Cet article et surtout le lien au journal suisse sont des lectures obligatoires pour tous ceux qui pensaient que la paix aurait éclaté avec la signature de 12 bouts de papier, autrement connus comme standard OCDE sur la double imposition. Le lien est une nouvelle de l’AFP reprise par le quotidien Suisse « Le Matin » :
http://www.lematin.ch/flash-info/monde/fraude-france-dispose-liste-3000-comptes-suspects-suisse
Eh, oui, l’encre sur le chiffon franco-suisse sur la double imposition n’est pas encore sèche, que le coq gaulois gratte dans tout ce qui gribouille du côté des paradis fiscaux. Il a trois mille noms de clients français dans des banques suisses, mais ne dit pas lesquels. Tous les enfants de la patrie-ie-euh qui ont une cachette en Suisse, sont invités à aller se dénoncer à la « cellule de régularisation ». Celle-ci fermera ses portes le 31 décembre 2009. Viendra alors l’examen fiscal. Bien sûr, les 3.000 noms ne seront pas rendus publics. Ceux qui savent qu’ils cachent quelque chose en Suisse, ne savent pas si les inspecteurs des impôts français savent. Dès lors, se dénoncer ou ne pas se dénoncer, c’est la question. La réponse est bien française : quitte ou double.
Pour tous les défenseurs du secret bancaire il y a bien sûr 2 questions immédiates.
1. Comment les autorités françaises ont-elles obtenu ces noms ? Réponses officielles:
a. C’est le fruit d’une longue enquête fiscale
b. Deux établissements financiers ont communiqué leurs noms « spontanément »
c. Par des informateurs non anonymes et non rémunérés.
Le secret bancaire a donc été mis en échec par trois méthodes différentes au moins, la première étant sans doute un amalgame de coopération avec les services de renseignement qui ont « rémunéré un anonyme » ou tout simplement intercepté électroniquemen des communications de toute sorte. Ahurissant n’est-ce pas et intéressant à la fois. Personne en Suisse, au Luxembourg, en Autriche ou dans les îles ne sait ce que savent les services de toutes sortes de par le monde, prêts à agir. Cela s’appelle du renseignement « actionnable ».
2. Comment peut-on garantir le secret bancaire dans ces conditions? Simplement, on ne peut pas. Pourquoi le défendre dès lors ? Vaut-il vraiment la peine de défendre l’indéfendable et qui en plus ne tient pas sa promesse de confidentialité absolue? Comment peut-on jamais compenser le client étranger, pris dans les mailles du filet? Ne faut-il pas se méfier d’un client qui viendrait quand-même tenter le diable ? Il a probablement plus à cacher qu’il n’en dira. Et que faire des établissements qui violent le secret bancaire « spontanément » ?
Il est intéressant aussi de réaliser combien les nouvelles de demain annoncées sur feierwon.blogspot.com depuis quelques semaines, ont tendance à se réaliser ces jours-ci. Relisons ces vieilles nouvelles de demain car elles sont toutes fraîches.
Egide Thein
Sunday, August 30, 2009
Luxembourg, le secret bancaire et une nouvelle approche
Un ami a posté la vidéo suivante, en luxembourgeois et en français, avec l’essentiel du message en français :
http://www.youtube.com/watch?v=7KvnR_to3D4&eurl=http%3A%2F%2Fwww%2Efacebook%2Ecom%2Fhome%2Ephp&feature=player_embedded#t=40
C’est un intéressant tour de la question du secret bancaire en effet, car Astrid Lulling semble abandonner la langue de bois qui handicape tant de politiciens qui pensent qu’ils ont un secret bancaire à défendre. Elle semble le penser aussi, mais la députée européenne ouvre les esprits et montre l’urgence de savoir et de définir enfin ce que c’est ce qu’il faut défendre et comment.
A mon avis il y a dans son message 2 sages conclusions, 2 erreurs qui ne manqueront pas d’être relevées par ceux d’en face et 2 omissions.
Les 2 sages conclusions sont les éléments innovateurs dans le discours politique luxembourgeois
1. Il ne peut y avoir de tabou dans les discussions. Bien ! Cela veut dire hélas, à Bruxelles seulement. A Washington il n’y aura pas de discussion. Ce qui viendra de Washington sera in diktat.
2. Le débat sera plus politique que technique. Bien aussi ! Et il faut savoir que c’est rare que le plus petit gagne. Le dernier était David.
Les 2 erreurs qui sont des coups de poing dans le vide
1. A moins d’être incompétent, tout le monde est d’accord que le secret bancaire n’a pas causé la crise. Personne de sérieux n’utilisera cet argument. Il faut donc se garder de dépenser trop d’énergies sur cela. On n’entend cet argument d’ailleurs plus que du côté luxembourgeois. Comme si c’était une création et une astuce luxembourgeoise pour divertir les discussions. Ou pire : quelqu’un aurait mal compris ? Cela me rappelle « atmosphère, atmosphère, ai-je l’air d’une atmosphère ! »
2. L’échange automatique ne fonctionnerait pas ? Hélas si, au même titre qu’aujourd’hui tous les rapports obligatoires que les institutions financières doivent faire fonctionnent (comme les STR pour suspicion, les transferts de fonds d’un certain montant) Ce sera même plus facile techniquement de traiter tous les clients de la même façon que d’appliquer des critères sélectifs. La seule question à décider est le routing de ces informations.
Par contre le Luxembourg pourrait plus efficacement invoquer des problèmes de protection des données pour opposer l’échange automatique d’informations personnelles d’institutions privées vers des administrations étrangères.
Les 2 omissions ou la politique de l'autruche
1. Le secret bancaire est surtout attaqué parce qu’il est l’outil de l’évasion fiscale et d’autres crimes financiers. C’est une omission capitale. Le secret bancaire ne survivra pas.Le discours luxembourgeois a très difficile de s’en accommoder. Il faudra sans doute un peu plus de temps pour le deuil. Pourquoi ne pas invoquer plutôt la protection des données ?2. Dans le même souffle que Bruxelles, il faut ajouter surtout Washington quand on parle des problèmes à venir. A Bruxelles, le Luxembourg est assis à la table de négociation, à Washington sur le banc des accusés.
