europe, évolue vers une désunion de plus en plus parfaite. La crise des migrants met les accords de Schengen entre parenthèses, l’Anglais David Cameron n’était pas à Paris non plus pour rencontrer Poutine et il fait face au UKexit, et la Catalogne ouvre la voie vers une Europe non pas unie mais pulvérisée, granulaire. Egoiste et profiteur.

Dans un dernier sursaut pour la vieille Europe, l’OCDE vient poser des bandages sur la plaie des tax rulings. Dorénavant, il est proposé que les multinationales rapportent pays par pays : les bénéfices, le chiffre d’affaires, le nombre de salariés, les actifs et les impôts payés. En tout cas selon Pascal Saint Amans de l’OCDE, ce sera la liste de souhaits pour le prochain G20.


Le Luxembourg peut envisager ces changements avec phlegme. C’était le secret bancaire et son évasion fiscale qui était le problème majeur et intenable du pays. Ce n’est pas l’optimisation fiscale tellement décriée dans Luxleaks. Fruit du laxisme et de la permissivité, bien-sûr, elle heurtait les intérêts d’autrui sans être pourtant illégale. Le manque à gagner pour le Luxembourg sur des impôts qui étaient minuscules ne devrait pas heurter trop le budget. Quelqu’un qui ne paye pas d’impôt et n’a pas d’autres activités locales, ne remplit pas les caisses. En outre, les tax rulings ne disparaitront pas. Et je suis certain que les Big Four raffineront quelques autres manœuvres pour parquer de l’argent exempt d’impôt dans le pays : royalties, prêts inter-compagnies, primes de réassurances, capital à risque, family office. On sera même deux clicks en avance sur l’OCDE. Et ce sera de bonne guerre sans doute. 



Saturday, October 3, 2015

Luxembourg, Etat de droit ou Etat bouffon ?

Que la lumière soit ! Photo ET














Luxembourg, Etat de droit ou Etat bouffon ?

Voici une contribution experte sur le phénomène luxembourgeois étrange, illicite et unique dans le monde des démocraties. C’est ce phénomène, distillé par l’hebdomadaire allemand « Der Spiegel » dans son édition du 12 Septembre dans un article intitulé « Das Luxemburg Prinzip » sur les (hauts) fonctionnaires luxembourgeois membres de Conseils d’Administration.

La contribution est experte, parce que Madame Biermann connait la loi et les principes constitutionnels. Elle a fait sa carrière dans la magistrature. Retraitée, elle ne doit certainement plus s’encombrer du contrôle social à la luxembourgeoise, qui la ferait se taire. Elle peut donc combiner honnêteté et expertise.

Le phénomène des administrateurs est unique, car il est typiquement luxembourgeois. Dans toute démocratie, la pratique est illicite et est certainement l’objet d’une loi restrictive luxembourgeoise. Aux Etats-Unis, ce serait l’ultime scandale, voire un crime de corruption.

Le problème est grave, car il est bien entendu que la pratique sera perçue comme un système corrompu depuis l’étranger. Il est aussi insupportable vu de l’intérieur, et il ne peut être défendu par les quelques justifications maladroites des figures politiques qui le couvrent.

En réalité c’est l’instauration d’une tradition qui récompense le fonctionnaire pour son zèle politique d’une part, et son allégeance au Management de la société en question d’autre part, qui généralement fait tout pour contrôler le Conseil d’Administration. Et certainement pour contrôler le fonctionnaire-administrateur et son Ministère par le biais d’une juteuse compensation du fonctionnaire.  Madame Biermann décrit une approche ultra-libérale de l’économie luxembourgeoise. Curieusement la politique économique a aussi des aspects (inavouables) de corporatisme d’Etat ! C’est le grand écart luxembourgeois. Il ne manquera pas d’engendrer encore maintes crises dues au laxisme et permissivité résultants, du genre de paradis divers et Luxleaks.

Il ne m’est pas connu à combien de rédactions Madame Biermann a adressé sa lettre ouverte. Je n’ai vu que deux instances de sa publication : Le Jeudi et Privat. « Das Luxemburg Prinzip » en action ?


« A propos de la polémique sur les deniers publics illégalement déviés dans les poches de quelques hauts fonctionnaires »

« Etat de droit ou Etat bouffon? » interroge l’ancienne magistrat Marguerite Biermann dans un courrier à la rédaction du Jeudi: 

« C’est avec un malin plaisir certain que le « Spiegel », dans son édition du 12.09.2015, a mis le Luxembourg sur la sellette à propos d’un scandale, selon lui exclusivement et typiquement luxembourgeois qu’il nomme « Das Luxemburg-Prinzip ».

Il s’agit d’un abus perpétré et connu de longue date, à savoir, le détournement de fonds publics par les fonctionnaires de l’État délégués par l’État dans les conseils d’administrations de certaines sociétés anonymes.

