Mon programme électoral 2013
Ces jours-ci, vous entendrez une dizaine de partis dire des choses pour
vous séduire. Vous savez qu'il faut rester circonspect cependant. Certes, vous
verrez les promesses habituelles: touche pas à mon index, l'école encore mieux,
les retraites fantastiques, le budget en équilibre, l'emploi pour tous, et toutes
les autres belles choses. C'est important, même très important, mais pour vous
de façon sélective seulement, selon votre cas, si vous êtes chômeur,
commerçant, parent, étudiant, retraité, policier, médecin. Ce sont des
questions et problèmes qui requièrent une réponse, souvent des réponses
urgentes, car les abus et les rigueurs ne peuvent attendre. Ce sont les choses
auxquelles "gouverner" doit
s'atteler, une façon de "faire". Il suffit pour cela d'avoir la
volonté politique. Mais attention, ici on parle d'arbres et non de la forêt.
Après la médiocrité des dernières années, les scandales, les distractions, les
fautes politiques , l'opacité et autres comportements douteux, je voterai pour
ceux qui honnêtement reconnaissent qu'il faut redéfinir comment nous vivons
ensemble. Pour ceux donc qui reconnaissent le piètre état de nos institutions
et qui ne voient pas que les arbres, mais aussi la forêt: la constitution, la
transparence, les exigences déontologiques et la responsabilité personnelle de
ceux qui prétendent au gouvernement. Ce qu'il faut remettre à l'heure est certes
notre "façon de faire", mais plus encore notre "façon
d'être". L'un s'adresse à l'immédiat, aux sous. C'est gouverner. L'autre
adresse les grands principes. C'est l'affaire des députés d'ancrer dans une nouvelle
Constitution, l'organisation politique du pays, les libertés individuelles, les
droits de l'homme, la transparence et la responsabilité. Les deux peuvent très
bien se faire en parallèle, gouverner et créer une nouvelle législation.
Pour cela, recommençons à la base de l'idée de démocratie. J'ai eu
l'occasion d'en parler dans un article en luxembourgeois intitulé " Mäin
Walprogramm 2013". A la base, il faut rappeler le simple fait que notre
démocratie est représentative. Nous n'allons pas à la Place de l'Hôtel de Ville
pour voter chacun sur tout, à la main levée. Nous élisons nos représentants. C'est
une relation de confiance. Nous engageons ce quelqu'un pour nous représenter.
En ce sens, ce qui importe n'est pas sa personne ni son programme, mais bien le
mien et le vôtre: ce qui importe ce sont les idées.
Donc, mon cher candidat(e), si tu ne peux ou si tu ne veux pas faire ce que
je te demande, tu n'auras pas ma voix. Car c'est moi l'électeur qui te prends à
mon service en tant que mon député. Tu seras prié de faire ce que je t'ai demandé.
Pas besoin de cadeaux, juste un travail honnête de ta part. Voyons en quoi cela
consiste.
D'abord, si tu es élu, n'oublie jamais que c'est moi qui t'ai donné ton
travail. Et si jamais tu arrives à entrer au nouveau gouvernement comme
ministre, sache que ministre vient du Latin et veut dire serviteur. Tu ne seras
pas mon patron, je serai le tien. Tu n'es que mon représentant, mon serviteur. Je
te donne un grade, un (très) bon salaire et l'autorité nécessaire pour bien
faire ton travail. Tu auras remarqué que je te tutoie. C'est pour que tu te
rendes bien compte que tu n'es pas sur un piédestal, mais que nous restons
strictement sur un pied d'égalité. Ah,
je te dis tout mon respect si ton ambition est de servir notre pays, et mon
mépris si ton ambition est motivée par l'obsession du pouvoir. Pouvoir qui sera
limité, tu l'auras compris déjà, à la description de tes droits et devoirs. Ne
l'oublie pas le 21 Octobre, quand une fois élu, la tentation de l'arrogance
s'empare de toi. Tu dois comprendre que moi, l'électeur, je surveillerai tes
paroles et tes actions, et que tu devras me rendre compte. Tu auras aussi
compris qu'en ces temps des médias sociaux tu ne pourras cacher ton jeu.
Donc si tu veux ma voix, sache pour commencer que je ne voterai pas pour
une personnalité, une célébrité ou une starlette quelconque, mais je voterai
pour des idées. Voici les miennes, ce qui te rendra la tâche de me convaincre
plus facile.
1. Je te donne deux ans pour créer une
nouvelle Constitution.
Créer veut dire faire du nouveau. Ce
n'est pas un rafistolage de l'actuelle Constitution. Ce n'est pas non plus le
bricolage autour du projet de "révision" de la Constitution, en
chantier depuis des années dans des chambres obscures, où quelques apparatchiks
s'affairent à tergiverser autour de compromis boiteux. Pas du tout! Ce que tu
devras faire, c'est organiser le débat public. Tu as déjà entendu le concept
que la souveraineté réside dans le peuple? Eh bien, organise des soirées de
discussion dans chaque commune et écoute les gens qui veulent contribuer au
texte de la nouvelle Constitution. Puis tu organiseras un référendum pour
accepter le projet, chapitre par chapitre. Il faudra prévoir un deuxième tour
si un chapitre n'est pas approuvé et doit être amendé. Ainsi le peuple
souverain aura décidé pour la première fois de la façon que nous voulons vivre
ensemble.