Avertissement : la météo pour la place financière
L’autre discussion, qui n’est pas encore sur les écrans radar, est escamotée par le Luxembourg et bien d’autres pour le moment. Il s’agit de la discussion émergente sur les paradis judiciaires et réglementaires.La règle générale ? Sera considéré paradis judiciaire et réglementaire toute juridiction qui applique des standards en matière financière qui sont inferieurs à ceux des Etats-Unis. Les entreprises et particuliers qui seront en relation avec ces paradis subiront quelque chose de mauvais. Barney Frank mijote encore les conséquences qu’il voudrait réserver à ceux-là.
Tout cela, en détail sur http://feierwon.blogspot.com bien sûr.
http://www.youtube.com/watch?v=7KvnR_to3D4&eurl=http%3A%2F%2Fwww%2Efacebook%2Ecom%2Fhome%2Ephp&feature=player_embedded#t=40
C’est un intéressant tour de la question du secret bancaire en effet, car Astrid Lulling semble abandonner la langue de bois qui handicape tant de politiciens qui pensent qu’ils ont un secret bancaire à défendre. Elle semble le penser aussi, mais la députée européenne ouvre les esprits et montre l’urgence de savoir et de définir enfin ce que c’est ce qu’il faut défendre et comment.
A mon avis il y a dans son message 2 sages conclusions, 2 erreurs qui ne manqueront pas d’être relevées par ceux d’en face et 2 omissions.
Les 2 sages conclusions sont les éléments innovateurs dans le discours politique luxembourgeois
1. Il ne peut y avoir de tabou dans les discussions. Bien ! Cela veut dire hélas, à Bruxelles seulement. A Washington il n’y aura pas de discussion. Ce qui viendra de Washington sera in diktat.
2. Le débat sera plus politique que technique. Bien aussi ! Et il faut savoir que c’est rare que le plus petit gagne. Le dernier était David.
Les 2 erreurs qui sont des coups de poing dans le vide
1. A moins d’être incompétent, tout le monde est d’accord que le secret bancaire n’a pas causé la crise. Personne de sérieux n’utilisera cet argument. Il faut donc se garder de dépenser trop d’énergies sur cela. On n’entend cet argument d’ailleurs plus que du côté luxembourgeois. Comme si c’était une création et une astuce luxembourgeoise pour divertir les discussions. Ou pire : quelqu’un aurait mal compris ? Cela me rappelle « atmosphère, atmosphère, ai-je l’air d’une atmosphère ! »
2. L’échange automatique ne fonctionnerait pas ? Hélas si, au même titre qu’aujourd’hui tous les rapports obligatoires que les institutions financières doivent faire fonctionnent (comme les STR pour suspicion, les transferts de fonds d’un certain montant) Ce sera même plus facile techniquement de traiter tous les clients de la même façon que d’appliquer des critères sélectifs. La seule question à décider est le routing de ces informations.
Par contre le Luxembourg pourrait plus efficacement invoquer des problèmes de protection des données pour opposer l’échange automatique d’informations personnelles d’institutions privées vers des administrations étrangères.
Les 2 omissions ou la politique de l'autruche
1. Le secret bancaire est surtout attaqué parce qu’il est l’outil de l’évasion fiscale et d’autres crimes financiers. C’est une omission capitale. Le secret bancaire ne survivra pas.Le discours luxembourgeois a très difficile de s’en accommoder. Il faudra sans doute un peu plus de temps pour le deuil. Pourquoi ne pas invoquer plutôt la protection des données ?2. Dans le même souffle que Bruxelles, il faut ajouter surtout Washington quand on parle des problèmes à venir. A Bruxelles, le Luxembourg est assis à la table de négociation, à Washington sur le banc des accusés.
Avertissement : la météo pour la place financière
L’autre discussion, qui n’est pas encore sur les écrans radar, est escamotée par le Luxembourg et bien d’autres pour le moment. Il s’agit de la discussion émergente sur les paradis judiciaires et réglementaires.La règle générale ? Sera considéré paradis judiciaire et réglementaire toute juridiction qui applique des standards en matière financière qui sont inferieurs à ceux des Etats-Unis. Les entreprises et particuliers qui seront en relation avec ces paradis subiront quelque chose de mauvais. Barney Frank mijote encore les conséquences qu’il voudrait réserver à ceux-là.
Tout cela, en détail sur http://feierwon.blogspot.com bien sûr.
Wednesday, August 26, 2009
La dislocation de l’ordre international, ou: De l’avènement de l’ère de l’immoralité internationale.
La globalisation produit des phénomènes inattendus. Alors qu’elle produit ces effets désirés qui sont le libre échange, la libre circulation, l’ouverture et la tolérance, elle devient aussi le support qu’utilisent de nombreux criminels pour exercer leur métier. Au passage ils profitent de la fragmentation du monde global en juridictions nationales plus ou moins en compétition entre elles, plus ou moins égoïstes, voire criminelles elles-mêmes. Leurs crimes tendent à être de plus en plus banalisés et aseptisés.
La globalisation et la banalisation du terrorisme : Pan Am 103 et 9/11
Le 21 décembre 1988, le vol Pan Am 103 explosait au-dessus de Lockerbie en Ecosse. 270 vies, jeunes pour la plupart, étaient perdues dans cet attentat perpétré par les services secrets libyens. C’était aussi le début de la fin d’une compagnie aérienne mondiale et historique, Pan American, et la fin du voyage aérien tel que nous le connaissions : sans appréhension du sabotage. Depuis, le monde entier doit se plier à l’intrusion des services de sécurité avant l’embarquement sur un vol et en supporter le coût.
Le conspirateur principal, Abdelbaset Ali Mohamed Al-Megrahi, agent des services secrets libyens, a été protégé activement par le Gouvernement libyen de toute poursuite judiciaire jusqu’en 2001, quand au bout de longues tractations, il a été condamné à 27 ans d’emprisonnement, un an par dix victimes, ou 1,2 mois par meurtre. Comme tout le monde sait, il a été libéré pour « raisons de santé » et après avoir purgé 8 années de sa peine, c'est-à-dire 10 jours par meurtre, il est rentré en Libye. Il n’aurait plus que trois mois à vivre, disaient ses médecins, les docteurs Brown et Mouammar.
