Friday, September 27, 2013

Mon programme électoral 2013

Ciel rouge et bleu et nature noire qui en réalité est verte? Photo politique par ET


Mon programme électoral 2013

Ces jours-ci, vous entendrez une dizaine de partis dire des choses pour vous séduire. Vous savez qu'il faut rester circonspect cependant. Certes, vous verrez les promesses habituelles: touche pas à mon index, l'école encore mieux, les retraites fantastiques, le budget en équilibre, l'emploi pour tous, et toutes les autres belles choses. C'est important, même très important, mais pour vous de façon sélective seulement, selon votre cas, si vous êtes chômeur, commerçant, parent, étudiant, retraité, policier, médecin. Ce sont des questions et problèmes qui requièrent une réponse, souvent des réponses urgentes, car les abus et les rigueurs ne peuvent attendre. Ce sont les choses auxquelles  "gouverner" doit s'atteler, une façon de "faire". Il suffit pour cela d'avoir la volonté politique. Mais attention, ici on parle d'arbres et non de la forêt.

Après la médiocrité des dernières années, les scandales, les distractions, les fautes politiques , l'opacité et autres comportements douteux, je voterai pour ceux qui honnêtement reconnaissent qu'il faut redéfinir comment nous vivons ensemble. Pour ceux donc qui reconnaissent le piètre état de nos institutions et qui ne voient pas que les arbres, mais aussi la forêt: la constitution, la transparence, les exigences déontologiques et la responsabilité personnelle de ceux qui prétendent au gouvernement. Ce qu'il faut remettre à l'heure est certes notre "façon de faire", mais plus encore notre "façon d'être". L'un s'adresse à l'immédiat, aux sous. C'est gouverner. L'autre adresse les grands principes. C'est l'affaire des députés d'ancrer dans une nouvelle Constitution, l'organisation politique du pays, les libertés individuelles, les droits de l'homme, la transparence et la responsabilité. Les deux peuvent très bien se faire en parallèle, gouverner et créer une nouvelle législation.  

Pour cela, recommençons à la base de l'idée de démocratie. J'ai eu l'occasion d'en parler dans un article en luxembourgeois intitulé " Mäin Walprogramm 2013". A la base, il faut rappeler le simple fait que notre démocratie est représentative. Nous n'allons pas à la Place de l'Hôtel de Ville pour voter chacun sur tout, à la main levée. Nous élisons nos représentants. C'est une relation de confiance. Nous engageons ce quelqu'un pour nous représenter. En ce sens, ce qui importe n'est pas sa personne ni son programme, mais bien le mien et le vôtre: ce qui importe ce sont les idées.

Donc, mon cher candidat(e), si tu ne peux ou si tu ne veux pas faire ce que je te demande, tu n'auras pas ma voix. Car c'est moi l'électeur qui te prends à mon service en tant que mon député. Tu seras prié de faire ce que je t'ai demandé. Pas besoin de cadeaux, juste un travail honnête de ta part. Voyons en quoi cela consiste.

D'abord, si tu es élu, n'oublie jamais que c'est moi qui t'ai donné ton travail. Et si jamais tu arrives à entrer au nouveau gouvernement comme ministre, sache que ministre vient du Latin et veut dire serviteur. Tu ne seras pas mon patron, je serai le tien. Tu n'es que mon représentant, mon serviteur. Je te donne un grade, un (très) bon salaire et l'autorité nécessaire pour bien faire ton travail. Tu auras remarqué que je te tutoie. C'est pour que tu te rendes bien compte que tu n'es pas sur un piédestal, mais que nous restons strictement sur un pied d'égalité.  Ah, je te dis tout mon respect si ton ambition est de servir notre pays, et mon mépris si ton ambition est motivée par l'obsession du pouvoir. Pouvoir qui sera limité, tu l'auras compris déjà, à la description de tes droits et devoirs. Ne l'oublie pas le 21 Octobre, quand une fois élu, la tentation de l'arrogance s'empare de toi. Tu dois comprendre que moi, l'électeur, je surveillerai tes paroles et tes actions, et que tu devras me rendre compte. Tu auras aussi compris qu'en ces temps des médias sociaux tu ne pourras cacher ton jeu.

Donc si tu veux ma voix, sache pour commencer que je ne voterai pas pour une personnalité, une célébrité ou une starlette quelconque, mais je voterai pour des idées. Voici les miennes, ce qui te rendra la tâche de me convaincre plus facile.

 1. Je te donne deux ans pour créer une nouvelle Constitution.

 Créer veut dire faire du nouveau. Ce n'est pas un rafistolage de l'actuelle Constitution. Ce n'est pas non plus le bricolage autour du projet de "révision" de la Constitution, en chantier depuis des années dans des chambres obscures, où quelques apparatchiks s'affairent à tergiverser autour de compromis boiteux. Pas du tout! Ce que tu devras faire, c'est organiser le débat public. Tu as déjà entendu le concept que la souveraineté réside dans le peuple? Eh bien, organise des soirées de discussion dans chaque commune et écoute les gens qui veulent contribuer au texte de la nouvelle Constitution. Puis tu organiseras un référendum pour accepter le projet, chapitre par chapitre. Il faudra prévoir un deuxième tour si un chapitre n'est pas approuvé et doit être amendé. Ainsi le peuple souverain aura décidé pour la première fois de la façon que nous voulons vivre ensemble.

