Tuesday, September 8, 2009

Luxembourg : Une leçon de démocratie qui sauvera la démocratie.

"It is the mark of an educated mind to be able to entertain a thought without accepting it." Aristotle

Il y a dans le monde des multitudes d’organisations appelées « non-gouvernementales » ou ONG, toutes actives et plus ou moins militantes pour des causes diverses. Parmi elles il y a deux principales qui militent pour la propreté du système financier international. « Transparency International » (TI) lutte contre la corruption dans le monde, alors que « Tax Justice Network » (TJN) pourfend les réseaux de l’évasion fiscale. Généralement, ce n’est pas très bon d’apparaître sur leurs écrans radar. Mais généralement aussi, quand le Luxembourg fait surface dans leurs publications, c’est en compagnie d’autres pays, parmi des statistiques, ce qui noie le poisson au moins un petit peu.

L’autre jour cependant le Luxembourg a eu les honneurs d’être mis à nu tout seul par TJN pour autre chose qu’une banale histoire d’évasion fiscale: pour un déficit démocratique! (1)

Harakiri des ONG luxembourgeoises, ou Galilée revisité

L’histoire veut qu’une association regroupant les ONG luxembourgeoises (2) ait fait une étude au sujet de l’argent de la corruption qui appauvrirait le « monde en voie de développement » pour venir se cacher au Luxembourg. Les forces vives de la place financière, outragées par pareil sacrilège (pas la corruption, mais l’allégation que cet argent se retrouverait au Luxembourg) ont neutralisé ces mauvaises langues avec un tir de barrage avant de les entrainer, coupables à priori, devant les instances gouvernementales qui leur accordent les subsides pour fonctionner et pour accomplir leurs missions, surtout d’aide au tiers monde.

Ces galiléens par qui le scandale était arrivé, se sont vus admonestés, puis menacés de se voir retirer leur havresac plein de subsides. Ils ont battu leur coulpe, jurant qu’ils ne le feraient plus tant que le Soleil tourne autour de la Terre. Ils ont dû escamoter leur étude qui a disparu d’à peu près tous les sites sur l’internet.

Je les encourage cependant à tenir tête et à insister sur le bien-fondé de leur étude au nom de la vérité, au nom du droit à la libre expression et pour souligner l’arbitraire dont ils ont été la cible au défi de tout principe démocratique. Leurs donateurs privés sont certainement solidaires avec eux. Je leur dis : « N’ayez pas peur que ce havresac magique des subsides vous soit confisqué. Sans vous, le Luxembourg n’a pas les moyens d’exécuter ses programmes d’aide ambitieux, pour lesquels il serait d’ailleurs champion du monde toutes catégories, s’il n’y avait pas ces zélés de Suédois qui nous devancent. » En fait, pour maintenir sa position tellement briguée dans le peloton de tête des pays donateurs, sans les ONG, le Gouvernement luxembourgeois devrait envoyer ses chèques directement aux potentats et autres démocrates suspects dans le tiers monde. Ceux- là mêmes qui si souvent ont tellement bien réussi à rester ce qu’ils sont: des preneurs d’otages de leurs peuples et de pays entiers et qui ne cessent d’être des pays en voie de développement, éternellement. Nul doute que beaucoup de ces Messieurs (les femmes sont rares dans ce business) prendraient ces chèques luxembourgeois pour les retourner et les déposer à Luxembourg, ou en Suisse, ou ailleurs. C’est précisément ce que le Luxembourg et les autres donateurs veulent éviter grâce à l’entremise de ces ONG dévouées, désintéressées et vigilantes sur le terrain.


L’argent de la corruption dans le monde

Quant au fond de cette étude incriminée, il y a peu de chose à réfuter en ce qui concerne les principes:

1. Le fait frustrant est que quelques douzaines de pays en voie de développement, malgré des milliards en aides, ne se sont pas développés comme espéré. C’est une indication que ces milliards ont été en partie dilapidés, voire volés par les systèmes et cliques politiques en place, pour les planquer dans une juridiction qui garantit confidentialité et sécurité. Les exemples historiques ne manquent pas. Sans parler d’autres pratiques peu généreuses qui heurtent le développement, comme le « transfer pricing », édifices fiscaux des multinationales qui souvent minimisent artificiellement leur dette fiscale dans les pays en développement.

2. Le Fonds Monétaire International estime le total de l’argent blanchi mondialement à $800- $2.000 milliards par an. Excusez du manque de précision. Ce n’est que le FMI qui estime. Cela montre en tous cas la difficulté de mesurer l’impact global de ces activités opaques.

3. Transparency International et Kroll estiment la corruption internationale, sur contrats uniquement, à $500 milliards annuellement minimum, soit à 10% des contrats passés. (3)

Il n’y aurait pas d’argent de la corruption à Luxembourg ?

Considérant ces faits et chiffres, il est statistiquement plausible d’estimer que cet argent sale se retrouve proportionnellement réparti, au pro rata des dépôts, dans les centres financiers du monde. Un peu plus d’ailleurs dans les centres qui n’attrapent jamais personne. Les mauvais garçons apprennent vite.

Voilà une bonne question de quiz radiophonique : Qui est le plus grand blanchisseur d’argent sur Terre dès lors ? Réponse, un peu plus loin.

