On dirait .......... |
La Présidence Trump: Mode
d’Emploi
Si les luxembourgeois avaient pu voter aux élections américaines de
novembre 2016, Hillary Clinton aurait gagné contre Donald Trump avec 93% des
voix. C’est ce qu’indiquait un sondage qui a eu lieu la semaine avant les élections.
Vivant aux Etats-Unis depuis près de trente ans, vétéran de ce qu’on appelle ici
« Public Affairs », j’étais arrivé à un pronostic contraire basé
sur les sondages américains, les mouvements des foules, et les ajustements
statistiques nécessaires dans ce cas très particulier de bipolarisation de
l’opinion publique. Je prévoyais une marge étroite possible en faveur de Donald
Trump.
L’opinion publique luxembourgeoise me paraissait comme une hallucination, déclenchée
par une information locale défaillante, inspirée par les media américains.
Hillary Clinton était une mauvaise candidate car elle était opposée par une
trop grande partie de l’électorat, près de la moitié. On ne gagne pas avec des
chiffres pareils. Cette opposition est due surtout aux scories amassées par les
Clinton au fil de plus de 30 années passées en politique. Bernie Sanders, qui quoique
indépendant est affilié aux Démocrates, défiait l’interdit implicite au sein du
parti qu’on n’oppose pas la princesse héritière Hillary. Il a été sauvagement saboté
pendant les primaires par ses propres amis du « Democratic National
Congress » pour que « Hillary » gagne la nomination. Pourtant faute
d’autres candidats aux primaires, il était la seule vraie chance du Parti
Démocrate de prévaloir contre Donald Trump. Celui-ci avait déjà donné la
démonstration qu’il serait difficile à battre, après avoir éliminé à la
tronçonneuse 16 autres candidats républicains dans les primaires. Pendant ce
temps-là Hillary Clinton, tout en étant la princesse héritière présumée, devait
se réduire à comploter avec l’aide de son parti et des media pour devancer un
surprenant Bernie Sanders.
Il a plu sur la Procession
Impériale !
Le jour de l’élection les militants de Hillary Clinton étaient en liesse.
Les algorithmes des grands organes de presse, presque tous acquis pour elle,
lui donnaient une quasi-certitude de gagner. Mais la procession solennelle vers
la victoire se terminait très vite en naufrage dans la soirée. Le couronnement
fut annulé. Trump avait gagné. Il fallait un coupable de suite pour justifier
cette débâcle, qui après une première défaite contre Barack Obama, fournissait
pourtant la preuve que Hillary Clinton était incapable de gagner. Non, la
coupable ne pouvait être Hillary pour avoir gaspillé sa chance servie sur un
plateau. Pour le camp de Hillary, la victoire ne pouvait être le mérite de Trump
non plus : il était inimaginable qu’il ait pu battre Hillary avec ses
propres atouts ! Cette victoire de Trump ne pouvait s’expliquer que par une fraude !
Pourquoi pas par une collusion avec les Russes ? Et une excuse fantastique
faisait la une le soir des élections : les élections étaient
« hacked » par les Russes ! Vous votiez Clinton ? Eh bien
le résultat mystérieusement se transformait en un vote pour Trump. Cette
fantaisie ignare était impossible, pour sa simple irréalité technologique.
Pourtant les media, s’en emparaient pour quelques heures. Cette excuse tellement simpliste a dû être ajustée
par les « spin doctors » pendant les jours suivants pour expliquer le
résultat non pas par du « hacking », mais par une ingérence russe et
surtout une collusion Trump-Poutine. Cette accusation est devenue la raison
pour nommer un « General Counsel », Robert Mueller, qui devait
enquêter sur cette collusion. Il le fera pendant 675 jours pour un coût de 40
millions de dollars.
