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Et soudain, la lumière fut. Photo ET
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Antoine Deltour, en vedette au Luxembourg
Hier en Europe on célébrait Edward Snowden, le « Lanceur d’Alerte. »
La Cour de Justice de l’Union Européenne s’est basée sur ses actes jugés
criminels aux Etats-Unis pour prendre une décision phare pour toute l’Europe, et
invalider l’accord connu sous le nom de « Safe Harbor » sur la
protection des données transitant entre les Etats-Unis et L’Union Européenne.
A partir de ce lundi, la kafkaïenne Justice luxembourgeoise devra s’acharner
à trouver Antoine Deltour un label de criminel redoutable. Chroniquement lente
et flemmarde, elle a agi en ce cas avec célérité pour protéger notre fonds de
commerce : le secret, la confidentialité, l’opacité.
C’est bien-sûr un exercice stupide et futile. On dira : « il faut
bien que justice se fasse ! » Oui certes, le Luxembourg pourra se
venger de ce malvenu. Mais le Luxembourg ne pourra pas gagner le débat moral qui se situera à
quelques étages au-dessus de ses préoccupations inavouables. Certainement pas
trois semaines après les Panama Papers, où le même Luxembourg finit 4e
pays au classement général et place 4 de ses champions dans les 10 premiers, la
BIL avec sa fiduciaire Experta obtenant même la médaille d’or. Faut-il préciser
que la banque appartient à 90% au Qatar, grâce aux grands écarts du
gouvernement précédent, et, oh chose inavouable aussi, à 10% au …… gouvernement
luxembourgeois, dont les juges jugeront Antoine Deltour.
Les deux affaires Luxleak et Panama Papers se conjugueront ainsi pour
solidifier la réputation du Luxembourg comme Paradis Fiscal. Pourtant on avait
finalement gagné la première manche : de ne plus figurer sur des listes
noires ou grises, moyennant quelques travaux de réfection de la façade.
Maintenant on saura que derrière la façade, le Luxembourg reste un Paradis,
sauf pour le lanceur d’alerte.
Le résultat net de l’opération sera à terme un effort universel de protéger
les lanceurs d’alerte, de les supporter et de les encourager, sinon de les récompenser.
Selon l’exemple de Bradley Birkenfeld dans l’un des deux articles anciens, mais
d’actualité, ci-après :
Publié le 8 janvier 2016
Ce sera du grand cinéma. Sur cinq jours, à partir du 26 avril 2016, Antoine
Deltour, le copieur acharné des documents secrets de PwC, sera devant ses juges
à Luxembourg. Edouard Perrin, journaliste à France 2 qui le premier a publié
ces documents y sera aussi avec un troisième homme dont on ne sait qu’il est
âgé de 38 ans depuis 2 ans ….
Il est d’ores et déjà certain que ce cinéma sera en direct sur de
nombreuses chaines à travers le monde. Alors que Luxleaks a été virtuellement
balayé sous le tapis, y compris au Parlement européen, le Luxembourg persiste
pour s’auto-flageller publiquement avec un procès perdu d’avance pour sa
réputation. Du nation-branding un peu pervers sans doute ?
Bien-sûr, il faudrait que justice soit faite. Mais n’oublions pas que le
Luxembourg est un énorme paradis judiciaire, bien camouflé certes, mais il faut
le vivre pour y croire et le voir. J’ai vécu moi-même les lenteurs de la
justice dans une affaire pénale que j’avais intentée contre deux fraudeurs. Le
paradis judiciaire n’est paradis que pour les malfrats. C’est un enfer pour
leurs victimes. Cette affaire vieille de plus 10 ans n’est toujours pas
résolue. Une telle lenteur ne peut s’expliquer que par une ingérence
politique. Si, si, sinon il faudrait démontrer qu’il n’en était rien.
L’ingérence étant ainsi établie comme mode opératoire pratiqué dans ce
paradis judiciaire, je ne comprends pas qu’en ce cas d’Antoine Deltour, le
gouvernement n’ait pas usé de ses longs bras pour faire trainer la justice,
faire oublier la chose pendant une dizaine d’années, bref lui accorder un petit
coin de paradis, contre un coin de parapluie. Au contraire, on a l’impression
que les longs bras (j’allais dire braz) aient précipité la chose pour la faire
aboutir en un temps record. A quoi sert cette précipitation ? Ah, bon cela
dépend du plaignant !
