Le Luxembourg et son Combat des Chefs
La Guerre des Trois n'aura pas lieu
Par Egide Thein
Depuis quelques jours tout le Luxembourg est au courant de l'histoire du limogeage suivi de la réhabilitation du Colonel Nico Ries, ordonnée par arrêt de la Cour Administrative. Le Colonel Ries, Chef d'Etat-major de l'Armée, a été déposé en 2008 par le Ministre de la Défense de l'époque, Jean-Louis Schiltz, et affecté au Ministère des Affaires Etrangères, Direction de la Défense, Bureau de la Planification, 2eme étage, dernière porte à gauche. Il est chargé d'une très, très importante mission de Planification. Tout le monde sait que c'est une voie de garage pour le Colonel Ries, que le Ministre Schiltz ne pouvait pas "piffer". Les fioritures des communiqués, les réponses tortueuses aux questions publiques ne trompaient personne: c'étaient des mensonges pour escamoter le fait qu'on était en présence d'un limogeage mal goupillé, irréfléchi et illégal. Les juges ont donc trouvé la vérité et fait triompher le droit.
Cessez le Feu immédiatement
L'arrêt de la Cour Administrative semble être compris par certains comme le signal pour repartir en guerre contre le Colonel Ries. Voilà que le Ministre de la Défense, un nouveau Ministre, à qui il incombe de recoller les pots cassés par son prédécesseur et d'appliquer cet arrêt, se met à le remettre en question en proposant des marchés à la partie lésée, qui seraient dignes des combines d'un Souk. Le Colonel Ries n'était pas acheteur.
Survient son ancien chef et collègue Guy Lenz, qui sort quelques opinions du fond du troisième tiroir d'en-dessous, pour clamer que Ries s'efface. Son argument est que ce remue-ménage nuit à l'Armée. Et il fait un mea culpa pathétique, parce que bien sûr il n'aurait pas, en tant qu'ancien chef de Ries, décelé les insuffisances de celui-ci. Isuffisances qui seraient généralement l'apanage d'un sociopathe!? Je dirais au Colonel Lenz: "Repos mon brave! Ne vous tourmentez pas! Vous n'êtes coupable de rien du tout. Vous aviez corroboré le choix de votre successeur? Qui vous accablerait avec cela: Ries est gradué de l'Ecole Royale Militaire de Bruxelles, il a sans doute passé d'autres examens pour l'accès aux grades, il était en rang utile et était donc qualifié professionnellement pour être nommé Chef d'Etat-major de l'Armée. Ce qui fut fait au choix du Gouvernement. Cette nomination, voire sa nécessaire réhabilitation viennent d'être confirmées par la Cour Administrative. Si quelqu'un ne faisait que murmurer un soupçon de reproche à votre égard, pour vous je monterais en première ligne illico, parole de Scout, et je ferais silence dans les rangs. Vous ne devez pas sauver l'Armée non plus. Qu'on la laisse en dehors de ceci. C'est le problème du Gouvernement qui vient de recevoir un blâme et qui doit, en tant qu'Exécutif, montrer son respect de la chose jugée et doit réparation à la partie opposée. Ce n'est pas le problème de l'Armée."
Les Remèdes
Pour la crédibilité de nos institutions, il faut que cet arrêt soit appliqué sans tarder, endéans quelques jours. C'est la seule façon de faire passer cette affaire dans l'oubli. Oui certes, il y aura des situations de rigueur dans l'Armée, qui naîtront de ce verdict. Mais en 1966 nous avons démêlé beaucoup plus de situations similaires, lors de l'abrogation du service militaire obligatoire, alors que toute l'institution militaire était démantelée et en plein tumulte.
Il faut prendre note que les électeurs et le formateur du présent Gouvernement ont déjà mis en application un remède, en sanctionnant l'ancien Ministre qui ne fait plus partie du Gouvernement. Ou est-ce pure coïncidence?
Les remèdes se lisent également dans les livres d'histoire, dont voici un petit pense-bête, que les futurs Ministres de la Défense feraient bien de relire quand ils fomenteront un putsch à l'envers: chaque génération de politiciens semble produire un spécimen qui, une fois nommé Ministre de la Défense, engage son Gouvernement dans un bras de fer avec celui qui est le Chef d'Etat-major: voir Albrecht, Winter, Ries. A chaque fois, le Gouvernement perd! C'est selon Einstein la définition de la folie: "faire la même chose encore et encore en attendant des résultats différents."
Dans le temps, la classe politique avait tendance à encaisser le coup, sa défaite juridique, et de cogiter aussitôt un plan de vengeance. Généralement cela faisait perdurer la crise et se terminait en boomerang pour tous. Faites donc exécuter l'arrêt immédiatement, c'est moins douloureux.
Un Jour de Gloire
Pour les Luxembourgeois, il ya cependant lieu d'être fiers du dénouement et des résultats de ce pitoyable abus de pouvoir pour deux raisons:
1. D'abord il s'agit de tirer notre chapeau au Colonel Ries qui a confronté l'arbitraire d'un Membre du Gouvernement sans fléchir, pour défendre ses droits d'employé et de citoyen vis-à-vis de son Etat-patron. C'est grâce à des hommes et des femmes qui sans peur confrontent l'arbitraire du pouvoir que nous avons la société libre que nous chérissons. C'est la même étincelle, toutes proportions gardées, qui a produit le Kloeppelkrich et la grève de 1941 contre l'arbitraire.
2. Dans un pays exigu comme le Luxembourg beaucoup se demandent à quel point se jouent les ingérences et interférences dans les prises de décision des pouvoirs. Le cas de cet arrêt de la Cour Administrative, nous donne l'occasion de célébrer notre justice qui a démontré son indépendance. Elle a donné SA preuve de la grande maturité démocratique du pays, que l'Exécutif devrait se hâter de respecter et de donner ainsi la sienne. Quelle belle journée!