Lumière! Naples
Pier. Photo ET
Les antécédents sont connus:
Deux entrepreneurs, Guy Rollinger et Flavio Becca ont
deux projets immobiliers concurrents, dont l'un comprend un stade de football.
Becca, il apparait, a la préférence du gouvernement, donc l'autre est une
nuisance et est mis sous pression pour abandonner son projet en faveur de
l'autre. Enfin, c'est ce que dit Rollinger, qui affirme qu'un ministre aurait menacé
de lui casser la nuque s'il se rebiffait. Mais il serait compensé disaient-ils.
Et la BCEE va aider, disaient-ils. Avec €
16 millions en prêts, disaient-ils.
Survient le mouvement écologique, qui a à redire, parce que le projet du chouchou
est en pleine zone protégée. Blanche
Weber, au nom du Meco et presque par inadvertance, met le feu à la poudre.
L'affaire, soustraite aux yeux du public pour longtemps devient une affaire publique
politico-financière. On se pose des questions aux niveaux Parlement et même Justice
pour savoir si le ministre Jeannot Krecké, démissionnaire en février, a menacé
Guy Rollinger, si le ministre Halsdorf est intervenu auprès de la BCEE pour un prêt
à Rollinger, ou était-ce Becca? Dans un cas ce serait de l'extorsion, dans
l'autre une violation du secret bancaire, peut-être de la corruption? Tout le monde insiste qu'il n'y a pas de coupable
avant qu'il n'y ait une condamnation. C'est peu de consolation pour nos deux hommes
politiques: le mal est fait car leur réputation est entamée., qu'ils le veuillent
ou non.
Le recours à l'art de l'esquive
La majorité du Parlement hélas rejette une commission d'enquête,
la seule facon elegante et transparente de traiter le sujet. Ce refus est
inexcusable. La majorité expose ainsi le
pays à tous les soupçons et à toutes les théories qui jadis (Septembre 2011), ont
fait écrire un certain Nick Jardine: "There is something rotten in theState of Luxembourg", article-reportage subjectif et partiellement faux,
mais hautement préjudiciable à notre image de marque internationale. Sauf chez
les mauvais garçons. L'esquive a l'énorme
défaut de laisser planer le doute à jamais.
Nos élus ont préféré refiler la patate chaude à la Justice
qui a fait une enquête préliminaire, tout en poursuivant des enquêtes au niveau
des Commissions parlementaires. Les deux ont produit une amorce pour faire passer tout cela en
oubli, et un autre petit scandale grâce à la BCEE, dont le directeur général a refusé
de comparaître en citant le secret bancaire, cher à Nick Jardine ci-dessus. Ce mépris
du Parlement n'est pas un crime, c'est une faute, pour paraphraser Joseph Fouché.
Le "faute de preuves" du
Parquet luxembourgeois
L'enquête judiciaire préliminaire n'a pas produit de
preuves de menaces contre Rollinger, ni des preuves d'une violation du secret
bancaire par Halsdorf. Selon les procédures en place, l'enquête conclue qu'il y
a parole contre parole et que l'on classe l'affaire sans suites. Si suite il y
avait, ce serait une inculpation qui ne peut se faire que par un vote du
Parlement. Ce vote, qui sera non, se fera dans la semaine. Dans l'intérêt de nos institutions, il y aurait
cependant eu trois raisons pour procéder autrement:
1. Ceci est un scandale politique, preuve ou pas. La
politique se devait de faire une enquête par une commission d'enquête. Elle a été
refusée par la majorité. Elle aurait conclu s'il fallait lever une immunité et
inculper au lieu d'envoyer la balle à la Justice en vue d'une enquête préliminaire.
Quelle est au juste la différence entre une enquête préliminaire et une enquête?
Elle est définie dans le communiqué de presse du Parquet de Luxembourg selon
l'article 46 du code d'instruction criminelle:
Art. 46. (L. 6 octobre
2009) (1) Les officiers de police judiciaire et les agents de police judiciaire
désignés à l’article 13
procèdent à des enquêtes préliminaires soit sur les instructions du procureur
d’Etat, soit d’office,
tant qu’une information n’est pas ouverte.
