Smoke and mirrors. Photo ET |
Jean-Claude Juncker et Hillary Clinton, même combat
Des deux côtés de l’Atlantique, Jean-Claude Juncker et Hillary Clinton sont
soumis à des pressions politiques similaires, quoique sans relations entre elles.
L’un est le Président non-élu au suffrage universel de la Commission
européenne, l’autre est l’incontournable Princesse héritière de la Présidence
américaine, qui virtuellement met en suspension
le suffrage universel, du moins dans la conception de sa manœuvre
électorale. Tous deux sont hantés cependant par un passé qui les rattrape. Pour
l’un, c’est LuxLeaks, l’affaire des tax rulings, pour l’autre c’est
l’Emailgate, une affaire qui mettrait l’ancienne Secrétaire d’Etat en violation
avec les lois et règlements sur la sécurité de l’Etat.
Pour Madame Clinton, les perspectives seraient mauvaises, si le cas du
général quatre étoiles et ancien Directeur de la CIA David Petraeus venait à lui
être appliqué. Petraeus, dans un moment d’égarement, maintenait des
informations classifiées sur son ordinateur privé pour sa biographeuse. La loi
est claire et les juges étaient implacables. Petraeus a été condamné. Une issue
similaire serait fatale à la candidature presque exclusive de Clinton.
FOIA fait la différence
Si quelque chose sépare les cas Juncker – Clinton, c’est bien la question
cruciale de l’accès a l’information que les deux semblent s’obstiner à cacher.
Clinton doit faire face à FOIA, le « Freedom of Information Act »,
instrument terrible contre les abus de pouvoir. Juncker par contre fait face à
des investigateurs sans dents. Clairement il ne court pas les risques de
Clinton, qui elle peut encore bien survivre, mais ce sera grâce à la réputation
des Clinton de surprendre tout le monde in extremis avec un coup à la Houdini. Juncker
survivra plus facilement, car il n’est pas encerclé (encore).
Tout d’abord, il n’y a pas de grand enthousiasme à poursuivre le cas de la
responsabilité de Juncker dans la conception des rescrits luxembourgeois. Les
conservateurs dont il fait partie tiennent les rênes au Parlement européen,
organe de contrôle en ce cas. C’est étrange que la question soit posée du tout,
car parmi les innovations luxembourgeoises en matière économique, le tax ruling
est une parmi un nombre bien décelable : RTL dans les années 30, le secret
bancaire dans les années 60, la réassurance dans les années 70, le pavillon
maritime et la société des satellites SES dans les années 80, et les tax
rulings dans les années 90. Difficile d’ignorer ces étapes importantes en tant
que Premier Ministre.
La plupart du temps, le mensonge
devient la faute
Comme si souvent dans une situation de crise engageant un homme politique,
Jean-Claude Juncker aurait commis une faute classique s’il a menti : en
niant d’avoir été au courant d’un fait bien établi, le mensonge est plus
dévastateur que le fait incriminé. Et déjà ces circonstances font baisser sa
cote de crédibilité : Quel était donc son problème de confirmer qu’en tant
qu’état souverain, le Luxembourg a toujours cherché à exploiter des
niches de souveraineté, comme indiquées plus haut ? Si problème international
il y a, quel est-il et comment l’éliminer ? L’exploitation de ces niches a
souvent créé des problèmes avec nos voisins. Pourquoi feindre en ce cas de ne
pas savoir ou d’être amnésique ? La question actuellement ne tourne plus autour
de la question des rescrits, mais autour de la question à quel moment Juncker a eu connaissance d’une page d’un
rapport parlementaire qui lui était destiné en 1997!
Cependant en niant une quelconque connaissance des faits, Juncker provoque bon
nombre de chercheurs qui se sentiront une vocation de prouver le contraire. Et dans
son passé résonne son fameux credo comme une tare : « quand les
choses deviennent sérieuses, il faut mentir ». Enfin il y a aussi parole
contre parole. Jeannot Krecké, ancien député et ancien ministre persiste qu’un
document sensible qu’il avait rédigé et soustrait à la publication a bel et
bien été remis à Juncker, officieusement. Juncker nie d’avoir jamais vu ce
document. Encore une fois les circonstances sont contre lui dans le domaine
parole contre parole. Dans l’opinion publique, Krecké est le plus crédible.
Le Luxembourg attend son FOIA
depuis quinze ans !
Le document d’une page rédigé par Krecké, que contient-il ? Cela n’est
connu que par un cercle restreint d’initiés, dont logiquement le Premier
Ministre Juncker qui avait commandité le rapport. Son contenu traite de la
question des rescrits et a sans doute été jugé trop délicat pour le montrer
publiquement. C’est ici que Juncker est plus chanceux qu’Hillary Clinton. Il
n’y a pas de loi luxembourgeoise sur la liberté à l’information. Et je ne vois pas
d’instance européenne qui pourrait être assez coercitive pour forcer quiconque
à divulguer le contenu du document. Juncker lui-même a toujours exprimé son
hostilité au projet de loi 4676/00 qu’Alex Bodry, député LSAP a déposé le 20 juin 2000. C’est la version
luxembourgeoise du « Freedom of Information Act » pour la liberté d’accès
à l’information. Sauf quelques flambées de courte durée après des rappels
embarrassants en 2011-12, le projet s’en est allé mourir dans les oubliettes de
la dernière administration Juncker. Sage précaution sans doute pourrait-on dire
aujourd’hui à la vue de Luxleaks.
Le Luxembourg est ainsi en retard sur le monde ou une bonne centaine de
pays ont une législation type FOIA en place, comme nos voisins et aussi la
Chine, la République Dominicaine, le Nigéria, le Rwanda et Zimbabwe.
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