La Raison d’ Etat joue à la folle encore plus, en insistant sur des
poursuites pénales contre le journaliste Edouard Perrin. Comme ancien
combattant contre le paradis judiciaire, je ne suis pas seulement complètement
désorienté par tant de « transparence » et de justice sans délai, que
dis-je, expéditive pour le Luxembourg. Pour une fois il est à regretter que ce
journaliste ne puisse pas profiter au moins de la mansuétude dont les vrais
criminels jouissent habituellement. Selon
l’ancien Procureur Robert Biever, en particulier quand il s'agit
de crimes financiers et de blanchiment d'argent, (dont le financement du
terrorisme), 1.500 affaires prescrites ont dû être classées « faute de
moyens » de 1990 à 2011, en moyenne 75 crimes financiers impunis par an!
Depuis on a renoncé à compter.
Donc, en résumé, la justice luxembourgeoise, qui n’est pas vraiment
indépendante, ouvre une boite de Pandore, et ce faisant elle n’agit pas sans
avoir la certitude d’un feu vert du gouvernement et le support d’un large
consensus de la place financière.
La boite de Pandore fera resurgir d’autres squelettes, comme la loi Freedom
of information, enterrée sans fioritures, la loi sur les whistleblowers, et
toutes les pratiques inavouables qui ont survécu des assauts comme FATCA et la
fin officielle du paradis fiscal.
Communiqué du Parquet de Luxembourg
Par la présente je vous informe que le procès dit « LuxLeaks »
débutera le mardi 26 avril 2016 au tribunal d’arrondissement de Luxembourg.
Trois personnes ont été renvoyées devant la chambre correctionnelle.
Suite à l’ordonnance de renvoi de la chambre du conseil du tribunal
d’arrondissement de Luxembourg du 25 novembre 2015, Monsieur Antoine Deltour
doit répondre, pour les faits par lui commis en tant qu’auteur, de vol
domestique, d’accès ou de maintien frauduleux dans un système informatique, de
divulgation de secrets d’affaires, de violation de secret professionnel et de
blanchiment-détention des documents soustraits.
Un deuxième ancien collaborateur de PwC se voit reprocher les mêmes
infractions, à savoir le vol domestique, l’accès ou le maintien frauduleux dans
un système informatique, la divulgation de secrets d’affaires, la violation de
secret professionnel et le blanchiment-détention des documents soustraits, mais pour
des faits différents et postérieurs à ceux commis par Antoine Deltour.
Monsieur Edouard Perrin, quant à lui, doit répondre comme coauteur ou
complice des infractions de divulgation de secrets d’affaires et de violation
de secret professionnel et, comme auteur, de l’infraction de
blanchiment-détention des seuls documents soustraits par le second
collaborateur.
Afin que vous puissiez prendre vos dispositions, je vous signale que le
procès a été prévu pour durer cinq audiences.
Les dates exactes d’audience sont les suivantes :
- Mardi le 26 avril
2016 à 9h00
- Mercredi le 27
avril 2016 à 15h00
- Jeudi le 28 avril
2016 à 9h00
- Mardi le 3 mai 2016
à 9h00
- Mercredi le 4 mai
2016 à 15h00
Toutes les audiences auront lieu dans la salle TL 1.10 du tribunal
d’arrondissement de Luxembourg. L’affaire sera traitée par la 12e chambre
correctionnelle du même tribunal.
Publié le 10 novembre 2015
L’évolution des technologies de l’information et le commerce électronique
multiplient les exemples de paranoïa quant à la protection des données. Le
droit à la vie privée est certes une question d’importance, mais qui de plus en
plus souvent se définit par un grand écart : ce qui vaut pour l’individu
ne vaut pas pour les gouvernements, et vice-versa.
La Cour de Justice de l’Union Européenne, CJUE, a récemment pris son
flambeau activiste pour invalider « Safe Harbor », un cadre US-UE
pour la protection « adéquate » des données personnelles. C’est une
décision politique à plus d’un titre. D’abord le pouvoir judiciaire invalide
des décisions de l’exécutif européen sur la réciprocité de la protection des
données personnelles avec les USA. Puis elle se livre à la guéguerre
culturelle : Safe Harbor est un compromis entre deux cultures. Les
Etats-Unis privilégient sans doute la sécurité sur le droit à la vie privée.