(2) Ils informent les
personnes lésées, identifiées, de leur droit d’obtenir réparation et aide en
leur
fournissant les
informations visées à l’article 30-1.
(3) Ces opérations
relèvent de la surveillance du procureur général d’Etat.
Remarquez que cette enquête n'implique pas la Justice "assise".
Il n'y a pas de juge d'instruction. Elle est conduite par la justice "debout",
qui est sous l'ultime contrôle du Ministre de la Justice, qui n'est pas indépendant.
2. Notre Constitution, ce "quilt" désordonné et
rapiécé à outrance, que tout le monde soit ignore soit manipule à qui mieux-
mieux, crée un problème? Ce problème semble avoir été une aubaine pour
pratiquer l'esquive. Seul le Parlement peut inculper un ministre, soit. Mais
pourquoi se limiter à une enquête préliminaire? Cela sonne comme l'equivalent
de sommaire. Pourquoi pas une enquête avec un juge d'instruction qui
recommanderait une inculpation ou non. Il faudrait revoir les principes de l'égalité
devant la loi dans la prochaine révision de la Constitution.
3.Le ministre Krecké a déjà porté plainte en diffamation
contre Rollinger. C'est une contre-action à l'accusation de menace. Le
Parlement donne un appui considérable dès lors à Krecké, un des leurs, en votant
pratiquement un non-lieu dont Krecké se
servira dans son action contre Rollinger.
Le mépris de la BCEE pour la Chambre des Députés
Mais que fait la BCEE dans cette galère? C'est précisément
ce que les Députés ont voulu savoir. Surtout le détail de l'intervention du
ministre Jean-Marie Halsdorf auprès du directeur général de la BCEE,
Jean-Claude Finck à propos d'un prêt de € 16 millions à Guy Rollinger. Au sujet
de ce prêt, on a eu droit à toutes les versions: qu'il n'y avait pas de prêt, qu'il
y avait un prêt, que le gouvernement n'est pas intervenu en faveur du prêt, que
finalement le gouvernement est intervenu un tout petit peu. En fin de compte ce
serait Becca qui serait intervenu auprès de la BCEE. Pour Monsieur Finck , il s'agissait
de reconstituer le puzzle créé par ses propres déclarations contraires, et
celles des autres. Avec les traces laissées en ces neuf mois que dure
l'affaire, et l'omniprésence de Finck dans
de nombreuses organisations auxquelles ci et là appartient Becca ou qui lui appartiennent
(Lynx, Compagnie de Banque Privée dans le temps...), il faudra réparer les
contradictions apparentes. Est-ce pour l'éviter que Finck a sorti son joker: le
secret bancaire pour interdire toute autre question. C'est une faute, mais l'esquive du Parlement
est du même caractère que le refus de Finck: le mépris des institutions. Si
tout le monde le fait ....
Jean Bour, ancien procureur et une autorité en matière de
secret bancaire, s'est montré "étonné et surpris", que le ministre
Halsdorf puisse appeler ainsi la BCEE, et relève la contradiction entre les
faits et les propos propagés.
Puis il y a la réaction du président de la Commission des
Finances Michel Wolter. Elu depuis le plus tendre âge auquel un citoyen est éligible
aux fonctions de Député, Michel Wolter a eu un sursaut d'indignation et insiste
que Finck paraisse. Mais voilà: les dés sont tombés. Il n'y aura pas
d'inculpation des deux ministres. Du coup que Finck se rende à la Chambre ou
continue de refuser n'a plus d'importance ni de conséquences.
Pas de conséquence pour son chef politique Luc Frieden non plus. Alors
qu'il n'aurait pas pu jouer au roi Hérode éternellement. Le "Je n'interviens pas dans la conduite des
affaires de la banque" peut en effet être utilisé, mais pas trop. Dans une
affaire politique, le politique est appelé à résoudre le conflit et à tirer des
conséquences politiques.
En ce cas une simple esquive a suffi !
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