Sunday, September 27, 2020

La diplomatie luxembourgeoise remuée, pas secouée, par un cocktail Molotov.

La diplomatie luxembourgeoise remuée, pas secouée, par un cocktail Molotov. 

L’ambassadeur du Grand-Duché de Luxembourg à Moscou, voyant sa mission se terminer, a préféré rester à Moscou plutôt que de retourner dans son pays. Il a donc obtenu un congé sans solde, ce qui met sa carrière diplomatique en veilleuse. Il travaillerait à Moscou pour une organisation non-gouvernementale réfléchissant sur la façon d’améliorer la gouvernance surtout en matière d’environnement. Il s’avère que la ONG en question serait Gazprom. Ce conglomérat a des dizaines de sociétés affiliées, parmi elles pourrait se trouver une ONG ou un département déguisé en ONG. 

Une déclaration préemptive de l’intéressé écarte un lien quelconque avec ses anciens patrons Jeannot Krecké et Etienne Schneider dans cette aventure russe. Qu’il y ait un lien ou pas, Jean-Claude Knebeler est le troisième personnage d’une trinité qui ont choisi une carrière impliquant des oligarques russes.

Ainsi Jeannot Krecké a pantouflé de sa position de membre du gouvernement à celle de membre de plusieurs Conseils d’Administration : Arcelor Mittal, Calzedonia Finanziaria, East-West United Bank, Jan de Nul, NovEnergia et Sistema. Un dénominateur commun dans les intérêts russes est l’oligarque Vladimir Yevtushenkov qui contrôle Sistema et East-West United Bank. 

Etienne Schneider imite son ancien patron Krecké en commençant une collection de conseils d’administration à son tour, qui sont Arcelor Mittal, Sistema et Besix, un bétonnier belge. 

Le Luxembourg se fait décidément des amis en Russie. Depuis nos alliances traditionnelles avec les Belges, Français, Islandais et Allemands dans la sidérurgie, la CLT, l’aviation et la banque nous sommes passés aux Américains des années 50 et 60 pour les entreprises manufacturières, au Qatar de Luc Frieden, à la Chine de François Bausch pour démarrer l’ère russe de Jeannot Krecke. Nous pourrions faire nôtre le slogan du Général de Gaulle pour remplacer le Royaume Uni dans l’Europe Unie : « L’Europe de l’Atlantique à l’Oural ». Je dirais même plus : « de l’Atlantique à Vladivostok ». Sinon la Chine travaillera sur la Sibérie. 

Où est le cocktail Molotov dans cette affaire ? C’est que l’ami américain concocte des listes pour sanctionner des individus et des sociétés qui sont des entités connues pour avoir blanchi des capitaux, pour avoir corrompu des dirigeants politiques ou pour être engagé dans des pratiques condamnées par les Etats-Unis, par d’autres pays, par l’ONU et la Banque Mondiale parmi d’autres. 

Espérons que l’ami américain et d’autres dans le monde ignorent que ces listes malencontreuses comportent Gazprom et Gazprombank avec des dizaines d’affiliés, entre autres Enovos. En 2018 deux membres du Congrès américain, Iliana Ros-Lehtinen et Paul Walker ont demandé des sanctions contre Sistema et Vladimir Yevtushenkov pour leur appui dans l’annexion de la Crimée par la Russie. Enfin il est intéressant de noter que Vladimir Yevtushenkov a été arrêté en Russie en 2014 et accusé de blanchiment d’argent, ce qui lui a valu d’être dépouillé de Bashneft la pétrolière qu’il possédait et que d’autres convoitaient. Peut-être du « Kompromat ». 

C’est un cocktail qu’il faut remuer doucement. Pas secouer !





Monday, September 7, 2020

Les élections américaines de 2020


 








Les élections américaines de 2020

Le 3 novembre l’Amérique décidera si elle reconduit le Président Donald Trump, le Républicain dans sa fonction ou si en revanche elle préfère son challenger Joe Biden, le Démocrate.

J’habite aux Etats-Unis depuis trente ans, et c’est avec un œil tantôt amusé, tantôt surpris que je regarde les nouvelles européennes sur ces élections. Elles sont parsemées du parti pris de celui qui les rapporte. Généralement elles sont plus ou moins ouvertement anti-Trump et pro-Biden. La Presse luxembourgeoise est au diapason avec les représentations de leurs collègues européens. Clairement leur choix privilégié est Joe Biden, arguments de circonstance à l’appui. Les divers sondages d’opinion semblent conforter ces sentiments. Joe Biden caracole en tête de la course. Cependant il faut se méfier de cette unanimité ouverte ou subliminale pour déclarer Biden le favori dans cette élection. Deux mois jusqu’aux élections sont une éternité. Pendant ces deux mois les écarts vont changer, des surprises et des éclaboussures de boue viendront secouer les sondages. Et parmi les perdants des élections présidentielles pourraient se trouver les instituts de sondages dont les arithmétiques sont souvent trop simplistes pour saisir les intangibles et les convulsions dans l’électorat qui dans les dernières semaines de campagne viennent fausser les sondages bruts.

