Il ne faut pas être grand stratège ou fin diplomate pour percevoir immédiatement
que la Bérézina Afghane est un vrai désastre. Il bat tous les records
d’incompétence, de mensonges, de négligence et de dédain pour les alliés et la
partie amie de la population locale. Pourtant, l’art de la guerre suit des
principes et des règles, qu’ici les charlatans ont ignorés.
Il en faut deux pour
commencer une guerre. Il n’en faut qu’un pour la gagner. Mais s’il n’y a pas de
vainqueur, il en faut deux pour la faire cesser. On ne peut pas s’en aller tout
seul. Donc des gens qui vraiment ne s’aiment pas doivent, pour arrêter les
hostilités, produire des garanties réciproques pour se désengager. Cela vaut sur
les champs de bataille aussi bien qu’à la table de négociation.
Dans les deux
cas le principe de base est que l’autre reste une menace. Sur le champ de
bataille se désengager a un nom : la rupture de contact. Elle est appliquée pour
se replier par vagues successives, pour gagner du temps, et se renforcer. Ce
n’est pas un cessez le feu, mais un procédé de combat appliqué depuis les
échelons de peloton pour se désengager. Les forces américaines décrivent le
procédé comme « Battle Drill 3 » et « Break Contact » dans leur « Field Manual
». Je pense même qu’une violation des quelques principes de ce procédé vaudrait
des sanctions disciplinaires au chef de l’unité qui faillirait à l’appliquer
correctement. Certainement pour laisser des armes tomber aux mains de l’ennemi.
En Afghanistan le cadeau à l’ennemi coûte 85 milliards de dollars.
Ce qui vaut
pour tous les échelons des forces armées vaut certainement pour l’échelon
politique confronté avec une négociation de désengagement sur un théâtre de
guerre. La différence est qu’on agit à une autre échelle. La guerre n’était que
la continuation d’une diplomatie échouée par d’autres moyens. On retourne donc à
la diplomatie pour résoudre le conflit. D’abord il faut être deux pour négocier,
il faut arriver à un accord acceptable par tous, une date, et il faut des
garanties et des conséquences en cas de violation des accords.
Ce sera peut-être
un Cessez-le Feu, un Armistice ou un Traité de Paix. L’accord comportera des
délais raisonnables, des clauses de sécurité pour les forces engagées et les
populations civiles et toute autre mesure pour élever le niveau de confiance
entre les parties opposées et forcer leur adhésion aux accords.
Mais, il faut
être deux pour danser ce tango. Pour l’exécution d’un tel plan il faut d’abord
un plan! Faut-il vraiment insister ? Puis, il ne faut pas confondre vitesse et
précipitation, et il ne faut pas prêter des intentions à l’ennemi, mais
envisager toutes ses possibilités ! Sans oublier d’énoncer clairement les
conséquences d’une rupture des accords.
Hélas, en Afghanistan tous ces éléments
essentiels ont été ignorés par expédience politique peut-être, mais plus
probablement par l’incompétence des échelons politiques et militaires en charge
de la conduite de la guerre et du retrait. Le résultat laisse tout un chacun
choqué. La désinvolture de l’échelon politique communique haut et fort au reste
du monde : il était une fois l’Amérique.
Sur le terrain les combattants
américains se retrouvent dans une situation amère. Tel le Lieutenant-Colonel
Stuart Scheller, Commandant un Bataillon de Marines.
Il a dit ses quatre vérités à ses chefs sur Youtube. Scheller est donc un whistleblower, un sonneur d’alerte. Dans l’establishment
cela fait mauvais genre. Car toute réclamation doit passer par la chaine de
commandement. C’est le règlement ! Il devait donc se plaindre de ses supérieurs
à ses supérieurs. L’Armée doit être la Grande Muette qui garde ses opinions
politiques en poche. Scheller a été suspendu immédiatement. La vérité blesse les
menteurs et le règlement clausewitzien les protège.
Et l’Europe dans tout cela ?
C’est un géant économique aux pieds d’argile. L’Europe n’a pas les «cojones»
du Lieutenant-Colonel Scheller. Elle n’est même pas parvenue à convaincre un
Biden perdu et obstiné dans les pénombres du marasme, de retarder la date limite
du 31 août (auto-imposée) pour la fin de l’évacuation. L’Europe est géopolitiquement
inexistante.
Face à cette défaite, les Talibans, dupliciteux, sont cruels envers
les perdants, Biden en tête. Ils ont réaffirmé qu’il n’était pas question de
reporter la date du 31août. C’est la pose du vainqueur. C’est retourner le
couteau dans la plaie auto-infligée. C’est garantir la prise en otage de tous
les citoyens occidentaux pris au piège du calendrier.
Ah oui, le Secrétaire
d’Etat US face aux Talibans s’appelle Blinken. Il dit que la situation est émouvante. Zbigniew Brzezinski, conseiller
de Lyndon Johnson a dit un jour que les USA ont « blinked » c.à.d. perdu face au
bluff de l’URSS, en fuyant des yeux les premiers. Des fois il est utile de bien gérer ses émotions.