Hillary a écrit un livre accusant tout le monde pour son échec, excepté
elle-même. Pour le plus grand mal du parti, elle travaille probablement à sa
nième résurrection et un probable naufrage subséquent. Elle avait surtout commandité le célèbre
« Dossier » pour éclabousser Trump avec toutes sortes d’histoires
sulfureuses. C’est de bonne guerre en politique américaine d’aller fouiner dans
le passé de l’opposant, et c’est réciproque. Dans ce cas-ci il semble que les
résultats de cette fouine aient servi de document officiel pour saisir la
Foreign intelligence Surveillance Court (FISA), une cour de justice secrète (!)
instituée en 1978 pour autoriser les enquêtes de contre-espionnage. Le juge a
donné le feu vert a plusieurs reprises pour enquêter sur des membres de la
campagne Trump. Certains ont été inculpés, pour avoir menti ou pour fraude
fiscale, mais aucun pour collusion avec la Russie. Une histoire bien
americaine.
Pendant ce temps-là, sur CNN
Depuis le début de la campagne électorale
en 2015, émergeaient les deux éléments qui allaient déterminer les élections.
Un code du « politiquement correct » à outrance faisait office
de muselière au discours publique, alors que la Constitution élève en
amendement sacro-saint la Liberté d’Expression. Cette muselière était embrassée
surtout par l’aile gauche du parti démocrate, amplifiée par la presse favorable
à Hillary Clinton, CNN en tête, au point de mériter le sobriquet Clinton News
Network. La portée de CNN est mondiale, son influence sur les organes de presse
internationaux est claire, comme le montre l’opinion prévalant en Europe et
donc au Luxembourg. Le second élément est la plus récente contre-réaction, le
ras-le- bol avec ce politiquement correct et la caste politique qui ne parle
plus la langue de ses électeurs. Le résultat est une inversion du comportement
électoral de certaines catégories d’électeurs surtout dans les réservoirs traditionnels
de la gauche qui ont voté à droite.
Dans cet imbroglio politico-sociétal la
classe moyenne ne se retrouve pas dans les aspirations élitaires des
Démocrates. Ces élites ont perdu leur parti. Les élites Républicaines ne se
retrouvent pas dans les aspirations de ses nouveaux électeurs, dont des
syndicats ! Ce parti a perdu ses élites. La Presse a perdu la confiance du
public, et les magiciens des sondages publics ont perdu leur crédibilité.
L’idiot regarde le doigt qui
montre la lune (Proverbe chinois)
C’est donc le candidat le plus
politiquement incorrect qui a remporté les élections de 2016. Par le monde des
millions de gens sont depuis obsédés par le personnage Trump, au point d’être
habités par lui dans une sorte de désordre obsessif compulsif. Trump est là
quand ils se lèvent, sur Twitter, à la radio, sur CNN où les têtes parlantes
lèvent les yeux au ciel à chaque mention de son nom pendant des débats
interminables. Une hystérie globale s’est développée, bien alimentée par des
spéculations autour de l’enquête officielle sur une collusion avec la Russie. Après
deux ans, l’enquête semble se terminer par un flop. Pendant deux ans les idiots
auraient regardé le doigt qui montrait la lune ?
Les Etats-Unis et le monde auront perdu
deux ans de travail plus constructif. Il est temps de revoir quelques préjugés
sur le personnage qui change l’Amérique pour comprendre son mode d’emploi. Donald
Trump, nous avons déjà vu, a gagné les primaires du parti Républicain à la tronçonneuse.
Il a ensuite coiffé Hillary Clinton au poteau. Il sort aussi de ce piège
monstre, l’accusation de collusion, où tant de monde s’est acharné à sa perte.
Les Allemands auraient dit : « Viele Hunde sind des Hasen Tod » :
un grand nombre de chiens, c’est la mort du lièvre. Il n’en est rien.
La
dissection de l’équation Trump
Il faut chercher cette résistance du
Président Trump et sa démarche dans son histoire personnelle : Trump est
newyorkais, la ville rapide qui ne dort jamais et qui aime la démesure et les
superlatifs. Il y est un pilier de l’immobilier, un monde qui joue selon les
règles d’un capitalisme sans nuances et sans égards pour les timorés. Il est aussi
milliardaire en dollars, ce qui aide. Il est vrai qu’à ce stade il n’a pas
besoin de thérapie pour soigner son « self esteem », comme d’ailleurs
la plupart des politiciens. Politiquement il a été Démocrate comme beaucoup de
personnages newyorkais ultra-riches, il a aussi été Indépendant et puis Républicain,
ce qui laisse supposer qu’il a une approche pragmatique quant à sa place dans
le spectre politique. Enfin il était star d’une émission de télévision,
reflétant un livre qu’il a écrit, « The Art of the Deal », dans
lequel le coup fumant est la victoire dans une négociation. Il connait donc les
media, le monde des communications et comprend parfaitement le cycle journalier
des nouvelles. Ce qui fait de lui un combattant politique à part.
