Friday, April 5, 2019

La Présidence Trump: Mode d’Emploi


On dirait ..........



















La Présidence Trump: Mode d’Emploi

Si les luxembourgeois avaient pu voter aux élections américaines de novembre 2016, Hillary Clinton aurait gagné contre Donald Trump avec 93% des voix. C’est ce qu’indiquait un sondage qui a eu lieu la semaine avant les élections. Vivant aux Etats-Unis depuis près de trente ans, vétéran de ce qu’on appelle ici « Public Affairs », j’étais arrivé à un pronostic contraire basé sur les sondages américains, les mouvements des foules, et les ajustements statistiques nécessaires dans ce cas très particulier de bipolarisation de l’opinion publique. Je prévoyais une marge étroite possible en faveur de Donald Trump.

L’opinion publique luxembourgeoise me paraissait comme une hallucination, déclenchée par une information locale défaillante, inspirée par les media américains. Hillary Clinton était une mauvaise candidate car elle était opposée par une trop grande partie de l’électorat, près de la moitié. On ne gagne pas avec des chiffres pareils. Cette opposition est due surtout aux scories amassées par les Clinton au fil de plus de 30 années passées en politique. Bernie Sanders, qui quoique indépendant est affilié aux Démocrates, défiait l’interdit implicite au sein du parti qu’on n’oppose pas la princesse héritière Hillary. Il a été sauvagement saboté pendant les primaires par ses propres amis du « Democratic National Congress » pour que « Hillary » gagne la nomination. Pourtant faute d’autres candidats aux primaires, il était la seule vraie chance du Parti Démocrate de prévaloir contre Donald Trump. Celui-ci avait déjà donné la démonstration qu’il serait difficile à battre, après avoir éliminé à la tronçonneuse 16 autres candidats républicains dans les primaires. Pendant ce temps-là Hillary Clinton, tout en étant la princesse héritière présumée, devait se réduire à comploter avec l’aide de son parti et des media pour devancer un surprenant Bernie Sanders.

Il a plu sur la Procession Impériale !

Le jour de l’élection les militants de Hillary Clinton étaient en liesse. Les algorithmes des grands organes de presse, presque tous acquis pour elle, lui donnaient une quasi-certitude de gagner. Mais la procession solennelle vers la victoire se terminait très vite en naufrage dans la soirée. Le couronnement fut annulé. Trump avait gagné. Il fallait un coupable de suite pour justifier cette débâcle, qui après une première défaite contre Barack Obama, fournissait pourtant la preuve que Hillary Clinton était incapable de gagner. Non, la coupable ne pouvait être Hillary pour avoir gaspillé sa chance servie sur un plateau. Pour le camp de Hillary, la victoire ne pouvait être le mérite de Trump non plus : il était inimaginable qu’il ait pu battre Hillary avec ses propres atouts ! Cette victoire de Trump ne pouvait s’expliquer que par une fraude ! Pourquoi pas par une collusion avec les Russes ? Et une excuse fantastique faisait la une le soir des élections : les élections étaient « hacked » par les Russes ! Vous votiez Clinton ? Eh bien le résultat mystérieusement se transformait en un vote pour Trump. Cette fantaisie ignare était impossible, pour sa simple irréalité technologique. Pourtant les media, s’en emparaient pour quelques heures.  Cette excuse tellement simpliste a dû être ajustée par les « spin doctors » pendant les jours suivants pour expliquer le résultat non pas par du « hacking », mais par une ingérence russe et surtout une collusion Trump-Poutine. Cette accusation est devenue la raison pour nommer un « General Counsel », Robert Mueller, qui devait enquêter sur cette collusion. Il le fera pendant 675 jours pour un coût de 40 millions de dollars.

