Le drapeau de l’autodétermination ?
Photo ET
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La Catalogne: j’ai besoin d’un
cours de rattrapage.
On a donc fait défiler ces jours-ci les « Grande » de la gente
politique galonnée sur les écrans de télévision. Au pas, les Européens d’abord,
même Juncker tentant cette fois-ci à exhiber son meilleur comportement d’un
dimanche matin sobre. Suivi en cadence par les Colombiens, Mexicains et tout ce
monde qui supporte ce rabat-joie de Rajoy. Notez qu’ils ont tous mis quand-même
2 à 3 jours pour réagir. Juste pour voir si le voisin allait se mouiller
d’abord.
Vous avez deviné que j’ai eu un faible, quoique superficiel, pour cet élan
catalan, parce que la Catalogne est le faible dans cette affaire. J’ai toujours
tendance à supporter le plus faible. Et j’étais surtout agacé par le plus fort, parce qu’il
n’a pas eu la jugeote politique d’y aller mollo avec ses sbires, quand il a
voulu empêcher ces grand-mères catalanes extrêmement dangereuses d’aller voter.
Elles avaient peut-être même voté dans le sens du poil de Rajoy ? Pourquoi
les tabasser ? Avouez, ces images qu’on a vues, de poignées de cheveux
scalpées des filles et les nez fracassés de paisibles électeurs, ces images faisaient
désordre, et les sympathies vont vers les grand-mères, pas les flics menaçants sous
les ordres madrilènes.
Voilà pour le côté émotionnel. Mais au moins nous sommes adultes. Ne cédons
pas aux émotions, car il y en a qui disent que Rajoy défend l’Etat de droit
(manque un e final ?) contre des velléités immatures et irréalistes
d’égoïstes catalans.
Holà, avec un H. On m’a déjà expliqué le contraire dans ma vie: on m’a
convaincu dans ma jeunesse que le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes
était sacro-saint. Le principe se retrouve dans la Charte des Nations Unies.
Peuples, Nations Unies, vous entrevoyez le problème d’interprétation tout de
suite : quelle est la différence entre peuple et nation ? Une simple
réponse à cette question difficile est qu’un peuple peut être une nation, mais
une nation peut être plusieurs peuples ou un autre amalgame. Pour esquiver
cette question de qui peuvent disposer d’eux-mêmes, les peuples ou les nations,
un dénominateur commun aseptisé a été trouvé, en appelant la chose « le
droit à l’autodétermination » au lieu de droit des peuples ou des droits
des nations à disposer d’eux-mêmes. Cela date d’un bon demi-siècle. En fait
donc, le principe s’applique aux deux, peuple et nation, et justifie tout aussi
bien la sécession librement voulue que l’adhésion à une union ou autre
organisation librement consentie.
Et on était parti dès les années 50 contre les Soviets, impérialistes et gloutons,
en expliquant le bon principe de l’autodétermination aux pays satellites de
l’URSS : aux Hongrois, Tchèques et Slovaques. L’Ouest badinait avec Tito,
Nicolae Ceausescu, et puis Solidarnosc pour bien ennuyer Moscou. Sans parler
par ailleurs du Tibet, du Vive le Québec libre, et de l’Ecosse.
Les Soviets ripostaient en état de droit en utilisaent les gros bâtons chez
eux, tout en expliquant le même principe de l’autodétermination aux colonies européennes
de par le monde, tout en déclarant la
colonisation immonde. C’est ainsi que les Belges ont perdu « leur
Congo », lors de la grande décolonisation des années 1960.
C’était aussi l’époque de l’émergence d’une grande catastrophe : le
changement climatique était déjà en pleine ébullition. On nous expliquait qu’on allait
vers une nouvelle ère glaciaire. Boston sera sous 1,5 km de glace en l’espace
de quelques décennies. Le tout aspergé de pluies acides.
Heureusement pour Boston, 50 ans plus tard le climat a fait volte-face. Ça
chauffe chez eux. L’empire soviétique et les empires coloniaux sont désormais aussi
des faits du passé. Contrairement au démantèlement de l’Union Soviétique, les
pays européens avaient choisi de librement disposer d’eux-mêmes en s’unissant
librement dans une Union Européenne qui serait toujours « de plus en plus étroite ».
Les peuples européens étaient enthousiastes. Hélas la volonté des peuples a été
prise en otage dans le grand effort centralisateur des grands princes
électoraux de l’Europe, qui souvent ne sont même pas élus. Cela se résume par un
vilain mot : Bruxelles.
Dans le temps, Moscou envoyait ses chars. Aujourd’hui Rajoy envoie ses
matraques. C’est la réaction de « l’Etat de droit », ou de la « Nation ».
Comme dans les « Nations Unies ». Les princes électoraux européens
bien-sûr défendent leur état de droit : on amalgame, on ne s’ingère pas dans les affaires internes des nations,
mais on a quand même une opinion sur ces rebelles Catalans effrontés. On défend
donc son Bruxelles.
Mais, disent les Catalans, nous voulons une Union Européenne, nous voulons y
rester. Ils veulent peut-être dire une Europe des Peuples, pas une Europe des
Nations selon la définition plus haut. Celle qui est sous tutelle de ses
Princes Electoraux qui ont failli cette Europe et qui ont failli de prévoir la
présente désintégration du genre Brexit. Les Catalans seront peut-être les
catalyseurs d’une Europe nouvelle, revigorée ? Et qui en fait affaiblira
l’état national, qui cèdera des droits souverains à Bruxelles, et se verra abdiquer
d’autres pouvoirs à plus petit que soi.
En conclusion, faut-il se méfier de la science des vendeurs des changements
climatiques successifs: les mêmes preuves servent à vendre soit une ère
glaciaire soit le réchauffement climatique en l’espace de 50 ans? Et
faut-il se méfier des contorsionnistes politiques hypocrites qui choisissent
dans leur menu, selon les besoins du moment, entre deux mets différents, soit
l’autodétermination pour fracturer l’URSS, soit l’état de droit pour tabasser
la Catalogne ? Qu’importe le choix, les deux permettent d’attaquer
l’opposant de malfaisant, criminel, déloyal, stupide, coupablement ambitieux, narcissique,
populiste, raciste, extrémiste, colonialiste, nationaliste, menteur et fou.
Mais les faits sont que lors du vote populaire et du vote au Parlement catalan,
le droit à l’autodétermination a dit oui à la sécession, et l’état de droit
espagnol a répondu non. La suite des évènements peut être lue dans les livres
d’histoire, car l’histoire risque de se répéter. C’est la confrontation, il y
aura des manifestations, des exilés, la
rue s’insurge, la répression dépasse la mesure, jusqu’à mort d’homme. La rue
aurait son martyr.
Ainsi on continuera à voter pour l’indépendance en Ecosse, au Québec, en
Flandre, au Kurdistan et ailleurs jusqu’au jour où le oui forcément l’emportera.
Brandir la Constitution, envoyer les tontons macoutes, faire des concessions
n’arrêteront pas la dynamique une fois quelle est embrayée.
C’est bien compliqué. J’espère trouver un bon cours de rattrapage sur la
Catalogne. Sous condition que ce ne soit pas dans un camp de reeducation.