Monday, December 10, 2012

La feinte des écoutes au Luxembourg: Mille et une grosse oreille


Florida Sunset. Photo ET.

La feinte des écoutes au Luxembourg: Mille et une grosse oreille


Le Président de l' Eurogroupe, qui est dorénavant un candidat sérieux au poste de Premier Ministre du Grand-Duché de Luxembourg, vacant depuis quelques années, a passé quelques heures au Luxembourg pour une première séance d'entrainement à son futur travail. Le candidat a préféré les "figures libres" pour cette première séance de travaux pratiques, en choisissant un sujet initié par lui-même il y a deux semaines: une affaire d'écoutes où faits et fictions s'entre-jean-claudent. Il a soigneusement évité Cargolux.  

Mais le sujet ainsi abordé était une feinte.  Une feinte qui devait masquer le fiasco de la Cargolux et la vraie urgence de son sauvetage. La feinte devait aussi faire oublier les vrais problèmes et les suspicions d'un scandale financier autour de l' affaire Cargolux, tout comme dans d'autres affaires récentes. On aura même une Commission d'Enquête pour enquêter sur la grotesque nébuleuse des écoutes, mais on n'en aura pas pour les sérieux problèmes économiques et immédiats de Cargolux ou ceux  un peu plus anciens du Stade National de Livange.

Attention! Une feinte peut en cacher une autre.

En effet, mon titre est une feinte aussi, pour attirer le lecteur désormais attentif à tout ce qui est écoutes. Avouez que c'est réussi, car vous pensiez que j'aurais des révélations succulentes à faire. Pas encore. Mais j'ai utilisé la double feinte à l'envers pour démonter cette politique-fiction sur les écoutes et les droits et libertés, montée, gonflée et agitée comme l'énorme oreille de l'éléphant Dumbo par ceux qui voudront attirer l'attention sur les écoutes et détourner les regards des autres vraies affaires.
                                                                                                                           
Mon but est de recentrer l'attention sur la grave urgence du moment, le feu dans la toiture économique du pays, dont le foyer chaud est la catastrophe menaçant Cargolux, sans oublier de demander des comptes aux Grands Commis qui ont commis cette catastrophe.

Cargolux: on prend les mêmes et on recommence.

Le grave catarrhe de Cargolux, qui est dû au refroidissement des relations avec le Qatar, demande qu'on s'occupe du malade d'urgence. Un second avis médical s'impose. Mais va-t-on demander un second avis aux mêmes docteurs bonimenteurs? C'est apparemment ce qui se passe. Les ministres Frieden et Wiseler ont été tacitement reconduits dans leur rôle. Ils ont appris aux chefs des fractions parlementaires qu'ils préconisaient maintenant un traitement en deux phases, mais il n'y a pas de diagnostic encore. Tout le monde semble rassuré. Pour le moment, le malade ne réagit pas, car ses organes de décision sont bloqués du fait de la participation continue de QR, toujours actionnaire.

Les deux ministres ont expliqué leur première phase, une manœuvre de déblocage qui consisterait en un rachat en portage des 35% des actions de CV détenues par le Qatar. Rien à voir avec le portage assuré par ING en 2011 pour la vente des actions de CV au Qatar. Cette fois-ci ce sera "propre et correct". Enfin, j'interprète des propos rapportés par la presse, pour me demander s'il s'agit là d'un aveu qu'en 2011 le portage occulte avec ING n'était pas propre ni correct? Retenons que pour le moment nous avons une solution provisoire, même si c'est cette obsession avec les portages.

Le diable est dans les détails.      

La bonne nouvelle du rachat des actions de QR par portage est une bonne nouvelle seulement si le Qatar est au courant de ce portage et s'il est d'accord. Il y avait au moins trois façons de procéder pour organiser la sortie de QR de CV, nous voilà donc avec l'option trois, qui est une solution hybride entre les deux autres possibles, le rachat direct ou la vente à une tierce partie.

Comme on n'a pas élaboré sur le détail, faut-il rappeler que généralement le diable est dans le détail? Comme c'est un portage, quels en sont les termes? J'imagine que le bénéficiaire économique reste bien-sûr le Qatar en attendant une vente ferme. Dans l'intérim, CV a-t-elle sa liberté opérationnelle? C'est essentiel, sans dire que d'autres clauses détaillant les attentes des deux côtés ne soient pas importantes pour éviter des tergiversations et surprises de dernière minute quand le "closing" arrivera. Rien n'est plus sûr, si l'on se rappelle les accords passés par nos ministres auparavant, accords totalement déséquilibrés en faveur de QR. La transparence annoncée permettra certainement de transcender cet amateurisme luxembourgeois passé, car enfin des témoins mieux avisés pourront faire du bruit et protéger les naïfs d'eux-mêmes.

