Wednesday, September 25, 2024

Le Scandale CARITAS : on a volé €61 millions et personne n’est vraiment fâché.

 









Le Scandale CARITAS : on a volé €61 millions et personne n’est vraiment fâché.

Vers la fin du mois de juillet éclatait le scandale Caritas, en pleine trêve estivale. Pendant environ 6 mois, depuis février 2024, Caritas a effectué environ 120 transferts pour un total de 61 millions d’euros vers des comptes à la Banco Bilbao Vizcaya Argentaria, BBVA, en Espagne. Il s’agissait bel et bien d’une fraude. Les fonds transférés provenaient de 28 millions en fonds propres de Caritas, 10 millions en prêts de la Spuerkeess, et 23 millions en prêts de la BGL BNP Paribas. Le plus étonnant est le manque d’urgence à informer le public et certainement l’absence de colère dans les communications des autorités. On dirait que le mot d’ordre est de suivre le modèle testé lors de l’affaire du Bommeleeër : Ce n’était pas personne. Était-ce alors tout le monde ? En ce cas ce n’était personne !

Le complexe Budget de l’Etat - ONG

L’affaire s’inscrit dans le large contexte de l’ambition du gouvernement d’être l’élève modèle dans les initiatives internationales au niveau européen et certainement dans les initiatives des Nations Unies, où le Luxembourg avec d’autres pays développés s’est engagé à contribuer 1% de son RNB comme Aide au Développement. Actuellement seul le Luxembourg atteint le niveau de 1%, la France 0,44% et les Etats-Unis 0,22%. En chiffres, le budget pour la « Coopération au Développement et Action Humanitaire » est de €445.858.505 ou 1,67% du budget national ou 37,52% du budget du Ministère. Nous sommes en présence d’un complexe Budget de l’Etat - ONG d’aide et de secours. En dollars américains c’est un demi-milliard ! Le risque est que l’action gouvernementale crée ce genre de complexe qui développe sa dynamique propre, pour prendre une influence indue sur le gouvernement, ou à l’inverse que le gouvernement soustrait ainsi une part du budget au contrôle du Parlement en déléguant une partie de la supervision des dépenses à des tiers. C’est similaire au schéma, toutes proportions gardées, que le Président Eisenhower a développé dans son discours d’adieu du 17 janvier 1961 au sujet du complexe militaire-industriel américain qui risque de prendre une influence démesurée sur le gouvernement américain.

Quand les ONG tentent le « whistleblower », la prise d'influence

Ce qui est certain, c’est que l’ambition de dépenser un demi-milliard en aide au développement serait impossible à mener à bien par le gouvernement sans l’action des ONG sur le terrain. Le gouvernement a appris cette leçon lorsque le 5 août 2009 il a convoqué le Cercle de Coopération des ONG pour leur donner une leçon. Le Cercle avait osé publier une critique de la place financière pour son influence néfaste sur les pays en voie de développement, permettant aux kleptocrates et aux artistes de l’évasion fiscale de voler l’argent des pauvres pour le cacher dans les paradis fiscaux. Flanqué de l’ABBL le ministre de l’époque a menacé le Cercle de Coopération de couper tous les fonds aux ONG. Avant de réaliser que la démonstration par l’absurde résidait dans le dilemme : comment dès lors assurer le programme d’aide ? C’était sans doute une prise d’influence par les ONG sur le gouvernement, mais en ce cas une leçon bénéfique qui prévalait sur l’hostilité et le désir de revanche du principal donneur d’argent, furieux que des activités occultes du paradis fiscal aient été démasquées.

La générosité mal ciblée ?

Reste à évaluer la totalité de l’aide et du secours luxembourgeois. Devons-nous être champion toutes catégories des programmes des Nations Unies, ce grand machin, seuls à contribuer 1% du RNB à son projet d’aide aux pays (éternellement) en voie de développement ? Le total de l’effort d’aide luxembourgeois, national – international est-il bien équilibré ? Il me semble que non, si 15% des enfants luxembourgeois vivent en-dessous du seuil de pauvreté. Qui se qualifie pour l’obtention des subsides de l’Etat, souvent source principale de financement d’une ONG ? Quels programmes sont encouragés ?

Il me vient à l’esprit un récent reportage d’une visite au Laos présidée par le Vice-Premier Xavier Bettel. Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage. Il était flanqué de deux députés, chaperons, depuis que Reporter veille aux dépenses des ministres. Le programme luxembourgeois d’aide au Laos dans le domaine Santé a été augmenté à €35,8 millions, celui pour promouvoir le développement de l’Etat de Droit au Laos à €11,4 millions. Ce dernier poste ne manque pas d’ironie : un mois plus tôt, Didier Reynders, Commissaire européen à la Justice, s’était rendu à Luxembourg pour élaborer sur son rapport sur l’Etat de Droit luxembourgeois. L’élève Luxembourg a réussi dans deux compartiments de recommandations surveillés par la Commission pour conférer le titre « Etat de Droit », et a obtenu une Datz dans deux autres, et un « peut mieux faire » dans les deux restants. Mais on apprendra aux Laotiens comment s’y prendre pour devenir un Etat de droit ? Il est vrai que le récipiendaire d’une telle générosité ne vérifie pas les compétences du donateur.

Gouvernance, gouvernance, avons-nous une tête de gouvernance ?

Le vrai problème pour le futur est l’absence de gouvernance. Ceci offre porte ouverte à toutes sortes de problèmes comme le scandale de Caritas. C’est que le complexe Budget de l’état – ONG est une hydre a deux têtes.  Il faut éviter que le duo Budget – ONG devienne une caisse noire pour le gouvernement, ou une carte de crédit pour les ONG. Pour l’éviter, des surveillances doivent exister et être vérifiées au niveau du gouvernement, des ONG et faut-il le dire des banques qui servent cette clientèle. Ces garde-fous existent peut-être sur papier mais apparemment l’édifice n’a fonctionné à aucun niveau. Spuerkeess et BGL ont fait preuve d’un manque flagrant de bonne diligence, laissant des millions s’évaporer sans sonner l’alerte. Cela en dit long sur les mesures anti-blanchiment telles qu’elles sont pratiquées par deux piliers modèles de la place financière. Ces deux banques pourraient sans doute apprendre de BBVA qui a lancé une alerte de suspicion et a sauvé parait-il une petite partie du magot détourné. Attendons-nous à voir les crampes intestinales du système quand la CSSF, et la CRF auront à sanctionner ces deux banques, propriétés à 100% et 34% respectivement de l’état luxembourgeois. Le détail des sanctions, si sanction il y a, est à suivre de près. Chiche que ce sera bien indulgent !

 Le contribuable luxembourgeois n’a pas perdu de l’argent ?

On est mal parti pour la transparence. Les informations sur le casse bancaire manquent cruellement. On ira donc vers des spéculations. Le Premier ministre Luc Frieden s’est par contre empressé à faire le premier pas pour informer le citoyen complètement. Il n’a pas épargné les efforts pour vérifier si le contribuable a perdu de l’argent. Bonne nouvelle : la réponse est non. Croira qui voudra, ce n’est pas la vérité. Quand l’Etat, càd le contribuable est propriétaire à 34% et à 100% des banques en question, sur les €61 millions blanchis le propriétaire, qui est le contribuable, assume les pertes, soit 10 millions plus 8 millions sans analyser et inclure le cas de 28 millions en fonds propres, et le coût des sanctions contre les banques au Luxembourg et qui sait, en Espagne ?

L’ABBL s’avisera sur la question si Compliance est chère. Essayez donc la Non-Compliance.