La réponse est simple à calculer. Ernst & Young estime le total des dépôts dans les banques privées du monde à plus de $15.500 milliards. Il suffit d’estimer le pourcentage détenu par les institutions luxembourgeoises, disons 10% pour faciliter les calculs, ce qui est proche de la réalité, surtout en considérant d’autres formes de dépôts. Il ya grand risque qu’on y trouve donc aussi 10% de l’argent de la corruption (ou $50 milliards) et 10% de l’argent du blanchiment mondial (soit $80 -$200 milliards). Excusez du manque de précision. Je ne suis qu’un particulier qui estime. Mais un particulier qui sait que ce n’est pas impossible.

Constatant ces réalités, il semblerait alors que la Conférence des ONG n’ait commis que le seul crime de lèse-dragon des casemates, gardien du qu’en dira-t-on du centre financier: celui d’avoir estimé un montant de l’argent de la corruption qui se trouverait au Luxembourg, mais que d’autres estiment incorrect. Excusez-les du manque de précision. Ce n’est que les ONG et les autres qui estiment différemment.

Aussi selon Ernst & Young seulement 2% de l’argent sale serait détecté et confisqué. Donc, nous ne savons rien sur 98% du problème. Je ne sais pas non plus si le Luxembourg confisque sa part des 2%, soit $2,6 à $6,6 milliards par an. Je le souhaite. Cela aiderait pour couvrir les déficits budgétaires.

Pour consoler, retour à notre quiz. Si l’on considère les sommes d’argent aux divers stades du blanchiment de par le monde, dont un total de 98% ne sont jamais détectées, la Réserve Fédérale des Etats-Unis est forcément l’institution qui voit le plus d’argent blanchi sans jamais le détecter, étant donné que le cash utilisé mondialement pour payer le crime est le plus souvent le dollar américain. Voilà le bonus de la journée pour se sentir déjà moins coupable à Luxembourg.

Les conséquences pour le Luxembourg

Avec une telle accusation contre la Réserve Fédérale, nous pouvons laisser tranquilles les gens bien intentionnés du Cercle des ONG. Ils ont raison malgré tout au sujet de la grande lessiveuse: Et pourtant elle tourne !

Les rabrouer devant les yeux de tout le monde alors qu’en âme et conscience ils ont tiré une sonnette d’alarme à propos de ce qu’ils témoignent tous les jours, ce n’est certainement pas une leçon de démocratie. Ni chez nous, ni chez les Présidents à vie de toutes les couleurs, de A comme Afghanistan à Z comme Zimbabwe, qui sentent ainsi leurs kleptocraties indirectement confortées et protégées par le Luxembourg. Qui, à son tour, pour faire taire les gêneurs, s’inspire sans doute de leurs méthodes « en voie de développement » peu démocratiques. Ce n’est pas luxembourgeois.

La contre-offensive luxembourgeoise ne peut plus attendre

Dans l’intérêt des principes démocratiques, faisons tous demi-tour, car l’initiative des ONG a au moins dévoilé une incroyable opportunité. Si je comprends bien, d’aucuns diront que mes développements ci-dessus fourmilleraient d’erreurs. Si par impossible ils avaient raison, tout porterait à croire qu’il n’y a pas d’argent de la corruption à Luxembourg. Le Luxembourg officiel, place financière et Gouvernement confondus, ont protesté en effet les allégations des ONG, qui elles semblent avoir reconnu leur flagrante erreur et se sont rétractées.

Pour le Luxembourg, vierge de la sorte de tout argent de la corruption, c’est le moment d’attaquer ceux qui nous ont fait des misères pendant tout l’été à cause de quelques maigres comptes de l’évasion fiscale. Car ce sont eux, anciens colonisateurs, Londres, Paris, Francfort, New York et autres G20 qui maintiennent les régimes de pantins dans leurs anciennes colonies. Et pour sûr, ils doivent cacher les comptes inavouables des corrompus qu’ils supportent. C’est le moment pour le Luxembourg de remuer ciel et Terre, tant que le Soleil tourne autour d’elle, à l’ONU, à l’OCDE et à Bruxelles pour combattre ces exécrables paradis de la compromission. Le Luxembourg, champion de la démocratie sur Terre! Quelle belle revanche pour le paradis fiscal qu’on était jadis!

Egide Thein
egidethein.blogspot.com

(1) http://taxjustice.blogspot.com/2009/09/luxembourg-tax-haven-attacks-its-own.html
(2) Cercle de Coopération des ONG de Développement au Luxembourg a.s.b.l.
(3) http://www.allbusiness.com/crime-law/crime-prevention-financial/12369951-1.html

1 comment:

  1. Le plus tôt le Luxembourg cessera de trouver des justifications fallacieuses à l'injustifiable le mieux ce sera (Cf. les propos de l'inénarrable Lucien Thiel qui dit qu'il faut éviter de rendre "l'homme transparent", de "glieserne Mënsch").

    Comment prôner l'équité sociale sur le territoire national si elle n'est obtenue qu'au prix de la promotion de la rapacité des prédateurs sans scrupules auxquels le Luxembourg offre ses bons services.

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    Jean-Louis Schlesser

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