Les élections américaines de 2020
Le 3 novembre l’Amérique décidera si elle reconduit le Président Donald
Trump, le Républicain dans sa fonction ou si en revanche elle préfère son
challenger Joe Biden, le Démocrate.
J’habite aux Etats-Unis depuis trente ans, et c’est avec un œil tantôt amusé,
tantôt surpris que je regarde les nouvelles européennes sur ces élections. Elles
sont parsemées du parti pris de celui qui les rapporte. Généralement elles sont
plus ou moins ouvertement anti-Trump et pro-Biden. La Presse luxembourgeoise est
au diapason avec les représentations de leurs collègues européens. Clairement
leur choix privilégié est Joe Biden, arguments de circonstance à l’appui. Les divers
sondages d’opinion semblent conforter ces sentiments. Joe Biden caracole en tête
de la course. Cependant il faut se méfier de cette unanimité ouverte ou
subliminale pour déclarer Biden le favori dans cette élection. Deux mois jusqu’aux
élections sont une éternité. Pendant ces deux mois les écarts vont changer, des
surprises et des éclaboussures de boue viendront secouer les sondages. Et parmi
les perdants des élections présidentielles pourraient se trouver les instituts
de sondages dont les arithmétiques sont souvent trop simplistes pour saisir les
intangibles et les convulsions dans l’électorat qui dans les dernières semaines
de campagne viennent fausser les sondages bruts.
En effet, je détecte un parallèle entre les élections de 2016 et de 2020. Au
Luxembourg, Donald Trump aurait reçu 3% de support la semaine avant les élections
de 2016, contre Hillary Clinton qui rassemblait 71% des voix. Vous connaissez
la suite. Comme cette fois-ci, j’avais prévenu dès janvier 2016 pendant les
primaires que les résultats seraient surprenants pour beaucoup. En effet que si
Hillary Clinton ne survivait pas à une enquête du FBI sur l’emploi illégal d’un
ordinateur privé pour les secrets d’Etat, ce serait Bernie Sanders qui affronterait
Donald Trump. En fin de compte les élections de 2016 produisaient Donald Trump,
une victoire du politiquement incorrect sur les dynasties politiques
traditionnelles comme Bush, Clinton, Kennedy et autres.
Ici il importe de relever la faute stratégique du Parti Démocrate : il
s’agit de l’effort mal inspiré en 2016 de faire élire la princesse héritière
Hillary Clinton en éliminant toute compétition avant les élections. Le parti avait
ainsi empêché la candidature la plus logique, celle du Vice-Président de Barack
Obama, Joe Biden. Restait un irréductible, le rebelle Bernie Sanders qui
rassemblait beaucoup de support à gauche et avait des réelles chances de succès
dans ce climat d’après-Obama. Le parti a fait obstruction à la marche vers la
nomination de Bernie Sanders. Le parti a ainsi dérobé tous les deux, Biden et
Sanders d’une meilleure chance de gagner en 2016 qu’aujourd’hui.
Mais nous voilà en 2020. Comme en 2016 déjà, Sanders a été éliminé une deuxième
fois in extremis parce que le parti favorisait ouvertement Biden cette fois-ci.
Il est vrai que Sanders n’est qu’affilié au parti démocrate en tant qu’Indépendant.
Le candidat démocrate Biden, en politique depuis 47 ans affronte donc le
candidat républicain Trump qui lui est en politique depuis 5 ans. L’électeur contemplera
les bilans politiques des deux hommes, tous deux septuagénaires, et leur santé physique
et mentale. Les paramètres qui influenceront l’électeur dans ses choix sont au
nombre de quatre :
- Son appartenance à l’un des deux partis détermine son vote. Les impondérables sont l’absentéisme et les défections. Combien de « Reagan Democrats » y aura-t-il et combien de « Never Trumpers ».
- Les réalités politiques et économiques qui sont principalement la reprise après Covid-19.
- Les émotions que la bataille politique génère, surtout dans le domaine de la sécurité. La mise a sac de grandes villes par des émeutiers plus ou moins professionnels et l’augmentation spectaculaire des meurtres combine avec l’ambition de couper les budgets des forces de police favoriseront le Président sortant.
- Finalement l’abstinence du vote est directement proportionnelle à l’enthousiasme pour un candidat. C’est une autre faiblesse actuellement du candidat Biden, confiné jusque la a une campagne virtuelle.
Il reste deux mois pour tirer les choses au clair. L’économie américaine
sous Trump était florissante jusqu’en mars 2020. L‘emploi atteignait des
niveaux historiques records surtout parmi les minorités noires et latinos. La
crise Covid-19 a mis une fin provisoire à cette abondance. Comment sortir le
mieux de la crise sera le facteur le plus important dans l’attitude de l’électeur.
Si l’avantage va au candidat qui mise
sur la prudence, Biden sera favorisé. Au contraire Trump pousse au retour à la
normale maintenant. L’histoire donnera raison à l’un ou l’autre. « C’est l’économie
tout bêtement » disait un slogan de Bill Clinton en 1992. En ce cas Biden
mise sur la moins bonne politique : trop lent pour endosser le
confinement, trop lent pour en sortir.
La liste des facteurs secondaires dans ces élections est longue : le
retour à la vie normale, la réouverture des écoles, des voyages, la distribution
d’un vaccin, le retour au plein emploi et surtout la fin des protestations
violentes qui à l’origine étaient des émeutes raciales. L’arrière-fond de ces émeutes
est à l’origine mort d’homme aux mains de la police, avec un usage plus ou
moins légitime de force létale lors d’interventions, souvent filmées par des témoins.
Ces émeutes dont certaines durent depuis plus de 100 jours à Portland, Oregon
ont été déclarées « protestations paisibles » par les media, alors
que des bâtiments officiels et des commerces étaient saccagés et mis à feu.
Des protestations similaires ou plutôt des insurgences semblables sont
actives dans une bonne dizaine de villes dirigées par des maires démocrates. On
est en présence d’une confrontation politique en arrière-fond. A qui profite le
désordre public ? Le Président avait revendiqué la pleine autorité sur les
Etats en matière sanitaire et ordre public pendant la crise sanitaire. Les gouverneurs
des Etats surtout démocrates ont protesté immédiatement, insistant sur le
principe de la subsidiarité des Etats. Donald Trump a habilement cédé, laissant
aux élus locaux la responsabilité de résoudre leurs problèmes d’ordre public et
de crise sanitaire, à moins d’appeler le gouvernement fédéral à l’aide. Trump a
ainsi récolté les accolades des gouverneurs des Etats qui ont bénéficié d’aides
considérables en matière sanitaire, y compris la mobilisation des deux plus
grands bateaux sanitaires sur les côtes est et ouest.
Alors que la crise sanitaire s’estompe un peu, l’arrivée sous peu de
vaccins contre le Covid-19 sera un soulagement qui influencera l’ampleur et le
calendrier de la reprise, donc les résultats électoraux. De même que l’issue
des débats sur la sécurité publique et la diminution des budgets des forces de
police.
Les semaines à venir seront houleuses. Trois débats Trump-Biden auront
lieu. Le plus grand défi est sur Biden : il devra surtout montrer que ses capacités
mentales, que d’aucuns questionnent, sont intactes. Sinon on revisitera le Reagan
« landslide » de1984.
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