The Constitution. Can you see it? Photo: Thomas Jefferson |
Un peut-être au référendum ?
Bien-sûr, ce « peut-être »
est une boutade. Elle souligne d’un côté l’aspect absolument positif du
principe du référendum, d’ ailleurs supporté par tous les grands partis, y
compris jadis le CSV. Elle voudrait aussi éclairer les faiblesses de sa mise en
route actuelle et les hésitations qu’elle engendre. Et donc la boutade voudrait
confirmer que l’électeur est en face de décisions qui ne sont pas faciles à
prendre, qu’il est finalement seul à les prendre, et que toute analyse approfondie
des questions posées lui fera tourner la tête. A moins que vous n’ayez la
certitude d’un inconditionnel très discipliné du « oui » ou du « non »
catégoriques recommandés, voire imposés, par les partis et les groupes
d’influence.
L’ombre de la quatrième question avortée
La question d’un
référendum sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat était une des bases du
succès électoral de la présente coalition. Or cette question a été retirée du
référendum. C’est une faute qui projette une ombre sur tout le vote du 7 juin.
Alors que cette question était destinée à être l’ancrage de la consultation
populaire, sa disparition a propulsé la seconde question en ordre d’importance,
le droit de vote des étrangers, en haut de l’affiche. Nul doute que cette
nouvelle vedette devient d’autant plus controversée, qu’elle n’est plus
éclipsée par la question de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, qui
selon beaucoup d’observateurs allait être approuvée par une bonne majorité. Parmi
ces observateurs figure certainement l’Archevêque de Luxembourg, qui en
excellent stratège issu des écoles jésuites, a frappé avec détermination par
une manœuvre préventive réussie, évitant ainsi que le peuple souverain ne
termine une relation millénaire avec l’Eglise de façon définitive.
L’Archevêque
s’est ainsi confirmé grand Homme d’Etat, qui sait agir quand les possibilités de
ceux en face sont en sa défaveur. En plus, sa victoire relative a affaibli la
crédibilité du référendum résiduel, sans que l’Eglise ne doive s’en mêler
vraiment et directement pour avancer ses opinions.
Le droit de vote des étrangers est devenu la question
vedette
Ça, c’est une
valse ! Si je vais fouiller dans mes vieux bagages idéalistes, la réponse
est indubitablement « oui ». Ce même moi a idéalisé les grands
exemples d’actions en faveur du progrès de l’humanité, la paix mondiale si
souvent citée par les candidates au titre de Miss Monde, et même les
Nations-Unies pour leur potentiel à faire le bien. Mon ton révèle sans doute qu’au contact avec
les réalités, (les Nations Unies bien-sûr),
mon oui euphorique devient un « oui mais ». Pourquoi ?
Comme dans l’exemple de notre Archevêque, un Homme d’Etat ne cède jamais rien
pour rien. L’Archevêque a cédé, mais a sauvé l’essentiel. Le Luxembourg par
contre a mal choisi l’heure et l’endroit pour lancer la question du vote des
étrangers. Il ne propose même pas de négocier pour céder un droit, il l’offre
pour rien en contrepartie, et au mauvais moment.
L’occasion eut été
d’en faire le cheval de bataille de la Présidence luxembourgeoise de l’UE à
partir du 1er juillet. En manœuvrant ainsi, plusieurs intérêts
gouvernementaux auraient pu être atteints : Présenter l’initiative du vote
étranger (européen ?)comme la question du moment primant tout au niveau
européen, et obtenir du coup en principe la réciprocité pour le vote des
luxembourgeois à l’étranger. La réciprocité est un principe fondamental de
politique internationale.
La véhémence des
débats que l’on observe actuellement, où l’emploi de noms d’oiseaux n’est pas
rare pour invalider l’opinion d’autrui, aurait été dans un contexte plus vaste
et moins polarisé. Enfin le Luxembourg aurait gagné en crédibilité comme élève modèle
de la construction européenne. Car enfin si le vote des étrangers (européens)
est vu avec méfiance dans certains quartiers, comment ne pas remarquer que s’il
y a quelque chose à perdre avec l’octroi de ce droit, le Luxembourg avec
presque 50% d’étrangers aurait à perdre le plus. Enfin, la perception actuelle
du Luxembourg, une sorte de nation branding involontaire comme nid de fraudeurs
du fisc, se serait estompée en faveur du Luxembourg hardi, terre d’accueil des
étrangers. Le Luxembourg, bâtisseur de l’Europe.