Le Gouvernement libyen a dépêché un avion spécial, pour rapatrier un grand criminel qu’il a continuellement supporté. L’assassin de 270 personnes a reçu un accueil triomphal à Tripoli, que la raison d’Etat a pourtant essayé de mitiger. Si selon les sondages 95% du public américain condamnent cette libération, sans doute 95% du public libyen la supportent. Telle est la réalité de la détérioration de la moralité dans les relations internationales, gouvernements et peuples confondus.
La même dissonance s’est produite lors des attentats du 11 Septembre 2001 à New York et à Washington : contrairement à la révulsion du monde occidental, le monde arabe dansait dans la rue.
Voilà deux exemples de crimes internationaux, dont la bestialité n’a pas d’égal, mais où les criminels ont été protégés par leurs opinions publiques, ont bénéficié de la sympathie de leurs gouvernements, voire, ils en ont exécuté les ordres. Le résultat net est non seulement les actions militaires en Afghanistan et Iraq, mais un cycle de menaces, de violences terroristes et d’escalade nucléaire, qui empoisonnent les relations internationales et qui touchent notre vie de tous les jours.
La globalisation et la banalisation du crime en col blanc : UBS et Madoff
Il y a d’autres crimes internationaux, facilités par la globalisation, qui tendent encore plus facilement à être pardonnés ou minimisés : ce sont les crimes en « col blanc ». Sans vouloir conclure à une quelconque équivalence avec les crimes meurtriers énumérés plus haut, ces crimes sont également préjudiciables aux bonnes relations et aux bons développements internationaux.
Considérons les présents déboires de la banque suisse UBS et de la Confédération Helvétique avec les Etats-Unis. UBS, une des premières banques mondiales, s’est décarcassée pour commettre des crimes aux Etats-Unis en aidant des clients américains avec tout son savoir-faire pour évader le fisc. L’évasion fiscale et la complicité dans l’évasion fiscale sont des crimes aux Etats-Unis. Pris les mains dans le sac, la banque, puis le Gouvernement Suisse venant à la rescousse, ont déployé des efforts et une créativité digne d’un horloger suisse, pour protéger la banque, ses employés et l’arme du crime qui est le secret bancaire suisse.
Contemplé sous l’angle de l’intérêt national suisse, les milliards de dollars déposés en Suisse ont généré des dizaines de millions de dollars en recettes budgétaires pour la Suisse, en rémunérations pour les professionnels suisses, banquiers, avocats et auditeurs. Il est difficile de les chiffrer, secret bancaire oblige. Une chose est certaine cependant : dans chaque salaire payé par l’Etat suisse, du Président de la Confédération jusqu'à la femme de charge du Commissariat de Police de Pratteln, se retrouve une petite partie de l’argent du crime par le biais du budget fédéral qui a levé son impôt sur l’argent du crime. Sauf aux Etats-Unis, où il y a eu des sanctions sévères et une condamnation, aucune sanction n’a été prise en Suisse, à ma connaissance, contre la banque ou ses dirigeants, au contraire !
Maintenant, il ne s’agit pas de spécialement vilipender la Suisse. Elle n’est qu’un exemple immédiatement disponible, parce qu’elle fait la une actuellement. Pareille situation existe ailleurs, ce qui est précisément le sujet ici : la banalisation graduelle du crime international et les conséquences néfastes pour l’ordre international.
Prenons dès lors le cas Madoff, où $65 milliards ont été perdus. Madoff prétendait générer des revenus de l’ordre de 15% annuels, c'est-à-dire environ $10 milliards. Les presque $3 milliards investis au Luxembourg auraient donc produit des bénéfices de l’ordre de $400 millions annuellement et donc des impôts de plusieurs dizaines de millions de dollars, dont environ dix á vingt millions seraient allés au fisc luxembourgeois chaque année? Encore une fois : il est difficile de connaître les chiffres exacts, secret bancaire oblige. Mais quel drôle de sentiment que de savoir que dans le salaire du Premier Ministre Juncker tout comme dans ma pension ou dans le salaire du policier de Troisvierges et du douanier de Frisange, il y aurait de l’argent sale qui viendrait de Madoff, par le biais du fisc luxembourgeois, ou encore de l’argent sale d’autres fraudeurs et criminels qui eux restent cachés! Encore une fois, sauf aux Etats-Unis, il n’y a pas eu de condamnation ou de sanction au Luxembourg, ni contre les banques qui jouaient aux « feeders » de Madoff comme UBS (tenez, les revoilà) ou contre HSBC, ou d’autres bénéficiaires nets. Pourtant les clignotants d’alerte à la fraude devaient être visibles pour certains participants, tellement les ficelles de Madoff étaient grosses. Il y a eu abandon de tout esprit critique chez ceux là, ou était-ce de la négligence, ou le fruit d’une banalisation fortuite de la malhonnêteté, ou une omission à dessein? Les cafouillages des autorités luxembourgeoises pendant des mois en cette matière en disent long sur le malaise qu’on voudrait oublier. Comment en est-on arrivé là ? Si nos ancêtres nous voyaient ainsi vivre du fruit du gain mal acquis, eux qui trimaient à Hadir et Arbed, dans les galeries, dans les maigres champs de l’Oesling, ils diraient : « Hutt Dir séi nach all !? »
Selon les principes américains de recouvrement des sommes fraudées, les victimes de Madoff se tourneront pour un « claw back », c'est-à-dire une récupération, vers les fraudeurs d’abord, ensuite les complices, les intermédiaires et professionnels tels que managers, avocats et auditeurs, les régulateurs ainsi que les investisseurs qui ont été des bénéficiaires nets pour récupérer l’argent disparu. Devraient-ils en faire de même avec le fisc américain, luxembourgeois, français, autrichien qui tous ont levé un impôt sur des profits fictifs? En effet la somme du bilan est zéro!
Les conséquences pour le Luxembourg et les « petits » pays
Pour en revenir à la thèse initiale: la criminalité internationale perturbe le bon ordre international. C’est évident en ce qui concerne les actes terroristes et les peurs qui y sont associées, comme la peur de la prolifération nucléaire.
