"Trois personnes peuvent garder un
secret, si deux d’entre elles sont mortes" (Benjamin Franklin)
"Quand les choses deviennent
sérieuses, vous devez mentir" (Jean-Claude Juncker)
Au (plus petit) Stade National de Livange, les
gladiateurs sont nombreux à partager plein de secrets : Juncker, Halsdorf,
Krecké, Finck, Becca et Rollinger. Selon Benjamin Franklin, on va donc tout
savoir, parce qu'il y a plus d'une personne au courant de ces secrets?
Effectivement selon le Mouvement Ecologique et le surprenant
article-investigation de Véronique Poujol paru dans le Lëtzebuerger Land, nous
apercevons la silhouette encore floue de l'affaire qui se
développe. Les choses deviennent donc sérieuses. Selon la doctrine junckérienne
ci-dessus, les choses devenant sérieuses, les acteurs doivent donc mentir
maintenant. Qui croire dès lors que le Gouvernement ment à tout moment, et
comment !? Il faudrait avoir accès à l’information vraie.
Vous n'allez pas me croire, mais j'ai une excellente
nouvelle à vous annoncer à ce propos: La "Proposition de Loi concernant la
liberté d'accès à l'information" (1), déposée par le député Alex Bodry le
20 juin de l'an 2000 sera votée encore cette semaine, donc presque 12 ans plus
tard. Les chefs des fractions parlementaires s'en sont félicités, car elle
viendra à point pour faire la lumière sur la situation qui entoure le projet
toxique du Stade de Livange. La presse se réjouira également de ce nouveau
"droit de savoir" qui mettra le Luxembourg à un pied d'égalité avec
les autres démocraties avancées telles que la Mongolie et le Nigeria, qui ont
adopté des lois similaires connues sous la dénomination internationale de FOI,
"Freedom of Information", en 2011.
Seulement voilà, je viens de vous mentir, pas sur la
Mongolie et le Nigeria, mais en vous annonçant la nouvelle, inventée de toute
pièce, qu'il y aurait un vote sur ce projet de loi FOI au Luxembourg. Il faut
faire sans !
Le droit de poser des questions
Dépourvus du droit de savoir, nous ne sommes pas
dépourvus du droit de poser des questions. Et selon Benjamin Franklin, nous
allons forcément finir par savoir toute la vérité. En attendant, faisons
quelque sens des bribes et morceaux d’informations collectées à ce jour. Bien sûr,
extrapoler sur ceux-là nous amène à la spéculation. Mais quels sont nos choix ?
C’est ou bien s'accommoder avec l'obstruction et gober des balivernes, ou bien
considérer la spéculation comme bonne hypothèse que les réalités nous empêchent de vérifier pour
le moment.
Faisons d'abord l'inventaire de ce que le public sait:
Monsieur Rollinger avait un projet de centre commercial à
Wickrange, prêt pour démarrer. Il représentait une concurrence, voire un
obstacle pour le projet du Stade National de Livange, 5 km plus loin. Pour une
raison inconnue, le Gouvernement désirait l'abandon du projet Rollinger en
faveur du projet Becca. Le gouvernement jouait donc au démarcheur, à l'arbitre,
au facilitateur, au sponsor et au garant. La BCEE prendra soin des besoins de
Monsieur Rollinger avec un prêt de €16 millions pour défaire son projet. On ne
sait pas ce que cela couvre vraiment. Monsieur Becca s'arrangera avec Monsieur
Rollinger pour son manque à gagner, € 21 millions dit-on, et Monsieur Finck
personnellement veillera aux bonnes choses et aux divers crédits de sa (notre) banque,
en tant que membre du CA d'une des sociétés
de Becca, qui soit dit en passant avait acquis l'ancienne villa de Finck.
La tête vous tourne? Vous sentez comme qui dirait une
petite odeur? On va poser quelques questions. Mais il faut d'abord trier les
relations binaires, triangulaires et quadrilatérales entre ces gladiateurs dans
une petite analyse opérationnelle pour visualiser ce qui a pu se passer. La voici
représentée:
ANALYSE DES RELATIONS AUTOUR DU PROJET DU STADE NATIONAL.
Légende : VERT: Persuasion amiable
ROUGE: Flux d’argent
Comme un petit croquis vaut mieux qu'un long discours,
voici la légende: Les flèches vertes sont celles de la "persuasion à
l'amiable". Ou peut-être de la coercition? Et la direction de la flèche
indique à qui l'interaction s'adresse.
Les flèches rouges représentent de qui à qui vont les
flux d'argent.
Nous constatons donc que le gouvernement fait figure de
GO, ou gentil organisateur coercitif, directement ou par BCEE interposée. Cette
persuasion amiable directe s'est matérialisée dans la fameuse lettre secrète signée
par les Ministres Juncker, Halsdorf et Krecké.
Nous connaissions l'intensité des rapports entre Becca et
la BCEE pour des crédits qui ont justifié la présence (rémunérée?) de Monsieur
Finck dans un CA de Becca. Est-ce une immixtion coupable? Et nous connaissons
le fait divers de la vente de la villa de Finck à Becca. Tous les observateurs
s'étonnent de cette multiplicité des relations. Mais je suis sûr qu'un jour on
saura comment se justifie une telle attention pour le client.
Un crédit de 16 millions
Puis il y a le crédit de € 16 millions de la BCEE à
Rollinger. Les rumeurs veulent savoir d'une pression du gouvernement pour
forcer une telle opération. Est-ce possible ? Nous savons que Finck était
le favori du Premier Ministre pour diriger la banque. Cela crée des liens
certes, mais il faut supposer que si une telle décision de crédit, n'était pas
assortie de toutes les garanties nécessaires, les autres membres du Comité de
Direction auraient dénoncé haut et fort une telle ingérence dans leurs responsabilités.
Le capitalisme d'état tel qu'il s'étale actuellement au
Luxembourg est évidemment source de préoccupation. Il conduit au conflit avec
la loi, mais elle sera appliquée de façon erratique aux gêneurs seulement. Il
est en conflit avec le sens de justice dans l'opinion publique, mais elle ne
saura rien car elle n'a pas le droit de savoir, et il est en conflit avec les règles
éthiques élémentaires, mais qui s'en soucie si la permissivité donne
l'absolution immédiate. Et face au pouvoir discrétionnaire et arrogant qui
s’étale, les autres acteurs choisissent de rester dans les bonnes grâces de
ceux qui ont capturé le système. Un tel système a un nom que je ne prononcerai
pas. Je veux rester dans les bonnes grâces moi aussi.