Cependant les résultats néfastes de cet amateurisme incompréhensible du deal de 2011 sont: une valorisation de CV en-dessous de sa réelle valeur de marché, le cannibalisme de CV par QR, et finalement une perte de réputation pour CV. C'est une accumulation néfaste de mauvaises nouvelles qui viendront hanter le redressement en cours. Qui est en plus confié aux perdants de la première manche, sans même leur demander des comptes sur le fiasco passé.

Le diable sera surtout dans le détail crucial d'une valorisation actualisée de CV après avoir subi tous ces dommages. Ce sera le grand écart entre vendeurs et acquéreurs. Avant de choisir la solution du portage des actions de QR, il pouvait y avoir plus d'une demi-douzaine de façons de plumer ce canard. D'ores et déjà il reste peu de choix. On verra l'astuce de nos négociateurs, ceux qui lors de la première transaction avaient vendu au moins offrant (!), car la fourchette de la valorisation pour 35% de CV va désormais de moins des $117,5 millions payés par QR (après dommages considérés) à plus de $175 millions, (offre d'ouverture de HNA en 2011). Ce sera dur de remonter la pente. Le gouvernement ne pourra échapper à des garanties solides sinon un investissement pour renforcer la crédibilité de CV. Simple formalité pourrait-on croire: il l'a fait dans d'autres proportions pour les banques. Ce qui est bon pour la cane est bon pour le canard.

Qu'est-ce qui vient d'abord, un partenariat ou une recapitalisation?

L'expérience qatarienne a privilégié le partenariat sur l'apport de capital. Il faut espérer qu'à aucun moment nos apprentis sorciers auront confondu ce partenariat avec l'apport de capital, car bien évidemment il n'y en avait pas. Il est clair qu'il servait la sortie de BIP et de Luxavantage de Cargolux. Le bilan est qu'au niveau de la capitalisation, deux années ont été perdues. Après un sursaut en revenus en 2010 produisant des bénéfices, l'hémorragie a repris.

La réalité est que l'un n'exclut pas l'autre, comme l'a montré la candidature au partenariat de HNA en 2011, dont l'offre pour sa participation n'était pas seulement supérieure à celle de QR. Elle était assortie d'un prêt de $200 millions à des conditions bien favorables. Le corporatisme d'Etat luxembourgeois, c.à.d. les décideurs bureaucrates, n'avaient que du mépris pour une équation chinoise qui ne satisfaisait on ne sait quels intérêts. Pourtant au niveau des cadres professionnels de CV, la mémoire collective de CV doit toujours être présente, une mémoire de vision, de positivité, de certitude, d'hardiesse, celle du "You name it, we fly it", qui aurait sans doute fait preuve de plus de pragmatisme.

La nouvelle garde par contre est typique pour le corporatisme d'Etat luxembourgeois. Voilà CV, une initiative vieille de plus de 40 ans. Vue avec scepticisme au début, elle se révèle un succès étonnant. Et hop, le système s'en saisit, place ses fidèles serviteurs du corporatisme d'Etat aux commandes, qui, incompétents, doivent se tourner vers des partenaires, des consultants, des tontons, des mécanismes de portage et d'autres valses d'hésitation pour cacher leur incapacité de comprendre les problèmes et de décider, et pour cacher aussi leurs astucieuses manœuvres occultes par-ci et par-là. Et l'Etat justifiera son manque  d'action en arguant qu'il ne saura se mêler des affaires d'une société "privée". C'est le triste état du corporatisme d'Etat.

Grâce à la nouvelle transparence, on sera tous aux premières loges pour suivre les exploits de notre duo de ping-pong Frieden-Wiseler. Nous savons déjà que le public sera attentif et ne sera pas silencieux. Car en plus, notre aspirant Premier Ministre a promis un Code de Déontologie avant la fin de l'année! J'y ajouterais une commission d'enquête, car à quoi bon un petit code de déontologie, si même les grosses questions sur la légalité des actions passées des responsables ne sont pas investiguées?

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