Luxembourg - L'état de la Nation
Après le discours
Le Luxembourg ne se sent pas bien. Notre Premier a parlé de ce dernier,
mais ce qu'il n'a pas dit pèse au moins aussi lourd que ce qu'il a dit.
D'abord il n'a pas dit qu'il était content d'être de retour au Luxembourg,
après 9 années passées en Eurozone. Et on sent la frustration de voir son
successeur divaguer sur Chypre, sous le nez de notre ministre des Finances.
Pour le reste, pauvre monde, où le printemps arabe est givré aux portes de
l'Europe, un dictateur joufflu joue avec les allumettes en Corée et le Moyen
Orient est une poudrière. Sans parler de Chypre, et de sa révélation que toute
richesse est éphémère. Et notre Premier compare l'ambiance à 1913 !
Les deux scandales du
Luxembourg, ou sont-ce quatre?
Mr. Juncker voit deux scandales, j'en compte quatre: Bommeleeër, SREL sans oublier
Livange-Wickrange et Cargolux.
Le procès Bommeleeër qui traîne, expose des dysfonctionnements dans les institutions
luxembourgeoises en général, Justice et Police en tête. Surtout que ce procès,
près de 30 ans après les faits, arrive comme une cerise sur le gâteau bien
marbré des autres affaires non-résolues, escamotées, obstruées, de
Livange-Wickrange, Cargolux et du Service de Renseignements. Le public est
confus par ce procès-spectacle, les incroyables pannes dans les enquêtes, les
manœuvres, et les cordées diverses, le défilé des princes, des ministres, des
ex-gendarmes et autres témoins, et deux accusés que le public ne semble
disculper d'avance. Le spectacle durera encore quelques mois, sans compter une
douzaine de semaines de "congé judiciaire". C'est une opérette
extravagante qui impitoyablement met à nu les insuffisances de la société
luxembourgeoise et de son système judiciaire.
L'autre affaire traitée, le SREL, couvre un quart de siècle. C'est un
problème de seconde catégorie, créé de toutes pièces pour distraire des vrais
problèmes, des années après un incident rocambolesque d'écoutes. Probablement
aucune des deux affaires ne livrera de conclusion. Quant aux deux autres, elles
ont été étouffées avec succès. Non, ce n'est pas l'année de la grande lessive.
Pendant ce temps là, le citoyen qui n'a pas eu de chance, qui doit trouver
un emploi, retrouver une santé ou tout simplement appeler une administration,
appellera souvent aux abonnés absents. Telle est l'arrogance de l'appareil que
nous avons laissé dériver et sa décadence rampante. Il faut redresser la barre,
au plus tôt.
Faire le ménage est un vaste
chantier
" Soucieux de la crédibilité et de l’irréprochabilité de
l’État, le gouvernement s’est doté d’un code de conduite et a fait voter une
loi sur l’accès à l’information" dit le site du gouvernement. J'ai
commencé à douter de mes sources de renseignement, car je n'étais pas au
courant. J'ai cru
comprendre que la loi sur le "Freedom of Information", (FOI) serait votée, et qu'on aurait un
code de déontologie? A part l' "Accès du public à l'information en matière
d'environnement", pas de trace de FOI. Le Meco doit être enchanté comme
une forêt, quand il voudra un jour franchir cette piste d'obstacles.
Mais c'est au moins une déclaration d'intention. Comme pour la nouvelle
Constitution, en chantier depuis des années. Tant de tergiversations montrent
que des intérêts particuliers sont à l'œuvre. Un résultat autre qu'une
constitution instaurant un gouvernement laïque du peuple par le peuple établira
une nouvelle tutelle de quelqu'un d'autre sur le peuple et sur son avenir. Pour
dénier cette tutelle à quiconque, il ne
suffit pas des bons principes de séparation des pouvoirs, mais aussi de deux
outils de contrôle: le droit à l'information du public pour pouvoir juger, et
un code de déontologie pour sanctionner.
Quand enfin ce sera fait, encore faudra-t-il distinguer entre la qualité des textes adoptés, le sérieux de
leur application, les sanctions prévues et surtout les sanctions effectivement
appliquées. Le public a raison de regarder ces projets avec suspicion: ils sont
en gestation depuis 12 ans. Si le Luxembourg ne change pas, le monde global
s'en chargera.