En effet, je détecte un parallèle entre les élections de 2016 et de 2020. Au Luxembourg, Donald Trump aurait reçu 3% de support la semaine avant les élections de 2016, contre Hillary Clinton qui rassemblait 71% des voix. Vous connaissez la suite. Comme cette fois-ci, j’avais prévenu dès janvier 2016 pendant les primaires que les résultats seraient surprenants pour beaucoup. En effet que si Hillary Clinton ne survivait pas à une enquête du FBI sur l’emploi illégal d’un ordinateur privé pour les secrets d’Etat, ce serait Bernie Sanders qui affronterait Donald Trump. En fin de compte les élections de 2016 produisaient Donald Trump, une victoire du politiquement incorrect sur les dynasties politiques traditionnelles comme Bush, Clinton, Kennedy et autres.

Ici il importe de relever la faute stratégique du Parti Démocrate : il s’agit de l’effort mal inspiré en 2016 de faire élire la princesse héritière Hillary Clinton en éliminant toute compétition avant les élections. Le parti avait ainsi empêché la candidature la plus logique, celle du Vice-Président de Barack Obama, Joe Biden. Restait un irréductible, le rebelle Bernie Sanders qui rassemblait beaucoup de support à gauche et avait des réelles chances de succès dans ce climat d’après-Obama. Le parti a fait obstruction à la marche vers la nomination de Bernie Sanders. Le parti a ainsi dérobé tous les deux, Biden et Sanders d’une meilleure chance de gagner en 2016 qu’aujourd’hui.

Mais nous voilà en 2020. Comme en 2016 déjà, Sanders a été éliminé une deuxième fois in extremis parce que le parti favorisait ouvertement Biden cette fois-ci. Il est vrai que Sanders n’est qu’affilié au parti démocrate en tant qu’Indépendant. Le candidat démocrate Biden, en politique depuis 47 ans affronte donc le candidat républicain Trump qui lui est en politique depuis 5 ans. L’électeur contemplera les bilans politiques des deux hommes, tous deux septuagénaires, et leur santé physique et mentale. Les paramètres qui influenceront l’électeur dans ses choix sont au nombre de quatre :

  • Son appartenance à l’un des deux partis détermine son vote. Les impondérables sont l’absentéisme et les défections. Combien de « Reagan Democrats » y aura-t-il et combien de « Never Trumpers ».
  • Les réalités politiques et économiques qui sont principalement la reprise après Covid-19.
  • Les émotions que la bataille politique génère, surtout dans le domaine de la sécurité. La mise a sac de grandes villes par des émeutiers plus ou moins professionnels et l’augmentation spectaculaire des meurtres combine avec l’ambition de couper les budgets des forces de police favoriseront le Président sortant.
  • Finalement l’abstinence du vote est directement proportionnelle à l’enthousiasme pour un candidat. C’est une autre faiblesse actuellement du candidat Biden, confiné jusque la a une campagne virtuelle. 

Il reste deux mois pour tirer les choses au clair. L’économie américaine sous Trump était florissante jusqu’en mars 2020. L‘emploi atteignait des niveaux historiques records surtout parmi les minorités noires et latinos. La crise Covid-19 a mis une fin provisoire à cette abondance. Comment sortir le mieux de la crise sera le facteur le plus important dans l’attitude de l’électeur.  Si l’avantage va au candidat qui mise sur la prudence, Biden sera favorisé. Au contraire Trump pousse au retour à la normale maintenant. L’histoire donnera raison à l’un ou l’autre. « C’est l’économie tout bêtement » disait un slogan de Bill Clinton en 1992. En ce cas Biden mise sur la moins bonne politique : trop lent pour endosser le confinement, trop lent pour en sortir.

La liste des facteurs secondaires dans ces élections est longue : le retour à la vie normale, la réouverture des écoles, des voyages, la distribution d’un vaccin, le retour au plein emploi et surtout la fin des protestations violentes qui à l’origine étaient des émeutes raciales. L’arrière-fond de ces émeutes est à l’origine mort d’homme aux mains de la police, avec un usage plus ou moins légitime de force létale lors d’interventions, souvent filmées par des témoins. Ces émeutes dont certaines durent depuis plus de 100 jours à Portland, Oregon ont été déclarées « protestations paisibles » par les media, alors que des bâtiments officiels et des commerces étaient saccagés et mis à feu.

Des protestations similaires ou plutôt des insurgences semblables sont actives dans une bonne dizaine de villes dirigées par des maires démocrates. On est en présence d’une confrontation politique en arrière-fond. A qui profite le désordre public ? Le Président avait revendiqué la pleine autorité sur les Etats en matière sanitaire et ordre public pendant la crise sanitaire. Les gouverneurs des Etats surtout démocrates ont protesté immédiatement, insistant sur le principe de la subsidiarité des Etats. Donald Trump a habilement cédé, laissant aux élus locaux la responsabilité de résoudre leurs problèmes d’ordre public et de crise sanitaire, à moins d’appeler le gouvernement fédéral à l’aide. Trump a ainsi récolté les accolades des gouverneurs des Etats qui ont bénéficié d’aides considérables en matière sanitaire, y compris la mobilisation des deux plus grands bateaux sanitaires sur les côtes est et ouest.

Alors que la crise sanitaire s’estompe un peu, l’arrivée sous peu de vaccins contre le Covid-19 sera un soulagement qui influencera l’ampleur et le calendrier de la reprise, donc les résultats électoraux. De même que l’issue des débats sur la sécurité publique et la diminution des budgets des forces de police.

Les semaines à venir seront houleuses. Trois débats Trump-Biden auront lieu. Le plus grand défi est sur Biden : il devra surtout montrer que ses capacités mentales, que d’aucuns questionnent, sont intactes. Sinon on revisitera le Reagan « landslide » de1984.