Il devient de plus en plus évident que d’autres crimes, quoique minimisés pour longtemps, ont le même effet, comme par exemple l’évasion fiscale. Les temps sont bien loin quand il suffisait de réciter la page numéro 1 du catéchisme luxembourgeois : « Une activité considérée comme étant un crime dans un pays étranger n’est considérée comme étant un crime par les autorités luxembourgeoises que si un juge luxembourgeois confirme que pareille activité serait également un crime au Luxembourg. » Ce qui très convenablement exclut l’évasion fiscale.
Dans ce monde en crise où le chacun pour soi l’emporte, cet opportunisme luxembourgeois (et suisse et antiguais etc.) a agacé plus d’un. Dans un monde qui met ses projets en veilleuse, une Europe qui stagne et a quelques réflexes rétro de protectionnismes divers, où la civilité diplomatique est aux abonnés absents, c’est la loi du plus grand et du plus fort qui est la loi. La Suisse, le Luxembourg, le Liechtenstein, Antigua, ce sont des petits pays, n’est-ce pas ?
La vraie défense des intérêts luxembourgeois, suisses et autres places financières ne peut être ancrée que sur des positions qui sont moralement inattaquables. Parmi celles-là, il n’y a pas l’évasion fiscale ni même le secret bancaire, qui est un prétexte égoïste. Il y a cependant les grands principes à défendre, surtout par les petites nations. Ce sont ceux de la libre circulation et de son corollaire, la compétition de toute nature, qui inclut la compétition fiscale. C’est là que les petits pays auraient un rôle de moralisateur à jouer, ces pays qui hier étaient les accusés, les facilitateurs. Sous condition de se défaire des causes de leurs réputations négatives.
Peu semble être fait cependant en ce sens. Nous sommes encore au stade de la négation, ou des récriminations. Pourtant, c’est le moment pour les « petits » d’afficher leur intransigeance quand les bienfaits de la globalisation sont remis en question. En se trompant de priorité, le Luxembourg poursuit internationalement une ambition grotesque en s’en allant aux Nations Unies présenter sa candidature pour le Conseil de Sécurité! Le Luxembourg risque de se brûler les doigts en voulant sauver le monde égoïste avant de se sauver soi-même. Connaissant le kabuki de l’ONU pour l’avoir vécu de près, il n’y a rien à glaner pour le Luxembourg, surtout dans un monde où les bons voisinages se détériorent. Il n’y a que des risques, comme nous l’avons expérimenté jadis avec une avancée téméraire à l’ONU sponsorisée par le Luxembourg sur l’interdiction du travail des enfants. Nous avions instantanément 3 milliards d’ennemis dans le monde entier. Comme entretemps nous avons assez d’ennemis en Europe, au G20 et à l’OCDE, réservons notre courage et notre témérité pour les affrontements qui en vaudront la peine. Cela s’appelle faire l’économie des moyens.
En attendant, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes entre les Etats-Unis et le Luxembourg apprend-on. C’est ce que la froebélienne en chef semble avoir dit un beau matin d’un beau jeudi du beau mois de juillet. Elle avait l’air condescendant, parce que l’élève Luxembourg avait bien fait son devoir sur l’OCDE, mais elle avait l’air sévère en même temps. Elle semblait penser aux $190 milliards en impôts que l’Administration Obama voudrait récupérer de par le monde. Compte tenu de tout ce qui précède, ayons peur pour le vendredi qui viendra certainement après ce beau jeudi-là. Le monde n’est plus ce qu’il était.
Egide Thein
egidethein.blogspot.com
peckvillchen.blogspot.com
La globalisation et la banalisation du terrorisme : Pan Am 103 et 9/11
Le 21 décembre 1988, le vol Pan Am 103 explosait au-dessus de Lockerbie en Ecosse. 270 vies, jeunes pour la plupart, étaient perdues dans cet attentat perpétré par les services secrets libyens. C’était aussi le début de la fin d’une compagnie aérienne mondiale et historique, Pan American, et la fin du voyage aérien tel que nous le connaissions : sans appréhension du sabotage. Depuis, le monde entier doit se plier à l’intrusion des services de sécurité avant l’embarquement sur un vol et en supporter le coût.
Le conspirateur principal, Abdelbaset Ali Mohamed Al-Megrahi, agent des services secrets libyens, a été protégé activement par le Gouvernement libyen de toute poursuite judiciaire jusqu’en 2001, quand au bout de longues tractations, il a été condamné à 27 ans d’emprisonnement, un an par dix victimes, ou 1,2 mois par meurtre. Comme tout le monde sait, il a été libéré pour « raisons de santé » et après avoir purgé 8 années de sa peine, c'est-à-dire 10 jours par meurtre, il est rentré en Libye. Il n’aurait plus que trois mois à vivre, disaient ses médecins, les docteurs Brown et Mouammar.
Le Gouvernement libyen a dépêché un avion spécial, pour rapatrier un grand criminel qu’il a continuellement supporté. L’assassin de 270 personnes a reçu un accueil triomphal à Tripoli, que la raison d’Etat a pourtant essayé de mitiger. Si selon les sondages 95% du public américain condamnent cette libération, sans doute 95% du public libyen la supportent. Telle est la réalité de la détérioration de la moralité dans les relations internationales, gouvernements et peuples confondus.
La même dissonance s’est produite lors des attentats du 11 Septembre 2001 à New York et à Washington : contrairement à la révulsion du monde occidental, le monde arabe dansait dans la rue.
Voilà deux exemples de crimes internationaux, dont la bestialité n’a pas d’égal, mais où les criminels ont été protégés par leurs opinions publiques, ont bénéficié de la sympathie de leurs gouvernements, voire, ils en ont exécuté les ordres. Le résultat net est non seulement les actions militaires en Afghanistan et Iraq, mais un cycle de menaces, de violences terroristes et d’escalade nucléaire, qui empoisonnent les relations internationales et qui touchent notre vie de tous les jours.
La globalisation et la banalisation du crime en col blanc : UBS et Madoff
Il y a d’autres crimes internationaux, facilités par la globalisation, qui tendent encore plus facilement à être pardonnés ou minimisés : ce sont les crimes en « col blanc ». Sans vouloir conclure à une quelconque équivalence avec les crimes meurtriers énumérés plus haut, ces crimes sont également préjudiciables aux bonnes relations et aux bons développements internationaux.