La globalisation est à double
tranchant
Le Luxembourg, plus agile que certains voisins, a su profiter des
ouvertures procurées par la globalisation et la construction européenne, tout
en abritant un pan de ses activités économiques par le secret bancaire et le
« pragmatisme » de ses institutions. Ce darwinisme demande une adaptation
continue, car la globalisation est une voie à deux sens. La place financière
est assiégée comme paradis fiscal, le pragmatisme est décrié comme laxisme
sinon paradis judiciaire, et le site industriel, surtout l'acier, se vide de sa
substance sous le double effet de la perte de compétitivité et de stratégies mal
choisies.
Le problème éternel à résoudre est celui de comment garantir le futur d’une
économie monolithique ? Tout à fait logiquement en consolidant ce qu'on a
et en diversifiant de toute urgence.
Changer le paradis fiscal et
judiciaire en centre financier respecté
C'est dire, le délivrer de ses tares, et effacer la renommée qui pêle-mêle
se réfère à des activités légitimes et légales, douteuses, illicites et
carrément criminelles, et à la faiblesse
des règles et surtout à une grande impunité. Ce n'est pas l'affaire grotesque du Bommeleeër
qui viendra l'infirmer. Ni la Cour Européenne des Droits de l'Homme qui a
condamné le Luxembourg comme récidiviste pour ne pas fournir une justice en des
délais raisonnables. Ni les victimes de Madoff ou de la BCCI. Le centre
financier est en ce moment un paradis judiciaire qui desservira la défense du
centre financier.
Les paradis fiscaux disparaitront à moyen terme sous les coups de butoir de
la Commission Européenne, du G 20, de l'OCDE - GAFI, des gouvernements voisins
et des Etats-Unis. Le Luxembourg longtemps allié objectif de la Suisse et de
l'Autriche, s'est donc décidé d'abandonner le secret bancaire. C'est un pas logique,
et une perte amère. Mais quelle pagaille, cette annonce: un acte non-coordonné,
surprenant, comme jadis la vente catastrophique de Cargolux au Qatar. Car il y
avait au moins quatre aspects qui méritaient une considération: est-il
acceptable pour le Luxembourg de se dérober subrepticement d'une alliance de fait avec la Suisse et
l'Autriche, est-il acceptable de surprendre ainsi la Chambre des Députés (sinon
le reste du gouvernement), comment peut-on omettre de négocier quelque chose en
contrepartie d'une concession majeure comme celle-ci, et comment le dire aux clients
des banques?
Faut-il se soumettre inconditionnellement aux demandes du voisin tonitruant
ou aux désirs des institutions supranationales? Je décèle une contradiction étonnante
entre l'arrogance avec laquelle on a développé le secret bancaire d'abord, et ensuite
le zèle soumis avec lequel le gouvernement
se conforme à des demandes qui souvent heurtent nos intérêts: nous avons
plié pour l'harmonisation de la TVA, Kyoto, l'aide au tiers monde, les taxes
sur le commerce électronique, sans parler de la perte sans broncher de la BCE à
Francfort. Sans contrepartie connue.
Equilibrer les finances
Ces gentilles concessions pèsent sur un déficit de 2 milliards d'euros en
2016 et des charges futures, il faudra réduire les dépenses ailleurs. Certains postes budgétaires échappent miraculeusement
à la tonsure, alors que d'autres, impactant la vie des luxembourgeois se
retrouveront facilement à l'ordre du jour d'une tripartite. Documentant ainsi
un certain manque de discernement dans l'établissement des priorités
budgétaires, alors que le pays a 22.000 chômeurs et 15% de la population se
retrouvent en-dessous du seuil de pauvreté.
Opposez à cela l'image extravagante de la ministre de la Coopération
Marie-Josée Jacobs roulant sa bosse à Bamako. Le Luxembourg y a planté des
millions dans le sable dans le passé. Eh bien on recommence, 10 millions d'euros
d'aide par an plus un spécial élections de 1million d'euros maintenant. Cela se
fête. J'imagine qu'au menu il y avait des loukoums, graines de couscous et du
chameau à la crapaudine. Comment? On aurait mangé le chameau offert à Hollande?
Notre million permettra au moins de le remplacer par plus grand et plus beau
encore.
Honni soit qui Mali pense.
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