Attendez-vous dès lors à voir de la
négociation partout selon un schéma qui a sa propre logique : on entre
dans la danse en énonçant un problème bien connu de tous, mais ignoré depuis
longtemps par négligence bénigne, opportunisme, le politiquement correct et la
non-ingérence. Pour y remédier et casser le cycle du désintérêt et des tabous,
il faut d’abord énoncer le vieux problème et puis dénoncer les tenants de la
négligence et de la résistance. Le débat s’ouvre alors comme des enchères selon
le principe de la « Dutch auction », les enchères à l’envers : elles
commencent avec un prix très élevé de sorte qu’il faudra bien le diminuer par
la suite avant de trouver un preneur. Bien au-delà du minimum ciblé. Et souvent
la vraie cible est le preneur, qui n’avait qu’un seul choix, celui de
participer aux enchères pour éviter bien pire.
Les exemples sont nombreux et se
ressemblent forcément : les membres de l’OTAN ne payent pas leurs 2% du PNB
auxquels ils avaient pourtant souscrit, l’accord NAFTA est en déséquilibre en
défaveur des Etats-Unis, le déséquilibre commercial avec la Chine et l’Union
Européenne est tel qu’on lèvera une taxe à l’importation de 25%, l’accord sur
le nucléaire Iranien est un leurre qu’il faut renégocier, et la Corée du Nord défiant
le monde en poursuivant son programme d’armement nucléaire va voir ce qu’on va
voir. Et on va quitter l’Iraq, l’Afghanistan et la Syrie. Ce sont les énoncés.
Sur ce le monde fait le grand écart,
offusqué. Mais attention, ce n’est pas personnel, seulement du business, comme
on expliquerait à New York. L’Europe fait des entrechats et des pointes, mais
tourne le manège jusqu’à la scène finale : on acceptera le « deal » avec
la certitude d’avoir fait une bonne affaire.
Pendant
ce temps-là, en Europe désemparée …
En Europe il a bien fallu faire le deuil de
Hillary cette nuit de novembre 2016. Puis se tourner vers le vif du
sujet : non mais, vous avez vu ses cheveux ? Et le kitsch dans Trump
Tower !? Saurait-il énumérer les différents morceaux de l’ancienne
Yougoslavie ? Dans ce tintamarre le Président Macron avait seul pris
l’initiative d’un rapprochement avec cet inconnu en invitant le Président
américain aux fêtes du 14 juillet 2017. Cette relation bien commencée a ensuite
été négligée. Dommage, car c’était le seul vrai forum jusqu’à présent pour une
franche camaraderie avec l’Europe. C’est CNN qui comble le vide diplomatique en
s’assurant que sa version anti-Trump primaire domine le discours et s’exporte
partout. L’Amérique actuellement s’éloigne un peu plus de l’Europe pour se
replier sur elle-même.
Un
Luxembourg désorienté
Le Luxembourg n’a pas fait d’effort non
plus pour promouvoir l’entente cordiale, malgré son interdépendance
disproportionnée avec les Etats-Unis. Le Luxembourg a beaucoup d’intérêts à
sauvegarder, qui dépendent en partie du bon vouloir et du politique américain. D’accord,
on a augmenté nos dépenses militaires pour nous rapprocher des 2% du PNB, en créant
« Govsat » sorte de « Ramplassang » pour un effort
militaire qu’on fera plus aisément avec de l’argent qu’avec des unités de
combat. Mais on a donné une mauvaise note à l’ambassadeur des Etats-Unis qui a
chuchoté dans nos oreilles de dire quelque chose sur la Crimée aux Russes.