En attendant, le
niveau d’amertume du public qui confond pêle-mêle les notions de peuple, de
nation et de citoyen est sidérant. Mais quel que soit le verdict de l’urne, la
stratégie européenne ne sera pas obsolète. A moins qu’on ne veuille pas construire
les Etats-Unis d’ Europe.
Le droit de vote à 16 ans
C’est une lubie, bien
sympa, mais une lubie. En atteignant l’âge de 16 ans, l’arithmétique vous donne,
à vous les jeunes, seulement 2 chances sur 5 de voir une élection avant que
vous n’atteigniez 18 ans de toute façon. Je pourrais compléter cette vision du
vote à 16 ans en donnant à votre papa ou à votre maman le droit de vote pour
vos plus jeunes frères et sœurs, donc le droit de vote universel élargi
jusqu’aux bébés, mais exercé par les parents. La justification ? Bof, en
voilà une : ces parents élèvent les futurs piliers de notre société basée
sur un contrat social qui fait que la redistribution des revenus supporte les
vieilles générations par le travail des jeunes générations. Ce serait un vote pondéré
sur le nombre d’enfants mineurs élevés par les futurs vieux. Car enfin, les
bébés d’aujourd’hui n’auraient rien à dire quant aux grands choix de société
pour demain ? Cette idée est peut-être une lubie aussi. Elle me sert à
mettre en exergue le degré d’urgence et de maturité dans l’innovation politique
qu’est le vote à 16 ans.
Comme d’ailleurs pour
les étrangers la question de l’accès à l’éducation civique des jeunes avant un
premier vote mérite d’être évoquée au préalable.
La limitation des mandats
Que ce soit au
Luxembourg ou aux Etats-Unis où j’habite, je ne veux pas d’une Hillary Clinton
ni d’un Jeb Bush. Comme si de telles dynasties étaient inévitables dans
l’intérêt du pays. La pérennité du pouvoir mène à l’inceste politique et aux
systèmes corrompus. J’espère qu’il n’est pas nécessaire de faire un dessin pour
illustrer le cas luxembourgeois. Je supporte sans hésiter le « oui »,
et je me défendrai d’avoir été influencé par quiconque.
La limitation des
mandats combattra la stagnation, la paresse, les évolutions mafieuses qui elles
ont besoin de temps pour s’épancher, et stimulera le nombre des aspirants
politiques trouvant la voie dégagée par les fossiles politiques jadis
inamovibles. Si les vétérans ainsi remplacés ont vraiment des idées à
contribuer à leurs successeurs, le choix leur est permis. Si entretemps ils ne
se sont pas refugiés chez Gazprom ou Deutsche Bank.
Finalement une nouvelle culture politique
Malgré les ratages
dans la conception du référendum, il faudra surtout célébrer son existence.
C’est une nouvelle culture démocratique qui s’installe, où gouvernement et
électeurs sont néophytes. On sera donc indulgent, surtout qu’un autre référendum
sur la Constitution se pointe à l’horizon 2017. Occasion de revoir certaines
questions ? Il ne sera jamais trop tôt pour lancer ce débat, surtout que
le projet de texte sur la table laisse à désirer : il fourmille de
qualificatifs comme « sera déterminé par la loi », ce qui annule
potentiellement l’article énoncé par un vote majoritaire au Parlement. Il faut
y remédier pour énoncer surtout des principes et non pas des petites règles
flexibles selon la volonté des partis majoritaires.
Finalement ce 7 juin
retenons que l’électeur luxembourgeois expérimente une sorte d’émancipation politique
nouvelle. C’est ce moment solennel où en tant que souverain il se trouve seul
devant des questions à trancher lui-même dans le secret du vote.
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