Considérons les présents déboires de la banque suisse UBS et de la Confédération Helvétique avec les Etats-Unis. UBS, une des premières banques mondiales, s’est décarcassée pour commettre des crimes aux Etats-Unis en aidant des clients américains avec tout son savoir-faire pour évader le fisc. L’évasion fiscale et la complicité dans l’évasion fiscale sont des crimes aux Etats-Unis. Pris les mains dans le sac, la banque, puis le Gouvernement Suisse venant à la rescousse, ont déployé des efforts et une créativité digne d’un horloger suisse, pour protéger la banque, ses employés et l’arme du crime qui est le secret bancaire suisse.
Contemplé sous l’angle de l’intérêt national suisse, les milliards de dollars déposés en Suisse ont généré des dizaines de millions de dollars en recettes budgétaires pour la Suisse, en rémunérations pour les professionnels suisses, banquiers, avocats et auditeurs. Il est difficile de les chiffrer, secret bancaire oblige. Une chose est certaine cependant : dans chaque salaire payé par l’Etat suisse, du Président de la Confédération jusqu'à la femme de charge du Commissariat de Police de Pratteln, se retrouve une petite partie de l’argent du crime par le biais du budget fédéral qui a levé son impôt sur l’argent du crime. Sauf aux Etats-Unis, où il y a eu des sanctions sévères et une condamnation, aucune sanction n’a été prise en Suisse, à ma connaissance, contre la banque ou ses dirigeants, au contraire !
Maintenant, il ne s’agit pas de spécialement vilipender la Suisse. Elle n’est qu’un exemple immédiatement disponible, parce qu’elle fait la une actuellement. Pareille situation existe ailleurs, ce qui est précisément le sujet ici : la banalisation graduelle du crime international et les conséquences néfastes pour l’ordre international.
Prenons dès lors le cas Madoff, où $65 milliards ont été perdus. Madoff prétendait générer des revenus de l’ordre de 15% annuels, c'est-à-dire environ $10 milliards. Les presque $3 milliards investis au Luxembourg auraient donc produit des bénéfices de l’ordre de $400 millions annuellement et donc des impôts de plusieurs dizaines de millions de dollars, dont environ dix á vingt millions seraient allés au fisc luxembourgeois chaque année? Encore une fois : il est difficile de connaître les chiffres exacts, secret bancaire oblige. Mais quel drôle de sentiment que de savoir que dans le salaire du Premier Ministre Juncker tout comme dans ma pension ou dans le salaire du policier de Troisvierges et du douanier de Frisange, il y aurait de l’argent sale qui viendrait de Madoff, par le biais du fisc luxembourgeois, ou encore de l’argent sale d’autres fraudeurs et criminels qui eux restent cachés! Encore une fois, sauf aux Etats-Unis, il n’y a pas eu de condamnation ou de sanction au Luxembourg, ni contre les banques qui jouaient aux « feeders » de Madoff comme UBS (tenez, les revoilà) ou contre HSBC, ou d’autres bénéficiaires nets. Pourtant les clignotants d’alerte à la fraude devaient être visibles pour certains participants, tellement les ficelles de Madoff étaient grosses. Il y a eu abandon de tout esprit critique chez ceux là, ou était-ce de la négligence, ou le fruit d’une banalisation fortuite de la malhonnêteté, ou une omission à dessein? Les cafouillages des autorités luxembourgeoises pendant des mois en cette matière en disent long sur le malaise qu’on voudrait oublier. Comment en est-on arrivé là ? Si nos ancêtres nous voyaient ainsi vivre du fruit du gain mal acquis, eux qui trimaient à Hadir et Arbed, dans les galeries, dans les maigres champs de l’Oesling, ils diraient : « Hutt Dir séi nach all !? »
Selon les principes américains de recouvrement des sommes fraudées, les victimes de Madoff se tourneront pour un « claw back », c'est-à-dire une récupération, vers les fraudeurs d’abord, ensuite les complices, les intermédiaires et professionnels tels que managers, avocats et auditeurs, les régulateurs ainsi que les investisseurs qui ont été des bénéficiaires nets pour récupérer l’argent disparu. Devraient-ils en faire de même avec le fisc américain, luxembourgeois, français, autrichien qui tous ont levé un impôt sur des profits fictifs? En effet la somme du bilan est zéro!
Les conséquences pour le Luxembourg et les « petits » pays
Pour en revenir à la thèse initiale: la criminalité internationale perturbe le bon ordre international. C’est évident en ce qui concerne les actes terroristes et les peurs qui y sont associées, comme la peur de la prolifération nucléaire.
Il devient de plus en plus évident que d’autres crimes, quoique minimisés pour longtemps, ont le même effet, comme par exemple l’évasion fiscale. Les temps sont bien loin quand il suffisait de réciter la page numéro 1 du catéchisme luxembourgeois : « Une activité considérée comme étant un crime dans un pays étranger n’est considérée comme étant un crime par les autorités luxembourgeoises que si un juge luxembourgeois confirme que pareille activité serait également un crime au Luxembourg. » Ce qui très convenablement exclut l’évasion fiscale.
Dans ce monde en crise où le chacun pour soi l’emporte, cet opportunisme luxembourgeois (et suisse et antiguais etc.) a agacé plus d’un. Dans un monde qui met ses projets en veilleuse, une Europe qui stagne et a quelques réflexes rétro de protectionnismes divers, où la civilité diplomatique est aux abonnés absents, c’est la loi du plus grand et du plus fort qui est la loi. La Suisse, le Luxembourg, le Liechtenstein, Antigua, ce sont des petits pays, n’est-ce pas ?
La vraie défense des intérêts luxembourgeois, suisses et autres places financières ne peut être ancrée que sur des positions qui sont moralement inattaquables. Parmi celles-là, il n’y a pas l’évasion fiscale ni même le secret bancaire, qui est un prétexte égoïste. Il y a cependant les grands principes à défendre, surtout par les petites nations. Ce sont ceux de la libre circulation et de son corollaire, la compétition de toute nature, qui inclut la compétition fiscale. C’est là que les petits pays auraient un rôle de moralisateur à jouer, ces pays qui hier étaient les accusés, les facilitateurs. Sous condition de se défaire des causes de leurs réputations négatives.