Notre Ministre des Affaires Etrangères ne semble pas non plus vouloir capter
l’air du temps venant de Washington. Il a plutôt un penchant pour Hamas que
pour Israël, et son recueillement sur la tombe de l’Ayatollah Khomeini est
légende au Luxembourg Desk du Secrétariat d’Etat à Washington. Où on se
rappelle très bien aussi la chaleureuse proximité de Jean Asselborn avec Madame
Clinton et Monsieur Kerry.
Viviane Reding s’est distinguée en montant
sur les barricades contre les menaces de nouveaux tarifs douaniers sur l’acier.
C’était très louable, mais l’intérêt luxembourgeois n’était pas en jeu :
Arcelor-Mittal a treize implantations aux Etats Unis et aurait plutôt profité d’une
telle barrière sur leur marché américain. En fin de compte Jean-Claude Juncker
a pris le taureau par les cornes et s’en est allé trouver Donald Trump.
Monsieur Juncker a fait foi de son credo sur le libre-échange à la Maison
Blanche, grand sanctuaire du libre-échange, au point de convertir Monsieur
Trump, l’homme de « The Art of the Deal » d’accepter ce deal sur le
libre-échange qui lui était offert : au lieu d’escalader les tarifs
douaniers, les deux hommes ont décidé d’appliquer un tarif zéro. C’était un
coup fumant, mais il n’est pas encore dit de la part de qui. Monsieur Juncker pouvait fièrement annoncer
que la guerre commerciale n’aura pas lieu. Monsieur Juncker cependant n’a pas
évoqué l’autre grand succès de sa mission : il a étendu le marché unique
de l’Union Européenne aux 50 états des Etats-Unis en leur accordant un tarif zéro.
Dorénavant les Etats-Unis auront tous les avantages commerciaux d’un membre de
l’Union Européenne sans en avoir les obligations. A moins d’annuler tout cet
acquis par l’action des bureaucrates chargés de mettre cet accord sur papier.
Les intérêts du Luxembourg et ceux de
l’Union Européenne cependant sont loin d’être identiques. Rester absent de
Washington ou pire traiter cette Administration par l’indifférence voire le dédain,
c’est manifestement tenter le diable, surtout pour la défense d’une place financière
qui abrite tellement d’intérêts américains. Il y a d’abord le rapatriement de
quelques milliers de milliards de dollars parqués par les grandes sociétés
américaines dans des centres comme Luxembourg. Ils y étaient pour échapper à
une double imposition en cas de rapatriement. Les nouvelles lois fiscales
permettent ce retour sans frais, et l’Administration Trump les encourage. Des
nouvelles dispositions fiscales pourraient faire des Etats-Unis et certains états
en particulier des concurrents redoutables pour les centres financiers
Européens. Les fonds luxembourgeois cela se défend à Washington, pas au Moyen
Orient.
Pendant ce temps-là un Président sous
pression a présidé à une économie dynamique, un chômage qui indique un quasi
plein emploi, une recrudescence des activités industrielles, des valeurs en
bourse élevées et donc la bonne santé des fonds de pension, le Califat rayé de
la carte, l’indépendance énergétique, Madame Merkel veut un porte-avions et
Monsieur Juncker une armée européenne, le joli mur qui va égayer la verte
vallée du Rio Grande, et surtout Kim Jong Un qui s’abstient pour l’instant de
jouer avec les allumettes nucléaires. Ce ne sont pas des « fake news ».
Se préparent alors les élections de
novembre 2020. Chez les Démocrates surtout, où les candidats sont légion. Ils
exécutent tous le Washington Square Dance où ils tombent l’un sur l’autre pour être
plus à sa gauche, tellement que les centristes et indépendants risquent de ne
pas s’y reconnaitre. Trump 2020 ? En ce cas il faudrait une pétition à la
Chambre des Députés pour que notre Ministre des Affaires Etrangères fasse le
détour à Washington pour au moins échanger ses souvenirs de guerre en Afghanistan
avec Mike Pompeo. Histoire de créer des liens.
Aux dernières nouvelles il s’y est rendu, à
Washington. Mais sommé comme tous les soldats de son grade.