Hillary a écrit un livre accusant tout le monde pour son échec, excepté elle-même. Pour le plus grand mal du parti, elle travaille probablement à sa nième résurrection et un probable naufrage subséquent.  Elle avait surtout commandité le célèbre « Dossier » pour éclabousser Trump avec toutes sortes d’histoires sulfureuses. C’est de bonne guerre en politique américaine d’aller fouiner dans le passé de l’opposant, et c’est réciproque. Dans ce cas-ci il semble que les résultats de cette fouine aient servi de document officiel pour saisir la Foreign intelligence Surveillance Court (FISA), une cour de justice secrète (!) instituée en 1978 pour autoriser les enquêtes de contre-espionnage. Le juge a donné le feu vert a plusieurs reprises pour enquêter sur des membres de la campagne Trump. Certains ont été inculpés, pour avoir menti ou pour fraude fiscale, mais aucun pour collusion avec la Russie. Une histoire bien americaine.

Pendant ce temps-là, sur CNN

Depuis le début de la campagne électorale en 2015, émergeaient les deux éléments qui allaient déterminer les élections. Un code du « politiquement correct » à outrance faisait office de muselière au discours publique, alors que la Constitution élève en amendement sacro-saint la Liberté d’Expression. Cette muselière était embrassée surtout par l’aile gauche du parti démocrate, amplifiée par la presse favorable à Hillary Clinton, CNN en tête, au point de mériter le sobriquet Clinton News Network. La portée de CNN est mondiale, son influence sur les organes de presse internationaux est claire, comme le montre l’opinion prévalant en Europe et donc au Luxembourg. Le second élément est la plus récente contre-réaction, le ras-le- bol avec ce politiquement correct et la caste politique qui ne parle plus la langue de ses électeurs. Le résultat est une inversion du comportement électoral de certaines catégories d’électeurs surtout dans les réservoirs traditionnels de la gauche qui ont voté à droite.  

Dans cet imbroglio politico-sociétal la classe moyenne ne se retrouve pas dans les aspirations élitaires des Démocrates. Ces élites ont perdu leur parti. Les élites Républicaines ne se retrouvent pas dans les aspirations de ses nouveaux électeurs, dont des syndicats ! Ce parti a perdu ses élites. La Presse a perdu la confiance du public, et les magiciens des sondages publics ont perdu leur crédibilité.

L’idiot regarde le doigt qui montre la lune (Proverbe chinois)

C’est donc le candidat le plus politiquement incorrect qui a remporté les élections de 2016. Par le monde des millions de gens sont depuis obsédés par le personnage Trump, au point d’être habités par lui dans une sorte de désordre obsessif compulsif. Trump est là quand ils se lèvent, sur Twitter, à la radio, sur CNN où les têtes parlantes lèvent les yeux au ciel à chaque mention de son nom pendant des débats interminables. Une hystérie globale s’est développée, bien alimentée par des spéculations autour de l’enquête officielle sur une collusion avec la Russie. Après deux ans, l’enquête semble se terminer par un flop. Pendant deux ans les idiots auraient regardé le doigt qui montrait la lune ?

Les Etats-Unis et le monde auront perdu deux ans de travail plus constructif. Il est temps de revoir quelques préjugés sur le personnage qui change l’Amérique pour comprendre son mode d’emploi. Donald Trump, nous avons déjà vu, a gagné les primaires du parti Républicain à la tronçonneuse. Il a ensuite coiffé Hillary Clinton au poteau. Il sort aussi de ce piège monstre, l’accusation de collusion, où tant de monde s’est acharné à sa perte. Les Allemands auraient dit : « Viele Hunde sind des Hasen Tod » : un grand nombre de chiens, c’est la mort du lièvre. Il n’en est rien.

La dissection de l’équation Trump

Il faut chercher cette résistance du Président Trump et sa démarche dans son histoire personnelle : Trump est newyorkais, la ville rapide qui ne dort jamais et qui aime la démesure et les superlatifs. Il y est un pilier de l’immobilier, un monde qui joue selon les règles d’un capitalisme sans nuances et sans égards pour les timorés. Il est aussi milliardaire en dollars, ce qui aide. Il est vrai qu’à ce stade il n’a pas besoin de thérapie pour soigner son « self esteem », comme d’ailleurs la plupart des politiciens. Politiquement il a été Démocrate comme beaucoup de personnages newyorkais ultra-riches, il a aussi été Indépendant et puis Républicain, ce qui laisse supposer qu’il a une approche pragmatique quant à sa place dans le spectre politique. Enfin il était star d’une émission de télévision, reflétant un livre qu’il a écrit, « The Art of the Deal », dans lequel le coup fumant est la victoire dans une négociation. Il connait donc les media, le monde des communications et comprend parfaitement le cycle journalier des nouvelles. Ce qui fait de lui un combattant politique à part.