Après les misérables événements et scandales des deux dernières années,
c'est cela le grand nettoyage pour commencer. Cette fois-ci, tu respecteras
cette Constitution, surtout qu'elle dira comment je pourrai te tomber dessus si
tu ne le fais pas, comme c'était ton habitude dans le passé.
2. La deuxième priorité est
d'introduire la transparence.
Tu as compris que je veillerai sur toi, si tu es élu, car nous savons que
le pouvoir corrompt. Tu jures que tu ne le seras pas, mais je préfère vérifier.
Pour cela, voici ma liste de quelques lois et règlements que tu passeras de
toute urgence. Le public a le droit de savoir ce que tu fais, et toi tu dois
savoir ce que tu ne peux pas faire. Voici donc les outils de la démocratie:
Depuis douze ans nous attendons la version luxembourgeoise d'un
"Freedom of Information Act". Le Nigeria et la Mongolie en ont une.
Chez nous le projet de loi qui mijote est connu sous le nom de Proposition de
Loi Bodry, qui instaure le droit à l'accès à l'information sur les activités du
gouvernement et des administrations. Si tu es parmi ceux qui ont déjà déclaré publiquement
qu'ils n'aiment pas cela, tu te passeras de mon vote.
Je dois pouvoir te
surveiller. Dorénavant tu feras aussi prendre des notes pendant tes rencontres,
pour en laisser une trace. Ce sera plus difficile pour toi de me mentir par la
suite.
Puis bien-sûr, il nous faudra un code de déontologie qui vaille quelque
chose. Toi et moi, nous devons savoir comment tu devrais te comporter. Et
surtout, n'oublie pas de mettre fin à cette corruption rampante que constitue
la pratique de gâter quelques fonctionnaires privilégiés, voire des ministres,
par des postes dans des conseils d'administration. Essayez d'expliquer cela à un
de tes collègues à l'étranger, qui depuis belle lurette n'ont plus osé faire
cela!
Bien entendu, nous n'avons pas de législation anti-corruption. La sagesse
populaire a depuis longtemps reconnu la brutale vérité que le pouvoir corrompt.
Pour éviter que l'adage s'applique à toi, tu dois savoir quand tu risques
d'aller en taule. Je voudrais aussi t'enlever la possibilité de la brosse et du
tapis: je voudrais que les députés puissent établir un Commission d'Enquête
avec 1/3 seulement des voix. Nous venons de voir avec quelle arrogance des
affaires se sont accumulées sous le proverbial tapis.
Il n'y a pas de lois sur le lobbying non plus. Cela se fait en catimini.
Les lobbyistes sont infiltrés dans les étages de décision gouvernementaux par
le biais de Comités, Conseils d'Administration et d'autres présences plus ou
moins formelles. Un lobbyiste doit être un professionnel enregistré. Il doit se
situer face au gouvernement et non pas dans le gouvernement. Que c'est
élémentaire!
Il n'est pas toujours facile de faire la bonne chose au bon moment. Notre
Premier sortant ou sorti (ce n'est pas clair) dans un moment de candeur l'a
bien formulé en admettant qu'il savait très bien ce qu'il fallait faire pour
résoudre les problèmes, mais comment faire alors pour être réélu? Simple, cela
s'appelle le leadership. Il faut absolument faciliter la tâche à ces candidats éternels
qui de peur de ne pas être réélus manquent de courage pour oser faire leur
travail. Limitons donc tes mandats à deux mandats consécutifs.
Tu ne cumuleras pas non plus plusieurs mandats. Comment veux-tu faire un
bon travail?
Et puis reste un gros morceau, la Justice. Nous ne pourrons être une place financière
de premier ordre avec un système judiciaire de troisième ordre. Des déficits
chroniques dans l'organisation et les effectifs font que la justice n'est pas
rendue dans des délais raisonnables, si du tout. C'est une violation des droits
de l'homme et c'est aussi du mauvais business pour le Luxembourg. Les victimes
surtout étrangères des scandales tels que BCCI, Madoff et Kaupthing ne se sentiront
pas une vocation de chanter les gloires du Luxembourg. L'affaire
"Bommeleeër" n'est que la caricature extrême de cet état de choses.
Elle dure depuis près de trente ans, on est à plus de 60 séances du tribunal,
sans fin en vue. Et détail piquant pour nos amis étrangers: les deux inculpés
d'actes terroristes ont profité des 8 semaines de congé judiciaire pour aller
en vacances tout comme le reste du tribunal.
Voilà la grande lessive à faire par le législateur. C'est ton travail de
fond.
Mais pour le gouvernement, alors que gouverner c'est prévoir, il faut
malheureusement rattrapper le temps perdu et réparer d'urgence ce que le
gouvernement n'avait pas prévu. Comme près de 20.000 chômeurs. Le
Luxembourgeois moyen se trouve coincé entre deux gouffres avaleurs de sous:
d'un côté les sans travail qu'il faut secourir, d'un autre côté les banques en péril
qu'il faut sauver. Cela ne peut continuer. J'espère que tu as reconnu ces problèmes,
et que tu sais quelles sont les solutions. Applique-les sans peur, surtout si
c'est ton deuxième mandat. Tu ne pourras pas te représenter.
Bonne chance pour le 20 Octobre. N'oublie pas, si tu es ministre, gouverne
et occupe toi des urgences, si tu es député, rénove notre démocratie. Vastes
chantiers.
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