L’Euro s’éclipse sur le Pirée. Photo Kohl/Mitterrand |
Le théâtre grec vient d’inventer le vaudeville
Ce que certains voudraient appeler un drame, qui inexorablement se déploie
vers une fin fatidique, est plutôt un vaudeville avec ses rebondissements
attendus et ses interprètes qui deviennent de plus en plus des bouffons stéréotypés :
les paresseux, les fourmis qui ne veulent pas partager leur yam, les vertueux,
les incorruptibles, les corruptibles, les tricheurs, les intransigeants, les
manipulateurs et les inévitables cocus de l’histoire : certains créanciers.
Inattendu dans les rebondissements est l’annonce d’un référendum en Grèce
le 5 juillet. Admirez la prouesse, le fait d’arriver à organiser une telle opération
d’envergure dans un pays moribond en 8 jours ! Alors que d’autres
initiatives politiques échouent l’une après l’autre.
Mais ce référendum n’est autre qu’une demande de confirmation du mandat implicite
du gouvernement grec reçu de l’électeur l’année passée : on ne payera plus
les dettes, advienne que pourra. Bien-sûr, ce consensus grec s’est un peu érodé,
sans doute dû au contact des dirigeants grecs avec la nomenclature européenne à
Bruxelles. Trop d’embrassades décentrent les cravates. Le référendum servira à les recentrer et à
fournir l’alibi incontournable pour l’échec des « négociations » sans fin.
Ce blog a déjà mis le doigt sur la plaie en 2012, quand on assistait à une
valse d’hésitation du Président de l’Eurogroupe de l’époque, maintenant Président
de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker. Le titre absurde de ce blog est
toujours d’actualité : Il ne faut pas que la Grèce ne puisse pas ne pas quitter la zone Euro.
A vrai dire, les racines du mal se trouvent dans les fautes commises au
cours de la construction européenne, qui trop souvent attelle la charrue devant
les bœufs. Car la finalité de la construction européenne n’a jamais été définie.
J.C. Juncker en prenant ses fonctions actuelles a déclaré que « nous »
ne voulons pas des Etats-Unis d’Europe. Sa camarade de parti, Viviane Reding
dit le contraire 2 semaines plus tard. Le référendum grec donnera une partie de
réponse.
Il est clair que planifier pour une monnaie commune dans des futurs
Etats-Unis d’Europe est sage, car gouverner c’est prévoir. L’introduction prématurée
de l’Euro était une faute, née de la vanité de ses promoteurs, avides de
se poser un monument. Il est clair que c’était le couple franco-allemand de l’époque,
alors qu’au moins le côté français aurait dû avoir des frayeurs quant au futur
et notamment au sujet du différentiel chronique dans les performances économiques
entre les deux pays. Quelques réflexions élémentaires dans le domaine de l’économie
politique produisent facilement les menaces inhérentes à l’Euro pour les économies
les plus faibles, comme dans l’exemple du couple franco-allemand justement.
En effet l'anémie chronique de l'économie française comparée à celle de
l'Allemagne est bien documentée par l'évolution historique du FF, le « Nouveau
Franc » de de Gaulle face au DM: le taux de change était de 1,17 FF pour 1
DM en 1960 pour tomber à 3,50 FF pour 1 DM la veille de l'introduction de
l'Euro en janvier 1999. Une érosion de 190% environ face au DM en 40 ans ou
près de 5% par an! Depuis lors l'ajustement par dévaluations successives est
devenu impossible, la France ne pouvant dévaluer son Euro. C'est donc une autre
variable dans l'équation de la compétitivité qui a dû céder: c'est le chômage
qui augmente. Et la spirale infernale est engagée: perte de revenus, perte
d'opportunités, chômage, augmentation des dépenses, emprunts, augmentation des
impôts, austérité, la course vers le fond. L’économie la plus faible dans
cet univers Euro, la Grèce, est la première à toucher ce fond.
En attendant une Union de plus en plus étroite, comme le demande le Traité
de Rome, l’ECU (European Currency Unit) d’il y a quinze ans, jouait
parfaitement le rôle de monnaie unique provisoire. Elle était en fait une
moyenne pondérée des monnaies nationales, et des opérations importantes étaient
libellées en ECU. Et l’ECU permettait la dévaluation plus ou moins contrôlée d’une
monnaie dans la corbeille.
La morale de l’histoire est que sans définir le but final de la future intégration
européenne comme étant la création des Etats-Unis d’ Europe ou de la Confédération
Européenne, il faut s’abstenir d’aventures communes qui sont du ressort
d’un gouvernement central : ce sont la politique étrangère commune, l’Armée
européenne, et hélas, la monnaie commune.
La Grèce et l’Europe paient cher la vanité et l’incompétence de ses
dirigeants.
No comments:
Post a Comment