Attendez-vous dès lors à voir de la négociation partout selon un schéma qui a sa propre logique : on entre dans la danse en énonçant un problème bien connu de tous, mais ignoré depuis longtemps par négligence bénigne, opportunisme, le politiquement correct et la non-ingérence. Pour y remédier et casser le cycle du désintérêt et des tabous, il faut d’abord énoncer le vieux problème et puis dénoncer les tenants de la négligence et de la résistance. Le débat s’ouvre alors comme des enchères selon le principe de la « Dutch auction », les enchères à l’envers : elles commencent avec un prix très élevé de sorte qu’il faudra bien le diminuer par la suite avant de trouver un preneur. Bien au-delà du minimum ciblé. Et souvent la vraie cible est le preneur, qui n’avait qu’un seul choix, celui de participer aux enchères pour éviter bien pire.

Les exemples sont nombreux et se ressemblent forcément : les membres de l’OTAN ne payent pas leurs 2% du PNB auxquels ils avaient pourtant souscrit, l’accord NAFTA est en déséquilibre en défaveur des Etats-Unis, le déséquilibre commercial avec la Chine et l’Union Européenne est tel qu’on lèvera une taxe à l’importation de 25%, l’accord sur le nucléaire Iranien est un leurre qu’il faut renégocier, et la Corée du Nord défiant le monde en poursuivant son programme d’armement nucléaire va voir ce qu’on va voir. Et on va quitter l’Iraq, l’Afghanistan et la Syrie. Ce sont les énoncés.    
   
Sur ce le monde fait le grand écart, offusqué. Mais attention, ce n’est pas personnel, seulement du business, comme on expliquerait à New York. L’Europe fait des entrechats et des pointes, mais tourne le manège jusqu’à la scène finale : on acceptera le « deal » avec la certitude d’avoir fait une bonne affaire.
        
Pendant ce temps-là, en Europe désemparée …

En Europe il a bien fallu faire le deuil de Hillary cette nuit de novembre 2016. Puis se tourner vers le vif du sujet : non mais, vous avez vu ses cheveux ? Et le kitsch dans Trump Tower !? Saurait-il énumérer les différents morceaux de l’ancienne Yougoslavie ? Dans ce tintamarre le Président Macron avait seul pris l’initiative d’un rapprochement avec cet inconnu en invitant le Président américain aux fêtes du 14 juillet 2017. Cette relation bien commencée a ensuite été négligée. Dommage, car c’était le seul vrai forum jusqu’à présent pour une franche camaraderie avec l’Europe. C’est CNN qui comble le vide diplomatique en s’assurant que sa version anti-Trump primaire domine le discours et s’exporte partout. L’Amérique actuellement s’éloigne un peu plus de l’Europe pour se replier sur elle-même.

Un Luxembourg désorienté

Le Luxembourg n’a pas fait d’effort non plus pour promouvoir l’entente cordiale, malgré son interdépendance disproportionnée avec les Etats-Unis. Le Luxembourg a beaucoup d’intérêts à sauvegarder, qui dépendent en partie du bon vouloir et du politique américain. D’accord, on a augmenté nos dépenses militaires pour nous rapprocher des 2% du PNB, en créant « Govsat » sorte de « Ramplassang » pour un effort militaire qu’on fera plus aisément avec de l’argent qu’avec des unités de combat. Mais on a donné une mauvaise note à l’ambassadeur des Etats-Unis qui a chuchoté dans nos oreilles de dire quelque chose sur la Crimée aux Russes. Notre Ministre des Affaires Etrangères ne semble pas non plus vouloir capter l’air du temps venant de Washington. Il a plutôt un penchant pour Hamas que pour Israël, et son recueillement sur la tombe de l’Ayatollah Khomeini est légende au Luxembourg Desk du Secrétariat d’Etat à Washington. Où on se rappelle très bien aussi la chaleureuse proximité de Jean Asselborn avec Madame Clinton et Monsieur Kerry.