L’Europe semble faire l’inverse, mais c’est à voir. En tous cas, le jugement de
la CJUE amalgame espionnage et protection des données, vie privée et
transparence et droit de savoir.
La CJUE et Edward Snowden, même combat
Le fait remarquable est que la Cour se soit embarquée dans le sens
d’activistes qui apportent comme seul élément pour invalider un mode opératoire
vieux de 15 ans sur la protection de la vie privée, des révélations d’un espion
américain, fugitif à Moscou. Ils ont réussi ce que j’appellerai un coup
fumant : ils ont attiré la Cour dans leur territoire et la Cour a pris
leur parti. Edward Snowden, le fugitif américain finit par exercer une
influence démesurée et indue sur cette décision.
D’abord, je me demande à quel point les révélations de Snowden ont été
corroborées par la Cour avant d’être prises comme pierre angulaire de la décision.
Il est héros « whistleblower » ou sonneur d’alerte pour les uns,
criminel pour les autres, quoiqu’il n’avait pas accès au trésor de guerre de la
NSA. Mais lequel est-il ? Il a certes divulgué des secrets. Pour cela il
serait en prison aux Etats-Unis. Il a sonné l’alerte ? Il est crédité pour
cela, mais il fallait être simplet pour ne pas savoir que l’espionnage
électronique existe. Donc Snowden n’a rien révélé d’extraordinaire si ce n’est
l’envergure du programme. Mais l’espionnage massif n’est pas qu’américain. Il y
en a beaucoup d’autres. Et attendez l’essor de Big Data !
En fin de compte la CJUE se réfère principalement au programme Prisme de la
NSA, et en particulier la collecte de Meta data dans la lutte antiterroriste.
C’est la solution qui considère que pour trouver une aiguille dans une meule de
foin, amenons d’abord toute la meule de foin dans la grange. Nous savons que
l’aiguille s’y trouve, s’il y en a une. Le contenu de la communication n’est
pas capté, seulement l’emballage, les données des contacts. S’il faut trouver
l’aiguille, connecter des personnes, dégager des modes de comportement, on
décortiquera la meule pour fondre sur les suspects. Un juge ad hoc en donnera
la permission. Bien-sûr on critiquera qu’il fait partie de la maison.
NSA ne s’occupe pas de M. Schrems, l’étudiant qui a porté plainte, et qui
pourrait se trouver dans la meule. Il n’est pas assez important pour eux.
L’étudiant militant continuera sans doute d’aller de guichet en guichet pour
embarrasser, par rafales de plaintes judiciaires, d’autres grands de l’internet
qui sont pratiquement tous américains. Avec sans doute aussi et toujours NSA et
Edward Snowden comme argument à l’appui. Ira-t-il s’occuper de Baidu, le
Google Chinois, ou Ali Baba, l’Amazon chinois ? Probablement pas plus que
Wikileaks ne s’attaque à la Chine ou la Russie, car le joli bras d’honneur n’y
est pas sans danger.
Entretemps si Face Book vous fait trembler pour votre vie privée, mais que
vous avez l’habitude de faire vos courses au Supermarché en payant avec votre
carte de crédit, sachez que ce magasin sait autant sur vous et même plus que
FB. Ce magasin pourrait avec grande précision prédire quand vous achèterez de
nouveau du papier de toilette. Et en déduire des conclusions pour son
marketing, si vous n’en achetez plus. Votre vie privée de tous les jours est
plus menacée par vos marchands locaux que par les communications
internationales et par NSA.
NSA, SREL, SRV, Unité 61398
Il n’y a certainement pas un manque de services secrets qui opèrent aussi
massivement et avec moins de règles de conduite que NSA. La Fédération Russe a
ses deux agences de Sécurité et de Renseignement, le FSB et SVR. Elles sont
connues pour leurs bonnes technologies et leurs intrusions dans les systèmes
américains et européens. Les hackers très officiels de l’Armée de Libération du
Peuple de Chine sont notoires. Son Unité 61398 à Kunming travaille avec Naikon,
une communauté de hackers. Leurs cibles sont de multiples gouvernements et
c’est un organe de guerre électronique. Des intrusions répétées sont rapportées
sur le réseau de l’énergie électrique américain, dans un but de répétition
générale pour un sabotage futur. Il est évident qu’un collapse du réseau
électrique mettrait à genou une économie avancée. Ces intrusions sont source de
tensions ouvertes entre Washington et Pékin.