Peu semble être fait cependant en ce sens. Nous sommes encore au stade de la négation, ou des récriminations. Pourtant, c’est le moment pour les « petits » d’afficher leur intransigeance quand les bienfaits de la globalisation sont remis en question. En se trompant de priorité, le Luxembourg poursuit internationalement une ambition grotesque en s’en allant aux Nations Unies présenter sa candidature pour le Conseil de Sécurité! Le Luxembourg risque de se brûler les doigts en voulant sauver le monde égoïste avant de se sauver soi-même. Connaissant le kabuki de l’ONU pour l’avoir vécu de près, il n’y a rien à glaner pour le Luxembourg, surtout dans un monde où les bons voisinages se détériorent. Il n’y a que des risques, comme nous l’avons expérimenté jadis avec une avancée téméraire à l’ONU sponsorisée par le Luxembourg sur l’interdiction du travail des enfants. Nous avions instantanément 3 milliards d’ennemis dans le monde entier. Comme entretemps nous avons assez d’ennemis en Europe, au G20 et à l’OCDE, réservons notre courage et notre témérité pour les affrontements qui en vaudront la peine. Cela s’appelle faire l’économie des moyens.
En attendant, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes entre les Etats-Unis et le Luxembourg apprend-on. C’est ce que la froebélienne en chef semble avoir dit un beau matin d’un beau jeudi du beau mois de juillet. Elle avait l’air condescendant, parce que l’élève Luxembourg avait bien fait son devoir sur l’OCDE, mais elle avait l’air sévère en même temps. Elle semblait penser aux $190 milliards en impôts que l’Administration Obama voudrait récupérer de par le monde. Compte tenu de tout ce qui précède, ayons peur pour le vendredi qui viendra certainement après ce beau jeudi-là. Le monde n’est plus ce qu’il était.
Egide Thein
egidethein.blogspot.com
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Wednesday, August 12, 2009
Mémo aux Aoûtiens, ou les Deux Tubes de l’Eté.
Je propose que la première chanson de l’été soit: « Tout va très bien, Madame la Marquise. » Les Luxembourgeois, étalés sur les plages de Majorque, n’ont qu’une peur : que la grippe porcine leur tombe sur la tête.
Le repos est bien mérité après quelques mois de soucis autour de la fontaine de richesse, le centre financier, qui alimente notre bien-être. C’est le repos du guerrier en quelque sorte, non sans référence à mon article antérieur au sujet des deux guerres du Luxembourg. La première guerre est terminée. Nous l’avons perdue comme l’ont perdue avec nous tous nos alliés.
Où en sommes-nous avec la deuxième? Nous savons que l’entre deux guerres dans notre bonne vieille Europe d’habitude prend un certain temps, le temps de reconstituer une génération de fantassins. Mais dans le cas présent, ce n’est plus vrai. Il ne faut même plus le temps de laisser refroidir le canon. Il ne faut pas reconstituer une génération, il n’y a pas eu de morts, il n’y a eu que des pertes. Ce qui veut dire que les vétérans, victorieux et singulièrement expérimentés, peuvent remettre cela tout de suite, parce que tous leurs objectifs n’ont pas été atteints. L’oracle des deux guerres se réaliserait donc rapidement, dès l’ouverture de la Schouberfouer?
Eh oui, les autoroutes du retour des vacances feront penser aux exodes de mai 1940. Déjà notre alliée, la Suisse subit les assauts de Washington. Les vétérans US Lawrence Summers, Tim Geithner et Barney Frank (Chairman, House Financial Services Committee) ont plus d’un tour dans leur sac pour rapatrier millions et milliards. Même si la Suisse rappelait la garde papale pour la défense de cet autre sanctuaire qu’est le secret bancaire, ce mouvement serait bien futile.
Pourtant, on pouvait sentir une grande détermination parmi les vaincus de la première guerre, que l’on ne céderait plus un seul millimètre. Ce sera la défense ferme, ça et là, dans les tranchées! Cela m’inspire la deuxième chanson de l’été, de Georges Brassens en ce cas:
« Moi mon colon, celle que j'préfère
C'est la guerre de quatorze-dix-huit »
L’utilisation de ce langage guerrier n’est pas une préférence personnelle. Elle est la reconnaissance et la constatation d’un fait qui s’est produit avec l’assaut sur les paradis fiscaux ces mois passés : une quasi guerre a été menée avec la suspension de fait d’un pan entier du droit international. Même pas besoin de Convention de Genève, car on ne prend pas de prisonniers.
Ce que la Suisse subit en ce moment est révélateur de la rentrée qui sera chaude. Comme chaque guerre, cette guerre pour la substance des paradis fiscaux, c’est à dire leur richesse, a commencé comme toutes les guerres, avec un premier coup de feu.
Ce coup de feu a été tiré il y a un an déjà dans le cas de Bradley Birkenfeld, employé d’UBS, arrêté en Floride en 2008 pour son aide systématique à l’évasion fiscale de sa clientèle américaine et pour falsification de documents du statut de « Qualified Intermediary » (QI), dont UBS pourtant était signataire. L’accord « QI » est une obligation d’information de la banque de tous les revenus US de leurs clients US au fisc américain. C’est à partir de là qu’UBS s’est enfoncée graduellement dans les mailles du filet judiciaire qui lui a été tendu.
Il est d’ailleurs surprenant qu’une banque de cette classe mondiale s’empêtre d’une telle façon, alors qu’elle venait de connaître d’autres épisodes dangereux avec la justice et les régulateurs américains. Ainsi rappelons nous de l’affaire de la destruction des dossiers du holocauste, dans laquelle la banque a frôlé la perte de sa licence bancaire américaine, sans parler des compensations de l’ordre du milliard, qu’elle a dû verser aux victimes du holocauste, ensemble avec Crédit Suisse. Est-ce le produit de l’arrogance, d’une culture interne d’approbation mutuelle, qui a fait que le proverbial âne est allé danser sur la glace? La trivialisiation graduelle d’activités douteuses, a fini par l’engagement de la banque en des activités criminelles, du moins du point de vue US, avec condamnations et sanctions à la clé.
