Saturday, June 27, 2015

Le théâtre grec vient d’inventer le vaudeville

L’Euro s’éclipse sur le Pirée. Photo Kohl/Mitterrand


Le théâtre grec vient d’inventer le vaudeville

Ce que certains voudraient appeler un drame, qui inexorablement se déploie vers une fin fatidique, est plutôt un vaudeville avec ses rebondissements attendus et ses interprètes qui deviennent de plus en plus des bouffons stéréotypés : les paresseux, les fourmis qui ne veulent pas partager leur yam, les vertueux, les incorruptibles, les corruptibles, les tricheurs, les intransigeants, les manipulateurs et les inévitables cocus de l’histoire : certains créanciers.

Inattendu dans les rebondissements est l’annonce d’un référendum en Grèce le 5 juillet. Admirez la prouesse, le fait d’arriver à organiser une telle opération d’envergure dans un pays moribond en 8 jours ! Alors que d’autres initiatives politiques échouent l’une après l’autre.

Mais ce référendum n’est autre qu’une demande de confirmation du mandat implicite du gouvernement grec reçu de l’électeur l’année passée : on ne payera plus les dettes, advienne que pourra. Bien-sûr, ce consensus grec s’est un peu érodé, sans doute dû au contact des dirigeants grecs avec la nomenclature européenne à Bruxelles. Trop d’embrassades décentrent les cravates.  Le référendum servira à les recentrer et à fournir l’alibi incontournable pour l’échec des « négociations »  sans fin.

Ce blog a déjà mis le doigt sur la plaie en 2012, quand on assistait à une valse d’hésitation du Président de l’Eurogroupe de l’époque, maintenant Président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker. Le titre absurde de ce blog est toujours d’actualité : Il ne faut pas que la Grèce ne puisse pas ne pas quitter la zone Euro.

A vrai dire, les racines du mal se trouvent dans les fautes commises au cours de la construction européenne, qui trop souvent attelle la charrue devant les bœufs. Car la finalité de la construction européenne n’a jamais été définie. J.C. Juncker en prenant ses fonctions actuelles a déclaré que « nous » ne voulons pas des Etats-Unis d’Europe. Sa camarade de parti, Viviane Reding dit le contraire 2 semaines plus tard. Le référendum grec donnera une partie de réponse.

Il est clair que planifier pour une monnaie commune dans des futurs Etats-Unis d’Europe est sage, car gouverner c’est prévoir. L’introduction prématurée de l’Euro était une faute, née de la vanité de ses promoteurs, avides de se poser un monument. Il est clair que c’était le couple franco-allemand de l’époque, alors qu’au moins le côté français aurait dû avoir des frayeurs quant au futur et notamment au sujet du différentiel chronique dans les performances économiques entre les deux pays. Quelques réflexions élémentaires dans le domaine de l’économie politique produisent facilement les menaces inhérentes à l’Euro pour les économies les plus faibles, comme dans l’exemple du couple franco-allemand justement.  

En effet l'anémie chronique de l'économie française comparée à celle de l'Allemagne est bien documentée par l'évolution historique du FF, le « Nouveau Franc » de de Gaulle face au DM: le taux de change était de 1,17 FF pour 1 DM en 1960 pour tomber à 3,50 FF pour 1 DM la veille de l'introduction de l'Euro en janvier 1999. Une érosion de 190% environ face au DM en 40 ans ou près de 5% par an! Depuis lors l'ajustement par dévaluations successives est devenu impossible, la France ne pouvant dévaluer son Euro. C'est donc une autre variable dans l'équation de la compétitivité qui a dû céder: c'est le chômage qui augmente. Et la spirale infernale est engagée: perte de revenus, perte d'opportunités, chômage, augmentation des dépenses, emprunts, augmentation des impôts, austérité, la course vers le fond. L’économie la plus faible dans cet univers Euro, la Grèce, est la première à toucher ce fond.

En attendant une Union de plus en plus étroite, comme le demande le Traité de Rome, l’ECU (European Currency Unit) d’il y a quinze ans, jouait parfaitement le rôle de monnaie unique provisoire. Elle était en fait une moyenne pondérée des monnaies nationales, et des opérations importantes étaient libellées en ECU. Et l’ECU permettait la dévaluation plus ou moins contrôlée d’une monnaie dans la corbeille.

La morale de l’histoire est que sans définir le but final de la future intégration européenne comme étant la création des Etats-Unis d’ Europe ou de la Confédération Européenne, il faut s’abstenir d’aventures communes qui sont du ressort d’un gouvernement central : ce sont la politique étrangère commune, l’Armée européenne, et hélas, la monnaie commune.

La Grèce et l’Europe paient cher la vanité et l’incompétence de ses dirigeants.










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