Et il y a bien d’autres services de ce genre : Citons ceux de
l’Iran, d’Israël, de la Corée du Nord, et tous les autres BND et MI5. Et
rappelez-vous qu’un client de Hacker Team, le développeur de logiciels
d’espionnage italien compte parmi ses clients … le Luxembourg.
Officiellement et étonnamment l’Administration des Contributions (!) pour vous
espionner ? Pour vous dire, que si ces agences veulent savoir quelque
chose sur vous, ou sur des secrets industriels ou militaires, ils
l’obtiendront. Ce n’est pas la culbute de Safe Harbor qui vous protègera mieux.
Si par protection des données privées vous comprenez aussi le secret
bancaire, sachez que le trend là aussi est vers la transparence et même
l’échange de données. Et le danger que votre banque voie ses secrets
embarrassants, voire criminels, dévoilés par un agent secret est infiniment
plus petit que par un de ses propres employés, qui sera tantôt criminel pour la
banque ou héros pour le grand public.
Où sont, après le jugement de la CJUE, les bons et les mauvais ? C’est
une jungle.
Hervé, Bradley, Denis, Antoine, Klaus et Monsieur X
La CJUE vient donc indirectement de célébrer Edward Snowden comme grand
bienfaiteur de l’UE. Cela ne peut que lui conférer le statut de whistleblower.
Au grand dam des Etats-Unis, il est accueilli les bras ouverts en Chine, en
Russie et célébré en Europe ? Donc il est traitre aux Etats-Unis et héros
partout ailleurs, y compris au Luxembourg. La Schadenfreude est grande aussi,
mais elle est symptôme de schizophrénie.
En effet nous pensons volontiers à l’envers dans les cas plus proches de
nous. L’autre jour TV 5 Amérique a diffusé un film, « L’enquête ».
C’est la version cinéma de « Révélation$ », les recherches du
journaliste français Denis Robert sur les comptes opaques de la chambre de
compensation CEDEL devenue ensuite Clearstream. Suite à ses révélations, Denis
Robert a passé un mauvais quart d’heure, ou plutôt 10 ans de harcèlement
judiciaire orchestré avec des dizaines et des dizaines de procédures
judiciaires lancées contre lui au Luxembourg, en France et en Belgique depuis
2001, dans le but évident de le détruire. Car on ne gagne pas contre la banque.
En 2011, il a été blanchi par un jugement de la cour de cassation en France.
Après cet acharnement judiciaire, le Luxembourg devient curieusement
coproducteur avec la France et la Belgique du film « L’enquête »
réalisé par Samsa Films de Luxembourg. Le « Fonds National de Soutien à la
Production Audiovisuelle du Grand-Duché de Luxembourg » figure en grande
évidence au générique. Ce support, est-ce manifester du regret pour les torts
du passé, est-ce du cynisme ou est-ce un symptôme d’un désordre de la
pensée ? Cela dépend du repère. Mesuré à Edward Snowden le héros des
juges, Denis Robert est d’abord traité en criminel, puis réhabilité et ses
souvenirs finissent par valoir un sérieux subside pour un film. Mesurant
Antoine Deltour, employé de PwC qui est à l’origine de Luxleaks, à Denis
Robert, il se dessine la même carrière pour celui-ci pour les 10 années à venir :
poursuites pénales d’abord, puis une vague réhabilitation dans l’oubli.
Pour Hervé Falciani, la classification Suisse est nette : c’est un
criminel recherché internationalement. L’ex-employé de HSBC à Genève
avait copié des listes de plus de 100.000 clients de la banque sur un CD, pour
le vendre dit-on à des gouvernements, et le procurer aussi au gouvernement
français pour former la base de la fameuse Liste Lagarde de fraudeurs du fic.
Pour la Suisse un crime a été commis. Falciani ne se rendra pas en Suisse.
Même pas aux Etats-Unis qui, comme d’autres états le déporteraient
immédiatement vers la Suisse sur base d’un mandat d’arrêt international, alors
même que ces gouvernements ont volontiers consulté son CD. Par contre Falciani
est appelé le « Edward Snowden de l’évasion fiscale » par ses
supporters.