Entretemps la banque a connu une nouvelle sanction de $780 millions liée au cas de l’évasion fiscale organisée par Bradley Birkenfeld. Elle a dû violer les lois Suisses sur le secret bancaire en livrant 252 noms de clients, pour apaiser l’appétit américain. Churchill aurait dit que c’est bien futile que d’alimenter le crocodile en espérant être mangé le dernier. Le crocodile est en effet revenu exiger 52.000 autres noms. La « Défense Ferme » a craqué aux premières lueurs. La Confédération Suisse souveraine a dû venir en aide, en menaçant la saisie des informations de la banque. Elle a dû acquiescer à la suspension du droit international, provoquée par un conflit de droit, et son remplacement par l’épreuve de force politique. La Suisse a ainsi engagé sa seule réserve stratégique, sa souveraineté, pour un résultat glorieux selon elle, catastrophique en fait en vue des conséquences, qui ne sont pas encore toutes connues. Comme par exemple 52.000 possibles actions en justice contre la banque pour abus de toutes sortes.
Au lieu de 52.000 noms, la Suisse n’en livrerait « que » 5.000. Victoire? Oui, totale pour les Etats Unis. Connaissant les pratiques, ces 10% des noms risquent de représenter 90% des dépôts. Ces 5.000 noms sont surtout l’équivalent de la bombe d’Hiroshima. La Suisse a été réduite en une zone interdite pour tout client bancaire américain. Les clients américains se ruent vers la sortie et vont implorer le pardon auprès du fisc américain. Mieux encore, plus aucune banque Suisse ne voudra de client américain, comme me confirment des amis américains qui travaillent en Suisse et qui ont tout le mal du monde pour y maintenir au moins un compte bancaire.
C’est donc une solution politique qui émerge au bout d’une négociation d’Etat à Etat. Encore faut-il rappeler que la Suisse en cette négociation avait au moins une carte à jouer : le fait qu’elle représente les Etats Unis diplomatiquement auprès de tous les « méchants » de la planète avec lesquels les Etats Unis n’ont pas de relations directes.
Hélas, mon brave Georges, nous avons maintenant la preuve que la guerre de quatorze-dix-huit, celle d’une défense ferme dans des tranchées bien statiques n’est pas celle qu’on doit préférer. Il faut choisir autre chose, car bataille il y aura. On ne peut pas apaiser le crocodile.
Donnez-moi un point d’appui et un levier, et je vous soulève la Terre aurait dit Archimède. Donnez-moi un Bradley Birkenfeld et une UBS, et je vous soulève le secret bancaire, pourrait dire Larry Summers. Voilà un des procédés de combat qui va se répéter à l’avenir avec d’autres juridictions, jusqu’à l’épuisement.
Mais en passant pendant vos vacances par la Porte de Brandebourg, l’Arc de Triomphe ou le Lincoln Memorial, tendez l’oreille pour entendre les Steinbruck, Sarkozy et Barney Frank tramer d’autres procédés pour la rentrée. L’un voudrait augmenter la pression sur les paradis fiscaux qu’il désignerait lui-même sur une liste bien à lui, l’autre fera donner de l’artillerie sur ses propres troupes, les banques françaises établies dans des juridictions à secret bancaire, le dernier finalement entrevoit une classification des paradis judiciaires et réglementaires que les Etats Unis établiraient, sanctions à l’appui.
Voilà la menace, avec la conclusion qu’il faudra autre chose au Luxembourg qu’une déclaration myope à propos de la défense ferme du secret bancaire, ou la répétition obsessive que « tout va très bien Madame la Marquise. » Une remise en question totale est vraiment nécessaire. Ecoutons un prophète venu d’ailleurs :
« There can be no more taboos, given our experiences of the last two years. » Philipp Hildebrand, Vice Chairman, Central Bank of Switzerland
Traduction: Il ne peut plus y avoir de tabous, étant données les expériences des deux dernières années.” Philipp Hildebrand, Vice-Président, Banque Centrale de Suisse.
Le Luxembourg aura-t-il enfin son Hadubrand, qui dans la saga moyenâgeuse est le fils (spirituel) de Hildebrand, pour en finir avec les tabous?
Egide Thein
egidethein.blogspot.com
Le repos est bien mérité après quelques mois de soucis autour de la fontaine de richesse, le centre financier, qui alimente notre bien-être. C’est le repos du guerrier en quelque sorte, non sans référence à mon article antérieur au sujet des deux guerres du Luxembourg. La première guerre est terminée. Nous l’avons perdue comme l’ont perdue avec nous tous nos alliés.
Où en sommes-nous avec la deuxième? Nous savons que l’entre deux guerres dans notre bonne vieille Europe d’habitude prend un certain temps, le temps de reconstituer une génération de fantassins. Mais dans le cas présent, ce n’est plus vrai. Il ne faut même plus le temps de laisser refroidir le canon. Il ne faut pas reconstituer une génération, il n’y a pas eu de morts, il n’y a eu que des pertes. Ce qui veut dire que les vétérans, victorieux et singulièrement expérimentés, peuvent remettre cela tout de suite, parce que tous leurs objectifs n’ont pas été atteints. L’oracle des deux guerres se réaliserait donc rapidement, dès l’ouverture de la Schouberfouer?
Eh oui, les autoroutes du retour des vacances feront penser aux exodes de mai 1940. Déjà notre alliée, la Suisse subit les assauts de Washington. Les vétérans US Lawrence Summers, Tim Geithner et Barney Frank (Chairman, House Financial Services Committee) ont plus d’un tour dans leur sac pour rapatrier millions et milliards. Même si la Suisse rappelait la garde papale pour la défense de cet autre sanctuaire qu’est le secret bancaire, ce mouvement serait bien futile.