Viviane Reding s’est distinguée en montant sur les barricades contre les menaces de nouveaux tarifs douaniers sur l’acier. C’était très louable, mais l’intérêt luxembourgeois n’était pas en jeu : Arcelor-Mittal a treize implantations aux Etats Unis et aurait plutôt profité d’une telle barrière sur leur marché américain. En fin de compte Jean-Claude Juncker a pris le taureau par les cornes et s’en est allé trouver Donald Trump. Monsieur Juncker a fait foi de son credo sur le libre-échange à la Maison Blanche, grand sanctuaire du libre-échange, au point de convertir Monsieur Trump, l’homme de « The Art of the Deal » d’accepter ce deal sur le libre-échange qui lui était offert : au lieu d’escalader les tarifs douaniers, les deux hommes ont décidé d’appliquer un tarif zéro. C’était un coup fumant, mais il n’est pas encore dit de la part de qui.  Monsieur Juncker pouvait fièrement annoncer que la guerre commerciale n’aura pas lieu. Monsieur Juncker cependant n’a pas évoqué l’autre grand succès de sa mission : il a étendu le marché unique de l’Union Européenne aux 50 états des Etats-Unis en leur accordant un tarif zéro. Dorénavant les Etats-Unis auront tous les avantages commerciaux d’un membre de l’Union Européenne sans en avoir les obligations. A moins d’annuler tout cet acquis par l’action des bureaucrates chargés de mettre cet accord sur papier.

Les intérêts du Luxembourg et ceux de l’Union Européenne cependant sont loin d’être identiques. Rester absent de Washington ou pire traiter cette Administration par l’indifférence voire le dédain, c’est manifestement tenter le diable, surtout pour la défense d’une place financière qui abrite tellement d’intérêts américains. Il y a d’abord le rapatriement de quelques milliers de milliards de dollars parqués par les grandes sociétés américaines dans des centres comme Luxembourg. Ils y étaient pour échapper à une double imposition en cas de rapatriement. Les nouvelles lois fiscales permettent ce retour sans frais, et l’Administration Trump les encourage. Des nouvelles dispositions fiscales pourraient faire des Etats-Unis et certains états en particulier des concurrents redoutables pour les centres financiers Européens. Les fonds luxembourgeois cela se défend à Washington, pas au Moyen Orient.

Pendant ce temps-là un Président sous pression a présidé à une économie dynamique, un chômage qui indique un quasi plein emploi, une recrudescence des activités industrielles, des valeurs en bourse élevées et donc la bonne santé des fonds de pension, le Califat rayé de la carte, l’indépendance énergétique, Madame Merkel veut un porte-avions et Monsieur Juncker une armée européenne, le joli mur qui va égayer la verte vallée du Rio Grande, et surtout Kim Jong Un qui s’abstient pour l’instant de jouer avec les allumettes nucléaires. Ce ne sont pas des « fake news ».

Se préparent alors les élections de novembre 2020. Chez les Démocrates surtout, où les candidats sont légion. Ils exécutent tous le Washington Square Dance où ils tombent l’un sur l’autre pour être plus à sa gauche, tellement que les centristes et indépendants risquent de ne pas s’y reconnaitre. Trump 2020 ? En ce cas il faudrait une pétition à la Chambre des Députés pour que notre Ministre des Affaires Etrangères fasse le détour à Washington pour au moins échanger ses souvenirs de guerre en Afghanistan avec Mike Pompeo. Histoire de créer des liens.

Aux dernières nouvelles il s’y est rendu, à Washington. Mais sommé comme tous les soldats de son grade.







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