Plus net était le sort de Klaus Lins, informaticien autrichien qui au
Liechtenstein a dérobé les données de clients de la fiduciaire Herbert
Batliner, surtout des « Stiftungen ». Il a été fêté comme un Robin
Hood d’abord, et est un homme ruiné aujourd’hui, qui a écopé de 6 mois de
prison en Autriche. Il n’a pas vendu ses informations, mais logé des
accusations diverses et de taille sur l’opération au Liechtenstein.
La quadrature du cercle a certainement été le cas de Bradley Birkenfeld.
L’affaire porte son nom en Suisse, et a constitué une grande brèche dans ce
plus vieux sanctuaire de l’évasion fiscale. Birkenfeld qui avait soulevé des
objections contre la facilitation de l’évasion fiscale des clients américains,
a été débouté par son employeur, l’UBS. Il a ensuite dénoncé la pratique et les
noms des clients aux autorités américaines qui l’ont à la fois condamné pour
ses activités à 40 mois de prison, et l’ont récompensé de USD 104 millions
payés par le IRS (Administration des Contributions) Whistleblower Office sur
base de la législation US sur le whistleblowing, qui récompense les alerteurs.
Un héros criminel en quelque sorte. L’IRS a récupéré USD 10 milliards en impôts
et amendes, et UBS a payé une amende d’USD 780 millions.
Encore plus près de chez nous il y a X, Monsieur ou Madame, pour compléter
notre galerie de portraits. X aurait vendu des données bancaires provenant de
la BCEE, qui porte plainte contre X, et « la BCEE rappelle que ses
pratiques commerciales sont et ont toujours été conformes aux exigences de la
réglementation bancaire luxembourgeoise et européenne applicable [sic]. »
Quelle étiquette faut-il coller à X, héros ou criminel ? Et au
receleur allemand ? La réponse est que cela dépend du moment, de
l’endroit, et du stade d’avancement de la crise. Soit on le condamnera comme
criminel, le réhabilitera beaucoup plus tard, ou au contraire on le fêtera
comme héros. Il est clair aussi que notre galerie de whistleblowers a changé
chaque fois la banque en forçant l’éthique et la transparence. Leur action va
de pair avec des législations sur la transparence des gouvernements,
généralement connus comme « Freedom of Information » ou FOI, sauf au
Luxembourg où la loi Bodry sur l’accès à l’information est en souffrance depuis
presque 15 ans.
La justice assise, entre deux chaises
Les juges de la CJUE sont-ils à contre-courant de l’évolution en célébrant
la transparence de Snowden et la confidentialité des données personnelles?
En fait on va vers l’érosion du secret d’état et à celle de la confidentialité
personnelle.
Le secret d’état, centenaire, fond sous les coups de FOI. La sphère privée,
invention citadine plus récente, se rétrécit bon gré mal gré par l’omniprésence
de technologies, le besoin de sécurité, et le simple besoin de communication.
Ainsi nous avons protesté les caméras de surveillance avant de concéder
qu’elles préviennent des crimes ou aident à les résoudre. Nous nous soumettons
à la prise de nos empreintes digitales, et perdons notre temps dans les lignes
de sécurité aux aéroports. Et comme M. Schrems, nous n’avons aucun problème à
mettre nos données personnelles sur FB ou sur la carte de garantie du nouveau
fer à repasser. Je me revois dans mon ancien village, où chacun savait tout sur
chacun. On se livrait soit spontanément, soit on était l’objet du
« Beschass ». Personne ne pouvait cacher grand-chose, même pas le
curé.
Dans cette évolution la CJUE a pris la décision de protéger une ambition
politique et peut-être utopique, celle de protéger les données personnelles en
invalidant Safe Harbor. En ce faisant, elle a érigé des obstacles
nouveaux pour startups et innovateurs de l’internet de tout genre qui auront
très difficile financièrement à se conformer aux nouvelles restrictions.
La Cour a aussi atomisé la politique européenne de la protection des
données en 28 parcelles qui risquent des conflits d’interprétation entre eux.
Il est urgent que l’UE et les USA remettent Safe Harbor à flot. La politique
devra prévaloir sur les phantasmes de la paranoïa.