Pourtant, on pouvait sentir une grande détermination parmi les vaincus de la première guerre, que l’on ne céderait plus un seul millimètre. Ce sera la défense ferme, ça et là, dans les tranchées! Cela m’inspire la deuxième chanson de l’été, de Georges Brassens en ce cas:
« Moi mon colon, celle que j'préfère
C'est la guerre de quatorze-dix-huit »
L’utilisation de ce langage guerrier n’est pas une préférence personnelle. Elle est la reconnaissance et la constatation d’un fait qui s’est produit avec l’assaut sur les paradis fiscaux ces mois passés : une quasi guerre a été menée avec la suspension de fait d’un pan entier du droit international. Même pas besoin de Convention de Genève, car on ne prend pas de prisonniers.
Ce que la Suisse subit en ce moment est révélateur de la rentrée qui sera chaude. Comme chaque guerre, cette guerre pour la substance des paradis fiscaux, c’est à dire leur richesse, a commencé comme toutes les guerres, avec un premier coup de feu.
Ce coup de feu a été tiré il y a un an déjà dans le cas de Bradley Birkenfeld, employé d’UBS, arrêté en Floride en 2008 pour son aide systématique à l’évasion fiscale de sa clientèle américaine et pour falsification de documents du statut de « Qualified Intermediary » (QI), dont UBS pourtant était signataire. L’accord « QI » est une obligation d’information de la banque de tous les revenus US de leurs clients US au fisc américain. C’est à partir de là qu’UBS s’est enfoncée graduellement dans les mailles du filet judiciaire qui lui a été tendu.
Il est d’ailleurs surprenant qu’une banque de cette classe mondiale s’empêtre d’une telle façon, alors qu’elle venait de connaître d’autres épisodes dangereux avec la justice et les régulateurs américains. Ainsi rappelons nous de l’affaire de la destruction des dossiers du holocauste, dans laquelle la banque a frôlé la perte de sa licence bancaire américaine, sans parler des compensations de l’ordre du milliard, qu’elle a dû verser aux victimes du holocauste, ensemble avec Crédit Suisse. Est-ce le produit de l’arrogance, d’une culture interne d’approbation mutuelle, qui a fait que le proverbial âne est allé danser sur la glace? La trivialisiation graduelle d’activités douteuses, a fini par l’engagement de la banque en des activités criminelles, du moins du point de vue US, avec condamnations et sanctions à la clé.
Entretemps la banque a connu une nouvelle sanction de $780 millions liée au cas de l’évasion fiscale organisée par Bradley Birkenfeld. Elle a dû violer les lois Suisses sur le secret bancaire en livrant 252 noms de clients, pour apaiser l’appétit américain. Churchill aurait dit que c’est bien futile que d’alimenter le crocodile en espérant être mangé le dernier. Le crocodile est en effet revenu exiger 52.000 autres noms. La « Défense Ferme » a craqué aux premières lueurs. La Confédération Suisse souveraine a dû venir en aide, en menaçant la saisie des informations de la banque. Elle a dû acquiescer à la suspension du droit international, provoquée par un conflit de droit, et son remplacement par l’épreuve de force politique. La Suisse a ainsi engagé sa seule réserve stratégique, sa souveraineté, pour un résultat glorieux selon elle, catastrophique en fait en vue des conséquences, qui ne sont pas encore toutes connues. Comme par exemple 52.000 possibles actions en justice contre la banque pour abus de toutes sortes.
Au lieu de 52.000 noms, la Suisse n’en livrerait « que » 5.000. Victoire? Oui, totale pour les Etats Unis. Connaissant les pratiques, ces 10% des noms risquent de représenter 90% des dépôts. Ces 5.000 noms sont surtout l’équivalent de la bombe d’Hiroshima. La Suisse a été réduite en une zone interdite pour tout client bancaire américain. Les clients américains se ruent vers la sortie et vont implorer le pardon auprès du fisc américain. Mieux encore, plus aucune banque Suisse ne voudra de client américain, comme me confirment des amis américains qui travaillent en Suisse et qui ont tout le mal du monde pour y maintenir au moins un compte bancaire.
C’est donc une solution politique qui émerge au bout d’une négociation d’Etat à Etat. Encore faut-il rappeler que la Suisse en cette négociation avait au moins une carte à jouer : le fait qu’elle représente les Etats Unis diplomatiquement auprès de tous les « méchants » de la planète avec lesquels les Etats Unis n’ont pas de relations directes.
Hélas, mon brave Georges, nous avons maintenant la preuve que la guerre de quatorze-dix-huit, celle d’une défense ferme dans des tranchées bien statiques n’est pas celle qu’on doit préférer. Il faut choisir autre chose, car bataille il y aura. On ne peut pas apaiser le crocodile.
Donnez-moi un point d’appui et un levier, et je vous soulève la Terre aurait dit Archimède. Donnez-moi un Bradley Birkenfeld et une UBS, et je vous soulève le secret bancaire, pourrait dire Larry Summers. Voilà un des procédés de combat qui va se répéter à l’avenir avec d’autres juridictions, jusqu’à l’épuisement.
Mais en passant pendant vos vacances par la Porte de Brandebourg, l’Arc de Triomphe ou le Lincoln Memorial, tendez l’oreille pour entendre les Steinbruck, Sarkozy et Barney Frank tramer d’autres procédés pour la rentrée. L’un voudrait augmenter la pression sur les paradis fiscaux qu’il désignerait lui-même sur une liste bien à lui, l’autre fera donner de l’artillerie sur ses propres troupes, les banques françaises établies dans des juridictions à secret bancaire, le dernier finalement entrevoit une classification des paradis judiciaires et réglementaires que les Etats Unis établiraient, sanctions à l’appui.
Voilà la menace, avec la conclusion qu’il faudra autre chose au Luxembourg qu’une déclaration myope à propos de la défense ferme du secret bancaire, ou la répétition obsessive que « tout va très bien Madame la Marquise. » Une remise en question totale est vraiment nécessaire. Ecoutons un prophète venu d’ailleurs :
« There can be no more taboos, given our experiences of the last two years. » Philipp Hildebrand, Vice Chairman, Central Bank of Switzerland
Traduction: Il ne peut plus y avoir de tabous, étant données les expériences des deux dernières années.” Philipp Hildebrand, Vice-Président, Banque Centrale de Suisse.
Le Luxembourg aura-t-il enfin son Hadubrand, qui dans la saga moyenâgeuse est le fils (spirituel) de Hildebrand, pour en finir avec les tabous?
Egide Thein
egidethein.blogspot.com
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