Il faut savoir que dans notre système économique ultralibéral, l’État n’exerce pas lui-même les activités dans l’intérêt des citoyens dont il a reçu le mandat de gouverner, mais qu’il s’en décharge sur le secteur privé, c’est-à-dire sur diverses sociétés anonymes, telles CREOS, ENOVOS (anc. CEGEDEL), CLT, LUXAIR, SES, etc… Il est en plus actionnaire dans de nombreuses sociétés anonymes de toutes sortes estimant, à tort ou à raison, que de telles participations sont utiles au bien public.

Face aux opposants à ce régime qui trouvent scandaleux et inadmissible qu’en fait nous soyons gouvernés non pas par notre gouvernement démocratiquement institué, mais par des sociétés commerciales privées, c’est-à-dire des sociétés dont le but exclusif est de faire le maximum de profit sans souci ni obligation de veiller à la protection et à la sauvegarde des intérêts des citoyens et de la nation, le LSAP s’est senti obligé d’agir et a pris l’initiative de la loi du 25.07.1990 qui règle le statut des administrateurs représentant l’État ou une personne morale de droit public (telle p.ex. une administration communale) dans une société anonyme.

Celle-ci était présentée comme le remède contre ce raz-de-marée libéral qui menace d’emporter tout le système d’un État démocratique basé sur la souveraineté du peuple, dans lequel nos braves citoyens, engourdis par les berceuses hypocrites de nos gouvernants, croient toujours.

Il fut ainsi expliqué au bon peuple que le fait de pouvoir déléguer un de ses fonctionnaires au conseil d’administration des sociétés en question, conférerait à l’État le contrôle sur les activités de celles-ci afin d’empêcher qu’elles agissent au détriment des intérêts publics.

Quand on sait que les réelles activités et opérations commerciales d’une société sont décidées et gérées par quelques personnages-clés qui souvent ne sont même pas membre du conseil d’administration et que les délégués de l’État, lors des assemblées annuelles ordinaires ou extraordinaires n’entendent que ce qu’on veut bien leur dire et ne voient que ce qu’on a décidé de leur montrer, il faut reconnaître qu’en réalité, cette loi est une farce. Car, au lieu d’instituer un contrôle de l’État sur les sociétés, elle est exploitée par celles-ci à leur profit, puisque, par l’intermédiaire de ces fonctionnaires de l’État, amplement bonifiés par leurs soins, ce système leur procure un accès facile auprès des divers Ministères afin d’obtenir les arrangements et avantages qu’elles recherchent.

Dans son interview donnée au « Spiegel », Monsieur le Ministre Schneider le confirma d’ailleurs candidement: « Nous sommes intimement liés à l’économie. Nous connaissons ce dont elle a besoin » et il explique que les nombreux mandats qu’il a occupés dans les diverses sociétés privées lui ont appris « ce dont elles ont besoin».

Ces nominations de fonctionnaires à des postes bien rémunérées est également un moyen utile pour les hommes politiques de se rendre mutuellement service et de récompenser et s’attacher des personnes susceptibles de jouer un rôle important dans l’avenir et elle permet aux fonctionnaires ainsi nommés de faire carrière en politique ou dans le secteur privé ou de s’y garer en cas de changement de gouvernement en attendant leur retour.

Mais ce qui s’ajoute à tout cela, c’est l’avantage financier, car ces postes sont copieusement rémunérés par les sociétés.

C’est pourquoi le législateur de 1990, dans un souci d’équité a décidé que « les émoluments leur revenant sous quelque forme que ce soit, sont touchés par l’État… » et « qu’il appartient au gouvernement en conseil…d’arrêter les indemnités à allouer à ces administrateurs pour l’accomplissement de leur mission ».

Ces mesures sont absolument justes et logiques. En effet, en droit, c’est l’État qui est membre du conseil d’administration et en porte la responsabilité, alors que le fonctionnaire délégué n’occupe ce poste qu’en qualité de mandataire et n’est responsable que comme tel vis-à-vis de l’État. Les indemnités doivent donc être versées à l’État qui, de son côté, doit rémunérer ses mandataires. Ce système est également juste sur un plan pratique, puisque d’une façon générale, il est toléré que ces délégués exercent ces fonctions sporadiques pendant leur temps de travail.

Et voilà que nous arrivons aux pratiques scandaleuses si violemment décriées par le Spiegel.
Il est, en effet, connu par tous ceux qui s’y intéressent ou devraient s’y intéresser, tels les ministres, la Cour des comptes, les députés, le Parquet, que depuis que la loi précitée existe, les dispositions légales y contenues n’ont jamais été respectées. Ainsi les sociétés concernées, au lieu d’envoyer les émoluments à l’État, les versent-elles directement aux administrateurs représentants. Jamais aucun d’eux n’a réclamé et renvoyé le montant en question en priant la société de le transmettre à l’État, ni l’a envoyé à l’État en le priant d’agir selon les termes de la loi.