Après les misérables événements et scandales des deux dernières années, c'est cela le grand nettoyage pour commencer. Cette fois-ci, tu respecteras cette Constitution, surtout qu'elle dira comment je pourrai te tomber dessus si tu ne le fais pas, comme c'était ton habitude dans le passé.

2. La deuxième priorité est d'introduire la transparence.

Tu as compris que je veillerai sur toi, si tu es élu, car nous savons que le pouvoir corrompt. Tu jures que tu ne le seras pas, mais je préfère vérifier. Pour cela, voici ma liste de quelques lois et règlements que tu passeras de toute urgence. Le public a le droit de savoir ce que tu fais, et toi tu dois savoir ce que tu ne peux pas faire. Voici donc les outils de la démocratie:

Depuis douze ans nous attendons la version luxembourgeoise d'un "Freedom of Information Act". Le Nigeria et la Mongolie en ont une. Chez nous le projet de loi qui mijote est connu sous le nom de Proposition de Loi Bodry, qui instaure le droit à l'accès à l'information sur les activités du gouvernement et des administrations. Si tu es parmi ceux qui ont déjà déclaré publiquement qu'ils n'aiment pas cela, tu te passeras de mon vote. 
Je dois pouvoir te surveiller. Dorénavant tu feras aussi prendre des notes pendant tes rencontres, pour en laisser une trace. Ce sera plus difficile pour toi de me mentir par la suite.

Puis bien-sûr, il nous faudra un code de déontologie qui vaille quelque chose. Toi et moi, nous devons savoir comment tu devrais te comporter. Et surtout, n'oublie pas de mettre fin à cette corruption rampante que constitue la pratique de gâter quelques fonctionnaires privilégiés, voire des ministres, par des postes dans des conseils d'administration. Essayez d'expliquer cela à un de tes collègues à l'étranger, qui depuis belle lurette n'ont plus osé faire cela!

Bien entendu, nous n'avons pas de législation anti-corruption. La sagesse populaire a depuis longtemps reconnu la brutale vérité que le pouvoir corrompt. Pour éviter que l'adage s'applique à toi, tu dois savoir quand tu risques d'aller en taule. Je voudrais aussi t'enlever la possibilité de la brosse et du tapis: je voudrais que les députés puissent établir un Commission d'Enquête avec 1/3 seulement des voix. Nous venons de voir avec quelle arrogance des affaires se sont accumulées sous le proverbial tapis.

Il n'y a pas de lois sur le lobbying non plus. Cela se fait en catimini. Les lobbyistes sont infiltrés dans les étages de décision gouvernementaux par le biais de Comités, Conseils d'Administration et d'autres présences plus ou moins formelles. Un lobbyiste doit être un professionnel enregistré. Il doit se situer face au gouvernement et non pas dans le gouvernement. Que c'est élémentaire!

Il n'est pas toujours facile de faire la bonne chose au bon moment. Notre Premier sortant ou sorti (ce n'est pas clair) dans un moment de candeur l'a bien formulé en admettant qu'il savait très bien ce qu'il fallait faire pour résoudre les problèmes, mais comment faire alors pour être réélu? Simple, cela s'appelle le leadership. Il faut absolument faciliter la tâche à ces candidats éternels qui de peur de ne pas être réélus manquent de courage pour oser faire leur travail. Limitons donc tes mandats à deux mandats consécutifs.

Tu ne cumuleras pas non plus plusieurs mandats. Comment veux-tu faire un bon travail?

Et puis reste un gros morceau, la Justice. Nous ne pourrons être une place financière de premier ordre avec un système judiciaire de troisième ordre. Des déficits chroniques dans l'organisation et les effectifs font que la justice n'est pas rendue dans des délais raisonnables, si du tout. C'est une violation des droits de l'homme et c'est aussi du mauvais business pour le Luxembourg. Les victimes surtout étrangères des scandales tels que BCCI, Madoff et Kaupthing ne se sentiront pas une vocation de chanter les gloires du Luxembourg. L'affaire "Bommeleeër" n'est que la caricature extrême de cet état de choses. Elle dure depuis près de trente ans, on est à plus de 60 séances du tribunal, sans fin en vue. Et détail piquant pour nos amis étrangers: les deux inculpés d'actes terroristes ont profité des 8 semaines de congé judiciaire pour aller en vacances tout comme le reste du tribunal.

Voilà la grande lessive à faire par le législateur. C'est ton travail de fond.

Mais pour le gouvernement, alors que gouverner c'est prévoir, il faut malheureusement rattrapper le temps perdu et réparer d'urgence ce que le gouvernement n'avait pas prévu. Comme près de 20.000 chômeurs. Le Luxembourgeois moyen se trouve coincé entre deux gouffres avaleurs de sous: d'un côté les sans travail qu'il faut secourir, d'un autre côté les banques en péril qu'il faut sauver. Cela ne peut continuer. J'espère que tu as reconnu ces problèmes, et que tu sais quelles sont les solutions. Applique-les sans peur, surtout si c'est ton deuxième mandat. Tu ne pourras pas te représenter. 


Bonne chance pour le 20 Octobre. N'oublie pas, si tu es ministre, gouverne et occupe toi des urgences, si tu es député, rénove notre démocratie. Vastes chantiers.




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