Si l’on sait qu’il s’agit en l’occurrence de sommes juteuses qui s’additionnent pour ceux qui occupent plusieurs mandats et s’ajoutent à leur traitement substantiel de fonctionnaire, on ne peut que s’étonner que des personnes apparemment honorables, la plupart fortunées et gagnant bien leur vie auprès de l’Administration, se laissent aller à se mêler de pratiques que le code pénal qualifie de vol, d’abus de confiance, de détournement de fonds publics, ou encore de concussion. De même faut-il se demander comment nos gouvernements successifs de toutes les couleurs, conscients de cet état de choses ont pu se faire complices en ne respectant pas eux-mêmes les prescriptions légales.

Qu’on ne nous dise pas que ni les bénéficiaires, ni les autorités n’auraient été au courant de ces pratiques.

Déjà en 1996, Monsieur le député H. Grethen a questionné Monsieur le Ministre d’État, J.C. Juncker sur ce disfonctionnement. Monsieur Juncker lui a répondu en avouant que depuis la loi de 1990, à une exception près, les sociétés rémunèrent directement les fonctionnaires délégués et il a promis de saisir le Conseil du gouvernement afin de régulariser la situation.

Rien n’a changé depuis.

En 2014, Monsieur le député Justin Turpel s’est adressé à Monsieur le Ministre d’État Xavier Bettel afin de percer l’opacité dans laquelle le Gouvernement cherche à noyer cette affaire. Après de réels efforts et la ténacité qu’on lui connait, il a finalement obtenu une liste des fonctionnaires-représentants actuels. Cependant, malgré son obstination, il n’a pas réussi à obtenir un relevé des montants touchés par eux. Tout cela est jalousement tenu au secret. Aussi, contrairement aux règles d’un État démocratique, ces dépenses ne sont-elles pas publiées au budget et ne sont donc pas portées à la connaissance des députés, ni de la Chambre des comptes, ni à fortiori du grand public.
Cela ne semble pas déranger nos Ministres.

Ainsi Monsieur Pierre Gramegna, lors de l’émission Back-ground du 19.09.2015 a cyniquement affirmé que chaque année, le Conseil des ministres déciderait que les administrateurs, délégués par l’État, peuvent garder les indemnités leur versées par les sociétés. Il faut espérer qu’en faisant ces déclarations, Monsieur le Ministre n’ait pas tout simplement menti. Car ni Monsieur Juncker, lors de la question parlementaire de Monsieur le député H. Grethen, ni Monsieur Bettel lors de celle posée par Monsieur Turpel, n’ont mentionné de telles décisions. Ni d’ailleurs, Monsieur le Ministre Schneider interrogé à ce sujet sur RTL. Où sont les procès-verbaux contenant de telles décisions?
Faut-il relever que, même si cela était le cas, cette pratique serait illégale. Où sommes-nous donc si, par une simple décision du Conseil du gouvernement, les Ministres peuvent abolir les lois?
La légèreté, la nonchalance, voire l’arrogance avec laquelle, par un revers de manche, ces Messieurs balaient des reproches pourtant sérieux, effraient. Tout comme le discours de Monsieur Schneider qui a fait sa carrière politique dans les rangs du LSAP et qui, sans états d’âme, déclare allègrement poursuivre une politique ultralibérale parce qu’il ne lui resterait pas d’autres choix. Il était pourtant entièrement libre de ne pas devenir Ministre dans un gouvernement qu’il savait être aux mains des ultralibéraux, tant nationaux qu’européens, voire internationaux.

A voir les dégâts irréversibles que cette politique, centrée exclusivement sur la productivité et le rendement au profit des capitalistes et au détriment de notre peuple, nous cause, on est tenté de dire que voilà le grand scandale au côté duquel celui des indemnités illégalement versées et retenues, n’est qu’une broutille. Cela ne saurait cependant excuser ceci. Car, outre le dommage matériel subi par la communauté et le trouble à l’ordre public causé par l’État et les fonctionnaires concernés, il y va de la respectabilité de notre État et de ses institutions. Ainsi ne serait-il que justice que le Parquet fasse son devoir. Son rôle consiste en effet à veiller aux règles de droit par tous les citoyens et à sanctionner leur non-respect à l’égard de tous les membres de la population.

Comment le justiciable ordinaire pourrait-il comprendre que le Parquet le poursuit pour le moindre vol ou abus de confiance s’il s’abstient d’agir à l’encontre de nos responsables politiques et les fonctionnaires au service de l’État?

Le Parquet porte donc une grande responsabilité puisqu’il dépend de lui de garantir que la Justice soit la même pour tout le monde, ce qui est un principe essentiel constitutionnellement garanti, sans le respect duquel il n’existe pas d’État de droit.

Aura-t-il le courage de relever ce défi et de démontrer que, contrairement à la majeure partie de l’opinion publique, il est politiquement neutre et indépendant.

Ou, en s’abstenant d’agir, donnera-t-il raison à ceux, qui, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de notre pays, raillent le sérieux de notre État tel qu’a essayé de le faire le journaliste du Spiegel ? »

Marguerite Biermann